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P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LFT_2/LFT330
Jean de LA FONTAINE
CONTES ET NOUVELLES
1668-1694
CONTES ET NOUVELLES ATTRIBUÉS A LA FONTAINE
X
LE CONTRAT
Le malheur des maris, | les bons tours des Agnès, 6+6 a
Ont été de tout temps | le sujet de la fable ; 6+6 b
Ce fertile sujet | ne tarira jamais, 6+6 a
C’est une source inépuisable : 8 b
5 À de pareils malheurs | tous hommes sont sujets ; 6+6 a
Tel qui s’en croit exempt | est tout seul à le croire ; 6+6 a
Tel rit d’une ruse d’amour, 8 b
Qui doit devenir à son tour 8 b
Le risible sujet | d’une semblable histoire. 6+6 a
10 D’un tel revers | se laisser accabler, 4+6 a
Est, à mon gré, | sottise toute pure, 4+6 b
Celui dont j’écris l’aventure, 8 b
Trouva dans son malheur | de quoi se consoler. 6+6 a
Certain riche bourgeois, | s’étant mis en ménage, 6+6 a
15 N’eut pas l’ennui | d’attendre trop longtemps 4+6 b
Les doux fruits du mariage ; 7 a
Sa femme lui donna | bientôt deux beaux enfants, 6+6 b
Une fille d’abord, | un garçon dans la suite. 6+6 c
Le fils, devenu grand, | fut mis sous la conduite 6+6 c
20 D’un précepteur ; | non pas de ces pédants 4+6 b
Dont l’aspect est rude est sauvage ; 8 a
Celui-ci, gentil personnage, 8 a
Grand maître ès arts, | surtout en l’art d’aimer, 4+6 b
Du beau monde avoit quelque usage, 8 a
25 Chantoit bien et savoit charmer ; 8 b
Et, s’il faut déclarer | tout le secret mystère, 6+6 a
Amour, dit-on, | l’avoit fait précepteur : 4+6 b
Il ne s’étoit | introduit près du frère, 4+6 a
Que pour voir de plus près la sœur. 8 b
30 Il obtient tout ce qu’il désire 8 a
Sous ce trompeur déguisement. 8 b
Bon précepteur, fidèle amant, 8 b
Soit qu’il régente ou qu’il soupire, 8 a
Il réussit également. 8 b
35 Déjà son jeune pupile 7 a
Explique Horace et Virgile ; 7 a
Et déjà la beauté | qui fait tous ses désirs 6+6 a
Sait le langage des soupirs ; 8 a
Notre maître en galanterie 8 a
40 Très-bien lui lit | pratiquer ses leçons : 4+6 b
Cette pratique | aussitôt fut suivie 4+6 a
De maux de cœur, de pâmoisons, 8 b
Non sans donner | de terribles soupçons 4+6 b
Du sujet de la maladie. 8 a
45 Enfin tout se découvre, | et, le père irrité 6+6 b
Menace, tempête, crie. 7 a
Le docteur épouvanté 7 b
Se dérobe à sa furie, 7 a
La belle volontiers | l’auroit pris pour époux ; 6+6 a
50 Pour femme volontiers | il auroit pris la belle ; 6+6 b
L’hymen étoit l’objet | de leurs voeux les plus doux, 6+6 a
Leur tendresse étoit mutuelle ; 8 b
Mais l’amour aujourd’hui | n’est, qu’une bagatelle, 6+6 a
Et l’argent seul | forme les plus beaux noeuds : 4+6 b
55 Elle étoit riche, il étoit gueux, 8 b
C’étoit beaucoup pour lui, | c’étoit trop peu pour elle. 6+6 a
Quelle corruption ! | ô siècle ! ô temps ! ô mœurs ! 6+6 a
Conformité de biens, | différence d’humeurs, 6+6 a
Souffrirons-nous toujours | ta puissance fatale, 6+6 a
60 Méprisable intérêt, | opprobre de nos jours, 6+6 b
Tyran des plus tendres amours ? 8 b
Mais faisons trêve à la morale, 8 a
Et reprenons notre discours. 8 b
Le père bien fâché, | la fille bien marrie ; 6+6 a
65 Mais que faire ? Il faut bien | réparer ce malheur 6+6 b
Et mettre à couvert son honneur. 8 b
Quel remède ? On la marie, 7 a
Mon au galant, | j’en ai dit les raisons, 4+6 a
Mais à certain quidam, | amoureux des testons 6+6 a
70 Plus que de fillette gentille, 8 a
Riche suffisamment, | et de bonne famille ; 6+6 a
Au surplus, bon enfant ; | sot, je ne le dis pas, 6+6 a
Puisqu’il ignoroit tout le cas. 8 a
Mais, quand il le saurait, | fait-il mauvaise emplette ? 6+6 b
75 On lui donne à la fois | vingt mille bons ducats, 6+6 a
Jeune épouse et besogne faite. 8 b
Combien de gens, | avec semblable dot, 4+6 a
Ont pris, le sachant bien, | la fille et le gros lot ! 6+6 a
Et celui-ci | crut prendre une pucelle : 4+6 a
80 Bien est-il vrai | qu’elle en fit les façons ; 4+6 b
Mais, quatre mois après, | la savante donzelle 6+6 a
Montra le prix de ses leçons : 8 b
Elle mit au monde une fille. 8 a
« Quoi ! déjà père de famille ! 8 a
85 Dit l’époux, étant bien surpris : 8 a
Au bout de quatre mois, | c’est trop tôt ! Je suis pris ! 6+6 a
Quatre mois, ce n’est pas mon compte. 8 a
« Sans tarder, au beau-père | il va conter sa honte, 6+6 a
Prétend qu’on le sépare, | et fait bien du fracas. 6+6 a
90 Le beau-père sourit, | et lui dit : » Parlons bas ! 6+6 a
Quelqu’un pourroit bien nous entendre. 8 b
Comme vous, jadis je fus gendre, 8 b
Et me plaignis en pareil cas ; 8 a
Je parlai, comme vous, | d’abandonner ma femme : 6+6 a
95 C’est l’ordinaire effet | d’un violent dépit. 6+6 b
Mon beau-père défunt, | Dieu veuille avoir son âme ! 6+6 a
Il étoit honnête homme | et me remit l’esprit. 6+6 b
La pilule, à vrai dire, | étoit assez amère ; 6+6 a
Mais il sut la dorer, | et, pour me.satisfaire, 6+6 a
100 D’un bon contrat | de quatre mille écus, 4+6 a
Qu’autrefois pour semblable affaire 8 b
Il avoit eu de.son beau-père, 8 b
Il augmenta la dot ; | je ne m’en plaignis plus. 6+6 a
Ce contrat doit passer | de famille en famille. 6+6 a
105 Je le gardois exprès : | ayez-en même soin ; 6+6 b
Vous pourrez en avoir besoin, 8 b
Si vous mariez votre fille. 8 a
À ce discours, | le gendre, moins fâché, 4+6 a
Prend le contrat | et fait la révérence. 4+6 b
110 Dieu préserve de mal | ceux qu’en telle occurrence 6+6 b
On console à meilleur marché ! 8 a
mètre profils métriques : 8, 7, 6+6, 4+6
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