Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LEC_3/LEC168
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES ANTIQUES
1852
La mort de Valmiki
Valmiki, le poèteimmortel, est très vieux. 6+6 a
Toute chose éphémèrea passé dans ses yeux 6+6 a
Plus prompte que le bondléger de l'antilope. 6+6 b
Il a cent ans. L'ennuide vivre l'enveloppe. 6+6 b
5 Comme l'aigle, altéréd'un immuable azur, 6+6 a
S'agite et bat de l'aileau bord du nid obscur, 6+6 a
L'esprit, impatientdes entraves humaines, 6+6 b
Veut s'enfuir au delàdes apparences vaines. 6+6 b
C'est pourquoi le chanteurdes antiques héros 6+6 a
10 Médite le silenceet songe au long repos, 6+6 a
À l'ineffable paix s'anéantit l'âme, 6+6 b
Au terme du désir,du regret et du blâme, 6+6 b
Au sublime sommeilsans rêve et sans moment, 6+6 a
Sur qui l'oubli divinplane éternellement. 6+6 a
15 Le temps coule, la vieest pleine, l'œuvre est faite. 6+6 b
Il a gravi le sombreHimavat jusqu'au fte. 6+6 b
Ses pieds nus ont rougil'âpre sentier des monts, 6+6 a
Le vent des hautes nuitsa mordu ses poumons ; 6+6 a
Mais, sans plus retournerni l'esprit ni la tête, 6+6 b
20 Il ne s'est arrêtéqu' le monde s'arrête. 6+6 b
Sous le vaste figuierqui verdit respecté 6+6 a
De la neige hivernaleet du torride été, 6+6 a
Croisant ses maigres mainssur le bâton d'érable, 6+6 b
Et vêtu de sa barbeépaisse et vénérable, 6+6 b
25 Il contemple, immobile,une dernière fois, 6+6 a
Les fleuves, les cités,et les lacs et les bois, 6+6 a
Les monts, piliers du ciel,et l'océan sonore 6+6 b
D' s'élance et fleuritle rosier de l'aurore. 6+6 b
L'homme impassible voitcela, silencieux. 6+6 a
30 La lumière sacréeenvahit terre et cieux ; 6+6 a
Du zénith au brin d'herbeet du gouffre à la nue, 6+6 b
Elle vole, palpite,et nage et s'insinue, 6+6 b
Dorant d'un seul baiserclair, subtil, frais et doux, 6+6 a
Les oiseaux dans la mousse,et, sous les noirs bambous, 6+6 a
35 Les éléphants pensifsqui font frémir leurs rides 6+6 b
Au vol strident et vifdes vertes cantharides, 6+6 b
Les radjahs et les chiens,Richis et Parias, 6+6 a
Et l'insecte invisibleet les Himalayas. 6+6 a
Un rire éblouissantillumine le monde. 6+6 b
40 L'arôme de la vieinépuisable inonde 6+6 b
L'immensité du rêveénergique Brahma 6+6 a
Se vit, se reconnut,resplendit et s'aima. 6+6 a
L'âme de Valmikiplonge dans cette gloire. 6+6 b
Quel souffle a dissipéle temps expiatoire ? 6+6 b
45 Ô vision des joursanciens, d' renais-tu ? 6+6 a
Ô large chant d'amour,de bonté, de vertu, 6+6 a
Qui berces à jamaisde ta flottante haleine 6+6 b
Le grand Daçarathideet la mytiléenne, 6+6 b
Les sages, les guerriers,les vierges et les dieux, 6+6 a
50 Et le déroulementdes siècles radieux, 6+6 a
Pourquoi, tout parfumédes roses de l'abîme, 6+6 b
Sembles-tu rejaillirde ta source sublime ? 6+6 b
Ramayana ! L'espritpuissant qui t'a chanté 6+6 a
Suit ton vol au ciel bleude la félicité, 6+6 a
55 Et, dans l'enivrementdes saintes harmonies, 6+6 b
Se mêle au tourbillondes âmes infinies. 6+6 b
Le soleil grandit, monte,éclate, et brûle en paix. 6+6 a
Une muette ardeur,par effluves épais, 6+6 a
Tombe de l'orbe en flamme tout rentre et se noie, 6+6 b
60 Les formes, les couleurs,les parfums et la joie 6+6 b
Des choses, la rumeurhumaine et le soupir 6+6 a
De la mer qui halèteet vient de s'assoupir. 6+6 a
Tout se tait. L'universembrasé se consume. 6+6 b
Et voici, hors du solqui se gerce et qui fume, 6+6 b
65 Une blanche fourmiqu'attire l'air brûlant ; 6+6 a
Puis cent autres, puis milleet mille, et, pullulant 6+6 a
Toujours, des millionsencore, qui, sans trêve, 6+6 b
Vont à l'assaut de l'hommeabsorbé dans son rêve, 6+6 b
Debout contre le troncdu vieil arbre moussu, 6+6 a
70 Et qui s'anéantitdans ce qu'il a conçu. 6+6 a
L'esprit ne sait plus riendes sens ni de soi-même. 6+6 b
Et les longues fourmis,trnant leur ventre blême, 6+6 b
Ondulent vers leur proieinerte, s'amassant, 6+6 a
Circulant, s'affaissant,s'enflant et bruissant 6+6 a
75 Comme l'ascensiond'une écume marine. 6+6 b
Elles couvrent ses pieds,ses cuisses, sa poitrine, 6+6 b
Mordent, rongent la chair,pénètrent par les yeux 6+6 a
Dans la concavitédu crâne spacieux, 6+6 a
S'engouffrent dans la boucheouverte et violette, 6+6 b
80 Et de ce corps vivantfont un roide squelette 6+6 b
Planté sur l'Himavatcomme un dieu sur l'autel, 6+6 a
Et qui fut Valmiki,le poète immortel, 6+6 a
Dont l'âme harmonieuseemplit l'ombre nous sommes 6+6 b
Et ne se taira plussur les lèvres des hommes. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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