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LEG_1/LEG62
Charles LE GOFFIC
Poésies complètes
1889-1914
IMPRESSIONS ET SOUVENIRS
AILLEURS
L’AFFÛT
À Maurice Languereau.
I
Le marais dort, crispé d’un gel tardif. Au loin, 6+6 a
Dans la brume qui s’épaissit et se dilate 8+4 b
Tour à tour, la Sologne étend sa glèbe plate 6+6 b
Nous sommes là depuis une heure, l’arme au poing. 6+6 a
5 Et tout à coup, tandis qu’une étoile clignote, 6+6 a
Puis deux, puis trois, puis des centaines, des milliers, 6−6 b
Voici qu’éclaboussant de pourpre les halliers 6+6 b
Jaillit sur l’horizon la lune solognotte. 6+6 a
Dans l’air glacé du soir elle monte sans bruit 6+6 a
10 Au-dessus des champs d’orge et des carrés d’avoine, 6+6 b
Si rouge qu’on dirait une énorme pivoine 6+6 b
Magiquement éclose au jardin de la Nuit. 6+6 a
Un chien transi, là-bas, hurle au fond d’une grange ; 6+6 a
Et nous-mêmes, chasseurs endurcis et sans foi, 6+6 b
15 Nous nous défendons mal contre un obscur émoi 6+6 b
A l’apparition de cette fleur étrange 6+6 a
II
Paysages du ciel, si beaux et si divers, 6+6 a
Nous habitons trop près de vos profondeurs bleues ; 6+6 b
L’homme ne compterait ni les jours ni les lieues, 6+6 b
20 S’il devait vous chercher au bout de l’univers. 6+6 a
Nous vous connaissons trop, couchants, aubes fleuries : 6+6 a
L’habitude a blasé nos yeux sur vos beautés, 6+6 b
Et c’est en vain que sur les champs et les cités 6−6 b
Vous déployez l’azur et l’or de vos féeries ; 6+6 a
25 C’est en vain que, trouant la nue à coup d’épieu, 6+6 a
Le Jour, tel un veneur, sort du fourré nocturne 6+6 b
Et, sur l’aiguail des monts essuyant son cothurne, 6+6 b
Se dresse et, brusquement, bondit dans l’air en feu. 6+6 a
Blancs cirrus qui broutez l’aérien pacage, 6+6 a
30 Lune en fleur, astres d’or, il faut comme ce soir, 6+6 b
Pour forcer nos regards à vous apercevoir, 6+6 b
Quelque affût solitaire au bord d’un marécage. 6+6 a
Il faut la frissonnante immensité des nuits 6+6 a
Tant de magnificence est rassemblée en elle 6+6 b
35 Que notre âme d’antan, notre âme originelle, 6+6 b
Remonte tout à coup dans nos yeux éblouis, 6+6 a
L’âme que nous avions aux premiers jours du monde, 6+6 a
Quand le viel Ouranos était l’unique dieu, 6+6 b
Les nuages son char, le soleil son moyeu, 6+6 b
40 Et qu’au creux de l’éther tonnait sa voix profonde. 6+6 a
III
Hélas ! presque aussitôt l’ombre en nous redescend 6+6 a
Plus captif que jamais, Platon, dans la caverne, 6+6 b
L’homme habile aujourd’hui, le front bas et l’œil terne, 6+6 b
Une création dont le ciel est absent. 6+6 a
mètre profil métrique : 6=6
forme globale type : suite périodique
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