Métrique en Ligne
LFT_1/LFT247
Jean de LA FONTAINE
FABLES
1678-1694
FABLES CHOISIES MISES EN VERS
Éditions Thierry et Barbin (1678-1679) et Barbin (1694)
LIVRE XII
XXIX
LE JUGE ARBITRE, L'HOSPITALIER ET LE SOLITAIRE
Trois saints, également jaloux de leur salut, 6+6 a
Portés d'un même esprit, tendoient à même but. 6+6 a
Ils s'y prirent tous trois par des routes diverses : 6+6 a
Tous chemins vont à Rome ; ainsi nos concurrents 6+6 b
5 Crurent pouvoir choisir des sentiers différents. 6+6 b
L'un, touché des soucis, des longueurs, des traverses, 6+6 a
Qu'en apanage on voit aux procès attachés, 6+6 a
S'offrit de les juger sans récompense aucune, 6+6 b
Peu soigneux d'établir ici-bas sa fortune. 6+6 b
10 Depuis qu'il est des lois, l'homme, pour ses péchés, 6+6 a
Se condamne à plaider la moitié de sa vie : 6+6 a
La moitié ! les trois quarts, et bien souvent le tout. 6+6 b
Le conciliateur crut qu'il viendroit à bout 6+6 b
De guérir cette folle et détestable envie. 6+6 a
15 Le second de nos saints choisit les hôpitaux. 6+6 a
Je le loue ; et le soin de soulager les maux 6+6 a
Est une charité que je préfère aux autres. 6+6 a
Les malades d'alors, étant tels que les nôtres, 6+6 a
Donnoient de l'exercice au pauvre hospitalier ; 6+6 a
20 Chagrins, impatients, et se plaignant sans cesse : 6+6 b
« Il a pour tels et tels un soin particulier, 6+6 a
« Ce sont ses amis ; il nous laisse. » 8 b
Ces plaintes n'étoient rien au prix de l'embarras 6+6 a
Où se trouva réduit l'appointeur de débats : 6+6 a
25 Aucun n'étoit content, la sentence arbitrale 6+6 a
À nul des deux ne convenoit : 8 b
Jamais le juge ne tenoit 8 b
À leur gré la balance égale : 8 a
De semblables discours rebutoient l'appointeur : 6+6 a
30 Il court aux hôpitaux, va voir leur directeur. 6+6 a
Tous deux ne recueillant que plainte et que murmure, 6+6 a
Affligés, et contraints de quitter ces emplois, 6+6 b
Vont confier leur peine au silence des bois. 6+6 b
Là sous d'âpres rochers, près d'une source pure, 6+6 a
35 Lieu respecté des vents, ignoré du soleil, 6+6 a
Ils trouvent l'autre saint, lui demandent conseil. 6+6 a
Il faut, dit leur ami, le prendre de soi-même. 6+6 a
Qui mieux que vous sait vos besoins ? 8 b
Apprendre à se connoître est le premier des soins 6+6 b
40 Qu'impose à tout mortel la Majesté suprême. 6+6 a
Vous êtes-vous connus dans le monde habité ? 6+6 c
L'on ne le peut qu'aux lieux pleins de tranquillité : 6+6 c
Chercher ailleurs ce bien est une erreur extrême. 6+6 a
Troublez l'eau : vous y voyez-vous ? 8 a
45 Agitez celle-ci. ‒ Comment nous verrions-nous ? 6+6 a
La vase est un épais nuage 8 a
Qu'aux effets du cristal nous venons d'opposer. ‒ 6+6 b
Mes frères, dit le saint, laissez-la reposer, 6+6 b
Vous verrez alors votre image. 8 a
50 Pour vous mieux contempler, demeurez au désert. 6+6 a
Ainsi parla le solitaire. 8 b
Il fut cru ; l'on suivit ce conseil salutaire. 6+6 b
Ce n'est pas qu'un emploi ne doive être souffert. 6+6 a
Puisqu'on plaide et qu'on meurt, et qu'on devient malade, 6+6 a
55 Il faut des médecins, il faut des avocats ; 6+6 b
Ces secours, grâce à Dieu, ne nous manqueront pas : 6+6 b
Les honneurs et le gain, tout me le persuade. 6+6 a
Cependant on s'oublie en ces communs besoins. 6+6 a
O vous, dont le public emporte tous les soins, 6+6 a
60 Magistrats, princes et ministres, 8 a
Vous que doivent troubler mille accidents sinistres, 6+6 a
Que le malheur abat, que le bonheur corrompt, 6+6 a
Vous ne vous voyez point, vous ne voyez personne. 6+6 b
Si quelque bon moment à ces pensers vous donne, 6+6 b
65 Quelque flatteur vous interrompt. 8 a
Cette leçon sera la fin de ces ouvrages : 6+6 a
Puisse-t-elle être utile aux siècles à venir ! 6+6 b
Je la présente aux rois, je la propose aux sages : 6+6 a
Par où saurois-je mieux finir ? 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
forme globale type : suite de strophes
logo du CRISCO logo de l'université