Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LFT_1/LFT246
Jean de LA FONTAINE
FABLES
1678-1694
FABLES CHOISIES MISES EN VERS
Éditions Thierry et Barbin (1678-1679) et Barbin (1694)
LIVRE XII
XXVIII
LES FILLES DE MINÉE
Sujet tiré des Métamorphoses d’Ovide
Je chante dans ces Vers | les Filles de Minée, 6+6 a
Troupe aux arts de Pallas | dès l’enfance adonnée, 6+6 a
Et de qui le travail | fit entrer en courroux 6+6 a
Bacchus, à juste droit | de ses honneurs jaloux. 6+6 a
5 Tout Dieu veut aux humains | se faire reconnaître. 6+6 a
On ne voit point les champs | répondre aux soins du Maître, 6+6 a
Si dans les jours sacrés | autour de ses guérets, 6+6 a
Il ne marche en triomphe | à l’honneur de Cérés. 6+6 a
La Grèce était en jeux | pour le fils de Séméle ; 6+6 a
10 Seules on vit trois sœurs | condamner ce saint zèle. 6+6 a
Alcithoé l’aînée | ayant pris ses fuseaux, 6+6 a
Dit aux autres : Quoi donc | toujours des Dieux nouveaux ? 6+6 a
L’Olympe ne peut plus | contenir tant de têtes, 6+6 a
Ni l’an fournir de jours | assez pour tant de Fêtes. 6+6 a
15 Je ne dis rien des vœux | dus aux travaux divers 6+6 a
De ce Dieu qui purgea | de monstres l’Univers ; 6+6 a
Mais à quoi sert Bacchus, | qu’à causer des querelles ? 6+6 a
Affaiblir les plus sains ? | enlaidir les plus belles ? 6+6 a
Souvent mener au Styx | par de tristes chemins ? 6+6 a
20 Et nous irons chômer | la peste des humains ? 6+6 a
Pour moi, j’ai résolu | de poursuivre ma tâche. 6+6 a
Se donne qui voudra | ce jour-ci du relâche : 6+6 a
Ces mains n’en prendront point. | Je suis encor d’avis 6+6 a
Que nous rendions le temps | moins long par des récits. 6+6 a
25 Toutes trois tour à tour | racontons quelque histoire ; 6+6 a
Je pourrais retrouver | sans peine en ma mémoire 6+6 a
Du Monarque des Dieux | les divers changements ; 6+6 a
Mais comme chacun sait | tous ces événements, 6+6 a
Disons ce que l’amour | inspire à nos pareilles : 6+6 a
30 Non toutefois qu’il faille | en contant ses merveilles, 6+6 a
Accoutumer nos cœurs | à goûter son poison ; 6+6 a
Car, ainsi que Bacchus, | il trouble la raison. 6+6 a
Récitons-nous les maux | que ses biens nous attirent. 6+6 a
Alcithoé se tut, | et ses sœurs applaudirent. 6+6 a
35 Après quelques moments, | haussant un peu la voix, 6+6 a
Dans Thèbes, reprit-elle, | on conte qu’autrefois 6+6 a
Deux jeunes cœurs s’aimaient | d’une égale tendresse : 6+6 a
Pyrame, c’est l’amant, | eut Thisbé pour maîtresse : 6+6 a
Jamais couple ne fut | si bien assorti qu’eux ; 6+6 a
40 L’un bien fait, l’autre belle, | agréables tous deux, 6+6 a
Tous deux dignes de plaire, | ils s’aimèrent sans peine ; 6+6 a
D’autant plutôt épris, | qu’une invincible haine 6+6 a
Divisant leurs parents, | ces deux Amants unit, 6+6 a
Et concourut aux traits | dont l’Amour se servit. 6+6 a
45 Le hasard, non le choix, | avait rendu voisines 6+6 a
Leurs maisons où régnaient | ces guerres intestines ; 6+6 a
Ce fut un avantage | à leurs désirs naissants. 6+6 a
Le cours en commença | par des jeux innocents : 6+6 a
La première étincelle | eut embrasé leur âme 6+6 a
50 Qu’ils ignoraient encor | ce que c’était que flamme. 6+6 a
Chacun favorisait | leurs transports mutuels, 6+6 a
Mais c’était à l’insu | de leurs parents cruels. 6+6 a
La défense est un charme ; | on dit qu’elle assaisonne 6+6 a
Les plaisirs, et sur tout | ceux que l’amour nous donne. 6+6 a
55 D’un des logis à l’autre, | elle instruisit du moins 6+6 a
Nos Amants à se dire | avec signe leurs soins. 6+6 a
Ce léger réconfort | ne les put satisfaire ; 6+6 a
Il fallut recourir | à quelque autre mystère. 6+6 a
Un vieux mur entr’ouvert | séparait leurs maisons, 6+6 a
60 Le temps avait miné | ses antiques cloisons. 6+6 a
Là souvent de leurs maux | ils déploraient la cause ; 6+6 a
Les paroles passaient, | mais c’était peu de chose. 6+6 a
Se plaignant d’un tel sort, | Pyrame dit un jour, 6+6 a
Chère Thisbé, le Ciel | veut qu’on s’aide en amour ; 6+6 a
65 Nous avons à nous voir | une peine infinie ; 6+6 a
Fuyons de nos parents | l’injuste tyrannie : 6+6 a
J’en ai d’autres en Grèce ; | ils se tiendront heureux 6+6 a
Que vous daignez chercher | un asile chez eux ; 6+6 a
Leur amitié, leurs biens, | leur pouvoir, tout m’invite 6+6 a
70 À prendre le parti | dont je vous sollicite. 6+6 a
C’est votre seul repos | qui me le fait choisir, 6+6 a
Car je n’ose parler, | hélas ! de mon désir ; 6+6 a
Faut-il à votre gloire | en faire un sacrifice ? 6+6 a
De crainte des vains bruits | faut-il que je languisse ? 6+6 a
75 Ordonnez, j’y consens, | tout me semblera doux ; 6+6 a
Je vous aime Thisbé, | moins pour moi que pour vous. 6+6 a
J’en pourrais dire autant, | lui repartit l’Amante ; 6+6 a
Votre amour étant pure, | encor que véhémente, 6+6 a
Je vous suivrai partout ; | notre commun repos 6+6 a
80 Me doit mettre au-dessus | de tous les vains propos ; 6+6 a
Tant que de ma vertu | je serai satisfaite, 6+6 a
Je rirai des discours | d’une langue indiscrète, 6+6 a
Et m’abandonnerai | sans crainte à votre ardeur, 6+6 a
Contente que je suis | des soins de ma pudeur. 6+6 a
85 Jugez ce que sentit | Pyrame à ces paroles ; 6+6 a
Je n’en fais point ici | de peintures frivoles. 6+6 a
Suppléez au peu d’art | que le Ciel mit en moi : 6+6 a
Vous-mêmes peignez-vous | cet Amant hors de soi. 6+6 a
Demain, dit-il, il faut | sortir avant l’Aurore ; 6+6 a
90 N’attendez point les traits | que son char fait éclore ; 6+6 a
Trouvez-vous aux degrés | du terme de Cérès ; 6+6 a
Là nous nous attendrons ; | le rivage est tout près : 6+6 a
Une barque est au bord ; | Les Rameurs, le vent même, 6+6 a
Tout pour notre départ | montre une hâte extrême ; 6+6 a
95 L’augure en est heureux, | notre sort va changer ; 6+6 a
Et les Dieux sont pour nous, | si je sais bien juger. 6+6 a
Thisbé consent à tout ; | elle en donne pour gage 6+6 a
Deux baisers par le mur | arrêtés au passage, 6+6 a
Heureux mur ! tu devais | servir mieux leur désir ; 6+6 a
100 Ils n’obtinrent de toi | qu’une ombre de plaisir. 6+6 a
Le lendemain Thisbé | sort et prévient Pyrame ; 6+6 a
L’impatience, hélas ! | maîtresse de son âme, 6+6 a
La fait arriver seule | et sans guide aux degrés ; 6+6 a
L’ombre et le jour luttaient | dans les champs azurés. 6+6 a
105 Une lionne vient, | monstre imprimant la crainte ; 6+6 a
D’un carnage récent | sa gueule est toute teinte. 6+6 a
Thisbé fuit, et son voile | emporté par les airs, 6+6 a
Source d’un sort cruel, | tombe dans ces déserts. 6+6 a
La lionne le voit, | le souille, le déchire, 6+6 a
110 Et l’ayant teint de sang, | aux forêts se retire. 6+6 a
Thisbé s’était cachée | en un buisson épais. 6+6 a
Pyrame arrive, et voit | ces vestiges tout frais. 6+6 a
Ô Dieux ! que devient-il ? | un froid court dans ses veines ; 6+6 a
Il aperçoit le voile | étendu dans ces plaines : 6+6 a
115 Il le lève ; et le sang | joint aux traces des pas, 6+6 a
L’empêche de douter | d’un funeste trépas. 6+6 a
Thisbé, s’écria-t-il, | Thisbé, je t’ai perdue, 6+6 a
Te voilà par ma faute | aux Enfers descendue ! 6+6 a
Je l’ai voulu ; c’est moi | qui suis le monstre affreux 6+6 a
120 Par qui tu t’en vas voir | le séjour ténébreux : 6+6 a
Attends-moi, je te vais | rejoindre aux rives sombres ; 6+6 a
Mais m’oserai-je à toi | présenter chez les Ombres ? 6+6 a
Jouis au moins du sang | que je te vais offrir, 6+6 a
Malheureux de n’avoir | qu’une mort à souffrir. 6+6 a
125 Il dit, et d’un poignard | coupe aussitôt sa trame. 6+6 a
Thisbé vient ; Thisbé voit | tomber son cher Pyrame. 6+6 a
Que devint-elle aussi ? | tout lui manque à la fois, 6+6 a
Le sens, et les esprits | aussi bien que la voix. 6+6 a
Elle revient enfin ; | Cloton pour l’amour d’elle 6+6 a
130 Laisse à Pyrame ouvrir | sa mourante prunelle. 6+6 a
Il ne regarde point | la lumière des Cieux ; 6+6 a
Sur Thisbé seulement | il tourne encor les yeux. 6+6 a
Il voudrait lui parler, | sa langue est retenue ; 6+6 a
Il témoigne mourir | content de l’avoir vue. 6+6 a
135 Thisbé prend le poignard ; | et découvrant son sein, 6+6 a
Je n’accuserai point, | dit-elle, ton dessein ; 6+6 a
Bien moins encor l’erreur | de ton âme alarmée ; 6+6 a
Ce serait t’accuser | de m’avoir trop aimée. 6+6 a
Je ne t’aime pas moins : | tu vas voir que mon cœur 6+6 a
140 N’a non plus que le tien | mérité son malheur. 6+6 a
Cher Amant, reçois donc | ce triste sacrifice. 6+6 a
Sa main et le poignard | font alors leur office : 6+6 a
Elle tombe, et tombant | range ses vétemens, 6+6 a
Dernier trait de pudeur, | même aux derniers moments. 6+6 a
145 Les Nymphes d’alentour | lui donnèrent des larmes ; 6+6 a
Et du sang des Amants | teignirent par des charmes 6+6 a
Le fruit d’un Mûrier proche, | et blanc jusqu’à ce jour, 6+6 a
Éternel monument | d’un si parfait amour. 6+6 a
Cette histoire attendrit | les filles de Minée : 6+6 a
150 L’une accusait l’Amant, | l’autre la destinée, 6+6 a
Et toutes d’une voix | conclurent que nos cœurs 6+6 a
De cette passion | devraient être vainqueurs. 6+6 a
Elle meurt quelquefois | avant qu’être contente ; 6+6 a
L’est-elle ? elle devient | aussitôt languissante : 6+6 a
155 Sans l’hymen on n’en doit | recueillir aucun fruit, 6+6 a
Et cependant l’hymen | est ce qui la détruit. 6+6 a
Il y joint, dit Climène, | une âpre jalousie. 6+6 a
Poison le plus cruel | dont l’âme soit saisie. 6+6 a
Je n’en veux pour témoin | que l’erreur de Procris. 6+6 a
160 Alcithoé ma sœur, | attachant vos esprits, 6+6 a
Des tragiques amours | vous a conté l’élite ; 6+6 a
Celles que je vais dire | ont aussi leur mérite. 6+6 a
J’acourcirai le temps | ainsi qu’elle, à mon tour. 6+6 a
Peu s’en faut que Phœbus | ne partage le jour. 6+6 a
165 À ses rayons perçants | opposons quelques voiles. 6+6 a
Voyons combien nos mains | ont avancé nos toiles. 6+6 a
Je veux que sur la mienne, | avant que d’être au soir, 6+6 a
Un progrès tout nouveau | se fasse apercevoir : 6+6 a
Cependant donnez-moi | quelque heure de silence, 6+6 a
170 Ne vous rebutez point | de mon peu d’éloquence ; 6+6 a
Souffrez-en les défauts ; | et songez seulement 6+6 a
Au fruit qu’on peut tirer | de cet événement. 6+6 a
Céphale aimait Procris, | il était aimé d’elle ; 6+6 a
Chacun se proposait | leur Hymen pour modèle. 6+6 a
175 Ce qu’Amour fait sentir | de piquant et de doux 6+6 a
Comblait abondamment | les vœux de ces Époux. 6+6 a
Ils ne s’aimaient que trop ; | leurs soins et leur tendresse 6+6 a
Approchaient des transports | d’Amant et de Maîtresse ; 6+6 a
Le Ciel même envia | cette félicité : 6+6 a
180 Céphale eut à combattre | une Divinité. 6+6 a
Il était jeune et beau, | l’Aurore en fut charmée ; 6+6 a
N’étant pas à ces biens, | chez elle, accoutumée. 6+6 a
Nos belles cacheraient | un pareil sentiment : 6+6 a
Chez les Divinités | on en use autrement. 6+6 a
185 Celle-ci déclara | son amour à Céphale. 6+6 a
Il eut beau lui parler | de la foi conjugale ; 6+6 a
Les jeunes Déités | qui n’ont qu’un vieil Époux, 6+6 a
Ne se soumettent point | à ces lois comme nous. 6+6 a
La Déesse enleva | ce Héros si fidèle : 6+6 a
190 De modérer ses feux | il pria l’Immortelle. 6+6 a
Elle le fit ; l’amour | devint simple amitié : 6+6 a
Retournez, dit l’Aurore, | avec votre moitié. 6+6 a
Je ne troublerai plus | votre ardeur ni la sienne ; 6+6 a
Recevez seulement | ces marques de la mienne. 6+6 a
195 (C’était un javelot | toujours sûr de ses coups.) 6+6 a
Un jour cette Procris | qui ne vit que pour vous, 6+6 a
Fera le désespoir | de votre âme charmée, 6+6 a
Et vous aurez regret | de l’avoir tant aimée. 6+6 a
Tout Oracle est douteux, | et porte un double sens ; 6+6 a
200 Celui-ci mit d’abord | nôtre Époux en suspens : 6+6 a
J’aurai regret aux vœux | que j’ai formés pour elle ; 6+6 a
Et comment ? N’est-ce point | qu’elle m’est infidèle ? 6+6 a
Ah finissent mes jours | plutôt que de le voir ! 6+6 a
Éprouvons toutefois | ce que peut son devoir. 6+6 a
205 Des Mages aussitôt | consultant la science, 6+6 a
D’un feint adolescent | il prend la ressemblance ; 6+6 a
S’en va trouver Procris, | élève jusqu’aux Cieux 6+6 a
Ses beautés qu’il soutient | être dignes des Dieux ; 6+6 a
Joint les pleurs aux soupirs | comme un Amant sait faire, 6+6 a
210 Et ne peut s’éclaircir | par cet art ordinaire. 6+6 a
Il fallut recourir | à ce qui porte coup, 6+6 a
Aux présents ; il offrit, | donna promit beaucoup, 6+6 a
Promit tant que Procris | lui parut incertaine. 6+6 a
Toute chose a son prix : | voilà Céphale en peine ; 6+6 a
215 Il renonce aux cités, | s’en va dans les forêts, 6+6 a
Conte aux vents, conte aux bois | ses déplaisirs secrets : 6+6 a
S’imagine en chassant | dissiper son martyre. 6+6 a
C’était pendant ces mois | où le chaud qu’on respire 6+6 a
Oblige d’implorer | l’haleine des Zéphyrs. 6+6 a
220 Doux Vents, s’écriait-il, | prêtez-moi des soupirs, 6+6 a
Venez, légers Démons | par qui nos champs fleurissent : 6+6 a
Aure, fais-les venir ; | je sais qu’ils t’obéissent ; 6+6 a
Ton emploi dans ces lieux | est de tout ranimer. 6+6 a
On l’entendit, on crut | qu’il venait de nommer 6+6 a
225 Quelque objet de ses vœux | autre que son Épouse. 6+6 a
Elle en est avertie, | et la voilà jalouse. 6+6 a
Maint voisin charitable | entretient ses ennuis : 6+6 a
Je ne le puis plus voir, | dit-elle, que les nuits. 6+6 a
Il aime donc cette Aure, | et me quitte pour elle ? 6+6 a
230 Nous vous plaignons ; il l’aime, | et sans cesse il l’appelle ; 6+6 a
Les échos de ces lieux | n’ont plus d’autres emplois 6+6 a
Que celui d’enseigner | le nom d’Aure à nos bois. 6+6 a
Dans tous les environs | le nom d’Aure résonne. 6+6 a
Profitez d’un avis | qu’en passant on vous donne. 6+6 a
235 L’intérêt qu’on y prend | est de vous obliger. 6+6 a
Elle en profite, hélas ! | et ne fait qu’y songer. 6+6 a
Les Amants sont toujours | de légère croyance. 6+6 a
S’ils pouvaient conserver | un rayon de prudence, 6+6 a
(Je demande un grand point, | la prudence en amours) 6+6 a
240 Ils seraient aux rapports | insensibles et sourds. 6+6 a
Nôtre Épouse ne fut | l’une ni l’autre chose : 6+6 a
Elle se lève un jour ; | et lorsque tout repose, 6+6 a
Que de l’aube au teint frais | la charmante douceur 6+6 a
Force tout au sommeil, | hormis quelque Chasseur, 6+6 a
245 Elle cherche Céphale ; | un bois l’offre à sa vue. 6+6 a
Il invoquait déjà | cette Aure prétendue. 6+6 a
Viens me voir, disait-il, | chère Déesse accours : 6+6 a
Je n’en puis plus, je meurs, | fais que par ton secours 6+6 a
La peine que je sens | se trouve soulagée. 6+6 a
250 L’Épouse se prétend | par ces mots outragée ; 6+6 a
Elle croit y trouver, | non le sens qu’ils cachaient, 6+6 a
Mais celui seulement | que ses soupçons cherchaient. 6+6 a
Ô triste jalousie ! | ô passion amère ! 6+6 a
Fille d’un fol amour, | que l’erreur a pour mère ! 6+6 a
255 Ce qu’on voit par tes yeux | cause assez d’embarras, 6+6 a
Sans voir encor par eux | ce que l’on ne voit pas. 6+6 a
Procris s’était cachée | en la même retraite 6+6 a
Qu’un Faon de Biche avait | pour demeure secrète : 6+6 a
Il en sort ; et le bruit | trompe aussitôt l’Époux. 6+6 a
260 Céphale prend le dard | toujours sûr de ses coups, 6+6 a
Le lance en cet endroit, | et perce sa jalouse ; 6+6 a
Malheureux assassin | d’une si chère Épouse. 6+6 a
Un cri lui fait d’abord | soupçonner quelque erreur ; 6+6 a
Il accourt, voit sa faute, | et tout plein de fureur, 6+6 a
265 Du même javelot | il veut s’ôter la vie. 6+6 a
L’Aurore et les Destins | arrêtent cette envie. 6+6 a
Cet office lui fut | plus cruel qu’indulgent. 6+6 a
L’infortuné Mari | sans cesse s’affligeant, 6+6 a
Eût accru par ses pleurs | le nombre des fontaines, 6+6 a
270 Si la Déesse enfin, | pour terminer ses peines, 6+6 a
N’eût obtenu du Sort | que l’on tranchât ses jours ; 6+6 a
Triste fin d’un Hymen | bien divers en son cours. 6+6 a
Fuyons ce nœud, mes Sœurs, | je ne puis trop le dire. 6+6 a
Jugez par le meilleur | quel peut être le pire. 6+6 a
275 S’il ne nous est permis | d’aimer que sous ses lois, 6+6 a
N’aimons point. Ce dessein | fut pris par toutes trois. 6+6 a
Toutes trois pour chasser | de si tristes pensées, 6+6 a
À revoir leur travail | se montrent empressées. 6+6 a
Climène en un tissu | riche, pénible, et grand, 6+6 a
280 Avait presque achevé | le fameux différend 6+6 a
D’entre le Dieu des eaux | et Pallas la savante. 6+6 a
On voyait en lointain | une ville naissante. 6+6 a
L’honneur de la nommer | entre eux deux contesté, 6+6 a
Dépendait du présent | de chaque Déité. 6+6 a
285 Neptune fit le sien | d’un symbole de guerre. 6+6 a
Un coup de son trident | fit sortir de la terre 6+6 a
Un animal fougueux, | un Coursier plein d’ardeur. 6+6 a
Chacun de ce présent | admirait la grandeur. 6+6 a
Minerve l’effaça, | donnant à la contrée 6+6 a
290 L’Olivier, qui de paix | est la marque assurée ; 6+6 a
Elle emporta le prix, | et nomma la Cité. 6+6 a
Athène offrit ses vœux | à cette Déité. 6+6 a
Pour les lui présenter | on choisit cent pucelles, 6+6 a
Toutes sachant broder, | aussi sages que belles. 6+6 a
295 Les premières portaient | force présents divers. 6+6 a
Tout le reste entourait | la Déesse aux yeux pers. 6+6 a
Avec un doux sourire | elle acceptait l’hommage. 6+6 a
Climène ayant enfin | replié son ouvrage, 6+6 a
La jeune Iris commence | en ces mots son récit. 6+6 a
300 Rarement pour les pleurs | mon talent réussit, 6+6 a
Je suivrai toutefois | la matière imposée. 6+6 a
Télamon pour Cloris | avait l’âme embrasée : 6+6 a
Cloris pour Télamon | brûlait de son côté. 6+6 a
La naissance, l’esprit, | les grâces, la beauté ; 6+6 a
305 Tout se trouvait en eux, | hormis ce que les hommes 6+6 a
Font marcher avant tout | dans ce siècle où nous sommes. 6+6 a
Ce sont les biens, c’est l’or, | mérite universel. 6+6 a
Ces Amants, Quoiqu’épris | d’un désir mutuel, 6+6 a
N’osaient au blond Hymen | sacrifier encore ; 6+6 a
310 Faute de ce métail | que tout le monde adore. 6+6 a
Amour s’en passerait, | l’autre état ne le peut : 6+6 a
Soit raison, soit abus, | le Sort ainsi le veut. 6+6 a
Cette loi qui corrompt | les douceurs de la vie, 6+6 a
Fut par le jeune Amant | d’une autre erreur suivie. 6+6 a
315 Le Démon des Combats | vint troubler l’Univers. 6+6 a
Un Pays contesté | par des Peuples divers 6+6 a
Engagea Télamon | dans un dur exercice. 6+6 a
Il quitta pour un temps | l’amoureuse milice. 6+6 a
Cloris y consentit, | mais non pas sans douleur. 6+6 a
320 Il voulut mériter | son estime et son cœur. 6+6 a
Pendant que ses exploits | terminent la querelle, 6+6 a
Un parent de Cloris | meurt, et laisse à la belle 6+6 a
D’amples possessions | et d’immenses trésors : 6+6 a
Il habitait les lieux | où Mars régnait alors. 6+6 a
325 La Belle s’y transporte ; | et partout révérée, 6+6 a
Partout, des deux partis | Cloris considérée, 6+6 a
Voit de ses propres yeux | les champs où Télamon 6+6 a
Venait de consacrer | un trophée à son nom. 6+6 a
Lui de sa part accourt, | et, tout couvert de gloire 6+6 a
330 Il offre à ses amours | les fruits de sa victoire. 6+6 a
Leur rencontre se fit | non loin de l’élément 6+6 a
Qui doit être évité | de tout heureux Amant. 6+6 a
Dès ce jour l’âge d’or | les eût joints sans mystère ; 6+6 a
L’âge de fer en tout | a coutume d’en faire. 6+6 a
335 Cloris ne voulut donc | couronner tous ces biens 6+6 a
Qu’au sein de sa Patrie, | et de l’aveu des siens. 6+6 a
Tout chemin, hors la mer, | allongeant leur souffrance, 6+6 a
Ils commettent aux flots | cette douce espérance. 6+6 a
Zéphyre les suivait | quand presque en arrivant, 6+6 a
340 Un Pirate survient, | prend le dessus du vent, 6+6 a
Les attaque, les bat. | En vain par sa vaillance 6+6 a
Télamon jusqu’au bout | porte la résistance. 6+6 a
Après un long combat | son parti fut défait ; 6+6 a
Lui pris ; et ses efforts | n’eurent pour tout effet 6+6 a
345 Qu’un esclavage indigne. | Ô Dieux, qui l’eût pu croire ! 6+6 a
Le sort sans respecter | ni son sang ni sa gloire, 6+6 a
Ni son bonheur prochain, | ni les vœux de Cloris, 6+6 a
Le fit être forçat | aussitôt qu’il fut pris. 6+6 a
Le destin ne fut pas | à Cloris si contraire ; 6+6 a
350 Un célèbre Marchand | l’achète du Corsaire : 6+6 a
Il l’emmène ; et bientôt | la Belle, malgré soi, 6+6 a
Au milieu de ses fers, | range tout sous sa loi. 6+6 a
L’Épouse du Marchand | la voit avec tendresse. 6+6 a
Ils en font leur Compagne, | et leur fils sa Maîtresse. 6+6 a
355 Chacun veut cet Hymen : | Cloris à leurs désirs 6+6 a
Répondait seulement | par de profonds soupirs. 6+6 a
Damon, c’était ce fils, | lui tient ce doux langage : 6+6 a
Vous soupirez toujours, | toujours votre visage 6+6 a
Baigné de pleurs nous marque | un déplaisir secret. 6+6 a
360 Qu’avez-vous ? vos beaux yeux | verraient-ils à regret 6+6 a
Ce que peuvent leurs traits, | et l’excès de ma flamme ? 6+6 a
Rien ne vous force ici, | découvrez-nous votre âme ; 6+6 a
Cloris, c’est moi qui suis | l’esclave, et non pas vous ; 6+6 a
Ces lieux, à votre gré, | n’ont-ils rien d’assez doux ? 6+6 a
365 Parlez ; nous sommes prêts | à changer de demeure ; 6+6 a
Mes parents m’ont promis | de partir tout-à-l’heure. 6+6 a
Regrettez-vous les biens | que vous avez perdus ? 6+6 a
Tout le nôtre est à vous, | ne le dédaignez plus. 6+6 a
J’en sais qui l’agréeraient ; | j’ai su plaire à plus d’une ; 6+6 a
370 Pour vous, vous méritez | toute une autre fortune. 6+6 a
Quelle que soit la nôtre, | usez-en ; vous voyez 6+6 a
Ce que nous possédons, | et nous-même à vos pieds. 6+6 a
Ainsi parle Damon, | et Cloris toute en larmes, 6+6 a
Lui répond en ces mots | accompagnés de charmes. 6+6 a
375 Vos moindres qualités, | et cet heureux séjour 6+6 a
Même aux Filles des Dieux | donneraient de l’amour ; 6+6 a
Jugez donc si Cloris | esclave et malheureuse, 6+6 a
Voit l’offre de ces biens | d’une âme dédaigneuse. 6+6 a
Je sais quel est leur prix ; | mais de les accepter, 6+6 a
380 Je ne puis ; et voudrais | vous pouvoir écouter. 6+6 a
Ce qui me le défend, | ce n’est point l’esclavage ; 6+6 a
Si toujours la naissance | éleva mon courage, 6+6 a
Je me vois, grâce aux Dieux, | en des mains où je puis 6+6 a
Garder ces sentiments | malgré tous mes ennuis. 6+6 a
385 Je puis même avouer | (hélas ! faut-il le dire ? ) 6+6 a
Qu’un autre a sur mon cœur | conservé son empire. 6+6 a
Je chéris un Amant, | ou mort ou dans les fers ; 6+6 a
Je prétends le chérir | encor dans les enfers. 6+6 a
Pourriez-vous estimer | le cœur d’une inconstante ? 6+6 a
390 Je ne suis déjà plus | aimable ni charmante, 6+6 a
Cloris n’a plus ces traits | que l’on trouvait si doux, 6+6 a
Et doublement esclave | est indigne de vous. 6+6 a
Touché de ce discours, | Damon prend congé d’elle : 6+6 a
Fuyons, dit-il en soi, | j’oublîrai cette Belle, 6+6 a
395 Tout passe, et même un jour | ses larmes passeront : 6+6 a
Voyons ce que l’absence | et le temps produiront. 6+6 a
À ces mots il s’embarque ; | et, quittant le rivage, 6+6 a
Il court de mer en mer, | aborde en lieu sauvage ; 6+6 a
Trouve des malheureux | de leurs fers échappés, 6+6 a
400 Et sur le bord d’un bois | à chasser occupés. 6+6 a
Télamon, de ce nombre, | avait brisé sa chaîne ; 6+6 a
Aux regards de Damon | il se présente à peine, 6+6 a
Que son air, sa fierté, | son esprit, tout enfin 6+6 a
Fait qu’à l’abord Damon | admire son destin, 6+6 a
405 Puis le plaint, puis l’emmène, | et puis lui dit sa flamme. 6+6 a
D’une Esclave, dit-il, | je n’ai pu toucher l’âme : 6+6 a
Elle chérit un mort ! | Un mort ! ce qui n’est plus 6+6 a
L’emporte dans son cœur ! | mes vœux sont superflus. 6+6 a
Là-dessus de Cloris | il lui fait la peinture. 6+6 a
410 Télamon dans son âme | admire l’aventure, 6+6 a
Dissimule, et se laisse | emmener au séjour 6+6 a
Où Cloris lui conserve | un si parfait amour. 6+6 a
Comme il voulait cacher | avec soin sa fortune, 6+6 a
Nulle peine pour lui | n’était vile et commune. 6+6 a
415 On apprend leur retour | et leur débarquement ; 6+6 a
Cloris se présentant | à l’un et l’autre Amant, 6+6 a
Reconnaît Télamon | sous un faix qui l’accable ; 6+6 a
Ses chagrins le rendaient | pourtant méconnaissable ; 6+6 a
Un œil indifférent | à le voir eût erré, 6+6 a
420 Tant la peine et l’amour | l’avaient défiguré. 6+6 a
Le fardeau qu’il portait | ne fut qu’un vain obstacle ; 6+6 a
Cloris le reconnaît, | et tombe à ce spectacle ; 6+6 a
Elle perd tous ses sens | et de honte et d’amour. 6+6 a
Télamon d’autre part | tombe presque à son tour ; 6+6 a
425 On demande à Cloris | la cause de sa peine ? 6+6 a
Elle la dit, ce fut | sans s’attirer de haine ; 6+6 a
Son récit ingénu | redoubla la pitié 6+6 a
Dans des cœurs prévenus | d’une juste amitié. 6+6 a
Damon dit que son zèle | avait changé de face. 6+6 a
430 On le crut. Cependant, | Quoiqu’on dise et qu’on fasse, 6+6 a
D’un triomphe si doux | l’honneur et le plaisir 6+6 a
Ne se perd qu’en laissant | des restes de désir. 6+6 a
On crut pourtant Damon. | Il restreignit son zèle 6+6 a
À sceller de l’Hymen | une union si belle ; 6+6 a
435 Et par un sentiment | à qui rien n’est égal, 6+6 a
Il pria ses parents | de doter son Rival. 6+6 a
Il l’obtint, renonçant | dès-lors à l’Hyménée. 6+6 a
Le soir étant venu | de l’heureuse journée, 6+6 a
Les noces se faisaient | à l’ombre d’un ormeau : 6+6 a
440 L’enfant d’un voisin vit | s’y percher un corbeau : 6+6 a
Il fait partir de l’arc | une flèche maudite, 6+6 a
Perce les deux Époux | d’une atteinte subite. 6+6 a
Cloris mourut du coup, | non sans que son Amant 6+6 a
Attirât ses regards | en ce dernier moment. 6+6 a
445 Il s’écrie en voyant | finir ses destinées ; 6+6 a
Quoi ! la parque a tranché | le cours de ses années ? 6+6 a
Dieux, qui l’avez voulu, | ne suffisait-il pas 6+6 a
Que la haine du Sort | avançât mon trépas ? 6+6 a
En achevant ces mots | il acheva de vivre ; 6+6 a
450 Son amour, non le coup, | l’obligea de la suivre ; 6+6 a
Blessé légèrement | il passa chez les morts ; 6+6 a
Le Styx vit nos Époux | accourir sur ses bords ; 6+6 a
Même accident finit | leurs précieuses trames ; 6+6 a
Même tombe eut leurs corps, | même séjour leurs âmes. 6+6 a
455 Quelques-uns ont écrit | (mais ce fait est peu sûr) 6+6 a
Que chacun d’eux devint | statue et marbre dur. 6+6 a
Le couple infortuné | face à face repose, 6+6 a
Je ne garantis point | cette métamorphose ; 6+6 a
On en doute. On le croit | plus que vous ne pensez, 6+6 a
460 Dit Climène ; et cherchant | dans les siècles passez 6+6 a
Quelque exemple d’amour | et de vertu parfaite, 6+6 a
Tout ceci me fut dit | par le sage Interprète. 6+6 a
J’admirai, je plaignis | ces Amants malheureux ; 6+6 a
On les allait unir ; | tout concourait pour eux ; 6+6 a
465 Ils touchaient au moment ; | l’attente en était sûre ; 6+6 a
Hélas ! il n’en est point | de telle en la nature ; 6+6 a
Sur le point de jouir | tout s’enfuit de nos mains ; 6+6 a
Les Dieux se font un jeu | de l’espoir des humains. 6+6 a
Laissons, reprit Iris, | cette triste pensée. 6+6 a
470 La Fête est vers sa fin, | grâce au Ciel avancée ; 6+6 a
Et nous avons passé | tout ce temps en récits, 6+6 a
Capables d’affliger | les moins sombres esprits ! 6+6 a
Effaçons, s’il se peut, | leur image funeste : 6+6 a
Je prétends de ce jour | mieux employer le reste ; 6+6 a
475 Et dire un changement, | non de corps, mais de cœur : 6+6 a
Le miracle en est grand ; | Amour en fut l’auteur : 6+6 a
Il en fait tous les jours | de diverse manière. 6+6 a
Je changerai de style | en changeant de matière. 6+6 a
Zoon plaisait aux yeux, | mais ce n’est pas assez : 6+6 a
480 Son peu d’esprit, son humeur sombre, 8 b
Rendaient ces talents mal placés : 8 a
Il fuyait les cités, | il ne cherchait que l’ombre, 6+6 b
Vivait parmi les bois | concitoyen des ours, 6+6 a
Et passait sans aimer | les plus beaux de ses jours. 6+6 a
485 Nous avons condamné | l’amour, m’allez-vous dire ; 6+6 a
J’en blâme en nous l’excès ; | mais je n’approuve pas 6+6 b
Qu’insensible aux plus doux appas 8 b
Jamais un homme ne soupire. 8 a
Hé quoi, ce long repos | est-il d’un si grand prix ? 6+6 c
490 Les morts sont donc heureux ; | ce n’est pas mon avis. 6+6 c
Je veux des passions ; | et si l’état le pire 6+6 a
Est le néant, je ne sais point 8 a
De néant plus complet | qu’un cœur froid à ce point. 6+6 a
Zoon n’aimant donc rien, | ne s’aimant pas lui-même, 6+6 a
495 Vit Iole endormie, | et le voilà frappé ; 6+6 b
Voilà son cœur développé. 8 b
Amour par son savoir suprême, 8 a
Ne l’eut pas fait amant | qu’il en fit un héros 6+6 a
Zoon rend grâce au Dieu | qui troublait son repos : 6+6 a
500 Il regarde en tremblant | cette jeune merveille. 6+6 a
À la fin Iole s’éveille : 8 a
Surprise et dans l’étonnement, 8 a
Elle veut fuir, mais son Amant 8 a
L’arrête, et lui tient ce langage : 8 a
505 Rare et charmant objet, | pourquoi me fuyez-vous ? 6+6 b
Je ne suis plus celui | qu’on trouvait si sauvage : 6+6 a
C’est l’effet de vos traits, | aussi puissants que doux : 6+6 b
Ils m’ont l’âme et l’esprit, | et la raison donnée. 6+6 a
Souffrez que vivant sous vos lois 8 b
510 J’emploie à vous servir | des biens que je vous dois. 6+6 b
Iole à ce discours | encor plus étonnée, 6+6 a
Rougit, et sans répondre | elle court au hameau, 6+6 a
Et raconte à chacun | ce miracle nouveau. 6+6 a
Ses Compagnes d’abord | s’assemblent autour d’elle : 6+6 a
515 Zoon suit en triomphe, | et chacun applaudit. 6+6 b
Je ne vous dirai point, | mes sœurs, tout ce qu’il fit, 6+6 b
Ni ses soins pour plaire à la Belle. 8 a
Leur hymen se conclut : | un Satrape voisin, 6+6 a
Le propre jour de cette fête, 8 b
520 Enlève à Zoon sa conquête. 8 b
On ne soupçonnait point | qu’il eût un tel dessein. 6+6 a
Zoon accourt au bruit, | recouvre ce cher gage, 6+6 c
Poursuit le ravisseur, | et le joint ,et l’engage 6+6 c
En un combat de main à main. 8 a
525 Iole en est le prix, | aussi bien que le juge. 6+6 a
Le Satrape vaincu | trouve encor du refuge 6+6 a
En la bonté de son rival. 8 a
Hélas ! cette bonté | lui devint inutile ; 6+6 b
Il mourut du regret | de cet hymen fatal. 6+6 a
530 Aux plus infortunez | la tombe sert d’asile. 6+6 b
Il prit pour héritière, | en finissant ses jours, 6+6 a
Iole, qui mouilla | de pleurs son Mausolée. 6+6 b
Que sert-il d’être plaint | quand l’âme est envolée ? 6+6 b
Ce Satrape eût mieux fait | d’oublier ses amours. 6+6 a
535 La jeune Iris à peine | achevait cette histoire ; 6+6 a
Et ses sœurs avouoient | qu’un chemin à la gloire 6+6 a
C’est l’amour : on fait tout | pour se voir estimé ; 6+6 a
Est-il quelque chemin | plus court pour être aimé ? 6+6 a
Quel charme de s’ouïr | louer par une bouche 6+6 a
540 Qui même sans s’ouvrir | nous enchante et nous touche. 6+6 a
Ainsi disaient ces Sœurs. | Un orage soudain 6+6 a
Jette un secret remords | dans leur profane sein. 6+6 a
Bacchus entre, et sa cour, | confus et long cortège : 6+6 a
Où sont, dit-il, ces Sœurs | à la main sacrilège ? 6+6 a
545 Que Pallas les défende, | et vienne en leur faveur 6+6 a
Opposer son Ægide | à ma juste fureur : 6+6 a
Rien ne m’empêchera | de punir leur offense : 6+6 a
Voyez : et qu’on se rie | après de ma puissance. 6+6 a
Il n’eut pas dit, qu’on vit | trois monstres au plancher, 6+6 a
550 Ailés, noirs et velus, | en un coin s’attacher. 6+6 a
On cherche les trois Sœurs ; | on n’en voit nulle trace : 6+6 a
Leurs métiers sont brisez, | on élève en leur place 6+6 a
Une Chapelle au Dieu, | père du vrai Nectar. 6+6 a
Pallas a beau se plaindre, | elle a beau prendre part 6+6 a
555 Au destin de ces Sœurs | par elle protégées. 6+6 a
Quand quelque Dieu voyant | ses bontés négligées, 6+6 a
Nous fait sentir son ire ; | un autre n’y peut rien : 6+6 a
L’Olympe s’entretient | en paix par ce moyen. 6+6 a
Profitons, s’il se peut, | d’un si fameux exemple. 6+6 a
560 Chômons : c’est faire assez | qu’aller de Temple en Temple 6+6 a
Rendre à chaque Immortel | les vœux qui lui sont dus : 6+6 a
Les jours donnez aux Dieux | ne sont jamais perdus. 6+6 a
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