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LFT_2/LFT292
Jean de LA FONTAINE
CONTES ET NOUVELLES
1668-1694
LIVRE TROISIÈME – 1671
XIII
LE PETIT CHIEN
QUI SECOUE DE L’ARGENT ET DES PIERRERIES
La clef du coffre-fort et des cœurs, c’est la même. 6+6 a
Que si ce n’est celle des cœurs, 8 b
C’est du moins celle des faveurs : 8 b
Amour doit à ce stratagème 8 a
5 La plus grand’part de ses exploits. 8 c
A-t-il épuisé son carquois, 8 c
Il met tout son salut en ce charme suprême. 6+6 a
Je tiens qu’il a raison ; car qui hait les présents ? 6+6 d
Tous les humains en sont friands, 8 d
10 Princes, rois, magistrats. Ainsi, quand une belle 6+6 e
En croira l’usage permis, 8 f
Quand Vénus ne fera que ce que fait Thémis, 6+6 f
Je ne m’écrierai pas contre elle. 8 e
On a bien plus d’une querelle 8 e
15 À lui faire, sans celle-là. 8 g
Un juge mantouan belle femme épousa. 6+6 g
Il s’appeloit Anselme ; on la nommoit Argie : 6+6 h
Lui, déjà vieux barbon ; elle, jeune et jolie, 6+6 h
Et de tous charmes assortie. 8 h
20 L’époux, non content de cela, 8 g
Fit si bien par sa jalousie, 8 h
Qu’il rehaussa de prix celle-là ; qui d’ailleurs 6+6 b
Méritoit de se voir servie 8 h
Par les plus beaux et les meilleurs. 8 b
25 Elle le fut aussi : d’en dire la manière, 6+6 i
Et comment s’y prit chaque amant, 8 j
Il seroit long : suffit, que cet objet charmant 6+6 j
Les laissa soupirer et ne s’en émut guère. 6+6 i
Amour établissoit chez le juge ses lois, 6+6 c
30 Quand l’État mantouan, pour chose de grand poids, 6+6 c
Résolut d’envoyer ambassade au saint-père. 6+6 i
Comme Anselme étoit juge, et de plus magistrat, 6+6 k
Vivoit avec assez d’éclat, 8 k
Et ne manquoit pas de prudence, 8 l
35 On le députe en diligence. 8 l
Ce ne fut pas, sans résister, 8 m
Qu’au choix qu’on fit de lui, consentit.le bonhomme. 6+6 n
L’affaire étoit longue, à traiter ; 8 m
Il devoit demeurer dans Rome 8 n
40 Six mois, et plus encor ; que savoit-il combien ? 6+6 o
Tant d’honneur pouvoit nuire au conjugal lien. 6+6 o
Longue ambassade et long voyage 8 p
Aboutissent à cocuage. 8 p
Dans cette crainte, notre époux 8 q
45 Fit cette harangue à la belle : 8 e
« On nous sépare, Argie : adieu, soyez fidèle 6+6 e
À celui qui n’aime que vous. 8 q
Jurez-le-moi ; car, entre nous, 8 q
J’ai sujet d’être un peu jaloux. 8 q
50 Que fait autour de notre porte 8 s
Cette soupirante cohorte ? 8 s
Vous me direz que jusqu’ici 8 t
La cohorte a mal réussi : 8 t
Je le crois ; cependant, pour plus grande assurance, 6+6 l
55 Je vous conseille, en mon absence, 8 l
De prendre pour séjour noire maison des champs. 6+6 d
Fuyez la ville et les amants 8 d
Et leurs présents ; 4 d
L’invention en est damnable ; 8 u
60 Des machines d’Amour, c’est la plus redoutable : 6+6 u
De tout temps, le monde a vu Don 8 v
Être le père d’Abandon. 8 v
Déclarez-lui la guerre ; et soyez sourde, Argie, 6+6 h
À sa sœur la Cajolerie. 8 h
65 Dès que vous sentirez approcher les blondins, 6+6 w
Fermez vite vos yeux, vos oreilles, vos mains. 6+6 w
Rien ne vous manquera ; je vous fais la maîtresse 6+6 x
De tout ce que le ciel m’a donné de richesse : 6+6 x
Tenez, voilà les clefs de l’argent, des papiers ; 6+6 y
70 Faites-vous payer des fermiers ; 8 y
Je ne vous demande aucun compte : 8 z
Suffit que je puisse sans honte 8 z
Apprendre vos plaisirs ; je vous les permets tous, 6+6 q
Hors ceux d’amour, qu’à votre époux 8 q
75 Vous garderez entiers pour son retour de Rome, » 6+6 n
C’en étoit trop pour le bonhomme ; 8 n
Hélas ! il permettait tous plaisirs, hors un point 6+6 a
Sans lequel seul il n’en est point. 8 a
Son épouse lui fit promesse solennelle 6+6 e
80 D’être sourde, aveugle et cruelle, 8 e
Et de ne prendre aucun présent ; 8 j
Il la retrouveroit, au retour, toute telle, 6+6 e
Qu’il la laissoit en s’en allant, 8 j
Sans nul vestige de galant. 8 d
85 Anselme étant parti, tout aussitôt Argie. 6+6 h
S’en alla demeurer aux champs ; 8 d
Et tout aussitôt les amants 8 d
De l’aller voir firent partie. 8 h
Elle les renvoya ; ces gens l’embarrassoient, 6+6 b
90 L’attiédissoient, l’affadissoient, 8 b
L’endormoient, en contant leur flamme ; 8 c
Ils déplaisoient tous à la dame, 8 c
Hormis certain jeune blondin 8 o
Bien fait, et beau par excellence, 8 l
95 Mais qui no put, par sa souffrance, 8 l
Amener à son but cet objet inhumain. 6+6 o
Son nom étoit Atis ; son métier, paladin. 6+6 o
Il ne plaignit, en son dessein, 8 o
Ni les soupirs ni la dépense. 8 l
100 Tout moyen par lui fut tenté : 8 m
EncoreEncor si des soupirs il se fût contenté ! 6+6 m
La source en est inépuisable ; 8 u
Mais de la dépense, c’est trop. 8 d
Le bien de notre amant s’en va le grand galop ; 6+6 d
105 Voilà mon homme misérable. 8 u
Que fait-il ? il s’éclipse, il part, il va chercher 6+6 m
Quelque désert pour se cacher. 8 m
En chemin, il rencontre un homme, 8 n
Un manant, qui, fouillant avecque son bâton, 6+6 v
110 Vouloit faire sortir un serpent d’un buisson. 6+6 v
Atis s’enquit de la raison. 8 v
« C’est, reprit le manant, afin que je l’assomme. 6+6 n
Quand j’en rencontre sur mes pas, 8 e
Je leur fais de pareilles fêtes. 8 f
115 — Ami, reprit Atis, laisse-le ; n’est-il pas 6+6 e
Créature de Dieu, comme les autres bêtes ? » 6+6 f
Il est à remarquer que notre paladin 6+6 o
N’avoit pas cette horreur, commune au genre humain, 6+6 o
Contre la gent reptile et toute son’espèce. 6+6 x
120 Dans ses armes il en portoit 8 g
Et de Cadmus il descendoit, 8 g
Celui-là qui devint serpent sur sa vieillesse. 6+6 x
Force fut au manant de quitter son dessein ; 6+6 o
Le serpent se sauva. Notre amant, à la fin, 6+6 o
125 S’établit dans un bois écarté, solitaire : 6+6 i
Le silence y faisoit sa demeure ordinaire, 6+6 i
Hors quelque oiseau qu’on entendoit, 8 g
Et quelque écho qui répondoit. 8 g
Là, le bonheur et la misère 8 i
130 Ne se distinguoient point, égaux en dignité. 6+6 m
Chez les loups qu’hébergeoit ce lieu peu fréquenté, 6+6 m
Atis n’y rencontra nulle tranquillité ; 6+6 m
Son amour l’y suivit ; et cette solitude, 6+6 h
Bien loin d’être un remède à son inquiétude, 6+6 h
135 En devint même l’aliment, 8 j
Par le loisir qu’il eut d’y plaindre son tourment. 6+6 j
Il s’ennuya bientôt de ne plus voir sa belle, » 6+6 e
Retournons, se dit-il, puisque c’est notre sort : 6+6 i
Atis, il t’est plus doux encor 8 i
140 De la voir ingrate et cruelle 8 e
Que d’être privé de ses traits : 8 k
Adieu, ruisseaux, ombrages frais, 8 k
Chants amoureux de Philomèle ; 8 e
Mon inhumaine seule attire à soi mes sens ; 6+6 d
145 Éloigné de ses yeux, je ne vois ni n’entends. 6+6 d
L’esclave fugitif se va remettre encore 6+6 l
En ses fers, quoique durs, mais, hélas ! trop chéris. » 6+6 f
Il approchoit des murs qu’une fée a bâtis, 6+6 f
Quand, sur les bords du Mince, à l’heure que l’Aurore 6+6 l
150 Commence à s’éloigner du séjour de Thétis, 6+6 f
Une nymphe, en habit de reine, 8 m
Belle, majestueuse, et d’un regard charmant, 6+6 j
Vint s’offrir tout d’un coup aux yeux du pauvre amant, 6+6 j
Qui rêvoit alors à sa peine. 8 m
155 « Je veux, dit-elle, Atis, que vous soyez heureux : 6+6 n
Je le veux, je le puis, étant Manto la fée, 6+6 o
Votre amie et votre obligée. 8 o
Vous connaissez ce nom fameux ; 8 n
Mantoue en tient le sien : jadis, en cette terre, 6+6 i
160 J’ai posé la première pierre 8 i
De ces murs, en durée égaux aux bâtiments 6+6 d
Dont Memphis voit le Nil laver les fondements. 6+6 d
La Parque est inconnue à toutes mes pareilles : 6+6 p
Nous opérons mille merveilles : 8 p
165 Malheureuses pourtant de ne pouvoir mourir, 6+6 q
Car nous sommes d’ailleurs capables de souffrir 6+6 q
Toute l’infirmité de la nature humaine. 6+6 m
Nous devenons serpents un jour de la semaine. 6+6 m
Vous souvient-il qu’en ce lieu-ci, 8
170 Vous en tirâtes un de peine ? 8 m
C’étoit moi, qu’un manant s’en alloit assommer ; 6+6 m
Vous me donnâtes assistance : 8 l
Atis, je veux, pour récompense, 8 l
Vous procurer la jouissance 8 l
175 De celle qui vous fait aimer. 8 m
Allons-nous-en la voir : je vous donne assurance 6+6 l
Qu’avant qu’il soit deux jours de temps, 8 d
Vous gagnerez, par vos présents, 8 d
Argie et tous ses surveillants. 8 d
180 Dépensez, dissipez, donnez à tout le monde, 6+6 r
À pleines mains répandez l’or, 8 j
Vous n’en manquerez point ; c’est pour vous le trésor 6+6 j
Que Lucifer me garde en sa grotte profonde. 6+6 r
Votre belle saura quel est notre pouvoir. 6+6 s
185 Même, pour m’approcher de cette inexorable, 6+6 u
Et vous la rendre favorable, 8 u
En petit chien vous m’allez voir 8 s
Faisant mille tours sur l’herbette ; 8 t
Et vous, en pèlerin jouant de la musette, 6+6 t
190 Me pourrez, à ce son, mener chez la beauté 6+6 m
Qui lient votre cœur enchanté. » 8 m
Aussitôt fait que dit ; notre amant et la fée 6+6 o
Changent de forme en un instant : 8 j
Le voilà pèlerin chantant comme un Orphée, 6+6 o
195 Et Manto, petit’chien, faisant tours et sautant. 6+6 j
Ils vont au château de la belle. 8 e
Valets et gens du lieu s’assemblent autour d’eux : 6+6 n
Le petit chien fait rage ; aussi, fait l’amoureux ; 6+6 n
Chacun danse, et Guillot fait sauter Perronnelle. 6+6 e
200 Madame entend ce bruit, et sa nourrice y court. 6+6 u
On lui dit qu’elle vienne admirer à son tour 6+6 u
Le roi des épagneuls, charmante créature, 6+6 w
Et vrai miracle de Nature : 8 w
Il entend tout, il parle, il danse, il fait cent tours ; 6+6 x
205 Madame en fera ses amours ; 8 x
Car, veuille ou non son maître, il faut qu’il le lui vende, 6+6 y
S’il n’aime mieux le lui donner. 8 m
La nourrice en fait la demande. 8 y
Le pèlerin, sans tant tourner, 8 m
210 Lui dit tout bas le prix qu’il veut mettre à la chose ; 6+6 z
Et voici ce qu’il lui propose : 8 z
« Mon chien n’est point à vendre ; à donner, encor moins ; 6+6 a
Il fournit à tous mes besoins ; 8 a
Je n’ai qu’à dire trois paroles, 8 b
215 Sa patte entre mes mains fait tomber à l’instant, 6+6 j
Au lieu de puces, des pistoles, 8 b
Des perles, des rubis, avec maint diamant : 6+6 j
C’est un prodige enfin. Madame cependant 6+6 j
En a, comme on dit, la monnoie. 8 c
220 Pourvu que j’aieaye cette joie 8 c
De coucher avec elle une nuit seulement, 6+6 j
Favori sera sien, dès le même moment. 6+6 j
La proposition surprit fort la nourrice. 6+6 d
Quoi ! madame l’ambassadrice ! 8 d
225 Un simple pèlerin ! Madame à son chevet 6+6 m
Pourroit voir un bourdon ! Et si l’on le savoit ! 6+6 g
Si, cette même nuit, quelque hôpital avoit 6+6 g
Hébergé le chien et son maître ! » 8 f
Mais ce maître est bien fait, et beau comme le jour ; 6+6 v
230 Cela fait passer en amour 8 v
Quelque bourdon que ce puisse être. 8 f
Atis avoit changé de visage et de traits : 6+6 k
On ne le connut pas ; c’étoient d’autres attraits. 6+6 k
La nourrice ajoutoit : « A gens de celte mine, 6+6 g
235 Comment peut-on refuser rien ? 8 o
Puis, celui-ci possède un chien 8 o
Que le royaume de la Chine 8 g
Ne paieroit pas de tout son or. 8 j
Une nuit de Madame aussi, c’est un trésor, » 6+6 j
240 J’avois oublié de vous dire 8 h
Que le drôle à son chien feignit de parler bas : 6+6 e
Il tombe aussitôt dix ducats 8 e
Qu’à la nourrice offre le sire. 8 h
Il tombe encore un diamant : 8 j
245 Atis, en riant, le ramasse. 8 i
« C’est, dit-il, pour Madame ; obligez-moi, de grâce, 6+6 i
De le lui présenter avec mon compliment. 6+6 j
Vous direz à Son Excellence, 8 l
Que je lui suis acquis, « La nourrice, à ces mots, 6+6 j
250 Court annoncer en diligence 8 l
Le petit chien et sa science, 8 l
Le pèlerin et son propos. 8 j
Il ne s’en fallut rien qu’Argie 8 h
Ne battît sa nourrice. Avoir l’effronterie 6+6 h
255 De lui mettre en esprit une telle infamie ! 6+6 h
Avec qui ? Si c’étoit encor le pauvre Atis ! 6+6 f
« Hélas ! mes cruautés sont cause de sa perte ! 6+6 k
Il ne me proposa jamais de tels partis. 6+6 f
Je n’aurois pas d’un roi cette chose soufferte, 6+6 k
260 Quelque don que l’on pût m’offrir ; 8 q
Et d’un porte-bourdon je la pourrois souffrir, 6+6 q
Moi qui suis une ambassadrice ! 8 d
— Madame, reprit la nourrice, 8 d
Quand vous seriez impératrice, 8 d
265 Je vous dis que ce pèlerin 8 o
A de quoi marchander, non pas une mortelle, 6+6 e
Mais la déesse la plus belle. 8 e
Atis, votre beau paladin, 8 o
Ne vaut pas seulement un doigt du personnage. 6+6 p
270 — Mais mon mari m’a fait jurer… 8 m
— Eh ! quoi ? de lui garder la foi du mariage ? 6+6 p
Bon ! jurer ! Ce serment vous lie-t-il davantage 6+6 p
Que le premier n’a fait ? Qui l’ira déclarer ? 6+6 m
Qui le saura ? J’en vois marcher tête levée, 6+6 o
275 Qui n’iroient pas ainsi, j’ose vous l’assurer, 6+6 m
Si sur le bout du nez tache pouvoit montrer 6+6 m
Que telle chose est arrivée. 8 o
Cela nous fait-il empirer 8 m
D’un ongle ou d’un cheveu ? Non, madame, il faut être 6+6 f
280 Bien habile pour reconnoître 8 f
Bouche ayant employé son temps et ses appas, 6+6 e
D’avec bouche qui s’est tenue à ne rien faire. 6+6 i
Donnez-vous, ne vous donnez pas, 8 e
Ce sera toujours même affaire. 8 i
285 Pour qui ménagez-vous les trésors de l’amour ? 6+6 v
Pour celui qui, je crois, ne s’en servira guère ; 6+6 i
Vous n’aurez pas grand’peine à fêter son retour, » 6+6 v
La fausse vieille sut tant dire, 8 h
Que tout se réduisit seulement à douter 6+6 m
290 Des merveilles du chien et des charmes du sire. 6+6 h
Pour cela, l’on les fit monter : 8 m
La belle étoit au lit encore. 8 l
L’univers n’eut jamais d’Aurore 8 l
Plus paresseuse à se lever. 8 m
295 Notre feint pèlerin traversa la ruelle, 6+6 e
Comme un homme ayant vu d’autres gens que des saints. 6+6 w
Son compliment parut galant et des plus fins. 6+6 w
Il surprit et charma la belle. 8 e
« Vous n’avez pas, ce lui dit-elle, 8 e
300 La mine de vous en aller 8 m
À Saint-Jacques de Compostelle ? » 8 e
Cependant, pour la régaler, 8 m
Le chien à son tour entre en lice. 8 d
On eût vu sauter Favori 8 t
305 Pour la dame et pour la nourrice, 8 d
Mais point du tout pour le mari. 8 t
Ce n’est pas tout : il se secoue : 8 l
Aussitôt perles de tomber, 8 m
Nourrice de les ramasser, 8 m
310 Soubrettes de les enfiler, 8 m
Pèlerin de les attacher 8 m
À de certains bras, dont il loue 8 l
La blancheur et le reste. Enfin il fait si bien, 6+6 o
Qu’avant que partir de la place, 8 i
315 On traite avec lui de son chien. 8 o
On lui donne un baiser pour arrhes de la grâce 6+6 i
Qu’il demandoit, et la nuit vint. 8 m
Aussitôt que le drôle tint 8 m
Entre ses bras madame Argie, 8 h
320 Il redevint Atis. La dame en fut ravie. 6+6 h
C’étoit, avec bien plus d’honneur, 8 n
Traiter monsieur l’ambassadeur. 8 n
Cette nuit eut des sœurs, et même en très-bon nombre. 6+6 o
Chacun s’en aperçut ; car d’enfermer sous l’ombre 6+6 o
325 Une telle aise, le moyen ? 8 o
Jeunes gens font-ils jamais rien, 8 o
Que le plus aveugle ne voie ? 8 c
À quelques mois de là, le saint-père renvoie 6+6 c
Anselme avec force pardons, 8 p
330 Et beaucoup d’autres menus dons. 8 p
Les biens et les honneurs pleuvoient sur sa personne. 6+6 q
De son vice-gérant il apprend tous les soins : 6+6 w
Bons certificats des voisins. 8 w
Pour les valets, nul ne lui donne 8 q
335 D’éclaircissements sur cela. 8 g
Monsieur le juge interrogea 8 g
La nourrice avec les soubrettes, 8 f
Sages personnes et discrètes ; 8 f
Il n’en put tirer ce secret. 8 e
340 Mais, comme parmi les femelles 8 r
Volontiers le diable se met, 8 e
Il survint de telles querelles, 8 r
La dame et la nourrice eurent de tels débats, 6+6 e
Que celle-ci ne manqua pas 8 e
345 À se venger de l’autre, et déclarer l’affaire : 6+6 i
Dût-elle aussi se perdre, il fallut tout conter. 6+6 m
D’exprimer jusqu’où la colère 8 i
Ou plutôt la fureur de l’époux put monter, 6+6 m
Je ne tiens pas qu’il soit possible. 8 s
350 Ainsi je m’en tairai : on peut par les effets 6+6 k
Juger combien Anselme était homme sensible. 6+6 s
Il choisit un de ses valets, 8 k
Le charge d’un billet, et mande que Madame 6+6 c
Vienne voir son mari malade en la cité. 6+6 m
355 La belle n’avoit point son village quitté : 6+6 m
L’époux alloit, venoit, et laissoit là sa femme. 6+6 c
« Il le faut en chemin écarter tous ses gens, 6+6 d
Dit Anselme au porteur de ses ordres pressants. 6+6 d
La perfide a couvert mon front d’ignominie : 6+6 h
360 Pour satisfaction, je veux avoir sa vie. 6+6 h
Poignarde-la, mais prends ton temps ; 8 d
Tâche de te sauver, voilà pour ta retraite ; 6+6 t
Prends cet or ! Si tu fais ce qu’Anselme souhaite, 6+6 t
Et punis celle offense-là, 8 g
365 Quelque part que tu sois, rien ne le manquera. 6+6 g
Le valet va trouver Argie, 8 h
Qui par son chien est avertie. 8 h
Si vous me demandez comme un chien avertit, 6+6 t
Je crois que par la jupe il tire ; 8 h
370 Il se plaint, il jappe, il soupire, 8 h
Il en veut à chacun : pour peu qu’on ait d’esprit, 6+6 t
On entend bien ce qu’il veut dire. 8 h
Favori fit bien plus ; et tout bas il apprit 6+6 t
Un tel péril à sa maîtresse. 8 x
375 « Partez pourtant, dit-il ; on ne vous fera rien : 6+6 o
Reposez-vous sur moi ; j’en empêcherai bien 6+6 o
Ce valet à l’âme traîtresse. » 8 x
Ils étoient en chemin, près d’un bois qui servoit 6+6 g
Souvent aux voleurs de refuge : 8 u
380 Le ministre cruel des vengeances du juge 6+6 u
Envoie un peu devant le train qui les suivoit, 6+6 g
Puis il dit l’ordre qu’il avoit. 8 g
La dame disparoît aux yeux du personnage ; 6+6 p
Manto la cache en un nuage. 8 p
385 Le valet étonné retourne vers l’époux, 6+6 q
Lui conte le miracle ; et son maître, en courroux, 6+6 q
Va lui-même à l’endroit. O prodige ! ô merveille ! 6+6 v
Il y trouve un palais, de beauté sans pareille : 6+6 v
Une heure auparavant, c’étoit un. champ tout nu. 6+6 w
390 Anselme, à son tour éperdu, 8 w
Admire ce palais bâti, non pour des hommes, 6+6 x
Mais apparemment pour des dieux ; 8 n
Appartements dorés, meubles très-précieux, 6+6 n
Jardins et bois délicieux : 8 n
395 On aurait peine à voir, en ce siècle où nous sommes, 6+6 x
Chose si magnifique et si riante aux yeux. 6+6 n
Toutes les portes sont ouvertes ; 8 y
Les chambres sans hôte et désertes ; 8 y
Pas une âme en ce louvre ; excepté qu’à la fin 6+6 o
400 Un More très-lippu, très-hideux, très-vilain, 6+6 o
S’offre aux regards du juge, et semble la copie 6+6 h
D’un Ésope d’Éthiopie. 8 h
Notre magistrat, l’ayant pris 8 f
Pour le balayeur du logis, 8 f
405 Et croyant l’honorer, lui donnant cet office : 6+6 d
« Cher ami, lui dit-il, apprends-nous à quel dieu 6+6 z
Appartient un tel édifice ? 8 d
Car de dire un roi, c’est trop peu. 8 z
— Il est à moi, reprit le More : » 8 l
410 Notre juge, à ces mots, se prosterne, l’adore, 6+6 l
Lui demande pardon de sa témérité. 6+6 m
’Seigneur, ajouta-t-il, que votre déité 6+6 m
Excuse un peu mon ignorance. 8 l
Certes, tout l’univers ne vaut pas la chevance 6+6 l
415 Que je rencontre ici. » Le More lui répond : 6+6 v
« Veux-tu que je l’en fasse un don ? 8 v
De ces lieux enchantés je le rendrai le maître, 6+6 f
À certaine condition. 8 v
Je ne ris point ; tu pourras être 8 f
420 De ces lieux absolu seigneur, 8 n
Si tu me veux servir deux jours d’enfant d’honneur. 6+6 n
… Entends-tu ce langage ? 6 p
Et sais-tu quel est cet usage ? 8 p
Il te le faut expliquer mieux. 8 n
425 Tu connois l’échanson du monarque des dieux ? 6+6 n
ANSELME
Ganymède ?
LE MORE
Celui-là même. 8 a
Prends que je sois Jupin, le monarque suprême, 6+6 a
Et que lu sois le jouvenceau : 8 b
Tu n’es pas tout à fait si jeune ni si beau. 6+6 b
ANSELME
430 Ah ! seigneur, vous raillez, c’est chose par trop sûre : 6+6 w
Regardez la vieillesse et la magistrature ? 6+6 w
LE MORE
Moi, railler ! Point du tout.
ANSELME
Seigneur…
LE MORE
Ne veux-tu point ? 6+6 a
ANSELME
Seigneur… »
Anselme, ayant examiné ce point, 6+6 a
Consent à la fin au mystère. 8 i
435 Maudit amour des dons’, que ne fais-tu pas faire ? 6+6 i
En page incontinent son habit est changé : 6+6 m
Toque au lieu de chapeau, haut-de-chausses troussé ; 6+6 m
La barbe seulement demeure au personnage. 6+6 p
L’enfant d’honneur Anselme, avec cet équipage, 6+6 p
440 Suit le More partout. Argie avoit ouï 6+6 t
Le dialogue entier, en certain coin cachée. 6+6 o
Pour le.More lippu, c’étoit Manto la fée, 6+6 o
Par son art métamorphosée, 8 o
Et par son art ayant bâti 8 t
445 Ce louvre en un moment ; par son art, fait un page, 6+6 p
Sexagénaire et grave. À la fin, au passage 6+6 p
D’une chambre en une autre, Argie à son mari 6+6 t
Se montre tout à coup : « Est-ce Anselme, dit-elle, 6+6 e
Que je vois ainsi déguisé ? 8 m
450 Anselme ! Il ne se peut ; mon œil s’est abusé. 6+6 m
Le vertueux Anselme à la sage cervelle 6+6 e
Me voudroit-il donner une telle leçon ? 6+6 v
C’est lui pourtant. Oh ! oh ! monsieur notre barbon, 6+6 v
Notre législateur, notre homme d’ambassade, 6+6 c
455 Vous êtes à cet âge homme de mascarade ! 6+6 c
Homme de… La pudeur me défend d’achever. 6+6 m
Quoi ! vous jugez les gens à mort pour mon affaire, 6+6 i
Vous qu’Argie a pensé trouver 8 m
En un fort plaisant adultère ! 8 i
460 Du moins, n’ai-je pas pris un More pour galant. 6+6 j
Tout me rend excusable, Atis et son mérite, 6+6 d
Et la qualité du présent. 8 j
Vous verrez tout incontinent 8 j
Si femme qu’un tel don à l’amour sollicite 6+6 d
465 Peut résister un seul moment. 8 j
More, devenez chien ? » Tout aussitôt le More 6+6 l
Redevint petit chien encore. 8 l
« Favori, que l’on danse ! À ces mots, Favori 6+6 t
Danse, et tend la patte au mari. 8 t
470 « Qu’on fasse tomber des pistoles ! » 8 b
Pistoles tombent à foison, 8 v
« Eh bien ! qu’en dites-vous ? Sont-ce choses frivoles ? 6+6 b
C’est de ce chien qu’on m’a fait don. 8 v
Il a bâti cette maison. 8 v
475 Puis, faites-moi trouver au monde une Excellence, 6+6 l
Une Altesse, une Majesté, 8 m
Qui refuse sa jouissance 8 l
À dons de cette qualité, 8 m
Surtout quand le donneur est bien fait, et qu’il aime, 6+6 a
480 Et qu’il mérite d’être aimé ! 8 m
En échange du chien, l’on me vouloit moi-même : 6+6 a
Ce que vous possédez de trop, je l’ai donné, 6+6 m
Bien entendu, monsieur ; suis-je chose si chère ? 6+6 i
Vraiment, vous me croiriez bien pauvre ménagère, 6+6 i
485 Si je Iaissois aller tel chien à ce prix-là. 6+6 g
Savez-vous qu’il a fait le louvre que voilà ? 6+6 g
Le louvre, pour lequel… Mais oublions cela, 6+6 g
Et n’ordonnez plus qu’on me tue, 8 e
Moi, qu’Atis seulement en ses lacs a fait choir : 6+6 s
490 Je le donne à Lucrèce, et voudrais bien la voir 6+6 s
Des mêmes armes combattue. 8 e
Touchez là, mon mari : la paix ! car, aussi bien, 6+6 o
Je vous défie, ayant ce chien : 8 o
Le fer ni le poison pour moi ne sont à craindre ; 6+6 f
495 Il m’avertit de tout ; il confond les jaloux. 6+6 q
Ne le soyez donc point : plus on veut nous contraindre, 6+6 f
Moins on doit s’assurer de nous, 8 q
« Anselme accorda fout. Qu’eût fait le pauvre sire ? 6+6 h
On lui promit de ne pas dire 8 h
500 Qu’il avoit été page. Un tel cas étant tu, 6+6 w
Cocuage, s’il eût voulu, 8 w
Auroit eu ses franches coudées. 8 g
Argie en rendit grâce ; et, compensations 6+6 p
D’une et d’autre part accordées, 8 g
505 On quitta la campagne à ces conditions. 6+6 p
Que devint le palais ? dira quelque critique. 6+6 h
— Le palais ? que m’importe ? Il devint ce qu’il put. 6+6 i
À moi ces questions ! Suis-je homme qui se pique 6+6 h
D’être si régulier ? Le palais disparut. 6+6 i
510 — Et le chien ? — Le chien fit ce que l’amant voulut. 6+6 i
— Mais que voulut l’amant ? — Censeur, tu m’importunes ! 6+6 j
Il voulut, par ce chien, tenter d’autres fortunes. 6+6 j
D’une seule conquête est-on jamais content ? 6+6 j
Favori se perdoit souvent : 8 j
515 Mais chez sa première maîtresse 8 x
Il revenoit toujours. Pour elle, sa tendresse 6+6 x
Devint bonne amitié. Sur ce pied, noire amant 6+6 j
L’alloit voir fort assidûment ; 8 j
Et même en l’accommodement ; 8 j
520 Argie à son époux fît un serment sincère 6+6 i
De n’avoir plus aucune affaire. 8 i
L’époux jura, de son côté, 8 m
Qu’il n’auroit plus aucun ombrage, 8 p
Et qu’il vouloit être fouetté, 8 m
525 Si jamais on le voyoit page. 8 p
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