Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LOU_1/LOU101
Pierre LOUŸS
ŒUVRES COMPLÈTES
TOME XIII
POÉSIES
1888-1920
STANCES
PERVIGILIUM MORTIS
« Ouvre sur moi tes yeux | si tristes et si tendres, 6+6 a
Miroirs de mon étoile, | asiles éclairés, 6+6 b
Tes yeux plus solennels | de se voir adorés, 6+6 b
Temples où le silence | est le secret d’entendre. 6+6 a
5 Quelle île nous conçut | des strophes de la mer ? 6+6 a
Onde où l’onde s’enroule | à la houle d’une onde, 6+6 b
Les vagues de nos soirs | expirent sur le monde 6+6 b
Et regonflent en nous | leurs eaux couleur de chair. 6+6 a
Un souffle d’île heureuse | et de santal soulève 6+6 a
10 Tes cheveux, innombrables ailes, | et nous fuit 8+4 b
De la nuit à la rose, | arôme, dans la nuit, 6+6 b
Par delà ton sein double | et pur, Delphes du rêve. 6+6 a
Parle. Ta voix s’incline | avec ta bouche. Un dieu 6+6 a
Lui murmure les mots | de la mélancolie 6+6 b
15 Hâtive d’être aimée | autant qu’elle est jolie 6+6 b
Et qui dans les ferveurs | sent frémir les adieux. 6+6 a
Ta voix, c’est le soupir | d’une enfance perdue. 6+6 a
C’est ta fragilité | qui vibre de mourir. 6+6 b
C’est ta chair qui, toujours | plus fière de fleurir, 6+6 b
20 Toujours se croit dans l’ombre | à demi descendue. 6+6 a
Enlaçons-nous. Le vent | vertigineux des jours 6+6 a
Arrache la corolle | avant la feuille morte. 6+6 b
Le vent qui tourne autour | de la vie et l’emporte 6+6 b
Sans vaincre nos désirs | peut rompre nos amours. 6+6 a
25 Et s’il veut nous ravir | à la vertu d’éclore, 6+6 a
Que nous restera-t-il | de ce jour surhumain ? 6+6 b
La fièvre du front lourd, | trop lourd pour une main, 6+6 b
Et le songe, qui meurt | brusquement à l’aurore. 6+6 a
— Nous mourrons lentement. | Je meurs dès aujourd’hui. 6+6 a
30 Mon regard éperdu | va perdre sa lumière, 6+6 b
Ma voix d’enfant, ma voix | pâlira la première, 6+6 b
Mon rire, mon sourire | et l’amour avec lui. 6+6 a
Dis ! quel amour futur, | simple frère du nôtre, 6+6 a
Goûtera la fraîcheur | de tout ce qui nous plût ? 6+6 b
35 Qui sentira brûlants, | quand nous ne serons plus, 6+6 b
Les vers qu’entre nos bras | nous fîmes l’un pour l’autre ? 6+6 a
Périr ! Et le savoir ! | N’attendre que l’effroi ! 6+6 a
Regarde s’étoiler | mes jeunes doigts funèbres. 6+6 b
Je touche en me haussant | les ailes des ténèbres. 6+6 b
40 Par quel matin d’hiver | crierai-je que j’ai froid ? 6+6 a
Aurore qui grandit, | crépuscule qui tombe. 6+6 a
Sur mon être au linceul, | déjà presque enterré, 6+6 b
Les orgues rugiront | du ciel : Dies Iræ ! 6+6 b
Et les fleurs de mon lit | me suivront sur la tombe. 6+6 a
45 Non ! Pas encor ! Ce soir | nous exalte en sursaut. 6+6 a
Ferme sur toute moi, | sur moi, ton bras qui tremble. 6+6 b
Nos deux corps, nos deux cœurs, | nos deux bouches ensemble ! 6+6 b
Ah ! je vis !… Tout est chaud ! | Tout est chaud ! Tout est chaud ! 6+6 a
— Nul ne peut abolir | que par un jour d’automne, 6+6 a
50 Moi qui t’étreins ici, | je ne t’aie emporté 6+6 b
L’encens, la myrrhe et l’or | de ta divinité, 6+6 b
Le beau sang d’Aphrodite | et le sang de Latone. 6+6 a
Nul ne peut, lorsqu’Amour | se fit chair, menacer 6+6 a
Ni verbe ni mutisme | oublieux ou vivace. 6+6 b
55 Le rythme de deux cœurs | frappe et marque la trace 6+6 b
De deux pas, sur le sol, | sur le roc du passé. 6+6 a
Que la mort, désormais, | de ses mains maternelles, 6+6 a
T’épargne les douleurs | de tes lointains hivers : 6+6 b
Le Temps même ne peut | faire mourir un vers 6+6 b
60 Au chérissant esprit | que penchent tes prunelles. 6+6 a
Comme au jour d’alliance | où tu vins et pleuras 6+6 a
Sur nos destins épars, | sur notre vie en cendres, 6+6 b
Ouvre sur moi tes yeux | si tristes et si tendres. 6+6 b
J’enferme le bonheur | tout entier dans mes bras. » 6+6 a
65 Laissez-vous assombrir, | fleur noire, courbes d’urne, 6+6 a
Long corps fluide et sauf | des brumes du Léthé. 6−6 b
Disparaissez du soir | dans l’univers nocturne. 6+6 a
La couleur qui s’éteint | remonte à la clarté. 6+6 b
Libre des dieux, une onde | éternelle peut naître 6+6 a
70 Où moururent les jours | qui murmurent : « J’aimais », 6+6 b
Si le Verbe au sang pur | trouve aux sources de l’être 6+6 a
Le battement du vers | dans la vie à jamais. 6+6 b
mètre profil métrique : 6=6
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