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LFT_2/LFT281
Jean de LA FONTAINE
CONTES ET NOUVELLES
1668-1694
LIVRE TROISIÈME – 1671
II
LA MANDRAGORE
NOUVELLE TIRÉE DE MACHIAVEL
Au présent conte, on verra la sottise 4+6 a
D’un Florentin. Il avoit femme prise, 4+6 a
Honnête et sage, autant qu’il est besoin, 4+6 a
Jeune pourtant, du reste toute belle : 4+6 b
5 Et n’eût-on cru de jouissance telle 4+6 b
Dans le pays, ni même encor plus loin. 4+6 a
Chacun l’aimoit, chacun la jugeoit digne 4+6 a
D’un autre époux : car, quant à celui-ci, 4+6 b
Qu’on appeloit Nicia Calfucci, 4+6 b
10 Ce fut un sot, en son temps, très-insigne. 4+6 a
Bien le montra, lorsque bon gré mal gré 4+6 a
Il résolut d’être père appelé ; 4+6 a
Crut qu’il feroit beaucoup pour sa patrie 4+6 a
S’il la pouvoit orner de Calfuccis : 4+6 b
15 Sainte ni saint n’étoit en paradis, 4+6 b
Qui de ses voeux n’eût la tête étourdie ; 4+6 a
Tous ne savoient où mettre ses présents. 4+6 a
Il consultoit matrones, charlatans, 4+6 a
Diseurs de mots, experts sur cette affaire : 4+6 a
20 Le tout en vain ; car il ne put tant faire 4+6 a
Que d’être père. Il étoit buté là, 4+6 a
Quand un jeune homme, après avoir en France 4+6 b
Étudié, s’en revint à Florence, 4+6 b
Aussi leurré qu’aucun de par-delà ; 4+6 a
25 Propre, galant, cherchant partout fortune, 4+6 a
Bien fait de corps, bien voulu de chacune. 4+6 a
Il sut, dans peu, la carte du pays ; 4+6 a
Connut les bons et les méchants maris, 4+6 a
Et de quel bois se chauffoient leurs femelles, 4+6 a
30 Quels surveillants ils avoient mis près d’elles, 4+6 a
Les si, les car, enfin tous les détours ; 4+6 a
Comment gagner les confidents d’amours, 4+6 a
Et la nourrice, et le confesseur même, 4+6 a
Jusques au chien : tout y fait, quand on aime ; 4+6 a
35 Tout tend aux fins, dont un seul iota 4+6 a
N’étant omis, d’abord le personnage 4+6 b
Jette son plomb sur messer Nicia, 4+6 a
Pour lui donner l’ordre de cocuage. 4+6 b
Hardi dessein ! L’épouse de léans 4+6 c
40 À dire vrai, recevoit bien les gens ; 4+6 c
Mais c’étoit tout ; aucun de ses amants 4+6 c
Ne s’en pouvoit promettre davantage. 4+6 b
Celui-ci seul, Callimaque nommé, 4+6 a
Dès qu’il parut, fut très-fort à son gré. 4+6 a
45 Le galant donc près de la forteresse 4+6 a
Assied son camp, vous investit Lucrèce, 4+6 a
Qui ne manqua de faire la tigresse 4+6 a
À l’ordinaire, et l’envoya jouer. 4+6 a
Il ne savoit à quel saint se vouer, 4+6 a
50 Quand le mari, par sa sottise extrême, 4+6 a
Lui fit juger qu’il n’étoit stratagème, 4+6 a
Panneau n’étoit, tant étrange semblât, 4+6 a
Où le pauvre homme à la fin ne donnât 4+6 a
De tout son cœur, et ne s’en, affublât. 4+6 a
55 L’amant et lui, comme étant gens d’étude, 4+6 a
Avoient entre eux lié quelque habitude ; 4+6 a
Car Nice étoit docteur en droit canon : 4+6 a
Mieux eût valu l’être en autre science, 4+6 b
Et qu’il n’eût pris si grande confiance 4+6 b
60 En Callimaque. Un jour, au compagnon, 4+6 a
Il se plaignit de se voir sans lignée. 4+6 a
À qui la faute ? Il étoit vert galant ; 4+6 b
Lucrèce, jeune, et drue, et bien taillée. 4+6 a
« Lorsque j’étois à Paris, dit l’amant, 4+6 b
65 Un curieux y passa d’aventure. 4+6 a
Je l’allai voir : il m’apprit cent secrets, 4+6 b
Entre autres un pour avoir géniture ; 4+6 a
Et n’étoit chose à son compte plus sûre. 4+6 a
Le grand Mogol l’avoit avec succès 4+6 b
70 Depuis deux ans éprouvé sur sa femme : 4+6 a
Mainte princesse et mainte et mainte dame 4+6 a
En avoient fait aussi d’heureux essais. 4+6 a
Il disoit vrai ; j’en ai vu des effets. 4+6 a
Cette recette est une médecine 4+6 a
75 Faite du jus de certaine racine, 4+6 a
Ayant pour nom mandragore ; et ce jus, 4+6 a
Pris par la femme, opère beaucoup plus 4+6 a
Que ne fit onc nulle ombre monacale 4+6 a
D’aucun couvent, de jeunes frères plein : 4+6 b
80 Dans dix mois d’hui je vous fais père enfin, 4+6 b
Sans demander un plus long intervalle ; 4+6 a
Et touchez là : dans dix mois, et devant, 4+6 a
Nous porterons au baptême l’enfant. 4+6 a
— Dites-vous vrai ? repartit messer Nice : 4+6 a
85 Vous me rendez un merveilleux office. 4+6 a
— Vrai ; je l’ai vu ! Faut-il répéter tant ? 4+6 a
Vous moquez-vous, d’en douter seulement ? 4+6 a
Par votre foi, le Mogol est-il homme 4+6 a
Que l’on osât de la sorte affronter ? 4+6 b
90 Ce curieux en toucha telle somme, 4+6 a
Qu’il n’eut sujet de s’en mécontenter. 4+6 b
Nice reprit :Voilà chose admirable, 4+6 a
Et qui doit être à Lucrèce agréable ! 4+6 a
Quand lui verrai-je un poupon sur le sein ? 4+6 a
95 Notre féal, vous serez le parrain ; 4+6 a
C’est la raison ; dès hui je vous en prie. 4+6 a
— Tout doux, reprit alors notre galant ; 4+6 b
Ne soyez pas si prompt, je vous supplie : 4+6 a
Vous allez vite ; il faut auparavant 4+6 b
100 Vous dire tout. Un mal est dans l’affaire ; 4+6 a
Mais ici-bas put-on jamais tant faire, 4+6 a
Que de trouver un bien pur et sans mal ? 4+6 a
Ce jus, doué de vertu tant insigne, 4+6 b
Porte d’ailleurs qualité très-maligne : 4+6 b
105 Presque toujours il se trouve fatal 4+6 a
À celui-là qui le premier caresse 4+6 a
La patiente ; et souvent on en meurt. » 4+6 b
Nice reprit aussitôt : « Serviteur ! 4+6 b
Plus de votre herbe ; et laissons là Lucrèce 4+6 a
110 Telle qu’elle est. Bien grand merci du soin ! 4+6 a
Que servira, moi mort, si je suis père ? 4+6 b
Pourvoyez-vous de quelque autre compère : 4+6 b
C’est trop de peine ; il n’en est pas besoin. » 4+6 a
L’amant lui dit : « Quel esprit est le vôtre ! 4+6 a
115 Toujours il va d’un excès dans un autre. 4+6 a
Le grand désir de vous voir un enfant 4+6 a
Vous transportoit naguère d’allégresse ; 4+6 b
Et vous voilà, tant vous avez de presse, 4+6 b
Découra sans attendre un moment, 4+6 a
120 Oyez le reste ; et sachez que Nature 4+6 a
A mis remède à tout, fors à la mort. 4+6 b
Qu’est-il de faire, afin que l’aventure 4+6 a
Nous réussisse, et qu’elle aille à bon port ? 4+6 b
Il nous faudra choisir quelque jeune homme 4+6 a
125 D’entre le peuple, un pauvre malheureux, 4+6 b
Qui vous précède au combat amoureux, 4+6 b
Tente la voie, attire et prenne, en somme, 4+6 a
Tout le venin : puis, le danger ôté, 4+6 a
Il conviendra que de votre cô 4+6 a
130 Vous agissiez sans tarder davantage ; 4+6 a
Car soyez sûr d’être alors garanti. 4+6 b
Il nous faut faire IN ANIMA VILI 4+6 b
Ce premier pas, et prendre un personnage 4+6 a
Lourd et de peu, mais qui ne soit pourtant 4+6 c
135 Mal fait de corps, ni par trop dégtant, 4+6 c
Ni d’un toucher si rude et si sauvage, 4+6 a
Qu’à votre femme un supplice ce soit. 4+6 a
Nous savons bien que madame Lucrèce, 4+6 b
Accoutumée à la délicatesse 4+6 b
140 De Nicia, trop de peine en auroit. 4+6 a
Même il se peut qu’en venant à la chose, 4+6 a
Jamais son cœur n’y voudrait consentir. 4+6 b
Or ai-je dit un jeune homme, et pour cause ; 4+6 a
Car.plus sera d’âge pour bien agir, 4+6 b
145 Moins laissera de venin, sans nul doute : 4+6 a
Je vous promets qu’il n’en laissera goutte. » 4+6 a
Nice d’abord eut peine à digérer 4+6 a
L’expédient ; allégua le danger, 4+6 a
Et l’infamie ; il en seroit en peine ; 4+6 b
150 Le magistrat pourroit le rechercher, 4+6 a
Sur le soupçon d’une mort si soudaine : 4+6 b
Empoisonner un de ses citadins ! 4+6 a
Lucrèce étoit échappée aux blondins : 4+6 a
Onl’alloit mettre entre les bras d’un rustre ! 4+6 a
155 Je suis d’avis qu’on prenne un homme illustre, 4+6 a
Dit Callimaque, ou quelqu’un qui bientôt 4+6 a
En mille endroits cornera le mystère ! 4+6 b
Sottise et peur contiendront ce pitaud : 4+6 a
Au pis aller, l’argent le fera taire. 4+6 b
160 Votre moitié n’ayant lieu de s’y plaire, 4+6 b
Et le coquin même n’y songeant pas, 4+6 a
Vous ne tombez proprement dans le cas 4+6 a
De cocuage. Il n’est pas dit encore 4+6 a
Qu’un tel paillard ne résiste au poison ; 4+6 b
165 Et ce nous est une double raison 4+6 b
De le choisir tel, que la mandragore 4+6 a
Consume en vain sur lui tout son venin : 4+6 a
Car quand je dis qu’on meurt, je n’entends dire 4+6 b
Assurément. Il vous faudra demain 4+6 a
170 Faire choisir sur la brune le sire, 4+6 b
Et dès ce soir donner la potion : 4+6 a
J’en ai chez moi de la confection. 4+6 a
Gardez-vous bien, au reste, messer Nice, 4+6 a
D’aller paroître en aucune façon. 4+6 b
175 Ligurio choisira le garçon ; 4+6 b
C’est là son fait, laissez-lui cet office. 4+6 a
Vous vous pouvez fier à ce valet 4+6 a
Comme à vous-même ; il est sage et discret. 4+6 a
J’oublie encor que, pour plus d’assurance, 4+6 a
180 On bandera les yeux à ce paillard ; 4+6 b
Il ne saura qui, quoi, n’en quelle part, 4+6 b
N’en quel logis, ni si dedans Florence, 4+6 a
Ou bien dehors, on vous l’aura mené. » 4+6 a
Par Nicia, le tout fut approuvé. 4+6 a
185 Restait, sans plus, d’y disposer sa femme. 4+6 a
De prime-face, elle crut qu’on rioit ; 4+6 b
Puis se fâcha ; puis, jura sur son âme 4+6 a
Que mille fois plutôt on la tueroit. 4+6 b
Que diroit-on, si le bruit en couroit ? 4+6 b
190 Outre l’offense et péché trop énorme, 4+6 a
Calfuce et Dieu savoient que de tout temps 4+6 b
Elle avoit craint ces devoirs complaisants, 4+6 b
Qu’elle enduroit seulement pour la forme. 4+6 a
Puis, il viendrait quelque mâtin difforme 4+6 a
195 L’incommoder, la mettre sur les dents ! 4+6 a
« Suis-je de taille à souffrir toutes gens ? 4+6 a
Quoi ! recevoir un pitaud dans ma couche ! 4+6 a
Puis-je y songer qu’avecque du dédain ! 4+6 b
Et, par saint Jean ! ni pitaud, ni blondin, 4+6 b
200 Ni roi, ni roc, ne feront qu’autre touche, 4+6 a
Que Nicia, jamais onc à ma peau. » 4+6 a
Lucrèce étant de la sorte arrêtée, 4+6 b
On eut recours à frère Timothée : 4+6 b
Il la prêcha, mais si bien et si beau, 4+6 a
205 Qu’elle donna les mains par pénitence. 4+6 a
On l’assura, de plus, qu’on choisiroit 4+6 b
Quelque garçon d’honnête corpulence, 4+6 a
Non trop rustaud, et qui ne lui feroit 4+6 b
Mal ni dégoût. La potion fut prise. 4+6 a
210 Le lendemain, notre amant se déguise, 4+6 a
Et s’enfarine en vrai garçon meunier ; 4+6 b
Un faux menton, barbe d’étrange guise : 4+6 a
Mieux ne pouvoit se métamorphoser. 4+6 b
Ligurio, qui de la faciende 4+6 a
215 Et du complot avoit toujours été, 4+6 b
Trouve l’amant tout tel qu’il le demande, 4+6 a
Et, ne doutant qu’on n’y fût attrapé, 4+6 b
Sur le minuit le mène à messer Nice, 4+6 a
Les yeux bandés, le poil teint, et si bien 4+6 b
220 Que notre époux ne reconnut en rien 4+6 b
Le compagnon. Dans le lit il se glisse 4+6 a
En grand silence ; en grand silence aussi, 4+6 a
La patiente attend sa destinée, 4+6 b
Bien blanchement, et, ce soir, atournée. 4+6 b
225 Voire, ce soir, atournée ! et pour qui ? 4+6 a
— Pour qui ? j’entends : n’est-ce pas que la dame 4+6 a
Pour un meunier prenoit trop de souci ? 4+6 b
Vous vous trompez. Le sexe en use ainsi. 4+6 b
Meuniers ou rois, il veut plaire à toute âme. 4+6 a
230 C’est double honneur, ce semble, en une femme, 4+6 a
Quand son mérite échauffe un esprit lourd, 4+6 a
Et fait aimer les cœurs nés sans amour. 4+6 a
Le travesti changea de personnage, 4+6 a
Sitôt qu’il eut dame de tel corsage 4+6 a
235 À ses côtés, et qu’il fut dans le lit. 4+6 a
Plus de meunier ; la galande sentit 4+6 a
Auprès de soi la peau d’un honnête homme. 4+6 a
Et ne croyez qu’on employât au somme 4+6 a
De tels moments. Elle disoit tout bas : 4+6 a
240 « Qu’est ceci donc ? Ce compagnon n’est pas 4+6 a
Tel que j’ai cru ; le drôle a la peau fine : 4+6 a
C’est grand dommage ; il ne mérite, hélas ! 4+6 b
Un tel destin : j’ai regret qu’au trépas 4+6 b
Chaque moment de plaisir l’achemine. » 4+6 a
245 Tandis, l’époux, enrôlé tout de bon, 4+6 a
De sa moitié plaignoit bien fort la peine. 4+6 b
Ce fut avec une fierté de reine 4+6 b
Qu’elle donna la première façon 4+6 a
De cocuage ; et, pour le décoron, 4+6 a
250 Point ne voulut y joindre ses caresses. 4+6 a
À ce garçon, la perle des Lucrèces 4+6 a
Prendroit du goût ! Quand le premier venin 4+6 a
Fut emporté, notre amant prit la main 4+6 a
De sa mtresse ; et, de baisers de flamme, 4+6 a
255 La parcourant : « Pardon, dit-il, madame ; 4+6 a
Ne vous fâchez du tour qu’on vous a fait ; 4+6 a
C’est Callimaque ; approuvez son martyre : 4+6 b
Vous ne sauriez, ce coup, vous en dédire ; 4+6 b
Votre rigueur n’est plus d’aucun effet. 4+6 a
260 S’il est fatal, toutefois, que j’expire, 4+6 b
J’en suis content : vous avez dans vos mains 4+6 a
Un moyen sûr de me priver de vie, 4+6 b
Et le plaisir, bien mieux qu’aucuns venins, 4+6 a
M’achèvera ; tout le reste est folie, » 4+6 b
265 Lucrèce avoit jusque là résisté, 4+6 a
Non par défaut de bonne volonté, 4+6 a
Ni que l’amant ne plût fort à la belle ; 4+6 a
Mais la pudeur et la simplici 4+6 b
L’avoient rendue ingrate en dépit d’elle. 4+6 a
270 Sans dire mot, sans oser respirer, 4+6 b
Pleine de honte et d’amour tout ensemble, 4+6 a
Elle se met aussitôt à pleurer. 4+6 b
À son amant peut-elle se montrer, 4+6 b
Après cela ?Qu’en pourra-t-il penser ? 4+6 b
275 Dit-elle en soi ; et qu’est-ce qu’il lui semble ? 4+6 a
J’ai bien manqué de courage et d’esprit ! 4+6 a
Incontinent, un excès de dépit 4+6 a
Saisit son cœur, et fait que la pauvrette 4+6 b
Tourne la tête, et vers le coin du lit 4+6 a
280 Se va cacher, pour dernière retraite. 4+6 b
Elle y voulut tenir bon, mais en vain ; 4+6 a
Ne lui restant que ce peu de terrain, 4+6 a
La place fut incontinent rendue. 4+6 a
Le vainqueur l’eut à sa discrétion ; 4+6 b
285 Il en usa selon sa passion, 4+6 b
Et plus ne fut de larme répandue : 4+6 a
Honte cessa ; scrupule autant en fit. 4+6 a
Heureux sont ceux qu’on trompe à leur profit ! 4+6 a
L’aurore vint trop tôt pour Callimaque ; 4+6 a
290 Trop tôt encor pour l’objet de ses voeux. 4+6 b
« Il faut, dit-il, beaucoup plus d’une attaque 4+6 a
Contre un venin tenu si dangereux ; » 4+6 b
Les jours suivants, notre couple amoureux 4+6 b
Y sut pourvoir : l’époux ne tarda guères, 4+6 a
295 Qu’il n’eût atteint tous ses autres confrères. 4+6 a
Pour ce coup-là, fallut se séparer. 4+6 a
L’amant courut chez soi se recoucher. 4+6 a
À peine au lit il s’étoit mis encore, 4+6 a
Que notre époux, joyeux et triomphant, 4+6 b
300 Le va trouver, et lui conte comment 4+6 b
S’étoit passé le jus de mandragore. 4+6 a
« D’abord, dit-il, j’allois tout doucement 4+6 b
Auprès du lit écouter, si le sire 4+6 a
S’approcheroit, et s’il en voudroit dire : 4+6 a
305 Puis, je priai notre épouse tout bas 4+6 a
Qu’elle lui fit quelque peu de caresse, 4+6 b
Et ne craignît de gâter ses appas ; 4+6 a
C’étoit, au plus, une nuit d’embarras. 4+6 a
Et ne pensez, ce lui dis-je, Lucrèce, 4+6 b
310 Ni l’un ni l’autre en ceci me tromper ; 4+6 a
Je saurai tout : Nice se peut vanter 4+6 a
D’être homme à qui l’on n’en donne à garder ; 4+6 a
Vous savez bien qu’il y va de ma vie. 4+6 b
N’allez donc point faire la renchérie ; 4+6 b
315 Montrez par là que vous savez aimer 4+6 a
Votre mari, plus qu’on ne croit encore : 4+6 a
C’est un beau champ. Que si cette pécore 4+6 a
Fait le honteux, envoyez sans tarder 4+6 a
M’en avertir ; car je me vais coucher ; 4+6 a
320 Et n’y manquez ! Nous y mettrons bon ordre. 4+6 a
Besoin n’en eut : tout fut bien jusqu’au bout. 4+6 b
Savez-vous bien que ce rustre y prit goût ? 4+6 b
Le drôle avoit tantôt peine à démordre : 4+6 a
J’en ai pitié ; je le plains, après tout. 4+6 b
325 N’y songeons plus ; qu’il meure, et qu’on l’enterre ; 4+6 a
Et quant à vous, venez nous voir souvent. 4+6 b
Nargue de ceux qui me faisoient la guerre ! 4+6 a
Dans neuf mois d’hui, je leur livre un enfant. ». 4+6 b
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