Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LFT_2/LFT269
Jean de LA FONTAINE
CONTES ET NOUVELLES
1668-1694
LIVRE DEUXIÈME 1667 — 1669
VI
LA SERVANTE JUSTIFIÉE
NOUVELLE TIRÉE DES CONTES DE LA REINE DE NAVARRE
Boccace n’est | le seul qui me fournit : 4+6 a
Je vas parfois | en une autre boutique. 4+6 b
Il est bien vrai | que ce divin esprit 4+6 a
Plus que pas un | me donne de pratique : 4+6 b
5 Mais, comme il faut | manger de plus d’un pain, 4+6 a
Je puise encore | en un vieux magasin, 4+6 a
Vieux, des plus vieux, | où Nouvelles nouvelles 4+6 b
Sont jusqu’à cent | bien déduites et belles 4+6 b
Pour la plupart, | et de très-bonne main. 4+6 a
10 Pour cette fois, | la reine de Navarre, 4+6 a
D’un C’ÉTOIT MOI, | naïf autant que rare, 4+6 a
Entretiendra | dans ces vers le lecteur. 4+6 a
Voici le fait, | quiconque en soit l’auteur : 4+6 a
J’y mets du mien | selon les occurrences ; 4+6 b
15 C’est ma coutume ; | et, sans telles licences, 4+6 b
Je quitterais | la charge de conteur. 4+6 a
Un homme donc | avoit belle servante : 4+6 a
Il la rendit | au jeu d’amour savante. 4+6 a
Elle étoit fille | à bien armer un lit, 4+6 a
20 Pleine de suc | et donnant appétit ; 4+6 a
Ce qu’on appelle | en françois bonne robe. 4+6 a
Par un beau jour, | cet homme se dérobe 4+6 a
D’avec sa femme, | et, d’un très grand malin, 4+6 a
S’en va trouver | sa servante au jardin. 4+6 a
25 Elle faisoit | un bouquet pour madame : 4+6 a
C’étoit sa fête. | Or, voyant de la femme 4+6 a
Le bouquet fait, | il commence à louer 4+6 a
L’assortiment, | tâche à s’insinuer. 4+6 a
S’insinuer, | en fait de chambrière, 4+6 a
30 C’est proprement | couler sa main au sein 4+6 b
Ce qui fut fait. | La servante soudain 4+6 b
Se défendit ; | mais de quelle manière ? 4+6 a
Sans rien gâter : | c’étoit une façon 4+6 a
Sur le marché ; | bien savoit sa leçon. 4+6 a
35 La belle prend | les fleurs qu’elle avoit mises 4+6 a
En un monceau, | les jette au compagnon. 4+6 b
Il la baisa | pour en avoir raison, 4+6 b
Tant et si bien, | qu’ils en vinrent aux prises. 4+6 a
En cet étrif, | la servante tomba : 4+6 a
40 Lui, d’en tirer | aussitôt avantage. 4+6 b
Le malheur fut | que tout ce beau ménage 4+6 b
Fut découvert | d’un logis près de là. 4+6 a
Nos gens n’avoient | pris garde à cette affaire : 4+6 a
Une voisine | aperçut le mystère. 4+6 a
45 L’époux la vit, | je ne sais pas comment. 4+6 a
« Nous voilà pris ! | dit-il à sa servante ; 4+6 b
Notre voisine | est languarde et méchante ; 4+6 b
Mais ne soyez | en crainte aucunement. » 4+6 a
Il va trouver | sa femme en ce moment ; 4+6 a
50 Puis fait si bien, | que, s’étant éveillée, 4+6 a
Elle se lève ; | et, sur l’heure habillée, 4+6 a
Il continue | à jouer son rôlet ; 4+6 b
Tant, qu’à dessein | d’aller faire un bouquet, 4+6 b
La pauvre épouse | au jardin est menée. 4+6 a
55 Là, lut par lui | procédé de nouveau. 4+6 a
Même débat, | même jeu se commence : 4+6 b
Fleurs de voler, | tetons d’entrer en danse. 4+6 b
Elle y prit goût ; | le jeu lui sembla beau. 4+6 a
Somme, que l’herbe | en fut encor froissée. 4+6 a
60 La pauvre dame | alla l’après-dînée 4+6 a
Voir sa voisine, | à qui ce secret-là 4+6 a
Chargeoit le cœur : | elle se soulagea 4+6 a
Tout dès l’abord. | « Je ne puis, ma commère, 4+6 a
Dit cette femme | avec un front sévère, 4+6 a
65 Laisser passer, | sans vous en avertir, 4+6 a
Ce que j’ai vu. | Voulez-vous vous servir 4+6 a
Encor longtemps | d’une fille perdue ? 4+6 a
À coups de pied, | si j’étois que de vous, 4+6 b
Je l’envoierois | ainsi qu’elle est venue. 4+6 a
70 Comment ! elle est | aussi brave que nous ! 4+6 b
Or bien, je sais | celui de qui procède 4+6 a
Cette piaffe : | apportez-y remède, 4+6 a
Tout au plus tôt ; | car je vous avertis 4+6 a
Que, ce matin, | étant à la fenêtre, 4+6 b
75 Ne sais pourquoi, | j’ai vu, de mon logis, 4+6 a
Dans son jardin | votre mari paroître, 4+6 b
Puis la galande ; | et tous deux se sont mis 4+6 a
À se jeter | quelques fleurs à la tête, » 4+6 a
Sur ce propos, | l’autre l’arrêta coi : 4+6 b
80 « Je vous entends, | dit-elle ; c’étoit moi ! 4+6 b
LA VOISINE.
Voire ! Écoutez | le reste de la fête : 4+6 a
Vous ne savez | où je veux en venir. 4+6 a
Les bonnes gens | se sont pris à cueillir 4+6 a
Certaines fleurs | que baisers on appelle. 4+6 a
LA FEMME
85 C’est encor moi | que vous preniez pour elle. 4+6 a
LA VOISINE
Du jeu des fleurs | à celui des tétons, 4+6 a
Ils sont passés : | après quelques façons, 4+6 a
À pleine main | l’on les a laissé prendre. 4+6 a
LA FEMME
Et pourquoi non ? | C’étoit moi.Votre époux 4+6 b
90 N’a-t-il donc pas | les mêmes droits sur vous ? 4+6 b
LA VOISINE
Cette personne | enfin sur l’herbe tendre 4+6 a
Est trébuchée ; | et, comme je le croi, 4+6 a
Sans se blesser. | Vous riez ?
LA FEMME
C’étoit moi. 4+6 a
LA VOISINE
Un cotillon | a paré la verdure. 4+6 a
LA FEMME
C’étoit le mien. |
LA VOISINE
95 Sans vous mettre en courroux, 4+6 b
Qui le portoit, | de la fille ou de vous ? 4+6 b
C’est là le point ; | car monsieur votre époux 4+6 b
Jusques au bout | a poussé l’aventure. 4+6 a
LA FEMME
Qui ? C’étoit moi. | Votre tête est bien dure. 4+6 a
LA VOISINE
100 Ah ! c’est assez. | Je ne m’informe plus ; 4+6 a
J’ai pourtant l’oeil | assez bon, ce me semble : 4+6 b
J’aurois juré | que je les avois vus 4+6 a
En ce lieu-là | se divertir ensemble. 4+6 b
Mais excusez ; | et ne la chassez pas. 4+6 a
LA FEMME
105 Pourquoi chasser ? | J’en suis très-bien servie. 4+6 b
LA VOISINE
Tant pis pour vous ! | C’est justement le cas. 4+6 a
Vous en tenez, | ma commère m’amie ! » 4+6 b
mètre profil métrique : 4+6
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