Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LFT_3/LFT356
Jean de LA FONTAINE
ŒUVRES DIVERSES I
1658-1694
ÉLÉGIES
ÉLÉGIE IV
A CLYMÈNE
Ah ! Clymène, j'ai cru | vos yeux trop de léger ; 6+6 a
Un seul mot les a fait | de langage changer. 6+6 a
Mon amour vous déplaît ; | je vous nuis, je vous gêne : 6+6 b
Que ne me laissiez-vous | vous dissimuler ma peine ? 6+6 b
5 Ne pouvois-je mourir | sans que l'on sût pourquoi ? 6+6 a
Vouliez-vous qu'un rival | pût triompher de moi ? 6+6 a
Tandis qu'en vous voyant | il goûte des délices, 6+6 b
Vous le rendez heureux | encor par mes supplices : 6+6 b
Il en jouit, Clymène, | et vous y consentez ! 6+6 a
10 Vos regards et mes jours | par lui seront comptés ! 6+6 a
J'ose à peine vous voir ; | il vous parle à toute heure ! 6+6 b
Honte, dépit, amour, | quand faut-il que je meure ? 6+6 b
Hélas ! étois-je né | pour un si triste sort ? 6+6 a
Sont-ce là les plaisirs | qui m'attendoient encor ? 6+6 a
15 Vous me deviez, Clymène, | une autre destinée. 6+6 b
Mais, puisque mon ardeur | est par vous condamnée, 6+6 b
Le jour m'est ennuyeux, | le jour ne m'est plus rien. 6+6 a
Qui me consolera ? | je fuis tout entretien ; 6+6 a
Mon cœur veut s'occuper | sans relâche à sa flamme. 6+6 b
20 Voilà comme on vous sert ; | on n'a que vous dans l'âme. 6+6 b
Devant que sur vos traits | j'eusse porté les yeux, 6+6 a
Je puis dire que tout | me rioit sous les cieux. 6+6 a
Je n'importunois pas | au moins par mes services ; 6+6 b
Pour moi le monde entier | étoit plein de délices : 6+6 b
25 J'étois touché des fleurs, | des doux sons, des beaux jours ; 6+6 a
Mes amis me cherchoient, | et parfois mes amours. 6+6 a
Que si j'eusse voulu | leur donner de la gloire, 6+6 b
Phébus m'aimoit assez | pour avoir lieu de croire 6+6 b
Qu'il n'eût en ce moment | osé se démentir. 6+6 a
30 Je ne l'invoque plus | que pour vous divertir. 6+6 a
Tous ces biens que j'ai dits | n'ont plus pour moi de charmes 6+6 b
Vous ne m'avez laissé | que l'usage des larmes ; 6+6 b
Encor me prive-t-on | du triste reconfort. 6+6 a
D'en arroser les mains | qui me donnent la mort. 6+6 a
35 Adieu plaisirs, honneurs, | louange bien-aimée ; 6+6 b
Que me sert le vain bruit | d'un peu de renommée ? 6+6 b
J'y renonce à présent ; | ces biens ne m'étoient doux 6+6 a
Qu'autant qu'ils me pouvoient | rendre digne de vous. 6+6 a
Je respire à regret ; | l'âme m'est inutile. 6+6 b
40 J'aimerois autant être | une cendre infertile 6+6 b
Que d'enfermer un cœur | par vos traits méprisé 6+6 a
Clymène, il m'est nouveau | de le voir refusé. 6+6 a
Hier encor, ne pouvant | maîtriser mon courage, 6+6 b
Je dis sans y penser : | Tout changement soulage, 6+6 b
45 Amour, viens me guérir | par un autre tourment. 6+6 a
Non, ne viens pas, Amour, | dis-je au même moment ; 6+6 a
Ma cruelle me plaît. | Vois ses yeux et sa bouche. 6+6 b
O dieu ! qu'elle a d'appas ! | qu'elle plaît ! qu'elle touche ! 6+6 b
Dis-moi s'il fut jamais | rien d'égal dans ta cour. 6+6 a
50 Ma cruelle me plaît ; | non, ne viens pas, Amour. 6+6 a
Ainsi je m'abandonne | au charme qui me lie : 6+6 b
Les nœuds n'en finiront | qu'avec ceux de ma vie. 6+6 b
Puissent tous les malheurs | s'assembler contre moi 6+6 a
Plutôt que je vous manque | un seul moment de foi ! 6+6 a
55 Comme ai-je pu tomber | dans une autre pensée ? 6+6 b
Un premier mouvement | vous a donc offensée ? 6+6 b
Punissez-moi, Clymène, | et vengez vos appas ; 6+6 a
Avancez, s'il se peut, | l'heure de mon trépas. 6+6 a
Lorsque je vous rendis | ma dernière visite, 6+6 b
60 Votre accueil parut froid, | vous fûtes interdite. 6+6 b
Clymène, assurément | mon amour vous déplaît : 6+6 a
Pourquoi donc de ma mort | retardez-vous l'arrêt ? 6+6 a
Faut-il longtemps souffrir | pour l'honneur de vos charmes ? 6+6 b
Eh bien ! j'en suis content ; | baignez-vous dans mes larmes ; 6+6 b
65 Je suis à vous, Clymène : | heureux si quelque jour 6+6 a
Je vous plais par ma mort | plus que par mon amour ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université