Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LOU_1/LOU11
Pierre LOUŸS
ŒUVRES COMPLÈTES
TOME XIII
POÉSIES
1888-1920
PREMIERS VERS
LA MORT DE SAPPHO
À PIERRE QUILLARD.
ORCHESTRE
Maestoso
La nuit montait des flots, | dans un frémissement 6+6 a
Large, éperdu, vivant, | sonore. Brusquement, 6+6 a
Le vent froid passait, puis | s’arrêtait, et de rage 6+6 b
S’emportait dans sa course | égarée et sauvage ; 6+6 b
5 La rafale arrivait, | plus vive, et par instants 6+6 a
Claquait dans les remous | des souffles haletants, 6+6 a
Ainsi qu’au tronc des mâts | le claquement des voiles. 6+6 b
Des brumes s’enfuyaient | sous le vent des étoiles. 6+6 b
Le bleu scintillement | du ciel plein de clartés, 6+6 a
10 Calme, éclairait l’horreur | des flots épouvantés ; 6+6 a
Et toutes les clameurs, | les cris, les plaintes vagues 6+6 b
Des rocs heurtés au front | par la lourdeur des vagues, 6+6 b
Le fracas des écueils | qui plongent, arrachés, 6+6 a
Les lames ruisselant | du sommet des rochers 6+6 a
15 Et rentrant dans la mer | avec un bruit d’averse, 6+6 b
Tous les cris du sinistre | Océan qui disperse 6+6 b
Les blancheurs de l’écume | à travers l’horizon, 6+6 a
Montaient avec la nuit | jusqu’à l’effloraison 6+6 a
Des astres.
… Et, debout | sur le haut promontoire, 6+6 b
20 Sapphô cria, laissant | flotter sur la nuit noire 6+6 b
Son péplos lumineux, | comme un grand albatros 6+6 a
Ouvrant son aile au vent, | prête à quitter Lesbos : 6+6 a
Allegro
Ô mer ! mer triomphale | et bouleversée ! 6+5 a
Toi qui m’exaspérais | au temps d’autrefois 6+5 b
25 Quand je me remplissais | de ta grande voix, 6+5 b
Ivre de pensée ! 5 a
Aux rires infinis | de tes flots marins 6+5 a
Quand j’écoutais, la nuit, | tes cris d’épopée, 6+5 b
Ma robe au vent flottante | et développée 6+5 b
30 Tournant sur mes reins ; 5 a
Quand ta saveur salée | agaçait ma lèvre, 6+5 a
Quand j’abaissais mes poings | en claquant des dents, 6+5 b
Quand, la tête dressée | et les bras pendants, 6+5 b
Je tremblais de fièvre ! 5 a
35 Mer ! toi qui fus ma muse | et qui m’inspiras, 6+5 a
Souviens-toi des grands soirs | où toutes mes vierges, 6+5 b
Les cheveux dénoués, | chantaient sur tes berges, 6+5 b
La cithare au bras ! 5 a
Kypris Aphrodité | qui veut des sourires 6+5 a
40 Palpitait doucement | dans nos seins voilés 6+5 b
Et mêlait sa caresse | aux cris affolés 6+5 b
De nos grandes lyres. 5 a
Maintenant, tout est mort ! | J’ai fini d’aimer ! 6+5 a
Quand je quittai Lesbos, | de honte indignée, 6+5 b
45 Quand j’avais soif d’amour, | on m’a dédaignée : 6+5 b
Mer, viens me calmer ! 5 a
J’ai fait sauter du poing | les fils de ma lyre 6+5 a
Pour ne plus chanter d’autre | amour que le sien. 6+5 b
Mer ! je reviens vers toi | comme au temps ancien, 6+5 b
50 Finis mon martyre. 5 a
Si je ne peux plus voir | les yeux adorés, 6+5 a
Si j’ai fini d’aimer, | j’ai fini de vivre. 6+5 b
Viens rouler sur mon corps, | ô mer toujours ivre, 6+5 b
Tes flots effarés ! 5 a
mètre profils métriques : 5, 6+6, 6+5
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