Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LFT_2/LFT306
Jean de LA FONTAINE
CONTES ET NOUVELLES
1668-1694
LIVRE QUATRIÈME
XIII
LES LUNETTES
J’avois juréde laisser là les nonnes : 4+6 a
Car, que toujourson voie en mes écrits 4+6 b
Même sujetet semblables personnes, 4+6 a
Cela pourroitfatiguer les esprits. 4+6 b
5 Ma muse metguimpe sur le tapis ; 4+6 b
Et puis, quoi ? guimpe,et puis guimpe sans cesse, 4+6 a
Bref, toujours guimpe,et guimpe sous la presse. 4+6 a
C’est un peu trop.Je veux que les nonnains 4+6 a
Fassent les toursen amour les plus fins ; 4+6 a
10 Si ne faut-il,pour cela, qu’on épuise 4+6 a
Tout le sujet.Le moyen ! C’est un fait 4+6 b
Par trop fréquent ;je n’aurois jamais fait : 4+6 b
Il n’est greffierdont la plume y suffise. 4+6 a
Si j’y tâchois,on pourroit souonner 4+6 a
15 Que quelque casm’y feroit retourner, 4+6 a
Tant sur ce pointmes vers font de rechutes. 4+6 a
Toujours souvientà Robin de ses flûtes. 4+6 a
Or, apportonsà cela quelque fin ; 4+6 a
Je le prétends,cette tâche ici faite. 4+6 b
20 Jadis s’étoitintroduit un blondin 4+6 a
Chez des nonnains,à titre de fillette. 4+6 b
Il n’avoit pasquinze ans, que tout ne fût ; 4+6 c
Dont le galantpassa pour sœur Colette, 4+6 b
Auparavantque la barbe lui crût. 4+6 c
25 Cet entre-tempsne fut sans fruit : le sire 4+6 a
L’employa bien ;Agnès en profila. 4+6 b
Las ! quel profit !J’eusse mieux fait de dire 4+6 a
Qu’à sœur Agnèsmalheur en arriva. 4+6 b
Il lui fallutélargir sa ceinture, 4+6 a
30 Puis mettre au jourpetite créature 4+6 a
Qui ressembloitcomme deux gouttes d’eau, 4+6 a
Ce dit l’histoire,à la sœur jouvenceau. 4+6 a
Voilà scandaleet bruit dans l’abbaye : 4+6 a
« D’ cet enfantest-il plus ? Comme a-t-on, 4+6 b
35 Disoient les sœursen riant, je vous prie, 4+6 a
Trouvé céansce petit champignon ? 4+6 b
Si se n’est-il,après tout, fait lui-même » 4+6 a
La prieure esten un courroux extrême : 4+6 a
Avoir ainsisouillé cette maison ! 4+6 a
40 Bientôt on mitl’accouchée en prison ; 4+6 a
Puis il fallutfaire enquête du père. 4+6 a
Comment est-ilentré ? Comment sorti ? 4+6 b
Les murs sont hauts,antique la tourière, 4+6 a
Double la grille,et le tour très-petit. 4+6 b
45 « Seroit-ce pointquelque gaon en fille ? 4+6 a
Dit la prieure,et, parmi nos brebis, 4+6 b
N’aurions-nous point,sous de trompeurs habits, 4+6 b
Un jeune loup ?Sus, qu’on se déshabille ! 4+6 a
Je veux savoirla vérité du cas. » 4+6 a
50 Qui fut bien pris ?Ce fut la teinte ouaille : 4+6 b
Plus son esprità songer se travaille, 4+6 b
Moins il espèreéchapper d’un tel pas. 4+6 a
Nécessité,mère de stratagème, 4+6 a
Lui fit… — : Eh bien ?— Lui fit en ce moment 4+6 b
55 Lier… — Eh quoi ?— Foin ! je suis court moi-même. 4+6 a
prendre un motqui dise honnêtement 4+6 b
Ce que liale père de l’enfant ? 4+6 a
Comment trouverun détour suffisant 4+6 a
Pour cet endroit ?Vous avez ouï dire 4+6 a
60 Qu’au temps jadisle genre humain avoit 4+6 b
Fenêtre au corps,de sorte qu’on pouvoit 4+6 b
Dans le dedanstout à son aise lire : 4+6 a
Chose commodeaux médecins d’alors. 4+6 a
Mais si d’avoirune fenêtre au corps 4+6 a
65 Étoit utile,une au cœur, au contraire, 4+6 a
Ne l’étoit pas,dans les femmes surtout ; 4+6 b
Car le moyenqu’on pût venir à bout 4+6 b
De rien cacher ?Notre commune mère, 4+6 a
Dame Nature,y pourvut sagement 4+6 a
70 Par deux lacetsde pareille mesure. 4+6 b
L’homme et la femmeeurent également 4+6 a
De quoi fermerune telle ouverture. 4+6 b
La femme futlacée un peu trop dru : 4+6 a
Ce fut sa faute ;elle-même en fut cause, 4+6 b
75 N’étant jamaisà son gré trop bien close. 4+6 b
L’homme au rebours ;et le bout du tissu 4+6 a
Rendit en luila nature perplexe. 4+6 a
Bref, le lacetà l’un et l’autre sexe 4+6 a
Ne put cadrer,et se trouva, dit-on, 4+6 a
80 Aux femmes court,aux hommes un peu long. 4+6 a
Il est facileà présent qu’on devine 4+6 a
Ce que lianotre jeune imprudent : 4+6 b
C’est ce surplus,ce resté de machine, 4+6 a
Bout de lacetaux hommes excédant. 4+6 b
85 D’un brin de filil l’attacha, de sorte 4+6 a
Que tout sembloitaussi plat qu’aux nonnains ; 4+6 b
Mais, fil ou soie,il n’est.bride assez forte 4+6 a
Pour contenirce que bientôt je crains. 4+6 b
Qui ne s’échappe.Amenez-moi des saints ; 4+6 b
90 Amenez-moi,si vous voulez, des anges ; 4+6 a
Je les tiendraicréatures étranges, 4+6 a
Si vingt nonnains,telles qu’on les vit lors, 4+6 a
Ne font trouverà leur esprit un corps : 4+6 a
J’entends nonnainsayant tous les trésors 4+6 a
95 De ces trois sœursdont la fille de l’onde 4+6 a
Se fait servir ;chiches et fiers appas 4+6 b
Que le soleilne voit qu’au Nouveau-Monde ; 4+6 a
Car celui-cine les lui montre pas. 4+6 b
La prieure asur son nez des lunettes, 4+6 a
100 Pour ne jugerdu cas légèrement. 4+6 b
Tout à l’entoursont debout vingt nonnettes, 4+6 a
En un habitque vraisemblementvraisemblablement 4+6 b
N’avoient pas faitles tailleurs du couvent. 4+6 b
Figurez-vousla question qu’au sire 4+6 a
105 On donna lors :besoin n’est de le dire. 4+6 a
Touffes de lis,proportion du corps, 4+6 a
Secrets appas,embonpoint, et peau fine, 4+6 b
Fermes tetons,et semblables ressorts, 4+6 a
Eurent bientôtfait jouer la machine : 4+6 b
110 Elle échappa,rompit le fil d’un coup, 4+6 a
Comme un coursierqui romproit son licou, 4+6 a
Et sauta droitau nez de la prieure, 4+6 a
Faisant volerlunettes tout à l’heure 4+6 a
Jusqu’au plancher.Il s’en fallut bien peu 4+6 a
115 Que l’on ne vîttomber la lunetière. 4+6 b
Elle ne pritcet accident en jeu. 4+6 a
L’on tint chapitre,et, sur cette matière, 4+6 b
Fut raisonnélongtemps dans le logis. 4+6 a
Le jeune loupfut aux vieilles brebis 4+6 a
120 Livré d’abord.Elles vous l’empoignèrent, 4+6 a
À certain arbreen leur cour l’attachèrent, 4+6 a
Ayant le nezdevers l’arbre tourné, 4+6 a
Le dos à l’airavec toute la suite. 4+6 b
Et, cependantque la troupe maudite 4+6 b
125 Songe commentil sera guerdonné, 4+6 a
Que l’une vaprendre dans les cuisines 4+6 a
Tous les balais,et que l’autre s’en court 4+6 b
À l’arsenal sont les disciplines ; 4+6 a
Qu’une troisièmeenferme à double tour 4+6 b
130 Les sœurs qui sontjeunes et pitoyables ; 4+6 a
Bref, que le sort,ami du marjolet, 4+6 b
Écarte ainsitoutes les détestables : 4+6 a
Vient un meuniermonté sur son mulet, 4+6 b
Gaon carré,gaon couru des filles, 4+6 a
135 Bon compagnon,et beau joueur de quilles. 4+6 a
« Oh ! oh ! dit-il,qu’est-ce là que je voi ? 4+6 a
Le plaisant saint !Jeune homme, je te prie, 4+6 b
Qui t’a mis là ?Sont-ce ces sœurs ? Dis-moi : 4+6 a
Avec quelqu’uneas-tu fait la folie ? 4+6 b
140 Te plaisoit-elle ?Étoit-elle jolie ? 4+6 b
Car, à te voir,tu me portes, ma foi, 4+6 a
(Plus je regardeet mire ta personne) 4+6 a
Tout le minoisd’un vrai croqueur de nonnes. » 4+6 a
L’autre répond :« Hélas ! c’est le rebours ; 4+6 a
145 Ces nonnes m’onten vain prié d’amours : 4+6 a
Voilà mon mal.Dieu me doint patience ! 4+6 a
Car de commettreune si grande offense, 4+6 a
J’en fais scrupule,et fût-ce pour le roi, 4+6 a
Me donnât-onaussi gros d’or que moi. » 4+6 a
150 Le meunier rit :et, sans autre mystère, 4+6 a
Vous le délie,et lui dit : « Idiot, 4+6 b
Scrupule ! toiqui n’es qu’un pauvre hère ! 4+6 a
C’est bien à nousqu’il appartient d’en faire ! 4+6 a
Notre curéne seroit pas si sot. 4+6 b
155 Vile, fuis-t’en,m’ayant mis en ta place ; 4+6 a
Car, aussi bien,tu n’es pas, comme moi, 4+6 b
Franc du collier,et bon pour cet emploi : 4+6 b
Je n’y veux pointde quartier ni de grâce. 4+6 a
Viennent ces sœurs !Toutes, je te répond, 4+6 a
160 Verront beau jeu,si la corde ne rompt. » 4+6 a
L’autre deux foisne se le fait redire ; 4+6 a
Il vous l’attache,et puis lui dit adieu. 4+6 b
Large d’épaule,on auroit vu le sire 4+6 a
Attendre nules nonnains en ce lieu. 4+6 b
165 L’escadron vient,porte en guise de cierges 4+6 a
Gaules et fouets,procession de verges, 4+6 a
Qui fit la rondeà l’entour du meunier, 4+6 a
Sans lui donnerle temps de se montrer, 4+6 a
Sans l’avertir,« Tout beau, dit-il, mesdames, 4+6 a
170 Vous vous trompez ;considérez-moi bien : 4+6 b
Je ne suis pascet ennemi des femmes, 4+6 a
Ce scrupuleuxqui ne vaut rien à rien. 4+6 b
Employez-moi ;vous verrez des merveilles : 4+6 a
Si je dis faux,coupez-moi les oreilles. 4+6 a
175 D’un certain jeuje viendrai bien à bout : 4+6 a
Mais quant au fouet,je n’y vaux rien du tout. 4+6 a
— Qu’entend ce rustre,et que nous veut-il dire ? 4+6 a
S’écria lorsune de nos sans-dents : 4+6 b
Quoi ! tu n’es pasnotre faiseur d’enfant ? 4+6 b
180 Tant pis pour toi !Tu paieras pour le sire : 4+6 a
Nous n’avons pastelles armes en main, 4+6 c
Pour demeureren un si beau chemin. 4+6 c
Tiens, tiens, voilàl’ébat que l’on désire ! » 4+6 a
À ce discours,fouets de rentrer en jeu 4+6 a
185 Verges d’aller,et non pas pour un peu ; 4+6 a
Meunier de direen langue intelligible, 4+6 a
Crainte de n’êtreassez bien entendu : 4+6 b
« Mesdames, jeferai tout mon possible, 4+6 a
Pour m’acquitterde ce qui vous est dû. » 4+6 b
190 Plus il leur tientdes discours de la sorte, 4+6 a
Plus la fureurde l’antique cohorte 4+6 a
Se fait sentir.Longtemps il s’en souvint. 4+6 a
Pendant qu’on donneau mtre l’anguillade, 4+6 b
Le mulet faitsur l’herbette gambade. 4+6 b
195 Ce qu’à la finl’un et l’autre devint, 4+6 a
Je ne le sais,ni ne m’en mets en peine : 4+6 a
Suffît d’avoirsauvé le jouvenceau. 4+6 b
Pendant un temps,les lecteurs, pour douzaine 4+6 a
De ces nonnainsau corps gent et si beau, 4+6 b
200 N’auroient voulu,je gage, être en sa peau. 4+6 b
mètre profil métrique : 4+6
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