Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LEC_3/LEC174
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES ANTIQUES
1852
Les Plaintes du Cyclope
Certes, il n'aimait pasà la façon des hommes, 6+6 a
Avec des tresses d'or,des roses ou des pommes, 6+6 a
Depuis que t'ayant vue,ô fille de la mer, 6+6 b
Le désir le morditau cœur d'un trait amer. 6+6 b
5 Il t'aimait, Galatée,avec des fureurs vraies ; 6+6 a
Laissant le lait s'aigriret sécher dans les claies, 6+6 a
Oubliant les brebislaineuses aux prés verts, 6+6 b
Et se souciant peude l'immense univers. 6+6 b
Sans trêve ni repos,sur les algues des rives, 6+6 a
10 Il consumait sa vieen des plaintes naïves, 6+6 a
Interrogeait des flotsles volutes d'azur, 6+6 b
Et suppliait la nympheau cœur frivole et dur, 6+6 b
Tandis que sur sa tête,à tout vent exposée, 6+6 a
Le jour versait sa flammeet la nuit sa rosée, 6+6 a
15 Et qu'énorme, couchésur un roc écarté, 6+6 b
Il disait de son malla cuisante âcreté : 6+6 b
— Plus vive que la chèvreou la fière génisse, 6+6 a
Plus blanche que le laitqui caille dans l'éclisse, 6+6 a
Ô Galatée, ô toidont la joue et le sein 6+6 b
20 Sont fermes et luisantscomme le vert raisin ! 6+6 b
Si je viens à dormiraux cimes de ces roches, 6+6 a
À la pointe du pied,furtive, tu m'approches ; 6+6 a
Mais, sitôt que mon œils'entr'ouvre, en quelques bonds, 6+6 b
Tu m'échappes, cruelle,et fuis aux flots profonds ! 6+6 b
25 Hélas ! Je sais pourquoitu ris de ma prière : 6+6 a
Je n'ai qu'un seul sourcilsur ma large paupière, 6+6 a
Je suis noir et velucomme un ours des forêts, 6+6 b
Et plus haut que les pins !Mais, tel que je parais, 6+6 b
J'ai des brebis par mille,et je les trais moi-même : 6+6 a
30 En automne, en été,je bois leur belle crème ; 6+6 a
Et leur laine moelleuse,en flocons chauds et doux, 6+6 b
Me revêt tout l'hiver,de l'épaule aux genoux ! 6+6 b
Je sais jouer encore,ô pomme bien aimée, 6+6 a
De la claire syrinx,par mon souffle animée : 6+6 a
35 Nul cyclope, habitantl'île aux riches moissons, 6+6 b
N'a tenté jusqu'icid'en égaler les sons. 6+6 b
Veux-tu m'entendre, ô nymphe,en ma grotte prochaine ? 6+6 a
Viens, laisse-toi charmer,et renonce à ta haine : 6+6 a
Viens ! Je nourris pour toi,depuis bientôt neuf jours, 6+6 b
40 Onze chevreaux tout blancset quatre petits ours ! 6+6 b
J'ai des lauriers en fleuravec des cyprès grêles, 6+6 a
Une vigne, une eau viveet des figues nouvelles ; 6+6 a
Tout cela t'appartient,si tu ne me fuis plus ! 6+6 b
Et si j'ai le visageet les bras trop velus, 6+6 b
45 Eh bien ! Je plongeraitout mon corps dans la flamme, 6+6 a
Je brûlerai mon œilqui m'est cher, et mon âme ! 6+6 a
Si je savais nager,du moins ! Au sein des flots 6+6 b
J'irais t'offrir des lyset de rouges pavots. 6+6 b
Mais, vains souhaits ! J'en veuxà ma mère : c'est elle 6+6 a
50 Qui, me voyant en proieà cette amour mortelle 6+6 a
D'un récit éloquentn'a pas su te toucher. 6+6 b
Vos cœurs à toutes deuxsont durs comme un rocher ! 6+6 b
Cyclope, que fais-tu ?Tresse en paix tes corbeilles, 6+6 a
Recueille en leur saisonle miel de tes abeilles, 6+6 a
55 Coupe pour tes brebisles feuillages nouveaux, 6+6 b
Et le temps, qui peut tout,emportera tes maux ! — 6+6 b
C'est ainsi que chantaitl'antique Polyphème ; 6+6 a
Et son amour s'enfuitavec sa chanson même, 6+6 a
Car les muses, par quise tarissent les pleurs, 6+6 b
60 Sont le remède uniqueà toutes nos douleurs. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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