Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LFT_2/LFT314
Jean de LA FONTAINE
CONTES ET NOUVELLES
1668-1694
LIVRE CINQUIÈME 1682 ‒ 1685
IV
LE REMÈDE
Si l’on se plaît | à l’image du vrai, 4+6 a
Combien doit-on | rechercher le vrai même ! 4+6 b
J’en fais souvent | dans mes contes l’essai, 4+6 a
Et vois toujours | que sa force est extrême, 4+6 b
5 Et qu’il attire | à soi tous les esprits. 4+6 a
Non qu’il ne faille, | en de pareils écrits, 4+6 a
Feindre les noms ; | le reste de l’affaire 4+6 a
Se peut conter, | sans en rien déguiser : 4+6 b
Mais, quant aux noms, | il faut au moins les taire ; 4+6 a
10 Et c’est ainsi | que je vais en user. 4+6 b
Près du Mans donc, | pays de sapience, 4+6 a
Gens pesant l’air, | fine fleur de Normand, 4+6 b
Une pucelle | eut naguère un amant 4+6 b
Frais, délicat, | et beau par excellence, 4+6 a
15 Jeune surtout ; | à peine son menton 4+6 c
S’étoit vêtu | de son premier coton. 4+6 c
La fille étoit | un parti d’importance ; 4+6 a
Charmes et dot, | aucun point n’y manquoit ; 4+6 a
Tant et si bien, | que chacun s’appliquoit 4+6 a
20 À la gagner : | tout le Mans y couroit. 4+6 a
Ce fut en vain ; | car le cœur de la fille 4+6 a
Inclinoit trop | pour notre jouvenceau : 4+6 b
Les seuls parents, | par un esprit manceau, 4+6 b
La destinoient | pour une autre famille. 4+6 a
25 Elle fit tant | autour d’eux, que l’amant, 4+6 a
Bon gré, mal gré, | je ne sais pas comment, 4+6 a
Eut à la fin | accès chez sa maîtresse. 4+6 a
Leur indulgence | ou plutôt son adresse, 4+6 a
Peut-être aussi | son sang et sa noblesse, 4+6 a
30 Les fit changer. | Que sais-je quoi ? Tout duit 4+6 a
Aux gens heureux ; | car, aux autres, tout nuit. 4+6 a
L’amant le fut ; | les parents de la belle 4+6 a
Surent priser | son mérite et son zèle. 4+6 a
C’étoit là tout. | Eh ! que faut-il encor ? 4+6 a
35 Force comptant ; | les biens du siècle d’or 4+6 a
Ne sont plus biens, | ce n’est qu’une ombre vaine. 4+6 a
O temps heureux ! | je prévois qu’avec peine 4+6 a
Tu reviendras | dans le pays du Maine ! 4+6 a
Ton innocence | eût secondé l’ardeur 4+6 a
40 De notre amant, | et hâté cotte affaire ; 4+6 b
Mais des parents | l’ordinaire lenteur 4+6 a
Fit que la belle, | ayant fait dans son cœurs 4+6 a
Cet hyménée, | acheva le mystère 4+6 b
Selon les us | de l’île de Gythère. 4+6 b
45 Nos vieux romans, | en leur style plaisant, 4+6 c
Nomment cela | PAROLES DE PRÉSENT. 4+6 c
Nous y voyons | pratiquer cet usage, 4+6 d
Demi-amour | et demi-mariage, 4+6 d
Table d’attente, | avant-goût de l’hymen. 4+6 a
50 Amour n’y fit | un trop long examen ; 4+6 a
Prêtre et parents | tout ensemble, et notaire, 4+6 a
En peu de jours | il consomma l’affaire : 4+6 a
L’esprit manceau | n’eut point part à ce fait. 4+6 a
Voilà notre homme | heureux et satisfait, 4+6 a
55 Passant les nuits | avec son épousée. 4+6 a
Dire comment, | ce seroit chose aisée ; 4+6 a
Les doubles clefs, | les brèches à l’enclos, 4+6 a
Les menus dons | qu’on fit à la soubrette, 4+6 b
Rendoient l’époux | jouissant en repos 4+6 a
60 D’une faveur | douce autant que secrète. 4+6 b
Avint pourtant | que notre belle, un soir, 4+6 a
En se plaignant, | dit à sa gouvernante, 4+6 b
Qui du secret | n’étoit participante : 4+6 b
« Je me sens mal ; | n’y sauroit-on pourvoir ? » 4+6 a
65 L’autre reprit : | « Il vous faut un remède ; 4+6 a
Demain malin, | nous en dirons deux mots. » 4+6 b
Minuit venu, | l’époux, mal à propos, 4+6 b
Tout plein encor | du feu qui le possède, 4+6 a
Vient de sa part | chercher soulagement ; 4+6 a
70 Car chacun sent | ici-bas son tourment. 4+6 a
On ne l’avoit | averti de la chose. 4+6 a
Il n’étoit pas | sur les bords du sommeil 4+6 b
Qui suit souvent | l’amoureux appareil, 4+6 b
Qu’incontinent, | l’Aurore aux doigts de rose 4+6 a
75 Ayant ouvert | les portes d’orient, 4+6 a
La gouvernante | ouvrit, tout en riant, 4+6 a
Remède en main, | les portes de la chambre : 4+6 a
Par grand bonheur, | il s’en rencontra deux ; 4+6 b
Car la saison | approchoit de septembre, 4+6 a
80 Mois où le chaud | et le froid sont douteux. 4+6 b
La fille alors | ne fut pas assez fine ; 4+6 a
Elle n’avoit | qu’à tenir bonne mine, 4+6 a
El faire entrer | l’amant au fond des draps, 4+6 a
Chose facile | autant que naturelle, 4+6 b
85 L’émotion | lui tourna la cervelle ; 4+6 b
Elle se cache | elle-même, et tout bas 4+6 a
Dit en deux mots | quel est son embarras, 4+6 a
L’amant fut sage ; | il présenta pour elle 4+6 b
Ce que Brunel | à Marphise montra. 4+6 a
90 La gouvernante | ayant mis ses lunettes, 4+6 a
Sur le galant | son adresse éprouva ; 4+6 b
Du bain interne | elle le régala, 4+6 b
Puis dit adieu, | puis après s’en alla. 4+6 b
Dieu la conduise, | et toutes celles-là 4+6 b
95 Qui vont nuisant | aux amitiés secrètes ! 4+6 a
Si tout ceci | passoit pour des sornettes 4+6 a
(Comme il se peut, | je n’en voudrais jurer), 4+6 a
On chercherait | de quoi me censurer. 4+6 a
Les critiqueurs | sont un peuple sévère ; 4+6 a
100 Ils me diront : | « Votre belle en sortit 4+6 b
En fille sotte | et n’ayant point d’esprit : 4+6 b
Vous lui donnez | un autre caractère ; 4+6 a
Cela nous rend | suspecte cette affaire ; 4+6 a
Nous avons lieu | d’en douter ; auquel cas 4+6 a
105 Votre prologue | ici ne convient pas. » 4+6 a
Je répondrai… | Mais que sert de répondre ? 4+6 a
C’est un procès | qui n’auroit point de fin : 4+6 b
Par cent raisons | j’aurois beau les confondre ; 4+6 a
Cicéron même | y perdroit son latin. 4+6 b
110 Il me suffit | de n’avoir, en l’ouvrage, 4+6 a
Rien avancé | qu’après des gens de foi : 4+6 b
J’ai mes garants : | que veut-on davantage ? 4+6 a
Chacun ne peut | en dire autant que moi. 4+6 b
mètre profil métrique : 4+6
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