Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LEG_1/LEG67
Charles LE GOFFIC
Poésies complètes
1889-1914
IMPRESSIONS ET SOUVENIRS
EN BRETAGNE
LES BIGOUDENS
À Eugène Le Mouël.
« On les croit d’origine asiatique.
Leur coiffure tripartite tient à la
fois de la mitre, du casque, du
serre-tête, et se termine par une
pointe de forme priapique. D’après
certains auteurs, les spirales des
disques brodés sur leurs plastrons
auraient une signification religieuse
et symboliseraient la création du monde. »
(Les Ethnographes.)
À Plomeur, raides sous leur mitre, 8 a
En plastrons d’or vert, jaune ou roux, 8 b
Les Bigoudens, sur le placitre, 8 a
Tournent au son des binious… 8 b
*
**
5 D’où viennent-elles, ainsi faites, 8 a
Avec leur face sans méplats 8 b
Et les disques qu’aux jours de fêtes 8 a
Elles collent sur leurs seins plats ? 8 b
L’immobilité de leur masque 8 a
10 Fait paraître encor plus lointains, 8 b
Dans l’aigre et sonore bourrasque, 8 a
Leurs yeux vaguement thibétains. 8 b
Peut-être qu’au temps où la Gaule 8 a
Châtiait l’orgueil d’Attila, 8 b
15 Un débris de tribu mongole 8 a
Vint à la nuit s’échouer là. 8 b
C’était un plateau solitaire, 8 a
Un grand cap triste du Ponant, 8 b
Perdu tout au bout de la terre, 8 a
20 Sous un ciel bas et frissonnant. 8 b
Quand l’œil des fuyards, dans la brume, 8 a
Put l’explorer le lendemain 8 b
Un mur circulaire d’écume 8 a
Partout leur barrait le chemin. 8 b
25 Partout la mer, la mer sans borne ! 8 a
Son sel corrodait l’eau des puits. 8 b
Et, campés sur leur grand cap morne, 8 a
Ils n’en ont pas bougé depuis. 8 b
Ils vivent dans cette ouate blême 8 a
30 Les bras croisés sous leurs mentons, 8 b
Chrétiens, au moins par le baptême, 8 a
Et, par la langue, Bas-Bretons. 8 b
Mais l’âme ancestrale persiste 8 a
Et c’est toujours comme autrefois 8 b
35 Le vieil Orient fataliste 8 a
Qui stagne en leurs crânes étroits. 8 b
C’est lui qui charge leurs corps frustes 8 a
D’or jaune ou vert ou cramoisi 8 b
Et qui déroule sur leurs bustes 8 a
40 Une Genèse en raccourci ; 8 b
Et lui qui, sur le front de nacre 8 a
Des vierges encor dans l’avril, 8 b
Plante l’obscène simulacre 8 a
D’un minuscule nerf viril… 8 b
*
**
45 Ô filles des hordes camuses 8 a
Qui meurtrirent les champs latins, 8 b
Bigoudens, en vos cornemuses 8 a
Hennissent des poneys lointains. 8 b
Vous plongez au profond des âges ; 8 a
50 Dans votre Orient fabuleux 8 b
Vous aviez déjà ces visages 8 a
Ronds et ces crins aux reflets bleus ; 8 b
Sous des toits portés par des hampes 8 a
Et taillés dans des peaux d’élans, 8 b
55 Vos yeux retroussés vers les tempes 8 a
S’ouvrirent voici deux mille ans ; 8 b
Et, près des flots lourds endormies, 8 a
Vous avez l’air, dans vos draps d’or, 8 b
D’une peuplade de momies 8 a
60 Terrée aux confins de l’Armor. 8 b
mètre profil métrique : 8
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