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LFT_2/LFT279
Jean de LA FONTAINE
CONTES ET NOUVELLES
1668-1694
LIVRE DEUXIÈME 1667 — 1669
XVI
MAZET DE LAMPORECHIO
NOUVELLE TIRÉE DE BOCCACE
Le voile n’est le rempart le plus sûr 4+6 a
Contre l’amour, ni le moins accessible : 4+6 b
Un bon mari, mieux que grille ni mur, 4+6 a
Y pourvoira, si pourvoir est possible. 4+6 b
5 C’est, à mon sens, une erreur trop visible 4+6 b
À des parents, pour ne dire autrement, 4+6 c
De présumer, après qu’une personne 4+6 d
Bon gré mal gré s’est mise en un couvent 4+6 c
Que Dieu prendra ce qu’ainsi l’on lui donne : 4+6 d
10 Abus, abus ! Je tiens que le Malin 4+6 e
N’a revenu plus clair et plus certain 4+6 e
(Sauf toutefois l’assistance divine). 4+6 f
Encore un coup, ne faut qu’on s’imagine 4+6 f
Que d’être pure et nette de péché 4+6 g
15 Soit privilège à la guimpe attaché. 4+6 g
Nenni-dà, non ; je prétends qu’au contraire 4+6 h
Filles du monde ont toujours plus de peur 4+6 i
Que l’on ne donne atteinte à leur honneur ; 4+6 i
La raison est qu’elles en ont affaire 4+6 h
20 Moins d’ennemis attaquent leur pudeur : 4+6 i
Les autres n’ont pour un seul adversaire. 4+6 h
Tentation, fille d’oisiveté, 4+6 g
Ne manque pas d’agir de son côté : 4+6 g
Puis, le désir, enfant de la contrainte. 4+6 j
25 « Ma fille est nonne, ERGO c’est une sainte ! » 4+6 j
Mal raisonné. Des quatre parts les trois 4+6 k
En ont regret et se mordent les doigts ; 4+6 k
Font souvent pis ; au moins, l’ai-je ouï dire, 4+6 l
Car, pour ce point, je parle sans savoir. 4+6 m
30 Boccace en fait certain conte pour rire, 4+6 l
Que j’ai rimé comme vous allez voir. 4+6 m
Un bon vieillard en un couvent de filles 4+6 n
Autrefois fut : labouroit le jardin. 4+6 e
Elles étoient toutes assez gentilles, 4+6 n
35 Et volontiers jasoient dès le matin. 4+6 e
Tant ne songeoient au service divin, 4+6 e
Qu’à soi montrer ès parloirs aguimpées 4+6 o
Bien blanchement, comme droites poupées, 4+6 o
Prêtes chacune à tenir coup aux gens ; 4+6 p
40 Et n’étoit bruit qu’il se trouvât léans 4+6 p
Fille qui n’eût de quoi rendre le change, 4+6 q
Se renvoyant l’une à l’autre l’éteuf. 4+6 r
Huit sœurs étoient, et l’abbesse sont neuf ; 4+6 r
Si mal d’accord, que c’était chose étrange. 4+6 q
45 De la beauté, la plupart en avoient ; 4+6 s
Do la jeunesse, elles en avoient toutes. 4+6 t
En cettui lieu beaux pères fréquentoient, 4+6 s
Comme on peut croire ; et tant bien supputoient, 4+6 s
Qu’il ne manquoit à tomber sur leurs routes. 4+6 t
50 Le bon vieillard, jardinier dessusdit, 4+6 v
Près de ces sœurs perdoit presque l’esprit ; 4+6 v
À leur caprice il ne pouvoit suffire : 4+6 l
Toutes vouloient au vieillard commander ; 4+6 g
Dont ne pouvant entre elles s’accorder, 4+6 g
55 Il souffroit plus que l’on ne sauroit dire. 4+6 l
Force lui fut de quitter la maison : 4+6 w
Il en sortit de la même façon, 4+6 w
Qu’étoit entré là-dedans, le pauvre homme, 4+6 x
Sans croix ne pile, et n’ayant rien, en somme, 4+6 x
60 Qu’un vieil habit. Certain jeune garçon 4+6 w
De Lamporech, si j’ai bonne mémoire, 4+6 y
Dit au vieillard, un beau jour, après boire, 4+6 y
Et raisonnant sur le fait des nonnains, 4+6 z
Qu’il passeroit bien volontiers sa vie 4+6 a
65 Près de ces sœurs, et qu’il avoit envie 4+6 a
De leur offrir son travail et ses mains, 4+6 z
Sans demander récompenses ni gages. 4+6 b
Le compagnon ne visoit à l’argent : 4+6 c
Trop bien croyoit, ces sœurs étant peu sages, 4+6 b
70 Qu’il en pourroit croquer une en passant, 4+6 c
Et puis une autre, et puis toute la troupe. 4+6 c
Nuto lui dit (c’est le nom du vieillard) : 4+6 d
« Crois-moi, Mazet, mets-toi quelque autre part. 4+6 d
J’aimerois mieux être sans pain ni soupe, 4+6 c
75 Que d’employer en ce lieu mon travail ! 4+6 f
Les nonnes sont un étrange bétail : 4+6 f
Qui n’a tâté de cette marchandise, 4+6 g
Ne sait encor ce que c’est que tourment. 4+6 c
Je te le dis, laisse là ce couvent ; 4+6 c
80 Car d’espérer les servir à leur guise, 4+6 g
C’est un abus : l’une voudra du mou, 4+6 h
L’autre du dur ; parquoi je te tiens fou, 4+6 h
D’autant plus fou que ces filles sont sottes : 4+6 i
Tu n’auras pas oeuvre faite, entre nous : 4+6 j
85 L’une voudra que tu plantes des choux, 4+6 j
L’autre voudra que ce soit des carottes. » 4+6 i
Mazet reprit : « Ce n’est pas là le point. 4+6 l
Vois-tu, Nuto, je ne suis qu’une bête ; 4+6 m
Mais dans ce lieu tu ne me verras point 4+6 l
90 Un mois entier, sans qu’on m’y fasse fête. 4+6 m
La raison est que je n’ai que vingt ans, 4+6 p
Et, comme toi, je n’ai pas fait mon temps. 4+6 p
Je leur suis propre, et ne demande, en somme, 4+6 x
Que d’être admis. » Dit alors le bonhomme : 4+6 x
95 « Au factoton tu n’as qu’à t’adresser ; 4+6 g
Allons-nous-en, de ce pas, lui parler. 4+6 g
— Allons, dit l’autre… Il me vient une chose 4+6 n
Dedans l’esprit : je ferai le muet 4+6 o
Et l’idiot. — Je pense qu’en effet, 4+6 o
100 Reprit Nuto, cela peut être cause, 4+6 n
Que le pater avec le factoton 4+6 w
N’auront de toi ni crainte ni soupçon. » 4+6 w
La chose alla comme il l’avoit prévue. 4+6 p
Voilà Mazet, à qui pour bienvenue 4+6 p
105 L’on fait bêcher la moitié du jardin. 4+6 e
Il contrefait le sot et le badin, 4+6 e
Et cependant laboure comme un sire. 4+6 l
Autour de lui les nonnes alloient rire. 4+6 l
Un certain jour, le compagnon dormant, 4+6 c
110 Ou bien feignant de dormir (il n’importe : 4+6 q
Boccace dit qu’il en faisoit semblant), 4+6 c
Deux des nonnains le voyant de la sorte 4+6 q
Seul au jardin, car, sur le haut du jour, 4+6 r
Nulle des sœurs ne faisoit long séjour 4+6 r
115 Hors le logis, le tout crainte du hâle ; 4+6 s
De ces deux donc l’une, approchant Mazet, 4+6 o
Dit à sa sœur : « Dedans ce cabinet 4+6 o
Menons ce sot ? » Mazet étoit beau mâle. 4+6 s
Et la galande à le considérer 4+6 g
120 Avoit pris goût ; pour quoi, sans différer, 4+6 g
Amour lui fit proposer cette affaire. 4+6 h
L’autre reprit : « Là-dedans ? Et quoi faire ? 4+6 h
— Quoi ? dit la sœur. Je ne sais ! … l’on verra ; 4+6 t
Ce que l’on fait, alors qu’on en est là : 4+6 t
125 Ne dit-on pas qu’il se fait quelque chose ? 4+6 n
— Jésus ! reprit l’autre sœur, se signant : 4+6 c
Que dis-tu là ? Notre règle défend 4+6 c
De tels pensers. S’il nous fait un enfant ! 4+6 c
Si l’on nous voit ! Tu t’en vas être cause 4+6 n
130 De quelque mal ? … — On ne nous verra point, 4+6 l
Dit la première ; et, quant à l’autre point, 4+6 l
C’est s’alarmer, avant que le coup vienne : 4+6 v
Usons du temps, sans nous tant mettre en peine, 4+6 v
Et sans prévoir les choses de si loin. 4+6 l
135 Nul n’est ici ; nous avons tout à point, 4+6 l
L’heure, et le lieu, si touffu, que la vue 4+6 p
N’y peut passer ; et puis, sur l’avenue, 4+6 p
Je suis d’avis qu’une fasse le guet, 4+6 o
Tandis que l’autre, étant avec Mazet, 4+6 o
140 À son bel aise aura lieu de s’instruire : 4+6 l
Il est muet, et n’en pourra rien dire. 4+6 l
— Soit fait, dit l’autre ; il faut à ton désir 4+6 x
Acquiescer, et te faire plaisir. 4+6 x
Je passerai, si tu veux, la première, 4+6 h
145 Pour t’obliger : au moins, à ton loisir, 4+6 x
Tu t’ébattras puis après, de manière 4+6 h
Qu’il ne sera besoin d’y retourner. 4+6 g
Ce que j’en dis n’est que pour t’obliger. 4+6 g
— Je le vois bien, dit l’autre plus sincère : 4+6 h
150 Tu ne voudrois, sans cela, commencer 4+6 g
Assurément, et tu serois honteuse ? » 4+6 y
Disant ces mots, elle éveilla Mazet, 4+6 o
Qui se laissa mener au cabinet. 4+6 o
Tant y resta cette sœur scrupuleuse, 4+6 y
155 Qu’à la fin l’autre, allant la dégager, 4+6 g
De faction la sut faire changer. 4+6 g
Notre muet fait nouvelle partie : 4+6 a
Il s’en tira, non si gaillardement ; 4+6 c
Cette sœur fut beaucoup plus mal lotie : 4+6 a
160 Le pauvre gars acheva simplement 4+6 c
Trois fois le jeu ; puis après, il fît chasse. 4+6 z
Les deux nonnains n’oublièrent la trace 4+6 z
Du cabinet, non plus que du jardin : 4+6 e
Il ne falloit leur montrer le chemin. 4+6 e
165 Mazet pourtant se ménagea, de sorte 4+6 q
Qu’à sœur Agnès, quelques jours ensuivant, 4+6 c
Il fit apprendre une semblable note 4+6 q
En un pressoir, tout au bout du couvent. 4+6 c
Soeur Angélique et sœur Claude suivirent, 4+6 b
170 L’une au dortoir, l’autre dans un cellier ; 4+6 g
Tant, qu’à la fin la cave et le grenier, 4+6 g
Du fait des sœurs, maintes choses apprirent. 4+6 b
Point n’en resta que le sire Mazet 4+6 o
Ne régalât, au moins mal qu’il pouvait. 4+6 o
175 L’abbesse aussi voulut entrer en danse : 4+6 c
Elle eut son droit, double et triple pitance ; 4+6 c
De quoi les sœurs jeûnèrent très-longtemps. 4+6 p
Mazet n’avoit faute de restaurants ; 4+6 p
Mais restaurants ne sont pas grande affaire 4+6 h
180 À tant d’emploi. Tant pressèrent le hère, 4+6 h
Qu’avec l’abbesse un jour venant au choc : 4+6 d
J’ai toujours ouï, ce dit-il, qu’un bon coq 4+6 d
N’en a que sept ; au moins, qu’on ne me laisse 4+6 f
Toutes les neuf. — Miracle ! dit l’abbesse ; 4+6 f
185 Venez, mes sœurs ; nos jeûnes ont tant fait, 4+6 o
Que Mazet parle ? » A l’entour du muet, 4+6 o
Non plus muet, toutes huit accoururent, 4+6 g
Tinrent chapitre, et sur l’heure conclurent 4+6 g
Qu’à l’avenir Mazet seroit choyé, 4+6 g
190 Pour le plus sûr ; car qu’il fût renvoyé, 4+6 g
Cela rendrait la chose manifeste. 4+6 h
Le compagnon, bien nourri, bien payé, 4+6 g
Fit ce qu’il put ; d’autres firent le reste. 4+6 h
Il les engea de petits Mazillons, 4+6 i
195 Desquels on fit de petits moinillons : 4+6 i
Ces moinillons devinrent bientôt pères, 4+6 j
Comme les sœurs devinrent bientôt mères, 4+6 j
À leur regret, pleines d’humilité : 4+6 g
Mais jamais nom ne fut mieux mérité 4+6 g
mètre profil métrique : 4+6
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