Métrique en Ligne
LEC_3/LEC182
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES ANTIQUES
1852
Les Bucoliastes
I
Sources claires ! Et toi, venu des dieux, ô fleuve 6+6 a
Qui, du tymbris moussu, verses tes belles eaux ! 6+6 b
Je ferai soupirer, couché dans vos roseaux, 6+6 b
Ma syrinx à neuf tons enduits de cire neuve : 6+6 a
5 Apaisez la cigale et les jeunes oiseaux. 6+6 b
II
Vents joyeux qui riez à travers les feuillages, 6+6 a
Abeilles qui rôdez sur la fleur des buissons, 6+6 b
De ma syrinx aussi vous entendrez les sons ; 6+6 b
Mais, de même qu'Éros, les muses sont volages : 6+6 a
10 Hâtez-vous ! D'un coup d'aile emportez mes chansons. 6+6 b
I
Tout est beau, tout est bien, si Theugénis que j'aime 6+6 a
Foule de son pied nu l'herbe molle des bois ! 6+6 b
Vers midi, l'eau courante est plus fraîche où je bois, 6+6 b
Et mes vases sont pleins d'une meilleure crème. 6+6 a
15 Absente, tout est mal, tout languit à la fois ! 6+6 b
II
Dieux heureux ! Que le lait abonde en mes éclisses ! 6+6 a
Et quand le chaud soleil dans l'herbe a rayonné, 6+6 b
Du creux de ce rocher d'un lierre couronné, 6+6 b
Que j'entende mugir mes bœufs et mes génisses : 6+6 a
20 Tout est beau, tout est bien, il est doux d'être né ! 6+6 a
I
Si l'hiver est un mal pour l'arbre qu'il émonde, 6+6 b
Pour les cours d'eau taris la flamme de l'été, 6+6 a
Il souffre aussi, celui qu'une vierge a dompté, 6+6 c
Du mal que fait Éros, le plus amer du monde, 6+6 b
25 Et d'une soif rebelle à tes flots, ô Léthé ! 6+6 c
II
Souvent, au seuil de l'antre où la rouge verveine 6+6 a
Croît auprès d'un lentisque et d'un vieil olivier, 6+6 b
La fille au noir sourcil parut me convier. 6+6 b
Par la rude Artémis ! Son attente était vaine ; 6+6 a
30 Car les bœufs sont la joie et l'honneur du bouvier. 6+6 a
I
Quand, aux feux du matin, s'envole l'alouette 6+6 b
Du milieu des sillons de rosée emperlés, 6+6 a
Je ne l'écoute plus ; mes esprits sont troublés ; 6+6 c
Mais pour te ranimer, ô nature muette, 6+6 b
35 Il suffit d'une voix qui chante dans les blés ! 6+6 c
II
Rire de femme et chant d'alouette à l'aurore, 6+6 a
Gazouillements des nids sur les rameaux dorés, 6+6 b
Sont bruits doux à l'oreille et souvent désirés ; 6+6 b
Mais rien ne vaut la voix amoureuse et sonore 6+6 a
40 D'un taureau de trois ans qui beugle par les prés. 6+6 b
I
Bélier, pais l'herbe en fleur ; et toi, chèvre indocile, 6+6 a
Broute l'amer cytise aux pentes du coteau ; 6+6 b
Lampuros, mon bon chien, veille sur le troupeau. 6+6 b
Pour moi, tel que Daphnis, le bouvier de Sicile, 6+6 a
45 Je meurs ! Et Theugénis a creusé mon tombeau. 6+6 b
II
Ô pasteur des béliers, gardien des noires chèvres, 6+6 a
Jamais chanson pareille ici ne résonna ! 6+6 b
Et la plainte est plus gaie, oui ! Par Perséphona ! 6+6 b
Que la glauque Amphitrite exhale de ses lèvres 6+6 a
50 Et que le vent d'Épire apporte au vieil Aitna ! 6+6 b
I
Ami, prends ma syrinx, si légère et si douce, 6+6 a
Dont la cire a gardé l'odeur du miel récent : 6+6 b
Brûle-la comme moi qui meurs en gémissant ; 6+6 b
Et sur un humble autel d'asphodèle et de mousse 6+6 a
55 Du plus noir de mes boucs fais ruisseler le sang. 6+6 b
II
C'est bien. Le soleil monte et l'ombre nous convie ; 6+6 a
On n'entend plus frémir la cime des forêts : 6+6 b
Viens savourer encor ce vase de lait frais ; 6+6 b
Et si le morne Hadès fait toujours ton envie, 6+6 a
60 Ô pâle chevrier, tu mourras mieux après ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de strophes
schéma : 8[abbab] 2[abba] 2[abacbc]
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