Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LEG_1/LEG77
Charles LE GOFFIC
Poésies complètes
1889-1914
IMPRESSIONS ET SOUVENIRS
EN BRETAGNE
À LOUIS BOIVIN
DE SAINT-MALO
Donc, Boivin, par un blême | et doux matin d’automne, 6+6 a
Où, sur la robe d’or | de la Terre Bretonne, 6+6 a
Septembre avait jeté | son manteau de brouillards, 6+6 b
Vous avez planté là | vos tours et vos remparts. 6+6 b
5 Fi des autos, des coachs, | ennuyeux équipages ! 6+6 a
« J’ignore, disiez-vous, | ce que seront ces pages, 6+6 a
Écrites, comme on cause, | au hasard du chemin. 6+6 b
A pied, la pipe au bec, | le penn-baz à la main, 6+6 b
Par les halliers les caps, | les monts et les prairies, 6+6 a
10 Je mène le troupeau | de mes « Bretonneries » 6+6 a
Tantôt à Saint-Nazaire | et tantôt au Faouet, 6+6 b
Tantôt dans un vieux bourg | où pleure un vieux rouet 6+6 b
— À moins que ce ne soit | mon troupeau qui me mène — 6+6 a
Et la forêt | comme la lande | est mon domaine ! » 4+4+4 a
15 Ô Boivin, ô nomade | ami, n’avez-vous pas, 6+6 b
Dans un de ces vieux bourgs | où s’égaraient vos pas, 6+6 b
Rencontré d’aventure | une admirable aïeule ? 6+6 a
Elle a nom Angélique | Auffret Elle vit seule. 6+6 a
Vous n’imaginez pas | le charme de ses yeux 6+6 b
20 Tour à tour ingénus, | tendres, malicieux, 6+6 b
Mais de cette malice | où n’entre aucune haine. 6+6 a
On dirait que la triste | expérience humaine. 6+6 a
Qui fait parfois si durs | les yeux des vieilles gens. 6+6 b
N’a pu que rendre encor | les siens plus indulgents. 6+6 b
25 Sur la dalle de l’âtre, | au fond du logis sombre, 6+6 a
Leurs deux gouttes d’eau bleue | étincellent dans l’ombre. 6+6 a
Je vais tout droit vers eux, | sitôt franchi le seuil. 6+6 b
« Angélique, salut ! | — Salut mon fils ! » L’accueil 6+6 b
Est toujours aussi franc, | aussi simple, aussi tendre, 6+6 a
30 Et nous nous comprenons | presque sans nous entendre. 6+6 a
Que dirions-nous ? Ce sont | ses yeux que je viens voir. 6+6 b
Ses yeux d’aube, restés | auroraux dans le soir. 6+6 b
Sous l’arceau délabré | de sa cape de veuve, 6+6 a
Ils ont gardé, malgré | le temps, malgré l’épreuve, 6+6 a
35 Je ne sais quoi | de virginal | et d’enfantin, 4+4+4 b
La divine fraîcheur | de leur premier matin. 6+6 b
Le visage est rugueux ; | le teint brouillé d’ictère, 6+6 a
Et, comme pour donner | sa mesure à la terre, 6+6 a
Le corps, à chaque pas, | se voûte un peu plus : eux, 6+6 b
40 Dans ce désastre | universel, | demeurent bleus !… 4+4+4 b
Ô candide regard | de la vieille Angélique !… 6+6 a
Mais n’est-ce pas, Boivin, | qu’elle est bien symbolique 6+6 a
De la Bretagne, cette | aïeule aux yeux d’enfant ? 6−6 b
Les dieux s’en vont ; le ciel | est lourd ; l’air étouffant, 6+6 b
45 Et, vers les murs d’airain | de la Cité future, 6+6 a
L’humanité poursuit | sa marche à l’aventure. 6+6 a
Seul, un coin bleu persiste | en ces limbes de mort, 6+6 b
Et c’est l’âme d’azur | de notre vieille Armor !… 6+6 b
mètre profil métrique : 6=6
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