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12 longueur métrique
6-6 mètre
LFT_2/LFT277
Jean de LA FONTAINE
CONTES ET NOUVELLES
1668-1694
LIVRE DEUXIÈME 1667 — 1669
XIV
LA FIANCÉE DU ROI DE GARBE
NOUVELLE
Il n’est rien qu’on ne conteen diverses façons ; 6+6 a
On abuse du vrai,comme on fajt de la feinte : 6+6 b
Je le souffre, aux récitsqui passent pour chansons ; 6+6 a
Chacun y met du siensans scrupule et sans crainte : 6+6 b
5 Mais, aux événementsde qui la vérité 6+6 a
 Importe à la postérité, 8 a
 Tels abus méritent censure. 8 a
Le fait d’Alacielest d’une autre nature. 6+6 a
Je me suis écartéde mon original. 6+6 a
10 On en pourra gloser ;on pourra me mécroire : 6+6 b
 Tout cela n’est pas un grand mal ; 8 a
 Alaciel et sa mémoire 8 b
Ne sauroient guère perdreà tout ce changement. 6+6 c
J’ai suivi mon auteuren deux points seulement, 6+6 c
15  Points qui font véritablement 8 c
 Le plus important de l’histoire : 8 b
L’un est que par huit mainsAlaciel passa, 6+6 a
 Avant que d’entrer dans la bonne ; 8 b
L’autre, que son fiancéne s’en embarrassa, 6+6 a
20  Ayant peut-être en sa personne 8 b
 De quoi négliger ce point-là. 8 a
 Quoi qu’il en soit,la belle, en ses traverses, 4+6 a
 Accidents, fortunes diverses, 8 a
Eut beaucoup à souffrir,beaucoup à travailler, 6+6 a
25  Changea huit fois de chevalier. 8 a
 Il ne faut pas,pour cela, qu’on l’accuse : 4+6 a
Ce n’étoit, après tout,que bonne intention, 6+6 b
 Gratitude ou compassion, 8 b
 Crainte de pis, honnête excuse. 8 a
30 Elle n’en plut pas moinsaux yeux de son fiancé. 6+6 a
Veuve de huit galants,il la prit pour pucelle ; 6+6 b
 Et, dans son erreur, par la belle, 8 b
 Apparemment il fut laissé. 8 a
Qu’on y puisse être pris,la chose est toute claire ; 6+6 a
35  Mais, après huit,c’est une étrange affaire ! 4+6 a
 Je me rapporte de cela 8 a
 À quiconque a passé par là. 8 a
 Zaïr, soudan d’Alexandrie, 8 a
 Aima sa fille Alaciel 8 b
40  Un peu plus que sa propre vie. 8 a
Aussi, ce qu’on se peutfigurer, sous le ciel, 6+6 b
 De bon, de beau,de charmant et d’aimable, 4+6 a
 D’accommodant(j’y mets encor ce point), 4+6 b
 La rendoit d’autant estimable : 8 a
45  En cela je n’augmente point. 8 b
Au bruit qui couroit d’elleen toutes ses provinces, 6+6 a
Mamolin, roi de Garbe,en devint amoureux. 6+6 b
Il la fit demander,et fut assez heureux 6+6 b
 Pour l’emporter sur d’autres princes. 8 a
50 La belle aimoit déjà ;mais on n’en savoit rien : 6+6 a
Filles de sang royalne se déclarent guères ; 6+6 b
Tout se passe en leur cœur :cela les fâche bien ; 6+6 a
Car elles sont de chairainsi que les bergères. 6+6 b
Hispal, jeune seigneurde la cour du soudan, 6+6 a
55 Bien fait, plein de mérite,honneur de l’Alcoran, 6+6 a
Plaisoit fort à la dame,et d’un commun martyre 6+6 a
 Tous deux brûloient,sans oser se le dire ; 4+6 a
Ou, s’ils se le disoient,ce n’étoit que des yeux. 6+6 a
Comme ils en étoient là,l’on accorda la belle. 6+6 b
60 Il fallut se résoudreà partir de ces lieux. 6+6 a
Zaïr fît embarquerson amant avec elle. 6+6 b
S’en fier à quelque autret peut-être été mieux. 6+6 a
Après huit jours de traite,un vaisseau de corsaires, 6+6 a
 Ayant pris le dessus du vent, 8 b
65  Les attaqua :le combat fut sanglant ; 4+6 b
Chacun des deux partisy fît mal ses affaires. 6+6 a
 Les assaillants,faits aux combats de mer, 4+6 a
Étoient les plus expertsen l’art de massacrer ; 6+6 a
Joignoient l’adresse au nombre :Hispal, par sa vaillance, 6+6 a
70  Tenoit les choses en balance. 8 a
Vingt corsaires pourtantmontèrent sur son bord. 6+6 a
 Grifonio le gigantesque 8 b
 Conduisoit l’horreur et la mort 8 a
 Avecque cette soldatesque. 8 b
75 Hispal en un momentse vit environné : 6+6 a
Maint corsaire sentitson bras déterminé : 6+6 a
De ses yeux il sortoitdes éclairs et des flammes. 6+6 b
Cependant qu’il étoitau combat acharné, 6+6 a
Grifonio courutà la chambre des femmes. 6+6 b
80 Il savoit que l’infanteétoit dans ce vaisseau ; 6+6 c
Et, l’ayant destinéeà ses plaisirs infâmes, 6+6 b
 Il l’emportoit comme un moineau : 8 c
Mais la charge pour luin’étant pas suffisante, 6+6 a
 Il prit aussila cassette aux bijoux, 4+6 b
85  Aux diamants,aux témoignages doux 4+6 b
 Que reçoit et garde une amante : 8 a
 Car quelqu’un m’a dit, entre nous, 8 a
Qu’Hispal en ce voyageavait fait à l’infante 6+6 b
Un aveu, dont d’abordelle parut contente, 6+6 b
90 Faute d’avoir le tempsde s’en mettre en courroux. 6+6 a
Le malheureux corsaire,emportant cotte proie, 6+6 a
 N’en eut pas longtemps de la joie. 8 a
 Un des vaisseaux,quoiqu’il fût accroché, 4+6 a
 S’étant quelque peu détaché, 8 a
95 Comme Grifoniopassoit d’un bord à l’autre, 6+6 a
Un pied sur son navire,un sur celui d’Hispal, 6+6 b
Le héros, d’un revers,coupe en deux l’animal : 6+6 b
Part du tronc tombe en l’eau,disant sa patenôtre, 6+6 a
Et, reniant Mahom,Jupin, et Tarvagant, 6+6 a
100 Avec maint autre dieunon moins extravagant ; 6+6 a
Part demeure sur pied,en la même posture. 6+6 a
 On auroit ri de l’aventure, 8 a
Si la belle avec luin’t tombé dedans l’eau. 6+6 a
Hispal se jette après :l’un et l’autre vaisseau, 6+6 a
105 Malmené du combatet privé de pilote, 6+6 a
 Au gré d’Éoleet de Neptune flotte. 4+6 a
La mort fit lâcher priseau géant pourfendu. 6+6 a
L’infante, par sa robeen tombant soutenue, 6+6 b
 Fut bientôt d’Hispal secourue. 8 b
110 Nager vers les vaisseauxt été temps perdu ; 6+6 a
 Ils étaient presque à demi-mille : 8 a
 Ce qu’il jugea de plus facile, 8 a
 Fut de gagner certains rochers 8 a
Qui d’ordinaire étoientla perte des nochers, 6+6 a
115 Et furent le salutd’Hispal et de l’infante. 6+6 a
Aucuns ont assuré,comme chose constante, 6+6 a
Que même du périlla cassette échappa ; 6+6 a
 Qu’à des cordons étant pendue, 8 b
 La belle après soi la tira : 8 a
120  Autrement, elle étoit perdue. 8 b
Notre nageur avoitl’infante sur son dos. 6+6 a
Le premier roc gagné,non pas sans quelque peine, 6+6 b
La crainte de la faimsuivit celle des flots ; 6+6 a
Nul vaisseau ne parutsur la liquide plaine. 6+6 b
125  Le jour s’achève ;il se passe une nuit : 4+6 a
Point de vaisseau près d’euxpar le hasard conduit ; 6+6 a
 Point de quoi manger sur ces roches. 8 b
 Voilà notre couple réduit 8 a
À sentir de la faimles premières approches ; 6+6 b
130 Tous deux privés d’espoir,d’autant plus malheureux 6+6 a
 Qu’aimés aussi bien qu’amoureux, 8 a
Ils perdoient doublementen leur mésaventure. 6+6 a
Après s’être longtempsregardés sans parler : 6+6 b
« Hispal, dit la princesse,il se faut consoler ; 6+6 b
135 Les pleurs ne peuvent rienprès de la Parque dure ; 6+6 a
Nous n’en mourrons pas moins ;mais il dépend de nous 6+6 a
 D’adoucir l’aigreur de ses coups ; 8 a
C’est tout ce qui nous resteen ce malheur extrême. 6+6 a
— Se consoler ! dit-il ;le peut-on, quand on aime ? 6+6 a
140 Ah ! si… Mais non, madame,il n’est pas à propos 6+6 a
 Que vous aimiez ;vous seriez trop à plaindre ! 4+6 b
Je brave, à mon égard,et la faim et les flots : 6+6 a
Mais, jetant l’oeil sur vous,je trouve tout à craindre. » 6+6 b
La princesse, à ces mots,ne se put plus contraindre : 6+6 b
145  Pleurs de couler,soupirs d’être poussés, 4+6 a
 Regards d’être au ciel adressés, 8 a
 Et puis sanglots,et puis soupirs encore. 4+6 a
En ce même langage,Hispal lui repartit, 6+6 b
 Tant qu’enfin un baiser suivit : 8 b
150 S’il fut pris ou donné,c’est ce que l’on ignore. 6+6 a
 Après force vœux impuissants, 8 a
 Le.héros dit :« Puisqu’en cette aventure, 4+6 b
 Mourir nous est chose si sûre, 8 b
Qu’importe que nos corpsdes oiseaux ravissants 6+6 a
155 Ou des monstres marinsdeviennent la pâture ? 6+6 c
 Sépulture pour sépulture, 8 c
 La mer est égale, à mon sens. 8 a
Qu’attendons-nous iciqu’une fin languissante ? 6+6 a
 Seroit-il point plus à propos 8 b
160  De nous abandonner aux flots ? 8 b
J’ai de la force encor ;la côte est peu distante ; 6+6 a
 Le vent y pousse ;essayons d’approcher ; 4+6 a
 Passons de rocher en rocher : 8 a
 J’en vois beaucoup je puis prendre haleine. » 4+6 a
165  Alaciels’y résolut sans peine. 4+6 a
Les revoilà sur l’ondeainsi qu’auparavant, 6+6 a
 La cassette en laisse suivant, 8 a
 Et le nageur, poussé du vent, 8 a
 De roc en roc portant la belle : 8 a
170  Façon de naviger nouvelle. 8 a
Avec l’aide du cielet de ces reposoirs, 6+6 a
Et du dieu qui présideaux liquides manoirs, 6+6 a
Hispal, n’en pouvant plusde faim, de lassitude, 6+6 a
 De travail et d’inquiétude 8 a
175  (Non pour lui, mais pour ses amours), 8 a
 Après avoir jné deux jours, 8 a
 Prit terre à la dixième traite, 8 b
 Lui, la princesse, et la cassette. 8 b
Pourquoi, me dira-t-on,nous ramener toujours 6+6 a
180  Cette cassette ?Est-ce une circonstance 4+6 a
 Qui soit de si grande importance ? 8 a
Oui, selon.mon avis ;on va voir si j’ai tort. 6+6 a
 Je ne prends point ici l’essor, 8 a
 Ni n’affecte de railleries. 8 b
185  Si j’avois mis nos gens à bord, 8 a
 Sans argent et sans pierreries, 8 b
 Seroient-ils pas demeurés court ? 8 a
 On ne vit ni d’air ni d’amour. 8 a
 Les amants ont beau dire et faire, 8 a
190 Il en faut revenirtoujours au nécessaire. 6+6 a
La cassette y pourvutavec maint diamant. 6+6 a
Hispal vendit les uns,mit les autres en gages ; 6+6 b
Fit achat d’un châteaule long de ces rivages : 6+6 b
Ce château, dit l’histoire,avoit un parc fort grand ; 6+6 a
195  Ce parc, un bois ;ce bois, de beaux ombrages ; 4+6 b
 Sous ces ombrages, nos amants 8 a
 Passoient d’agréables moments. 8 a
Voyez combien voilàde choses enchnées, 6+6 a
 Et par la cassette amenées ? 8 a
200 Or, au fond de ce bois,un certain antre étoit, 6+6 a
 Sourd et muet,et d’amoureuse affaire ; 4+6 b
 Sombre surtout :la Nature sembloit 4+6 a
 L’avoir mis lànon pour autre mystère. 4+6 b
 Nos deux amantsse promenant un jour, 4+6 c
205  Il arrivaque ce fripon d’Amour 4+6 c
 Guida leurs pasvers ce lieu solitaire ! 4+6 b
Chemin faisant, Hispalexpliquoit ses désirs, 6+6 a
Moitié par ses discours,moitié par ses soupirs, 6+6 a
 Plein d’une ardeur impatiente : 8 a
210 La princesse écoutoitincertaine et tremblante. 6+6 a
« Nous voici, disoit-il,en un bord étranger, 6+6 a
 Ignorés du reste des hommes ; 8 b
 Profitons-en ;nous n’avons à songer, 4+6 a
Qu’aux douceurs de l’amour,en l’état nous sommes. 6+6 b
215  Qui vous relient ?On ne sait seulement 4+6 a
 Si nous vivons ;peut-être en ce moment 4+6 a
Tout le monde nous croitau corps d’une baleine. 6+6 b
 Ou favorisez votre amant, 8 a
 Ou qu’à votre époux il vous mène ?… 8 b
220 Mais pourquoi vous mener ?Vous pouvez rendre heureux 6+6 a
Celui dont vous avezéprouvé la constance. 6+6 b
 Qu’attendez-vouspour soulager ses feux ? 4+6 a
 N’est-il point assez amoureux ? 8 a
Et n’avez-vous point faitassez de résistance ? » 6+6 b
225  Hispal haranguoit de façon 8 a
 Qu’il auroit échauffé des marbres, 8 b
Tandis qu’Alaciel,à l’aide d’un poinçon, 6+6 a
 Faisoit semblantd’écrire sur les arbres. 4+6 b
 Mais l’amour la faisoit rêver 8 a
230  À d’autres choses qu’à graver 8 a
 Des caractères sur l’écorce, 8 a
Son amant et le lieul’assuroient du secret : 6+6 b
 C’étoit une puissante amorce. 8 a
 Elle résistoit à regret ; 8 b
235 Le printemps, par malheur,étoit lors en sa force. 6+6 a
 Jeunes cœurs sont bien empêchés 8 a
 À tenir leurs désirs cachés, 8 a
 Étant pris par tant de manières. 8 a
Combien en voyons-nousse laisser pas à pas 6+6 b
240  Ravir jusqu’aux faveurs dernières, 8 a
 Qui dans l’abord ne croyoient pas 8 b
 Pouvoir accorder les premières ! 8 a
Amour, sans qu’on y pense,amène ces instants 6+6 a
 Mainte fille a perdu ses gants, 8 a
245  Et femme au partir s’est trouvée, 8 b
 Qui ne sait, la plupart du temps, 8 a
 Comme la chose est arrivée. 8 b
Près de l’antre venus,notre amant proposa 6+6 a
 D’entrer dedans.La belle s’excusa, 4+6 a
250  Mais malgré soidéjà presque vaincue. 4+6 a
Les services d’Hispal,en ce même moment, 6+6 b
 Lui reviennent devant la vue : 8 a
Ses jours sauvés des flots ;son honneur, d’un géant. 6+6 b
 Que lui demandoit son amant ? 8 b
255 Un bien, dont elle étoità sa valeur tenue : 6+6 a
« Il vaut mieux, disoit-il,vous en faire un ami, 6+6 a
Que d’attendre qu’un hommeà la mine hagarde 6+6 b
Vous le vienne enlever.Madame, songez-y ; 6+6 a
 L’on ne sait pour qui l’on le garde. » 8 b
260 L’infante à ces raisonsse rendant à demi, 6+6 a
 Une pluie acheva l’affaire. 8 b
 Il fallut se mettre à l’abri : 8 a
Je laisse à penser .Le reste du mystère 6+6 b
 Au fond de l’antre est demeuré. 8 a
265 Que l’on la blâme ou non,je sais plus d’une belle 6+6 b
 À qui ce fait est arrivé, 8 a
Sans en avoir moitiéd’autant d’excuses qu’elle. 6+6 b
L’antre ne les vit seulde ces douceurs jouir : 6+6 a
Rien ne cte en amourque la première peine. 6+6 b
270 Si les arbres parloient,il feroit bel ouïr 6+6 a
 Ceux de ce bois,car la forêt n’est pleine 4+6 b
 Que des monuments amoureux 8 a
Qu’Hispal nous a laissés,glorieux de sa proie. 6+6 b
On y verroit écrit :« Ici pâma de joie 6+6 b
275  Des mortels le plus heureux ; 7 a
Là mourut un amantsur le sein de sa dame ; 6+6 a
 En cet endroit,mille baisers de flamme 4+6 a
 Furent donnés,et mille autres rendus. » 4+6 a
Le parc diroit beaucoup,le château beaucoup plus, 6+6 a
280  Si châteaux avoient une langue. 8 a
La chose en vint au point,que, las de tant d’amour, 6+6 b
Nos amants à la finregrettèrent la cour. 6+6 b
La belle s’en ouvrit,et voici sa harangue : 6+6 a
« Vous m’êtes cher, Hispal ;j’aurois du déplaisir, 6+6 a
285 Si vous ne pensiez pasque toujours je vous aime. 6+6 b
Mais qu’est-ce qu’un amoursans crainte et sans désir ? 6+6 a
 Je vous le demande à vous-même. 8 b
 Ce sont des feux bientôt passés, 8 a
Que ceux qui ne sont pointdans leur cours traversés : 6+6 a
290  Il y faut un peu de contrainte. 8 a
Je crains fort qu’à la fince séjour si charmant 6+6 b
Ne nous soit un désert,et puis un monument. 6+6 b
 Hispal, ôtez-moi cette crainte. 8 a
 Allez-vous-en voir promptement 8 b
295 Ce qu’on croira de moidedans Alexandrie, 6+6 a
 Quand on sauraque nous sommes en vie ? 4+6 a
 Déguisez bien notre séjour : 8 a
Dites que vous venezpréparer mon retour, 6+6 a
Et faire qu’on m’envoieune escorte si sûre, 6+6 a
300  Qu’il n’arrive plus d’aventure. 8 a
 Croyez-moi, vous n’y perdrez rien. 8 a
 Trouvez seulement le moyen 8 a
 De me suivre en ma destinée 8 a
 Ou de fillage, ou d’hyménée ; 8 a
305  Et tenez pour chose assurée, 8 a
 Que, si je ne vous fais du bien, 8 b
 Je serai de près éclairée » 8 a
 Que ce fût ou non son dessein, 8 b
Pour se servir d’Hispal,il falloit tout promettre. 6+6 c
310 Dès qu’il trouve à proposde se mettre en chemin, 6+6 b
L’infante, pour Zaïr,le charge d’une lettre. 6+6 c
Il s’embarque, il fait voile ;il vogue, il a bon vent. 6+6 a
Il arrive à la cour, chacun lui demande 6+6 b
 S’il est mort, s’il est vivant, 7 a
315  Tant la surprise fut grande ; 7 b
En quels lieux est l’infante,enfin ce qu’elle fait. 6+6 a
 Dès qu’il eut à tout satisfait, 8 a
 On fit partirune escorte puissante. 4+6 a
Hispal fut retenu ;non qu’on t, en effet, 6+6 b
320  Le moindre souon de l’infante. 8 a
Le chef de cette escorteétoit jeune et bien fait. 6+6 b
Abordé près du parc,avant tout il partage 6+6 a
 Sa troupe en deux,laisse l’une au rivage ; 4+6 a
 Va droit avec l’autre au château. 8 a
325 La beauté de l’infanteétoit beaucoup accrue : 6+6 b
Il en devint éprisà la première vue ; 6+6 b
Mais tellement épris,qu’attendant qu’il fit beau, 6+6 a
Pour ne point perdre temps,il lui dit sa pensée. 6+6 a
 Elle s’en tint fort offensée, 8 a
330  Et l’avertit de son devoir. 8 a
Témoigner en tel casun peu de désespoir 6+6 a
 Est quelquefoisune bonne recette. 4+6 a
C’est ce que fait notre homme :il forme le dessein 6+6 b
 De se laisser mourir de faim ; 8 b
335 Car de se poignarderla chose est trop tôt faite : 6+6 a
 On n’a pas le temps d’en venir 8 a
 Au repentir. 4 a
D’abord Alacielrioit de sa sottise. 6+6 a
Un jour se passe entier,lui sans cesse jnant, 6+6 b
340  Elle toujours le détournant 8 b
 D’une si terrible entreprise. 8 a
 Le second jourcommence à la toucher. 4+6 a
 Elle rêve à cette aventure. 8 b
Laisser mourir un hommeet pouvoir l’empêcher, 6+6 a
345  C’est avoir l’âme un peu trop dure ! 8 b
 Par pitié donc,elle condescendit 4+6 a
 Aux volontés du capitaine, 8 b
 Et cet office lui rendit 8 a
Gaiement, de bonne grâce,et sans montrer de peine ; 6+6 b
350 Autrement, le remèdet été sans effet. 6+6 a
Tandis que le galantse trouve satisfait, 6+6 a
 Et remet les autres affaires, 8 a
 Disant tantôtque les vents sont contraires, 4+6 a
 Tantôt qu’il fautradouber ses galères 4+6 a
355  Pour être en état de partir ; 8 b
 Tantôt qu’on vient de l’avertir 8 b
 Qu’il est attendu des corsaires : 8 a
Un corsaire, en effet,arrive, et surprenant 6+6 a
 Ses gens demeurés à la rade, 8 b
360 Les tue, et va donnerau château l’escalade : 6+6 b
Du fier Grifonioc’étoit le lieutenant. 6+6 a
 Il prend le château d’emblée. 7 a
 Voilà la fête troublée. 7 a
 Le jneur maudit son sort. 7 a
365  Le corsaire apprend d’abord 7 a
 L’aventure de la belle ; 7 a
 Et, la tirant à l’écart, 7 b
 Il en veut avoir sa part. 7 b
 Elle fit fort la rebelle. 7 a
370  Il ne s’en étonna pas, 7 a
 N’étant novice en tel cas. 7 a
 « Le mieux que vous puissiez faire, 7 a
 Lui dit tout franc ce corsaire, 7 a
 C’est de m’avoir pour ami ; 7 a
375  Je suis corsaire et demi. 7 a
Vous avez fait jnerun pauvre misérable, 6+6 a
 Qui se mouroit pour vous d’amour ; 8 b
 Vous jnerez à votre tour, 8 b
 Ou vous me serez favorable. 8 a
380 La justice le veut ;nous autres gens de mer, 6+6 a
Savons rendre à chacunselon ce qu’il mérite ; 6+6 b
 Attendez-vousde n’avoir à manger 4+6 a
Que quand de ce côtévous aurez été quitte. 6+6 b
Ne marchandez point tant,madame, et croyez-moi ! » 6+6 a
385 Qu’t fait Alaciel ?Force n’a point de loi. 6+6 a
S’accommoder à toutest chose nécessaire. 6+6 a
Ce qu’on ne voudrait pas,souvent il le faut faire, 6+6 a
Quand il plt au destinque l’on en vienne là ; 6+6 a
Augmenter sa souffranceest une erreur extrême : 6+6 b
390 Si, par pitié d’autrui,la belle se foa, 6+6 a
Que ne point essayerpar pitié de soi-même ! 6+6 b
Elle se force donc,et prend en gré le tout. 6+6 a
Il n’est afflictiondont on ne vienne à bout. 6+6 a
 Si le corsaire t été sage, 8 a
395 Il t mené l’infanteen un autre rivage. 6+6 a
 Sage en amour ?Hélas ! il n’en est point. 4+6 a
Tandis que celui-cicroit avoir tout à point, 6+6 a
 Vent pour partir,lieu propre pour attendre, 4+6 a
Fortune, qui ne dortque lorsque nous veillons, 6+6 b
400  Et veille quand nous sommeillons, 8 b
 Lui trame en secret cet esclandre. 8 a
Le seigneur d’un châteauvoisin de celui-ci, 6+6 a
 Homme fort ami de la joie, 8 b
 Sans nulle attache, et sans souci 8 a
405 Que de chercher toujoursquelque nouvelle proie, 6+6 b
 Ayant eu le vent des beautés, 8 a
 Perfections, commodités, 8 a
 Qu’en sa voisine on disoit être, 8 a
Ne songeoit nuit et jourqu’à s’en rendre le mtre : 6+6 a
410 Il avoit des amis,de l’argent, du crédit, 6+6 a
 Pouvoit assembler deux mille hommes. 8 b
Il les assemble doncun beau jour, et leur dit : 6+6 a
 « Souffrirons-nous,braves gens que nous sommes, 4+6 b
Qu’un pirate à nos yeuxse gorge de butin, 6+6 a
415 Qu’il traite comme esclaveune beauté divine ? 6+6 b
 Allons tirer notre voisine 8 b
 D’entre les griffes du mâtin ! 8 a
 Que ce soir chacun soit en armes, 8 a
 Mais doucement,et sans donner d’alarmes : 4+6 a
420  Sous les auspices de la nuit, 8 a
 Nous pourrons nous rendre sans bruit 8 a
Au pied de ce château,dès la petite pointe 6+6 a
 Du jour. 2 b
 La surprise, à l’ombre étant jointe, 8 a
425 Nous rendra sans hasardmtres de ce séjour. 6+6 b
Pour ma part du butin,je ne veux que la dame, 6+6 a
Non pas pour en userainsi que ce voleur ; 6+6 b
 Je me sens un désir en l’âme 8 a
De lui restituerses biens et son honneur. 6+6 b
430 Tout le reste est à vous,hommes, chevaux, bagage, 6+6 a
Vivres, munitions,enfin tout l’équipage, 6+6 a
 Dont ces brigandsont empli la maison. 4+6 a
 Je vous demande encore un don ; 8 a
C’est qu’on pende aux créneaux,haut et court, le corsaire, » 6+6 a
435  Celte harangue militaire 8 a
 Leur sut tant d’ardeur inspirer, 8 b
Qu’il en fallut une autre,afin de modérer 6+6 b
 Le trop grand désir de bien faire. 8 a
 Chacun rept,le soir étant venu : 4+6 a
440  L’on mange peu,l’on boit en récompense : 4+6 b
 Quelques tonneaux sont mis sur cu. 8 a
 Pour avoir fait cette dépense, 8 b
 Il s’est gagné plusieurs combats, 8 a
 Tant en Allemagne qu’en France. 8 b
445  Ce seigneur donc n’y manqua pas ; 8 a
 Et ce fut un trait de prudence. 8 b
Mainte échelle est portée,et point d’autre embarras, 6+6 a
 Point de tambours,force bons coutelas ; 4+6 a
 On part sans bruit,on arrive en silence. 4+6 a
450  L’orient venoit de s’ouvrir : 8 b
C’est un temps le sommeest dans sa violence, 6+6 a
Et qui par sa frcheurnous contraint de dormir. 6+6 b
 Presque tout le peuple corsaire, 8 c
Du sommeil à la mortn’ayant qu’un pas à faire, 6+6 c
455  Fut assommé sans le sentir. 8 b
 Le chef pendu,l’on amène l’infante. 4+6 a
 Son peu d’amour pour le voleur, 8 b
 Sa surprise et son épouvante, 8 a
Et les civilitésde son libérateur, 6+6 b
460 Ne lui permirent pasde répandre des larmes. 6+6 a
Sa prière sauvala vie à quelques gens. 6+6 b
Elle plaignit les morts,consola les mourants, 6+6 b
Puis quitta sans regretces lieux remplis d’alarmes. 6+6 a
 On dit même qu’en peu de temps 8 a
465  Elle perdit la mémoire 7 b
 De ses deux derniers galants : 7 a
 Je n’ai pas peine à le croire. 7 b
Son voisin la reçuten un appartement, 6+6 a
 Tout brillant d’oret meublé richement. 4+6 a
470 On peut s’imaginerl’ordre qu’il y fit mettre. 6+6 b
 Nouvel hôte et nouvel amant, 8 a
 Ce n’étoit pas pour rien omettre : 8 b
Grande chère surtout,et des vins fort exquis : 6+6 a
 Les dieux ne sont pas mieux servis. 8 a
475  Alaciel, qui, de sa vie, 8 a
 Selon sa Loi, n’avoit bu vin, 8 b
 Gta ce soir, par compagnie, 8 a
 De ce breuvage si divin. 8 b
Elle ignoroit l’effetd’une liqueur si douce ; 6+6 a
480  Insensiblement fit carrousse : 8 a
Et comme amour jadislui troubla la raison, 6+6 a
 Ce fut lors un autre poison. 8 a
 Tous deux sont à craindre des dames. 8 a
 Alacielmise au lit par ses femmes, 4+6 a
485 Ce bon soigneur s’en futla trouver tout d’un pas. 6+6 a
« Quoi trouver ? dira-t-on ;d’immobiles appas ? 6+6 a
— Si j’en trouvois autant,je saurais bien qu’en faire ! 6+6 a
 Disoit, l’autre jour, un certain : 8 b
 Qu’il me vienne une même affaire, 8 a
490 On verra si j’aurairecours à mon voisin. » 6+6 b
Bacchus donc, et Morphée,et l’hôte de la belle, 6+6 c
 Cette nuit disposèrent d’elle. 8 c
Les charmes des premiersdissipés à la fin, 6+6 b
 La princesse, au sortir du somme, 8 a
495  Se trouva dans les bras d’un homme. 8 a
 La frayeur lui glaça la voix : 8 a
Elle ne put crier,et, de crainte saisie, 6+6 b
Permit tout à son hôte,et pour une autre fois 6+6 a
 Lui laissa lier la partie. 8 b
500 « Une nuit, lui dit-il,est de même que cent ; 6+6 a
Ce n’est que la premièreà quoi l’on trouve à dire. » 6+6 b
Alaciel le crut.L’hôte, enfin se lassant, 6+6 a
 Pour d’autres conquêtes soupire. 8 b
 Il part un soir,prie un de ses amis 4+6 a
505 De faire cette nuitles honneurs du logis, 6+6 a
 Prendre sa place,aller trouver la belle, 4+6 a
Pendant l’obscuritése coucher auprès d’elle, 6+6 a
 Ne point parler ;qu’il étoit fort aisé ; 4+6 a
Et qu’en s’acquittant biende l’emploi proposé, 6+6 a
510 L’infante assurémentagréeroit son service. 6+6 b
L’autre bien volontierslui rendit cet office : 6+6 b
Le moyen qu’un amipuisse être refusé ! 6+6 a
À ce nouveau venula voilà donc en proie. 6+6 a
Il ne put, sans parler,contenir cette joie. 6+6 a
515 La belle se plaignitd’être ainsi leur jouet : 6+6 a
 « Comment l’entend monsieur mon hôte ? 8 b
Dit-elle ; et de quel droitme donner comme il fait ? » 6+6 a
 L’autre confessa qu’en effet 8 a
 Ils avoient tort ;mais que toute la faute 4+6 b
520  Étoit au mtre du logis. 8 a
 « Pour vous venger de son mépris, 8 a
 Poursuivit-il,comblez-moi de caresses ; 4+6 a
 Enchérissez sur les tendresses 8 a
Que vous tes pour lui,tant qu’il fut votre amant : 6+6 a
525 Aimez-moi par dépitet par ressentiment, 6+6 a
 Si vous ne pouvez autrement, » 8 a
Son conseil fut suivi ;l’on poussa les affaires, 6+6 a
 L’on se vengea, l’on n’omit rien. 8 b
 Que si l’ami s’en trouva bien, 8 b
530  L’hôte ne s’en tourmenta guères. 8 a
 Et de cinq, si j’ai bien compté. 8 a
Le sixième incidentdes travaux de l’infante, 6+6 b
 Par quelques-uns, est rapporté 8 a
 D’une manière différente. 8 b
535  Force gens concluront de là, 8 a
Que d’un galant au moinsje fais grâce à la belle. 6+6 b
 C’est médisance que cela ; 8 a
 Je ne voudrais mentir pour elle : 8 b
 Son époux n’eut assurément 8 c
540  Que huit précurseurs seulement. 8 c
 Poursuivons donc notre Nouvelle. 8 b
 L’hôte revint,quand l’ami fut content. 4+6 a
 Alaciel, lui pardonnant, 8 a
 Fit entre eux les choses égales. 8 a
545 La clémence sied bienaux personnes royales. 6+6 a
Ainsi, de main en main,Alaciel passoit, 6+6 a
 Et souvent se divertissoit 8 a
 Aux menus ouvrages des filles 8 b
 Qui la servoient,toutes assez gentilles. 4+6 b
550 Elle en aimoit fort uneà qui l’on en contoit ; 6+6 a
Et le conteur étoitun certain gentilhomme 6+6 a
 De ce logis,bien fait et galant homme, 4+6 a
 Mais violent dans ses désirs, 8 a
 Et grand ménager de soupirs, 8 a
555 Jusques à commencer,près de la plus sévère, 6+6 a
 Par l’on finit d’ordinaire. 8 a
Un jour, au bout du parc,le galant rencontra 6+6 a
 Celte fillette, 4 b
Et dans un pavillonfit tant, qu’il l’attira 6+6 a
560  Toute seulette. 4 b
 L’infante étoit fort près de là : 8 a
Mais il ne la vit point,et crut en assurance 6+6 a
 Pouvoir user de violence. 8 a
Sa médisante humeur,grand obstacle aux faveurs, 6+6 a
565  Peste d’amour et des douceurs 8 a
 Dont il tire, sa subsistance, 8 a
Avoit de ce galantsouvent grêlé l’espoir. 6+6 b
La crainte lui nuisoitautant que le devoir. 6+6 b
Cette fille l’auroit,selon toute apparence, 6+6 a
570  Favorisé, 4 a
 Si la belle t osé. 6 a
 Se voyant craint de cette sorte, 8 a
 Il fit tant, qu’en ce pavillon 8 b
 Elle entra par occasion : 8 b
575  Puis, le galant ferme la porte ; 8 a
Mais en vain, car l’infanteavoit de quoi l’ouvrir. 6+6 a
La fille voit sa faute,et tâche de sortir. 6+6 a
 Il la retient ;elle cric, elle appelle : 4+6 a
 L’infante vient,et vient comme il falloit, 4+6 b
580  Quand sur ses finsla demoiselle étoit. 4+6 b
Le galant, indignéde la manquer si belle, 6+6 a
 Perd tout respect,et jure par les dieux, 4+6 a
 Qu’avant que sortir de ces lieux, 8 a
 L’une ou l’autre paiera sa peine, 8 a
585  Quand il devroitleur attacher les mains. 4+6 b
 « Si loin de tous secours humains, 8 b
 Dit-il, la résistance est vaine. 8 a
 Tirez au sort, sans marchander ? 8 a
 Je ne saurais vous accorder 8 a
590  Que cette grâce : 4 a
 Il faut que l’une ou l’autre passe 8 a
 Pour aujourd’hui. 4 a
 — Qu’a fait madame ? dit la belle ; 8 b
 Pâtira-t-elle pour autrui ? 8 a
595  — Oui, si le sort tombe sur elle, 8 b
 Dit le galant ;prenez-vous-en à lui. 4+6 a
 — Non, non, reprit alors l’infante ; 8 a
Il ne sera pas ditque l’on ait, moi présente, 6+6 a
 Violenté cette innocente. 8 a
600 Je me résous plutôtà toute extrémité. » 6+6 a
 Ce combat plein de charité 8 a
 Fut, par le sort,à la fin terminé. 4+6 a
 L’infante en eut toute la gloire : 8 a
Il lui donna sa voix,à ce que dit l’histoire. 6+6 a
605  L’autre sortit, et l’on jura 8 a
 De ne rien dire de cela. 8 a
 Mais le galantse seroit laissé pendre, 4+6 a
Plutôt que de cacherun secret si plaisant ; 6+6 b
Et, pour le divulguer,il ne voulut attendre 6+6 a
610 Que le temps qu’il falloitpour trouver seulement 6+6 b
 Quelqu’un qui le voulût entendre. 8 a
 Ce changement de favoris 8 a
 Devint à l’infante une peine, 8 b
 Elle eut regret d’être l’Hélène 8 b
615  D’un si grand nombre de Paris. 8 a
 Aussi, l’Amour se jouoit d’elle. 8 a
 Un jour, entre autres, que la belle 8 a
 Dans un bois dormoit à l’écart, 8 a
 Il s’y rencontra par hasard 8 a
620 Un chevalier errant,grand chercheur d’aventures, 6+6 a
De ces sortes de gensque sur des palefrois 6+6 b
 Les belles suivoient autrefois, 8 b
 Et passoient pour chastes et pures. 8 a
Celui-ci, qui donnoità ses désirs l’essor, 6+6 a
625 Comme faisoient jadisRoger et Galaor, 6+6 a
 N’eut.vu la princesse endormie, 8 a
Que de prendre un baiseril forma le dessein : 6+6 b
Tout prêt à faire choixde la bouche ou du sein, 6+6 b
Il étoit sur le pointd’en passer son envie, 6+6 a
630  Quand tout d’un coup il se souvint 8 c
 Des lois de la chevalerie. 8 a
 À ce penser, il se retint, 8 c
 Priant toutefois en son âme 8 a
 Toutes les puissances d’amour 8 b
635  Qu’il pût courir en ce séjour 8 b
 Quelque aventure avec la dame. 8 a
L’infante s’éveilla,surprise au dernier point. 6+6 a
 « Non, non, dit-il, ne craignez point ; 8 a
 Je ne suis géant ni sauvage, 8 a
640 Mais chevalier errant ;qui rends grâces aux dieux 6+6 b
 D’avoir trouvé dans ce bocage 8 a
Ce qu’à peine on pourroitrencontrer dans les cieux. » 6+6 b
Après ce compliment,sans plus longue demeure, 6+6 a
Il lui dit en deux motsl’ardeur qui l’embrasoit : 6+6 b
645  C’étoit un homme qui faisoit 8 b
 Beaucoup de chemin en peu d’heure. 8 a
Le refrain fut d’offrirsa personne et son bras, 6+6 a
 Et tout ce qu’en semblable cas 8 a
 On a de coutume de dire 8 a
650  À celle pour qui l’on soupire. 8 a
Son offre fut reçue,et la belle lui fit 6+6 a
 Un long roman de son histoire, 8 b
 Supprimant, comme l’on peut croire, 8 b
 Les six galants.L’aventurier en prit 4+6 a
655  Ce qu’il crut à propos d’en prendre ; 8 c
Et, comme Alacielde son sort se plaignit, 6+6 a
 Cet inconnus’engagea de la rendre 4+6 c
Chez Zaïr ou dans Garbe,avant qu’il fût un mois. 6+6 a
 « Dans Garbe ? Non,reprit-elle, et pour cause : 4+6 b
660  Si les dieux avoient mis la chose 8 b
 Jusques à présent à mon choix, 8 a
J’aurois voulu revoirZaïr et ma patrie. 6+6 a
 — Pourvu qu’Amour me prête vie, 8 a
Vous les verrez ! dit-il.C’est seulement à vous 6+6 a
665  D’apporter remède à vos coups, 8 a
 Et consentirque mon ardeur s’apaise : 4+6 a
 Si j’en mourois(à vos bontés ne plaise !), 4+6 a
Vous demeureriez seule ;et, pour vous parler franc, 6+6 a
 Je tiens ce service assez grand 8 a
670  Pour me flatter d’une espérance 8 a
 De récompense. » 4 a
Elle en tomba d’accord,promit quelques douceurs, 6+6 a
 Convint du nombre de faveurs, 8 a
 Qu’afin que la chose fût sûre, 8 a
675  Cette princesse lui paieroit, 8 b
 Non tout d’un coup, mais à mesure 8 a
 Que le voyage se feroit, 8 b
 Tant chaque jour, sans nulle faute. 8 a
 Le marché s’étant ainsi fait, 8 b
680  La princesse en croupe se met, 8 b
 Sans prendre congé de son hôte. 8 a
 L’inconnu, qui pour quelque temps 8 a
 S’étoit défait de tous ses gens, 8 a
Les rencontra bientôt.Il avoit dans sa troupe 6+6 a
685 Un sien neveu fort jeune,avec son gouverneur. 6+6 b
Notre héroïne prend,en descendant de croupe, 6+6 a
 Un palefroi.Cependant le seigneur 4+6 b
 Marche toujours à côté d’elle, 8 a
 Tantôt lui conte une nouvelle, 8 a
690  Et tantôt lui parle d’amour, 8 a
 Pour rendre le chemin plus court. 8 a
Avec beaucoup de foile traité s’exécute : 6+6 a
 Pas la moindre ombre de dispute ; 8 a
Point de faute au calcul,non plus qu’entre marchands. 6+6 a
695 De faveur en faveur(ainsi comptaient ces gens), 6+6 a
Jusqu’au bord de la merenfin ils arrivèrent, 6+6 a
 Et s’embarquèrent. 4 a
 Cet élémentne leur fut pas moins doux 4+6 a
Que l’autre avoit été ;certain calme, au contraire, 6+6 b
700 Prolongeant le chemin,augmenta le salaire. 6+6 b
 Sains et gaillardsils débarquèrent tous 4+6 a
 Au port de Joppe ;et là se rafrchirent ; 4+6 a
 Au bout de deux jours, en partirent, 8 a
 Sans autre escorte que leur train. 8 a
705  Ce fut aux brigands une amorce : 8 b
 Un gros d’Arabes en chemin 8 a
Les ayant rencontrés,ils cédoient à la force 6+6 b
Quand notre aventurierfit un dernier effort, 6+6 a
Repoussa les brigands,reçut une blessure 6+6 b
710  Qui le mit dans la sépulture, 8 b
 Non sur-le-champ ; devant sa mort, 8 a
Il pourvut à la belle,ordonna du voyage, 6+6 a
En chargea son neveu,jeune homme de courage, 6+6 a
 Lui léguant, par même moyen, 8 b
715 Le surplus des faveurs,avec son équipage, 6+6 a
 Et tout le reste de son bien. 8 b
Quand on fut revenude toutes ces alarmes, 6+6 a
Et que l’on eut versécertain nombre de larmes, 6+6 a
 On satisfitau testament du mort ; 4+6 a
720 On paya les faveurs,dont enfin la dernière 6+6 b
 Échut justement sur le bord 8 a
 De la frontière. 4 b
 En cet endroit,le neveu la quitta, 4+6 a
 Pour ne donner aucun ombrage ; 8 b
725  Et le gouverneur la guida 8 a
 Pendant le reste du voyage. 8 b
 Au soudan il la présenta. 8 a
 D’exprimer ici la tendresse, 8 a
 Ou, pour mieux dire, les transports 8 b
730 Que témoigna Zaïren voyant la princesse, 6+6 a
 Il faudroit de nouveaux efforts, 8 b
Et je n’en puis plus faire :il est bon que j’imite 6+6 a
 Phébus, qui, sur la fin du jour, 8 b
 Tombe d’ordinaire si court, 8 b
735  Qu’on diroit qu’il se précipite. 8 a
Le gouverneur aimoità se faire écouter ; 6+6 a
Ce fut un passe-tempsque d’entendre conter 6+6 a
 Monts et merveilles de la dame, 8 a
 Qui rioit sans doute en son âme. 8 a
740 « Seigneur, dit le bonhommeen parlant au soudan, 6+6 a
Hispal étant parti,madame incontinent, 6+6 a
Pour fuir oisiveté,principe de tout vice, 6+6 a
Résolut de vaquernuit et jour au service 6+6 a
D’un dieu qui chez ces gensa beaucoup de crédit. 6+6 a
745  Je ne vous aurois jamais dit 8 a
 Tous ses temples et ses chapelles, 8 a
Nommés pour la plupartalcôves et ruelles. 6+6 a
Là, les gens pour idoleont un certain oiseau 6+6 b
 Qui dans ses portraits est fort beau, 8 b
750  Quoiqu’il n’ait des plumes qu’aux ailes. 8 a
 Au contraire des autres dieux, 8 a
 Qu’on ne sort que quand on est vieux, 8 a
 La jeunesse lui sacrifie. 8 a
 Si vous saviez l’honnête vie 8 a
755 Qu’en le servant menoitmadame Alaciel, 6+6 b
 Vous béniriez cent fois le ciel 8 b
De vous avoir donnéfille tant accomplie ! 6+6 a
Au reste, en ces pays,on vit d’autre façon 6+6 a
 Que parmi vous :les belles vont et viennent ; 4+6 b
760  Point d’eunuques qui les retiennent ; 8 b
Les hommes en ces lieuxont tous barbe au menton. 6+6 a
Madame, dès l’abord,s’est faite à leur méthode, 6+6 a
 Tant elle est de facile humeur ; 8 b
 Et je puis dire, à son honneur, 8 b
765  Que de tout elle s’accommode. » 8 a
Zaïr étoit ravi.Quelques jours écoulés, 6+6 a
La princesse partitpour Garbe, en grande escorte. 6+6 b
Les gens qui la suivoientfurent tous régalés 6+6 a
 De beaux présents ;et d’une amour si forte, 4+6 b
770 Cette belle touchale cœur de Mamolin, 6+6 a
Qu’il ne se tenoit pas.On fit un grand festin, 6+6 a
 Pendant lequel,ayant belle audience, 4+6 a
Alaciel contatout ce qu’elle voulut, 6+6 b
 Dit les mensonges qu’il lui plut. 8 b
775 Mamolin et sa sœurécoutoient en silence. 6+6 a
La nuit vint : on portala reine dans son lit. 6+6 a
 À son honneur elle en sortit : 8 a
 Le prince en rendit témoignage. 8 a
 Alaciel, à ce qu’on dit, 8 b
780  N’en demandoit pas davantage. 8 a
Ce conte nous apprendque beaucoup de maris, 6+6 b
Qui se vantent de voirfort clair en leurs affaires, 6+6 c
N’y viennent bien souventqu’après les favoris, 6+6 b
Et, tout savants qu’ils sont,ne s’y connoissent guères. 6+6 c
785 Le plus sûr toutefoisest de se bien garder, 6+6 a
 Craindre tout, ne rien hasarder. 8 a
Filles, maintenez-vous :l’affaire est d’importance. 6+6 a
Rois de Garbe ne sontoiseaux communs en France. 6+6 a
Vous voyez que l’hymeny suit l’accord de près : 6+6 a
790  C’est là l’un des plus grands secrets, 8 a
 Pour empêcher les aventures. 8 a
Je tiens vos amitiésfort chastes et fort pures ; 6+6 a
Mais Cupidon alorsfait d’étranges leçons. 6+6 b
 Rompez-lui toutes ses mesures : 8 a
795 Pourvoyez à la choseaussi bien qu’aux souons. 6+6 b
Ne m’allez point conter :« C’est le droit des gaons ! » 6+6 b
Les gaons, sans ce droit,ont assez se prendre. 6+6 a
Si quelqu’une pourtantne s’en pouvoit défendre, 6+6 a
Le remède serade rire en son malheur : 6+6 b
800  Il est bon de garder sa fleur, 8 b
Mais, pour l’avoir perdue,il ne se faut pas pendre. 6+6 a
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