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LFT_3/LFT343
Jean de LA FONTAINE
ŒUVRES DIVERSES I
1658-1694
FRAGMENTS DU SONGE DE VAUX
1671
FRAGMENT II
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ariste, vous voulez voir des vers de ma main, 6+6 a
Vous qui du chantre grec, ainsi que du romain, 6+6 a
Pourriez nous étaler les beautés et les grâces, 6+6 a
Et qui nous invitez à marcher sur leurs traces. 6+6 a
5 Vous ne trouverez point chez moi cet heureux art 6+6 a
Qui cache ce qu'il est, et ressemble au hasard : 6+6 a
Je n'ai point ce beau tour, ce charme inexprimable 6+6 a
Qui rend le dieu des vers sur tous autres aimable : 6+6 a
C'est ce qu'il faut avoir, si l'on veut être admis 6+6 a
10 Parmi ceux qu'Apollon compte entre ses amis. 6+6 a
Homère épand toujours ses dons avec largesse ; 6+6 a
Virgile à ses trésors sait joindre la sagesse : 6+6 a
Mes vers vous pourroient-ils donner quelque plaisir, 6+6 a
Lorsque l'antiquité vous en offre à choisir ? 6+6 a
15 Je ne l'espère pas ; et cependant ma muse 6+6 a
N'aura jamais pour vous de secret ni d'excuse ; 6+6 a
Ce que vous souhaitez, il faut vous l'accorder ; 6+6 a
C'est à moi d'obéir, à vous de commander. 6+6 a
Je vous présente donc quelques traits de ma tyre ; 6+6 a
20 Elle les a dans Vaux répétés au Zéphyre. 6+6 a
J'y fais parler quatre arts fameux dans l'univers, 6+6 a
Les palais, les tableaux, les jardins et les vers. 6+6 a
Ces arts vantent ici tour à tour leurs merveilles. 6+6 a
Je soupire en songeant au sujet de mes veilles. 6+6 a
25 Vous m'entendez, Ariste, et d'un cœur généreux 6+6 a
Vous plaignez comme moi le sort d'un malheureux. 6+6 a
Il déplut à son roi ; ses amis disparurent : 6+6 a
Mille vœux contre lui dans l'abord concoururent. 6+6 a
Malgré tout ce torrent, je lui donnai des pleurs ; 6+6 a
30 J'accoutumai chacun à plaindre ses malheurs. 6+6 a
Jadis en sa faveur j'assemblai quatre fées ; 6+6 a
Il voulut que ma main leur dressât des trophées : 6+6 a
Œuvre long, et qu'alors jeune encor j'entrepris. 6+6 a
Écoutez ces quatre arts, et décidez du prix. 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
35 Quoi ! par vous ces honneurs sont aussi contestés ? 6+6 a
Vous prétendez le prix qu'on doit à mes beautés 6+6 a
Ingrates, deviez-vous en avoir la pensée ? 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Juges, pardonnez-moi cette plainte forcée, 6+6 a
Je sais qu'en suppliante il falloit commencer ; 6+6 a
40 C'est à vous que ma voix se devoit adresser ; 6+6 a
Mais le dépit m'emporte, et puisqu'il faut tout dire, 6+6 a
Enfin voilà le fruit, trop vaine Apellanire, 6+6 a
Dont vous reconnoissez mes bienfaits aujourd'hui. 6+6 a
Contre les aquilons mon art vous sert d'appui : 6+6 a
45 N'en ayez point de honte ; en sauvant votre ouvrage, 6+6 a
J'oblige aussi les dieux dont vous tracez l'image. 6+6 a
Hé bien ! vous la tracez, mais imparfaitement ; 6+6 a
Et moi je leur bâtis un second firmament. 6+6 a
Ce que je dis pour vous, je le dis pour les autres ; 6+6 a
50 Tout ce qu'ont fait dans Vaux les Le Bruns, les Le Nôtres, 6+6 a
Jets, cascades, canaux, et plafonds si charmants, 6+6 a
Tout cela tient de moi ses plus beaux ornements. 6+6 a
Contempler les efforts de quelque main savante, 6+6 a
Juger d'une peinture, ou muette, ou parlante, 6+6 a
55 Admirer d'Apollon les pinceaux ou la voix, 6+6 a
Errer dans un jardin, s'égarer dans un bois, 6+6 a
Se coucher sur des fleurs, respirer leur haleine, 6+6 a
Écouter en rêvant le bruit d'une fontaine, 6+6 a
Ou celui d'un ruisseau roulant sur des cailloux, 6+6 a
60 Tout cela, je l'avoue, a des charmes bien doux : 6+6 a
Mais enfin on s'en passe, et je suis nécessaire. 6+6 a
Ce fut le seul besoin qui d'abord me fit plaire. 6+6 a
Les antres se trouvoient des humains habités ; 6+6 a
Avec les animaux ils formoient des cités : 6+6 a
65 Je bâtis des maisons, je composai des villes. 6+6 a
On ne vouloit alors que de simples asiles ; 6+6 a
Sur la nécessité se régloient les souhaits : 6+6 a
Aujourd'hui, que l'on veut de superbes palais, 6+6 a
Je contente chacun en plus d'une manière : 6+6 a
70 Des cinq ordres divers la grâce singulière 6+6 a
Fait voir comme il me plaît l'éclat, la majesté, 6+6 a
Ou les charmes divins de la simplicité. 6+6 a
Je ne doute donc point qu'en présence d'Oronte 6+6 a
Je n'obtienne le prix, vous n'emportiez la honte : 6+6 a
75 Confuses, vous allez recevoir cette loi, 6+6 a
Si c'est honte pour vous d'être moindres que moi. 6+6 a
Tant d'œuvres, dont je rends les savants idolâtres, 6+6 a
Colosses, monuments, cirques, amphithéâtres, 6+6 a
Mille temples par moi bâtis en mille lieux, 6+6 a
80 Les demeures des rois, celles même des dieux, 6+6 a
Rome, et tout l'univers, pour mon art sollicite. 6+6 a
Juges, accordez-moi le prix que je mérite ; 6+6 a
Car on n'auroit pas droit d'y vouloir parvenir, 6+6 a
Si de la faveur seule il falloit l'obtenir. 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
85 Juges, si j'ai souffert des reproches frivoles, 6+6 a
Ce n'est point pour manquer de droit ni de paroles : 6+6 a
Le respect seulement a retenu ma voix. 6+6 a
Palatiane veut vous imposer des lois ; 6+6 a
Les honneurs ne sont faits que pour ses mains savantes : 6+6 a
90 Ce seroit trop pour nous que d'être ses suivantes : 6+6 a
Elle m'appelle ingrate, et pense m'ébranler ; 6+6 a
Mais qui l'est de nous deux, puisqu'il en faut parler ? 6+6 a
Sans tous ses ornements, serois-je pas la même ? 6+6 a
Et quant à sa beauté, qui lui semble suprême, 6+6 a
95 Bien souvent sans la mienne on n'y penseroit pas : 6+6 a
Seule je sais donner du lustre à ses appas. 6+6 a
Contre les aquilons elle m'est nécessaire ; 6+6 a
Il n'est point de couvert qui n'en pût autant faire. 6+6 a
Où va-t-elle chercher le premier des humains ? 6+6 a
100 Quels chefs-d'œuvres alors sont sortis de ses mains ? 6+6 a
Qu'importe qu'elle serve aux dieux mêmes d'asile ? 6+6 a
Car il ne s'agit pas d'être la plus utile ; 6+6 a
C'est assez de causer le plaisir seulement, 6+6 a
Pour satisfaire aux lois de cet enchantement : 6+6 a
105 En termes assez clairs la chose est exprimée : 6+6 a
Soit donné, dit le mage, à la plus grande fée. 6+6 a
En est-il de plus grande, ayant tout bien pesé, 6+6 a
Que celle par qui l'œil est sans cesse abusé ? 6+6 a
A de simples couleurs mon art plein de magie 6+6 a
110 Sait donner du relief, de l'âme, et de la vie : 6+6 a
Ce n'est rien qu'une toile, on pense voir des corps : 6+6 a
J'évoque, quand je veux, les absents et les morts ; 6+6 a
Quand je veux, avec l'art je confonds la nature. 6+6 a
De deux peintres fameux qui ne sait l'imposture ? 6+6 a
115 Pour preuve du savoir dont se vantoient leurs mains, 6+6 a
L'un trompa les oiseaux, et l'autre les humains. 6+6 a
Je transporte les yeux aux confins de la terre : 6+6 a
Il n'est événement ni d'amour, ni de guerre, 6+6 a
Que mon art n'ait enfin appris à tous les yeux. 6+6 a
120 Les mystères profonds des enfers et des cieux 6+6 a
Sont par moi révélés, par moi l'œil les découvre : 6+6 a
Que la porte du jour se ferme, ou qu'elle s'ouvre, 6+6 a
Que le soleil nous quitte, ou qu'il vienne nous voir, 6+6 a
Qu'il forme un beau matin, qu'il nous montre un beau soir. 6+6 a
125 J'en sais représenter les images brillantes : 6+6 a
Mon art s'étend sur tout ; c'est par mes mains savantes 6+6 a
Que les champs, les déserts, les bois, et les cités, 6+6 a
Vont en d'autres climats étaler leurs beautés. 6+6 a
Je fais qu'avec plaisir on peut voir des naufrages, 6+6 a
130 Et les malheurs de Troie ont plu dans mes ouvrages : 6+6 a
Tout y rit, tout y charme ; on y voit sans horreur 6+6 a
Le pâle désespoir, la sanglante fureur, 6+6 a
L'inhumaine Cloton qui marche sur leurs traces : 6+6 a
Jugez avec quels traits je sais peindre les Grâces. 6+6 a
135 Dans les maux de l'absence on cherche mon secours : 6+6 a
Je console un amant privé de ses amours, 6+6 a
Chacun par mon moyen possède sa cruelle. 6+6 a
Si vous avez jamais adoré quelque belle 6+6 a
(Et je n'en doute point, les sages ont aimé), 6+6 a
140 Vous savez ce que peut un portrait animé : 6+6 a
Dans les cœurs les plus froids il entretient des flammes. 6+6 a
Je pourrois vous prier par celui de vos dames ; 6+6 a
En faveur de ses traits, qui n'obtiendroit le prix ? 6+6 a
Mais c'est assez de Vaux pour toucher vos esprits : 6+6 a
145 Voyez, et puis jugez ; je ne veux autre grâce. 6+6
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
J'ignore l'art de bien parler, 8 a
Et n'emploierai pour tout langage 8 b
Que ces moments qu'on voit couler 8 a
Parmi des fleurs et de l'ombrage. 8 b
150 Là luit un soleil tout nouveau : 8 a
L'air est plus pur, le jour plus beau, 8 a
Les nuits sont douces et tranquilles ; 8 a
Et ces agréables séjours 8 b
Chassent le soin, hôte des villes, 8 a
155 Et la crainte, hôtesse des cours. 8 b
Mes appas sont les alcyons 8 a
Par qui l'on voit cesser l'orage 8 b
Que le souffle des passions 8 a
A fait naître dans un courage : 8 b
160 Seule, j'arrête ses transports ; 8 a
La raison fait de vains efforts 8 a
Pour en calmer la violence : 8 a
Et si rien s'oppose à leur cours, 8 b
C'est la douceur de mon silence, 8 a
165 Plus que la force du discours. 8 b
Mes dons ont occupé les mains 8 a
D'un empereur sur tous habile, 8 b
Et le plus sage des humains 8 a
Vint chez moi chercher un asile : 8 b
170 Charles, d'un semblable dessein 8 a
Se venant jeter dans mon sein, 8 a
Fit voir qu'il étoit plus qu'un homme : 8 a
L'un d'eux pour mes ombrages verts 8 b
A quitté l'empire de Rome, 8 a
175 L'autre celui de l'univers. 8 b
Ils étoient las des vains projets 8 a
De conquérir d'autres provinces : 8 b
Que s'ils se firent mes sujets, 8 a
De mes sujets je fais des princes. 8 b
180 Tel, égalant le sort des rois, 8 a
Aristée erroit autrefois 8 a
Dans les vallons de Thessalie ; 8 a
Et tel, de mets non achetés, 8 b
Vivoit sous les murs d'Œbalie 8 a
185 Un amateur de mes beautés. 8 b
Libre de soins, exempt d'ennuis, 8 a
Il ne manquoit d'aucunes choses : 8 b
Il détachoit les premiers fruits, 8 a
Il cueilloit les premières roses ; 8 b
190 Et quand le ciel armé de vents 8 a
Arrètoit le cours des torrents 8 a
Et leur donnoit un frein de glace, 8 a
Ses jardins remplis d'arbres verts 8 b
Conservoient encore leur grâce, 8 a
195 Malgré la rigueur des hivers. 8 b
Je promets un bonheur pareil 8 a
A qui voudra suivre mes charmes ; 8 b
Leur douceur lui garde un sommeil 8 a
Qui ne craindra point les alarmes : 8 b
200 Il bornera tous ses désirs 8 a
Dans le seul retour des zéphyrs ; 8 a
Et, fuyant la foule importune, 8 a
Il verra du fond de ses bois 8 b
Les courtisans de la fortune 8 a
205 Devenus esclaves des rois. 8 b
J'embellis les fruits et les fleurs ; 8 a
Je sais parer Pomone et Flore : 8 b
C'est pour moi que coulent les pleurs 8 a
Qu'en se levant verse l'Aurore : 8 b
210 Les vergers, les parcs, les jardins, 8 a
De mon savoir et de mes mains 8 a
Tiennent leurs grâces nonpareilles ; 8 a
Là j'ai des prés, là j'ai des bois ; 8 b
Et j'ai partout tant de merveilles, 8 a
215 Que l'on s'égare dans leur choix. 8 b
Je donne au liquide cristal 8 a
Plus de cent formes différentes, 8 b
Et le mets tantôt en canal, 8 a
Tantôt en beautés jaillissantes ; 8 b
220 On le voit souvent par degrés 8 a
Tomber à flots précipités : 8 a
Sur des glacis je fais qu'il roule, 8 a
Et qu'il bouillonne en d'autres lieux ; 8 b
Parfois il dort, parfois il coule, 8 a
225 Et toujours il charmé les yeux. 8 b
Je ne finirois de longtemps 8 a
Si j'exprimois toutes ces choses : 8 b
On auroit plus tôt au printemps 8 a
Compté les œillets et les roses. 8 b
230 Sans m'écarter loin de ces bois, 8 a
Souvenez-vous combien de fois 8 a
Vous avez cherché leurs ombrages : 8 a
Pourriez-vous bien m'ôter le prix, 8 b
Après avoir par mes ouvrages 8 a
235 Si souvent charmé vos esprits ? 8 b
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Juges, attendez un moment, 8 a
Et voyez quelle est cette fée 8 b
Qui de son visage charmant 8 a
Devant Oronte fait trophée ; 8 b
240 En voilà les traits éclatants ; 8 a
Elle étoit telle avant que le printemps 4+6 a
Lui rendît ses cheveux avec ses autres charmes : 6+6 b
Lorsque les jours sont inconstants, 8 a
Elle n'est jamais sans alarmes. 8 b
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
245 Ce fut par Calliopée. 7 a
Montrez-moi, dit cette fée, 7 a
Quelque chose de plus vieux 7 a
Que la chronique immortelle 7 b
De ces murs pour qui les dieux 7 a
250 Eurent dix ans de querelle. 7 b
Bien que par les flots amers 7 a
On aille au delà des mers 7 a
Voir encor vos pyramides, 7 a
J'ai laissé des monuments 7 b
255 Et plus beaux et plus solides 7 a
Que ces vastes bâtiments. 7 b
Mes mains ont fait des ouvrages 7 a
Qui verront les derniers âges 7 a
Sans jamais se ruiner : 7 a
260 Le temps a beau les combattre ; 7 b
L'eau ne les sauroit miner, 7 a
Le vent ne peut les abattre. 7 b
Sans moi tant d'œuvres fameux, 7 a
Ignorés de nos neveux, 7 a
265 Périroient sous la poussière : 7 a
Au Parnasse seulement 7 b
On emploie une matière 7 a
Qui dure éternellement. 7 b
Si l'on conserve les noms, 7 a
270 Ce doit être par mes sons, 7 a
Et non point par vos machines : 7 a
Un jour, un jour l'univers 7 b
Cherchera sous vos ruines 7 a
Ceux qui vivront dans mes vers. 7 b
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
275 Juges, vous le savez, et dans tout cet empire 6+6 a
Mon charme est plus connu que l'air qu'on y respire ; 6+6 a
C'est le seul entretien que l'on prise aujourd'hui : 6+6 a
Pour comble de bonheur, Alcandre en est l'appui. 6+6 a
Je n'en dirai pas plus, de peur que sa puissance 6+6 a
280 N'oblige vos esprits à quelque déférence. 6+6 a
Vous jugez bien pourtant quelle est une beauté 6+6 a
Qui possède son cœur, et qui l'a mérité ; 6+6 a
Mais, sans vous prévenir par les traits du bien dire, 6+6 a
Je répondrai par ordre, et cela doit suffire. 6+6 a
285 On diroit que ces arts méritent tous le prix. 6+6 a
Chaque fée a sans doute ébranlé les esprits ; 6+6 a
Toutes semblent d'abord terminer la querelle. 6+6 a
La première a fait voir le besoin qu'on a d'elle. 6+6 a
Si j'ai de son discours marqué les plus beaux traits, 6+6 a
290 Elle loge les dieux, et moi je les ai faits. 6+6 a
Ce mot est un peu vain, et pourtant véritable : 6+6 a
Ceux qui se font servir le nectar à leur table, 6+6 a
Sous le nom de héros ont mérité mes vers ; 6+6 a
Je les ai déclarés maîtres de l'univers. 6+6 a
295 O vous qui m'écoutez, troupe noble et choisie, 6+6 a
Ainsi qu'eux quelque jour vous vivrez d'ambrosie ; 6+6 a
Mais Alcandre lui-même auroit beau l'espérer, 6+6 a
S'il n'imploroit mon art pour la lui préparer. 6+6 a
Ce point tout seul devroit me donner gain de cause : 6+6 a
300 Rendre un homme immortel sans doute est quelque chose : 6+6 a
Apellanire peut par ses savantes mains 6+6 a
L'exposer pour un temps aux regards des humains : 6+6 a
Pour moi, je lui bâtis un temple en leur mémoire ; 6+6 a
Mais un temple plus beau, sans marbre et sans ivoire, 6+6 a
305 Que ceux où d'autres arts, avec tous leurs efforts, 6+6 a
De l'univers entier épuisent les trésors. 6+6 a
Par le second discours on voit que la peinture 6+6 a
Se vante de tenir école d'imposture, 6+6 a
Comme si de cet art les prestiges puissants 6+6 a
310 Pouvoient seuls rappeler les morts et les absents ! 6+6 a
Ce sont pour moi des jeux : on ne lit point Homère, 6+6 a
Sans que tantôt Achille à l'âme si colère, 6+6 a
Tantôt Agamemnon au front majestueux, 6+6 a
Le bien-disant Ulysse, Ajax l'impétueux, 6+6 a
315 Et maint autre héros offre aux yeux son image : 6+6 a
Je les fais tous parler, c'est encor davantage. 6+6 a
La peinture après tout n'a droit que sur les corps 6+6 a
Il n'appartient qu'à moi de montrer les ressorts 6+6 a
Qui font mouvoir une âme, et la rendent visible : 6+6 a
320 Seule j'expose aux sens ce qui n'est pas sensible, 6+6 a
Et, des mêmes couleurs qu'on peint la vérité, 6+6 a
Je leur expose encor ce qui n'a point été. 6+6 a
Si pour faire un portrait Apellanire excelle, 6+6 a
On m'y trouve du moins aussi savante qu'elle ; 6+6 a
325 Mais je fais plus encore, et j'enseigne aux amants 6+6 a
A fléchir leurs amours en peignant leurs tourments. 6+6 a
Les charmes qu'Hortésie épand sous ses ombrages 6+6 a
Sont plus beaux dans mes vers qu'en ses propres ouvrages ; 6+6 a
Elle embellit les fleurs de traits moins éclatants : 6+6 a
330 C'est chez moi qu'il faut voir les trésors du printemps. 6+6 a
Enfin, j'imite tout par mon savoir suprême ; 6+6 a
Je peins, quand il me plaît, la peinture elle-même. 6+6 a
Oui, beaux-arts, quand je veux, j'étale vos attraits : 6+6 a
Pouvez-vous exprimer le moindre de mes traits ? 6+6 a
335 Si donc j'ai mis les dieux au-dessus de l'envie ; 6+6 a
Si je donne aux mortels une seconde vie ; 6+6 a
Si maint œuvre de moi, solide autant que beau, 6+6 a
Peut tirer un héros de la nuit du tombeau ; 6+6 a
Si, mort en ses neveux, dans mes vers il respire ; 6+6 a
340 Si je le rends présent bien mieux qu'Apellanire ; 6+6 a
Si de Palatiane, au prix de mes efforts, 6+6 a
Les monuments ne sont ni durables, ni forts ; 6+6 a
Si souvent Hortésie est peinte en mes ouvrages, 6+6 a
Et si je fais parler ses fleurs et ses ombrages, 6+6 a
345 Juges, qu'attendez-vous ? et pourquoi consulter ? 6+6 a
Quel art peut mieux que moi cet écrin mériter ? 6+6 a
Ce n'est point sa valeur où j'ai voulu prétendre : 6+6 a
Je n'ai considéré que le portrait d'Alcandre. 6+6 a
On sait que les trésors me touchent rarement ; 6+6 a
350 Mes veilles n'ont pour but que l'honneur seulement : 6+6 a
Gardez ce diamant dont le prix est extrême, 6+6 a
Je serai riche assez pourvu qu'Alcandre m'aime. 6+6 a
mètre profils métriques : 8, 7, 6+6, (4+6)
forme globale type : suite de strophes
schéma : 125[aa] 24[abab] 1[aabab]
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