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LEC_3/LEC139
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES ANTIQUES
1852
Hélène
POÈME
I
Hélène — Démodoce — Chœur de femmes.
Démodoce
Ô muses, volupté des hommes et des dieux, 6+6 a
Vous qui charmez d'Hellas les bois mélodieux ; 6+6 a
Vierges aux lyres d'or, vierges ceintes d'acanthes, 6+6 b
Des sages vénérés nourrices éloquentes, 6+6 b
5 Muses, je vous implore ! Et toi, divin chanteur, 6+6 c
Qui des monts d'Éleuthère habites la hauteur ; 6+6 c
Dieu dont l'arc étincelle, ô roi de Lycorée 6+6 d
Qui verses aux humains la lumière dorée ; 6+6 d
Immortel dont la force environne Milet ; 6+6 e
10 Si mes chants te sont doux, si mon encens te plaît, 6+6 e
Célèbre par ma voix, dieu jeune et magnanime, 6+6 f
Hélène aux pieds de neige, Hélène au corps sublime. 6+6 f
Hélène
Cesse tes chants flatteurs, harmonieux ami. 6+6 g
D'un trouble inattendu tout mon cœur a frémi. 6+6 g
15 Réserve pour les dieux, calmes dans l'empyrée, 6+6 d
Ta louange éclatante et ta lyre inspirée. 6+6 d
La tristesse inquiète et sombre où je me vois 6+6 h
Ne s'est point dissipée aux accents de ta voix ; 6+6 h
Et du jour où voguant vers la divine Crète, 6+6 j
20 Atride m'a quittée, une terreur secrète, 6+6 j
Un noir pressentiment envoyé par les dieux 6+6 a
Habite en mon esprit tout plein de ses adieux. 6+6 a
Le Chœur De Femmes
Ô fille de Léda, bannis ces terreurs vaines ; 6+6 k
Songe qu'un sang divin fait palpiter tes veines. 6+6 k
25 Honneur de notre Hellas, Hélène aux pieds d'argent 6+6 l
Ne tente pas le sort oublieux et changeant. 6+6 l
Hélène
Par delà les flots bleus, vers des rives lointaines 6+6 k
Quel dessein malheureux a poussé tes antennes, 6+6 k
Noble Atride ! Que n'ai-je accompagné tes pas ? 6+6 m
30 Peut-être que mes yeux ne te reverront pas ! 6+6 m
Je te prie, ô Pallas, ô déesse sévère, 6+6 n
Qui dédaignes Éros et qu'Athènes révère, 6+6 n
Vierge auguste, guerrière au casque étincelant, 6+6 l
Du parjure odieux garde mon cœur tremblant. 6+6 l
35 Et toi, don d'Aphrodite, ô flamme inassouvie, 6+6 o
Apaise tes ardeurs qui dévorent ma vie ! 6+6 o
Le Chœur De Femmes
Daigne sourire encore et te plaire à nos jeux. 6+6 a
Reine, tu reverras ton époux courageux. 6+6 a
Déjà sur la mer vaste une propice haleine 6+6 p
40 Des rapides vaisseaux gonfle la voile pleine, 6+6 p
Et les rameurs, courbés sur les forts avirons, 6+6 q
D'une mâle sueur baignent à flots leurs fronts. 6+6 q
Hélène
Chante donc, et saisis ta lyre tutélaire ; 6+6 n
Préviens des immortels la naissante colère, 6+6 n
45 Doux et sage vieillard, dont les chants cadencés 6+6 r
Calment l'esprit troublé des hommes insensés. 6+6 r
Verse au fond de mon cœur, chantre de Méonie, 6+6 o
Ce partage des dieux, la paix et l'harmonie. 6+6 o
Filles de Sparte, et vous, compagnes de mes jours, 6+6 s
50 De vos bras caressants entourez-moi toujours. 6+6 s
Démodoce
Terre au sein verdoyant, mère antique des choses, 6+6 t
Toi qu'embrasse océan de ses flots amoureux, 6+6 a
Agite sur ton front tes épis et tes roses ! 6+6 t
Ô fils d'Hypérion, éclaire un jour heureux ! 6+6 a
55 Courbez, ô monts d'Hellas, vos prophétiques crêtes. 6+6 u
Lauriers aux larges fleurs, platanes, verts roseaux, 6+6 v
Cachez au monde entier, de vos ombres discrètes, 6+6 u
Le cygne éblouissant qui flotte sur les eaux. 6+6 v
L'onde, dans sa frcheur, le caresse et l'assiège, 6+6 w
60 Et sur son corps sacré roule en perles d'argent ; 6+6 l
Le vent souffle, embaumé, dans ses ailes de neige : 6+6 w
Calme et superbe, il vogue et rayonne en nageant. 6+6 l
Vierges, qui vous jouez sur les mousses prochaines, 6+6 k
Craignez les flèches d'or que l'archer Délien 6+6 x
65 Darde, victorieux, sous les rameaux des chênes ; 6+6 k
Des robes aux longs plis détachez le lien. 6+6 x
Le divin Eurotas, ô vierges innocentes, 6+6 b
Invite en soupirant votre douce beauté. 6+6 y
Il baise vos corps nus de ses eaux frémissantes, 6+6 b
70 Palpitant comme un cœur qui bat de volupté. 6+6 y
Terre au sein verdoyant, mère antique des choses, 6+6 t
Toi qu'embrasse océan de ses flots amoureux, 6+6 a
Agite sur ton front tes épis et tes roses ! 6+6 t
Ô fils d'Hypérion, éclaire un jour heureux ! 6+6 a
75 Sur tes bras, ô Léda, l'eau joue et se replie, 6+6 o
Et sous ton poids charmant se dérobe à dessein ; 6+6 x
Et le cygne attentif, qui chante et qui supplie, 6+6 o
Voit resplendir parfois l'albâtre de ton sein. 6+6 x
Tes compagnes, ô reine, ont revêtu sur l'herbe 6+6 z
80 Leur ceinture légère, et quitté les flots bleus. 6+6 a
Fuis le cygne nageur, roi du fleuve superbe, 6+6 z
N'attache point tes bras à son col onduleux ! 6+6 a
Tyndare, sceptre en main, songe, l'âme jalouse, 6+6 b
Sur le trône d'ivoire avec tristesse assis. 6+6 c
85 Il admire en son cœur l'image de l'épouse, 6+6 b
Et tourne vers le fleuve un regard indécis. 6+6 c
Mais le large Eurotas, la montagne et la plaine, 6+6 p
Ont frémi d'allégresse. Ô pudeur sainte, adieu ! 6+6 d
Et l'amante du cygne est la mère d'Hélène, 6+6 p
90 Hélène a vu le jour sous les baisers d'un dieu ! 6+6 d
Terre au sein verdoyant, mère antique des choses, 6+6 t
Toi qu'embrasse océan de ses flots amoureux, 6+6 a
Agite sur ton font tes épis et tes roses ! 6+6 t
Ô fils d'Hypérion, éclaire un monde heureux ! 6+6 a
Hélène
95 Vieillard, ta voix est douce, aucun son ne l'égale. 6+6 e
Telle chante au soleil la divine cigale, 6+6 e
Lorsque les moissonneurs, dans les blés mûrs assis, 6+6 c
Cessent pour l'écouter leurs agrestes récits. 6+6 c
Prends cette coupe d'or par Héphaistos forgée. 6+6 d
100 Jamais, de l'Ionie aux flots du grand Égée, 6+6 d
Un don plus précieux n'a ravi les humains. 6+6 f
Hélène avec respect le remet dans tes mains. 6+6 f
Ô divin Démodoce, ô compagnon d'Atrée, 6+6 d
Heureux le favori de la muse sacrée ! 6+6 d
105 De sa bouche féconde en flots harmonieux 6+6 a
Coule un chant pacifique, et les cœurs soucieux, 6+6 a
Apaisant de leurs maux l'amertume cruelle, 6+6 g
Goûtent d'un songe heureux la douceur immortelle. 6+6 g
II
Un Messager
Ô fille de Léda, sur un char diligent, 6+6 l
110 Dont la roue est d'ivoire aux cinq rayons d'argent, 6+6 l
Un jeune roi, portant sur son épaule nue 6+6 h
La pourpre qui jadis de Phrygie est venue, 6+6 h
Sur le seuil éclatant du palais arrêté, 6+6 y
Demande le repos de l'hospitalité. 6+6 y
115 Des agrafes d'argent retiennent ses knémides. 6+6 i
Sur le casque d'airain, aux deux cônes splendides, 6+6 i
Ondule, belliqueux, le crin étincelant, 6+6 l
Et l'épée aux clous d'or résonne sur son flanc. 6+6 l
Hélène
Servez l'orge aux coursiers. L'hôte qui nous implore 6+6 k
120 Nous vient des immortels et sa présence honore. 6+6 k
Dans ce palais qu'Atride à ma garde a commis, 6+6 c
Que le noble étranger trouve des cœurs amis. 6+6 c
Le Chœur De Femmes
Strophe
Heureux le sage assis sous le toit de ses pères, 6+6 l
L'homme paisible et fort ami de l'étranger ! 6+6 y
125 Il apaise la faim, il chasse le danger ; 6+6 y
Il fait la part des dieux dans ses destins prospères, 6+6 l
Sachant que le sort peut changer. 8 y
Cher au fils de Kronos, sa demeure est un temple ; 6+6 m
L'hospitalité rit sur son seuil vénéré ; 6+6 y
130 Et sa vie au long cours que la terre contemple 6+6 m
Coule comme un fleuve sacré. 8 r
Antistrophe
Zeus vengeur, vigilant, roi de l'Olympe large, 6+6 n
Comme un pâle vieillard marche dans les cités. 6+6 r
Il dit que les destins et les dieux irrités 6+6 r
135 L'ont ployé sous la honte et sous la lourde charge 6+6 n
Des aveugles calamités. 8 r
Des pleurs baignent sa face, il supplie, il adjure… 6+6 o
Le riche au cœur de fer le repousse en tout lieu 6+6 d
Ô lamentable jour, ineffaçable injure ! 6+6 o
140 Ce suppliant était un dieu ! 8 d
Épode
Couronné de printemps, chargé d'hivers arides, 6+6 i
Né d'un père héroïque ou d'un humble mortel, 6+6 p
Entre, qui que tu sois, au palais des Atrides ; 6+6 i
De Pallas bienveillante embrasse en paix l'autel. 6+6 p
145 Reçois en souriant la coupe hospitalière 6+6 n
Où le vin étincelle et réjouit tes yeux, 6+6 a
Et préside au festin joyeux, 8 a
Le front ceint de rose et de lierre, 8 n
Étranger qui nous viens des dieux ! 8 a
III
Hélène — Démodoce — Pâris
Chœur de femmes — Chœur d'hommes.
Hélène
150 Oui, sois le bien venu dans l'antique contrée 6+6 d
De Pélops, étranger à la tête dorée. 6+6 d
Si le sort rigoureux t'a soumis aux revers, 6+6 q
Viens, des cœurs bienveillants et droits te sont ouverts. 6+6 q
Mais, sans doute, en ton sein, l'espérance fleurie 6+6 o
155 Habite encor. Dis-nous ton père et ta patrie. 6+6 o
Est-il un roi, pasteur des peuples ? Que les dieux 6+6 a
Gardent ses derniers jours des soucis odieux ; 6+6 a
Qu'il goûte longuement le repos et la joie ! 6+6 r
Pâris
J'ai respiré le jour dans l'éclatante Troie. 6+6 r
160 C'est le saint Ilion, demeure des humains. 6+6 f
Les fils de Dardanos, fils de Zeus, de leurs mains 6+6 f
L'ont bâtie au milieu de la plaine féconde 6+6 s
Que deux fleuves divins arrosent de leur onde. 6+6 s
Mais Ilos engendra le grand Laomédon, 6+6 t
165 Et lui, Priam, mon père, et Pâris est mon nom. 6+6 t
Hélène
Sur le large océan à l'humide poussière, 6+6 n
N'as-tu point rencontré de trirème guerrière, 6+6 n
Qui se hâte et revienne aux rivages d'Hellas ? 6+6 m
Tes yeux n'ont-ils point vu le divin Ménélas ? 6+6 m
Pâris
170 Un songe éblouissant occupait ma pensée, 6+6 d
Reine, et tout autre image en était effacée. 6+6 d
Hélène
Pardonne. Vers la Crète assise au sein des eaux, 6+6 v
Affrontant Poseidon couronné de roseaux, 6+6 v
Mon époux, à la voix du sage Idoménée, 6+6 d
175 A soudain délaissé la couche d'hyménée 6+6 d
Et ce sombre palais où languissent mes jours ; 6+6 s
Et les jalouses mers le retiennent toujours. 6+6 s
Pâris
Des bords où le Xanthos roule à la mer profonde 6+6 s
Les tourbillons d'argent qui blanchissent son onde, 6+6 s
180 Soumis aux immortels, sur les flots mugissants, 6+6 u
Je suis venu vers toi, femme aux nobles accents. 6+6 u
Hélène
Étranger, qu'as-tu dit ? Vers l'épouse d'Atride 6+6 v
Les dieux auraient poussé ta trirème rapide ? 6+6 v
Pour cet humble dessein tu quitterais les bords 6+6 w
185 Où tu naquis au jour, où tes pères sont morts, 6+6 w
Où versant de longs pleurs, ta mère, d'ans chargée, 6+6 d
T'a vu fuir de ses yeux sur les ondes Égée ? 6+6 d
Pâris
La patrie et le toit natal, l'amour pieux 6+6 a
De mes parents courbés par l'âge soucieux, 6+6 a
190 Ces vénérables biens, ô blanche tyndaride, 6+6 v
N'apaisaient plus mon cœur plein d'une flamme aride. 6+6 v
Ô fille de Léda, pour toi j'ai tout quitté. 6+6 y
Écoute, je dirai l'auguste vérité. 6+6 y
Aux cimes de l'Ida, dans les forêts profondes 6+6 x
195 Où paissaient à loisir mes chèvres vagabondes, 6+6 x
À l'ombre des grands pins je reposais songeur. 6+6 c
L'aurore aux belles mains répandait sa rougeur 6+6 c
Sur la montagne humide et sur les mers lointaines ; 6+6 k
Les naïades riaient dans les claires fontaines, 6+6 k
200 Et la biche craintive et le cerf bondissant 6+6 l
Humaient l'air embau du matin renaissant. 6+6 l
Une vapeur soudaine, éblouissante et douce, 6+6 b
De l'Olympe sacré descendit sur la mousse… 6+6 b
Les grands troncs respectés de l'orage et des vents 6+6 u
205 Courbèrent de terreur leurs feuillages mouvants ; 6+6 u
La source s'arrêta sur les pentes voisines, 6+6 y
Et l'Ida frémissant ébranla ses racines ; 6+6 y
Et de sueurs baigné, plein de frissons pieux, 6+6 a
Pâle, je pressentis la présence des dieux. 6+6 a
210 De ce nuage d'or trois formes éclatantes, 6+6 b
Sous les plis transparents de leurs robes flottantes, 6+6 b
Apparurent, debout sur le mont écarté. 6+6 y
L'une, fière et superbe, avec sérénité, 6+6 y
Dressa son front divin tout rayonnant de gloire, 6+6 z
215 Et croisant ses bras blancs sur son grand sein d'ivoire : 6+6 z
Fils heureux de Priam, tu contemples Héré, 6+6 y
Dit-elle, et je frémis à ce nom vénéré. 6+6 y
Mais d'une voix plus douce et pleine de caresses : 6+6 a
Ô pasteur de l'Ida, juge entre trois déesses. 6+6 a
220 Si le prix de beau m'est accordé par toi, 6+6 b
Des cités de l'Asie un jour tu seras roi. 6+6 b
L'autre, sévère et calme, et pourtant non moins belle, 6+6 g
Me promit le courage et la gloire immortelle, 6+6 g
Et la force qui dompte et conduit les humains. 6+6 f
225 Mais la dernière alors leva ses blanches mains, 6+6 f
Déroula sur son cou de neige, en tresses blondes, 6+6 x
De ses cheveux dorés les ruisselantes ondes ; 6+6 x
Dénoua sa ceinture, et sur ses pieds d'argent 6+6 l
Laissa tomber d'en haut le tissu négligent ; 6+6 l
230 Et muette toujours, du triomphe assurée, 6+6 d
Elle sourit d'orgueil dans sa beauté sacrée. 6+6 d
Un nuage à sa vue appesantit mes yeux, 6+6 a
Car la sainte beau dompte l'homme et les dieux ! 6+6 a
Et le cœur palpitant, l'âme encore interdite, 6+6 c
235 Je dis : sois la plus belle, ô divine Aphrodite ! 6+6 c
La grande Héré, Pallas, plus promptes que l'éclair, 6+6 d
Comme un songe brillant disparurent dans l'air, 6+6 d
Et Cypris : — Ô pasteur, que tout mortel envie, 6+6 o
De plaisirs renaissants je charmerai ta vie. 6+6 o
240 Va ! Sur l'onde propice à ton heureux vaisseau, 6+6 e
Fuis ton père Priam, Ilion, ton berceau ; 6+6 e
Cherche Hellas et les bords où l'Eurotas rapide 6+6 v
Coule ses flots divins sous le sceptre d'Atride ; 6+6 v
Et la fille de Zeus, Hélène aux blonds cheveux, 6+6 a
245 J'en atteste le Styx, accomplira tes vœux. 6+6 a
Le Chœur De Femmes
Ce récit merveilleux a charmé mon oreille. 6+6 f
À cette douce voix nulle voix n'est pareille. 6+6 f
Des muses entouré, tel le roi de Délos, 6+6 g
Mêle un hymne sonore au murmure des flots. 6+6 g
250 Serait-ce point un dieu ? Le Délien lui-même, 6+6 h
Le front découronné de sa splendeur suprême, 6+6 h
Noble Hélène, qui vient, cachant sa majesté, 6+6 y
D'un hommage divin honorer ta beauté : 6+6 y
Le Chœur D'Hommes
Strophe
Descend des neiges de Kyllène, 8 p
255 Ô Pan, qui voles sur les eaux ! 8 v
Accours, et d'une forte haleine 8 p
Emplis les sonores roseaux. 8 v
Viens ! De Nyse et de Gnosse inspire-moi les danses 6+6 i
Et les rites mystérieux. 8 a
260 J'ai frémi de désir, j'ai bondi tout joyeux. 6+6 a
Il me plaît d'enchner les divines cadences 6+6 i
Ô Pan ! Roi qui conduis le chœur sacré des dieux ! 6+6 a
Antistrophe
Franchis les mers icariennes, 8 k
Jeune Hélios au char doré, 8 y
265 Et que les lyres déliennes 8 k
Chantent sur un mode sacré. 8 y
Compagnes d'Artémis qui, dans les bois sauvages, 6+6 j
Dansez sur les gazons naissants, 8 u
Ô nymphes, accourez de vos pieds bondissants ! 6+6 u
270 Dieux vagabonds des mers, formez sur les rivages 6+6 j
Un chœur plein d'allégresse au bruit de mes accents ! 6+6 u
Épode
Vierges ceintes de laurier rose, 8 k
Dites un chant mélodieux : 8 a
Semez l'hyacinthe et la rose 8 k
275 Aux pieds de la fille des dieux. 8 a
Filles de Sparte, que la joie 8 r
En molles danses se déploie 8 r
Autour d'Hélène et de Pâris ; 8 c
Effleurez le sol de vos rondes, 8 x
280 Et dénouez vos tresses blondes 8 x
Au souffle céleste des ris ! 8 c
Hélène
Je rends grâces aux dieux de qui je tiens la vie, 6+6 o
S'il faut qu'avec honneur je comble ton envie, 6+6 o
Jeune homme. — Parle donc. La fille de Léda, 6+6 l
285 Et la reine de Sparte, ô pasteur de l'Ida, 6+6 l
Peut, de riches trésors chargeant ton vaisseau vide, 6+6 v
Contenter les désirs de ta jeunesse avide. 6+6 v
Que réclame ton cœur ? Que demandent tes vœux ? 6+6 a
Mes étalons, ployant sur leurs jarrets nerveux, 6+6 a
290 Nourris dans les vallons et les plaines fleuries, 6+6 m
À cette heure couverts de chaudes draperies, 6+6 m
Hennissent en repos. Ils sont à toi, prends-les. 6+6 n
Prends cet autel sacré gardien de mon palais, 6+6 n
Et l'armure éclatante et le glaive homicide 6+6 v
295 Que Pallas a remis entre les mains d'Atride ; 6+6 v
Prends, et vers l'heureux bord ou s'ouvrirent tes yeux 6+6 a
Guide à travers les flots tes compagnons joyeux. 6+6 a
Pâris
Noble Hélène, mon père en sa demeure immense 6+6 o
Possède assez de gloire et de magnificence ; 6+6 o
300 Assez d'or et d'argent, vain désir des mortels, 6+6 n
Décorent de nos dieux les éclatants autels. 6+6 n
Garde, fille de Zeus, tes richesses brillantes, 6+6 b
Et ce fer qui d'Atride arme les mains vaillantes, 6+6 b
Et cet autel d'airain à Pallas consacré. 6+6 y
305 Ce que je veux de toi, reine, je le dirai. 6+6 y
Il faut abandonner Sparte, Atride et la Grèce, 6+6 q
Et, célébrant Éros par un chant d'allégresse, 6+6 q
Suivre, soumise aux dieux, à l'horizon des flots, 6+6 g
Pâris, fils de Priam, dans les remparts d'Ilos. 6+6 g
Hélène
310 Étranger ! Si dé de la maison d'Atrée 6+6 d
Tes pas audacieux n'eussent franchi l'entrée ; 6+6 d
Si tu n'étais mon hôte enfin, et si les dieux 6+6 a
N'enchnaient mon offense en un respect pieux ; 6+6 a
Imprudent étranger, tu quitterais sur l'heure 6+6 r
315 La belliqueuse sparte, Hélène et la demeure 6+6 r
D'Atride ! Mais toujours un hôte nous est cher. 6+6 d
Tu n'auras pas en vain bravé la vaste mer 6+6 d
Et les vents orageux de la nue éternelle. 6+6 g
Viens donc, le festin fume et la coupe étincelle ; 6+6 g
320 Viens gter le repos ; mais, ô Pâris, demain, 6+6 x
Des rives du Xanthos tu prendras le chemin. 6+6 x
IV
Démodoce — Demi-chœur de femmes — Demi-chœur d'hommes
Le Chœur De Femmes
Dieux ! Donnez-vous raison aux terreurs de la reine ? 6+6 p
C'en est-il fait, ô dieux, de notre paix sereine ? 6+6 p
Je tremble, et de mes yeux déjà remplis de pleurs 6+6 s
325 Je vois luire le jour prochain de nos douleurs. 6+6 s
Dis-nous, sage vieillard aux mains harmonieuses, 6+6 t
Ô disciple chéri des muses glorieuses, 6+6 t
Ô Démodoce, ami des immortels, dis-nous 6+6 u
Si, loin de Sparte et loin des rivages si doux 6+6 u
330 Du natal Eurotas, nos yeux, en leur détresse, 6+6 q
Verront s'enfuir Hélène infidèle à la Grèce ? 6+6 q
Démodoce
Les équitables dieux, seuls juges des humains, 6+6 f
Dispensent les brillants ou sombres lendemains. 6+6 f
Ils ont scellé ma bouche, et m'ordonnent de taire 6+6 n
335 Leur dessein formidable en un silence austère. 6+6 n
Le Chœur D'Hommes
Ô vieillard, tu le sais, le destin a parlé. 6+6 y
J'en atteste l'Hadès et l'olympe étoilé ! 6+6 y
Bannis de ton esprit le doute qui l'assiège. 6+6 w
Non, ce n'est point en vain, vierges aux bras de neige, 6+6 w
340 Que l'immortelle née au sein des flots amers 6+6 q
A tourné notre proue à l'horizon des mers, 6+6 q
Et que durant dix jours nos rames courageuses 6+6 t
Ont soulevé l'azur des ondes orageuses. 6+6 t
Le Chœur De Femmes
Ô cruelle Aphrodite, et toi, cruel Éros ! 6+6 g
Le Chœur D'Hommes
345 Enfant, roi de l'Olympe ! Ô reine de Paphos ! 6+6 g
Démodoce
La jeunesse est crédule aux espérances vaines : 6+6 k
Elle éblouit nos yeux et brûle dans nos veines, 6+6 k
Et des songes brillants le cortège vainqueur 6+6 c
D'un aveugle désir fait palpiter le cœur. 6+6 c
Le Chœur D'Hommes
Strophe
350 Divine Hébé, blonde déesse, 8 q
La coupe d'or des dieux étincelle en tes mains. 6+6 f
Salut, ô charme des humains, 8 f
Immortelle et douce jeunesse ! 8 q
Une ardente lumière, un air pur et sacré 6+6 y
355 Versent la vie à flots au cœur où tu respires : 6+6 w
Plein de rayons et de sourires, 8 w
Il monte et s'élargit dans l'Olympe éthéré ! 6+6 y
Antistrophe
Les jeux, les ris vermeils, les grâces, 8 x
Éros à l'arc d'ivoire, Aphrodite au beau sein, 6+6 x
360 Et les désirs, comme un essaim, 8 x
Vont et s'empressent sur tes traces. 8 x
Le flot des mers pour toi murmure et chante mieux ; 6+6 a
Une lyre cachée enivre ton oreille. 6+6 f
L'aube est plus fraîche et plus vermeille, 8 f
365 Et l'étoile nocturne est plus belle à tes yeux. 6+6 a
Épode
Ô vierge heureuse et bien aimée, 8 d
Ceinte des roses du printemps, 8 u
Qui, dans ta robe parfumée, 8 d
Apparus au matin des temps ! 8 u
370 Ta voix est comme une harmonie ; 8 o
Les violettes d'Ionie 8 o
Fleurissent sous ton pied charmant. 8 l
Salut, ô jeunesse féconde, 8 s
Dont les bras contiennent le monde 8 s
375 Dans un divin embrassement ! 8 l
Démodoce
Bienheureuse l'austère et la rude jeunesse 6+6 q
Qui rend un culte chaste à l'antique vertu ! 6+6 y
Mieux qu'un guerrier de fer et d'airain revêtu, 6+6 y
Le jeune homme au cœur pur marche dans la sagesse. 6+6 q
380 Le myrte effémi n'orne point ses cheveux, 6+6 a
Il n'a point effeuillé la rose ionienne ; 6+6 p
Mais sa bouche est sincère et sa face est sereine, 6+6 p
Et la lance d'Arès charge son bras nerveux. 6+6 a
En de mâles travaux ainsi coule sa vie. 6+6 o
385 Si parfois l'étranger l'accueille à son foyer, 6+6 y
Il n'outragera point l'autel hospitalier, 6+6 y
Et respecte le seuil où l'hôte le convie. 6+6 o
Puis les rapides ans inclinent sa fierté ; 6+6 y
Mais la vieillesse auguste ennoblit le visage ! 6+6 z
390 Et qui vécut ainsi, peut mourir, il fut sage, 6+6 z
Et demeure en exemple à la postérité. 6+6 y
Le Chœur De femmes
Vierge Pallas, toujours majestueuse et belle, 6+6 g
Préserve-moi d'Éros ! À ton culte fidèle, 6+6 g
Dans la maison d'Hélène et dans la chasteté, 6+6 y
395 Je fuirai du plaisir l'amère volupté. 6+6 y
Sous ton égide d'or, ô sereine déesse, 6+6 q
Garde d'un souffle impur la fleur de ma jeunesse. 6+6 q
Le Chœur D'Hommes
Déesse, qui naquis de l'écume des mers, 6+6 q
Dont le rire brillant tarit les pleurs amers, 6+6 q
400 Aphrodite ! À tes pieds la terre est prosternée. 6+6 d
Ô mère des désirs, d'Éros et d'Hyménée, 6+6 d
Ceins mes temples de myrte, et qu'un hymne sans fin 6+6 x
Réjouisse le cours de mon heureux destin ! 6+6 x
Démodoce
Le désir est menteur, la joie est infidèle. 6+6 g
405 Toi seule es immuable, ô sagesse éternelle ! 6+6 g
L'heure passe, et le myrte à nos fronts est fané ; 6+6 y
Mais l'austère bonheur que tu nous as donné, 6+6 y
Semblable au vaste mont qui plonge aux mers profondes 6+6 x
Demeure inébranlable aux secousses des ondes. 6+6 x
Le Chœur D'Hommes
410 Le souffle de Borée a refroidi vos cieux. 6+6 a
Oh ! Combien notre Troie est plus brillante aux yeux ! 6+6 a
Vierges, suivez Hélène aux rives de Phrygie, 6+6 o
Où le jeune Iacchos mène la sainte orgie ; 6+6 o
Où la grande Cybèle au front majestueux, 6+6 a
415 Assise sur le dos des lions tueurs de bœufs, 6+6 a
Du Pactole aux flots d'or vénérable habitante 6+6 a
Couvre plaines et monts de sa robe éclatante ! 6+6 a
Le Chœur De Femmes
Ô verts sommets du Taygète, ô beau ciel ! 4+6 p
Dieux de Pélops, dieux protecteurs d'Hélène ! 4+6 p
420 Vents qui soufflez une si douce haleine 4+6 p
Dans les vallons du pays paternel ; 4+6 p
Et vous, témoins d'un amour immortel, 4+6 p
Flots d'Eurotas, ornement de la plaine ! 4+6 p
Démodoce
Étrangers, c'est en vain qu'en mots harmonieux 6+6 a
425 Vous caressez l'oreille et l'esprit curieux. 6+6 a
C'est assez. Grâce aux dieux qui font la destinée, 6+6 d
Au sol de notre Hellas notre âme est enchnée ; 6+6 d
Et la terre immortelle où dorment nos aïeux 6+6 a
Est trop douce à nos cœurs et trop belle à nos yeux. 6+6 a
430 Les vents emporteront ta poussière inféconde, 6+6 s
Ilion ! Mais Hellas illumine le monde ! 6+6 s
V
Hélène — Pâris — Démodoce
Chœur de femmes — Chœur d'hommes.
Hélène
Tes lèvres ont g le froment et le vin, 6+6 x
Fils de Priam. Ainsi l'a voulu le destin. 6+6 x
Des dieux hospitaliers j'ai gardé la loi sainte. 6+6 b
435 Mais de Sparte dé dorant la vaste enceinte, 6+6 b
L'aurore a secoué ses roses dans l'azur, 6+6 c
Et l'astre à l'horizon incline un front obscur. 6+6 c
Dans le large Eurotas ta trirème lavée 6+6 d
Sur les flots, par les vents, s'agite soulevée. 6+6 d
440 Va ! Que Zeus te protège, et que les dieux marins 6+6 f
T'offrent un ciel propice et des astres sereins ! 6+6 f
Tu reverras l'Ida couronné de pins sombres, 6+6 d
Et les rapides cerfs qui paissent sous leurs ombres, 6+6 d
Et les fleuves d'argent, Simoïs et Xanthos, 6+6 g
445 Et tes parents âgés et les remparts d'Ilos. 6+6 g
Heureux qui, sans remords, et d'une âme attendrie 6+6 o
Revoit les cieux connus et la douce patrie ! 6+6 o
Pâris
Ô blanche Tyndaride, ô fille de Léda, 6+6 l
Noble Hélène ! Aphrodite, au sommet de l'Ida, 6+6 l
450 À mes yeux transportés éblouissante et nue, 6+6 h
Moins sublime, apparut du milieu de la nue ! 6+6 h
N'es-tu point Euphrosyne au corps harmonieux 6+6 a
Dont rêvent les humains et qu'admirent les dieux ? 6+6 a
Où la blonde Aglaé dont les molles paupières 6+6 l
455 Enveloppent les cœurs d'un tissu de lumières ? 6+6 l
L'or de tes cheveux brûle, et tes yeux fiers et doux 6+6 v
Font palpiter le sein et courber les genoux ! 6+6 v
Tes pieds divins sans doute ont foulé les nuées. 6+6 e
Les vierges de Phrygie aux robes dénouées, 6+6 e
460 Étoiles qui du jour craignent l'auguste aspect, 6+6 e
Vont pâlir devant toi d'envie et de respect. 6+6 e
Viens ! Aphrodite veut qu'aux bords sacrés de Troie 6+6 r
J'emporte avec orgueil mon éclatante proie ! 6+6 r
Elle-même, prodigue en son divin secours, 6+6 s
465 De mon vaisseau rapide a dirigé le cours. 6+6 s
Hélène
Ô vous, fils du grand Zeus, dioscures sublimes, 6+6 f
Qui de l'Olympe auguste illuminez les cimes ; 6+6 f
Vous qui, levant la pique et le ceste guerrier, 6+6 y
Jadis avez conquis le divin bélier ! 6+6 y
470 Ô gloire de l'Hellade, amis de mon enfance, 6+6 o
Mes frères, entendez votre sœur qu'on offense ! 6+6 o
Et toi, vierge Pallas, gardienne de l'hymen. 6+6 x
Qui portes l'olivier et la lance en ta main, 6+6 x
Vois combien ce regard me pénètre et m'enflamme ! 6+6 g
475 Mets ta force divine, ô Pallas, dans mon âme ; 6+6 g
Soutiens mon lâche cœur dans ce honteux danger. 6+6 y
Le Chœur De Femmes
Dieux ! Chassez de nos murs ce funeste étranger. 6+6 y
Pâris
Hélène aux pieds d'argent, des femmes la plus belle, 6+6 g
Mon cœur est dévo d'une ardeur immortelle ! 6+6 g
Hélène
480 Je ne quitterai point Sparte aux nombreux guerriers, 6+6 r
Ni mon fleuve natal et ses roses lauriers, 6+6 r
Ni les vallons aimés de nos belles campagnes 6+6 h
Où danse et rit encor l'essaim de mes compagnes ; 6+6 h
Ni la couche d'Atride et son sacré palais. 6+6 n
485 Crains de les outrager, fils de Priam, fuis-les ! 6+6 n
Sur ton large navire, au delà des mers vastes, 6+6 i
Fuis ! Et ne trouble pas des jours calmes et chastes. 6+6 i
Heureux encor, si Zeus, de ton crime irrité, 6+6 y
Ne venge mon injure et l'hospitalité. 6+6 y
490 Fuis donc, il en est temps. Déjà sur l'onde Égée, 6+6 d
À l'appel de l'Hellade et d'Hélène outragée, 6+6 d
Le courageux Atride excite ses rameurs, 6+6 s
Regagne ta Phrygie, ou si tu tardes, meurs ! 6+6 s
Pâris
La rose d'Ionie ornera ma trirème, 6+6 h
495 Et tu seras à moi, noble femme que j'aime ! 6+6 h
Les dieux me l'ont promis ; nous trompent-ils jamais ? 6+6 n
Hélène
Les dieux m'en sont témoins, étranger, je te hais. 6+6 n
Ta voix m'est odieuse et ton aspect me blesse. 6+6 q
Ô justes dieux, grands dieux ! Secourez ma faiblesse. 6+6 q
500 Je t'implore, ô mon père, ô Zeus ! Ah ! Si toujours 6+6 s
J'ai vénéré ton nom de pieuses amours ; 6+6 s
Fidèle à mon époux et vertueuse mère, 6+6 n
Si du culte d'Éros j'ai fui l'ivresse amère ; 6+6 n
Souviens-toi de Léda, toi, son divin amant, 6+6 l
505 Mon père ! Et de mon sein apaise le tourment. 6+6 l
Permets qu'en son palais où Pallas le ramène, 6+6 p
Atride, entre les grecs, soit fier encor d'Hélène. 6+6 p
Ô Zeus, ô noble Atride, ô ma fille, ô vertu, 6+6 y
Sans relâche parlez à mon cœur abattu ; 6+6 y
510 Calmez ce feu secret qui sans cesse m'irrite. 6+6 c
Je hais ce phrygien, ce prêtre d'Aphrodite, 6+6 c
Cet hôte au cœur perfide, aux discours odieux… 6+6 a
Je le hais, mais qu'il parte, et pour jamais ! Grands dieux ! 6+6 a
Je l'aime ! C'est en vain que ma bouche le nie, 6+6 o
515 Je l'aime et me complais dans mon ignominie ! 6+6 o
Le Chœur De Femmes
Ô reine, tes douleurs me pénètrent d'effroi. 6+6 b
Le Chœur D'Hommes
Tu triomphes, Éros, et Pâris avec toi. 6+6 b
Le Chœur De Femmes
Éros, épargne Hélène, ou frappe-moi pour elle. 6+6 g
Le Chœur D'Hommes
Poursuis, divin Éros, dompte ce cœur rebelle. 6+6 g
Le Chœur De Femmes
520 Aphrodite et Pallas, ô combat abhorré ! 6+6 y
Se disputent Hélène et son cœur déchiré. 6+6 y
Hélène
Ne cesserez-vous point, ô dieux inexorables, 6+6 j
D'incliner vers le mal les mortels misérables ! 6+6 j
Le Chœur D'Hommes
Pleurs, combats insensés, inutiles efforts. 6+6 w
525 Tu résistes en vain, et les dieux sont plus forts. 6+6 w
Démodoce
Hymne
Toi, par qui la terre féconde 8 s
Gémit sous un tourment cruel, 8 p
Éros, dominateur du ciel, 8 p
Éros, Éros, dompteur du monde ! 8 s
530 Par delà les flots orageux, 8 a
Par delà les sommets neigeux, 8 a
Plus loin que les plaines fleuries 8 m
Où les grâces, des dieux chéries, 8 m
Mêlent leurs danses et leurs jeux, 8 a
535 Tu touches à tous les rivages ; 8 j
Tu poursuis dans les bois sauvages 8 j
Les chasseresses aux pieds prompts : 8 q
Tu troubles l'équité des sages 8 j
Et tu découronnes leurs fronts ! 8 q
540 L'épouse, dans son cœur austère, 8 n
Durant le silence des nuits, 8 c
Sent glisser ton souffle adultère, 8 n
Et sur sa couche solitaire 8 n
Rêve, en proie aux brûlants ennuis. 8 c
545 Tout mortel aux jours éphémères, 8 n
De tes flèches sans cesse atteint, 8 k
A versé des larmes amères. 8 n
Jamais ta jureur ne s'éteint ; 8 k
Jamais tu ne fermes tes ailes. 8 l
550 Tu frappes, au plus haut des cieux, 8 a
Les palpitantes immortelles 8 l
D'un trait certain et radieux ; 8 a
Et, réglant l'éther spacieux, 8 a
Présidant aux lois éternelles, 8 l
555 Tu sièges parmi les grands dieux, 8 a
Toi, par qui la terre féconde 8 s
Gémit sous un tourment cruel, 8 p
Éros, Éros, dompteur du monde, 8 s
Éros, dominateur du ciel ! 8 p
Pâris
560 Enfant divin, sois-moi favorable ! Attendrai-je 6+6 w
Que l'âge sur ma tête ait secoué sa neige 6+6 w
Et flétri pour jamais les roses et mon cœur ? 6+6 c
Ô volupté, nectar, enivrante liqueur, 6+6 c
Ô désir renaissant des dieux, coupe de flamme, 6+6 g
565 Tu verses à la fois tout l'Olympe dans l'âme ! 6+6 g
Hélène
Heureuse qui peut vivre et peut mourir aux lieux 6+6 a
Où l'aurore première a réjoui ses yeux, 6+6 a
Et qui, de fils nombreux chaste mère entourée, 6+6 d
Laisse au fond de leurs cœurs sa mémoire honorée ! 6+6 d
570 Mais quoi ! Ne suis-je plus Hélène ? — Phrygien ! 6+6 x
Atride est mon époux, ce palais est le sien… 6+6 x
Fuis ! Ne me réponds point. Je le veux, je l'ordonne. 6+6 m
Mais je ne puis parler, la force m'abandonne, 6+6 m
Mon cœur cesse de battre, et déjà sous mes yeux 6+6 a
575 Roule le fleuve noir par qui jurent les dieux. 6+6 a
Le Chœur De Femmes
Ô Zeus, secours au moins ta fille malheureuse ! 6+6 n
Ô Pallas-Athéné, déesse généreuse, 6+6 n
Viens, je t'implore ; rouvre à la douce clarté 6+6 y
Les yeux mourants d'Hélène. Ô jour, jour détesté, 6+6 y
580 Jour d'amères douleurs, de larmes, de ruine ! 6+6 o
Ô funeste étranger, vois la fille divine 6+6 o
De Zeus et de Léda ! Remplissez nos remparts 6+6 p
De lamentations, guerriers, enfants, vieillards… 6+6 p
Hélas ! Faut-il qu'Hélène aux pieds d'argent se meure ! 6+6 r
585 Les dieux, ô fils d'Atrée, ont frappé ta demeure. 6+6 r
Pâris
Noble Hélène, reviens à la vie et plains-moi. 6+6 b
J'ai causé ta colère et ton cruel effroi, 6+6 b
Et troublant de ces lieux la paix chaste et sereine, 6+6 p
Offensé ton cœur fier et mérité ta haine ; 6+6 p
590 Mais la seule Aphrodite a dirigé mes pas ; 6+6 m
Plains-moi, fille des dieux, et ne me punis pas ! 6+6 m
Plus grande est ta beauté, plus ta présence est douce, 6+6 b
Plus l'auguste respect me dompte et me repousse. 6+6 b
Pardonne, je retourne en mon lointain pays. 6+6 c
595 Pour toi, rebelle aux dieux, je pars et t'obéis ; 6+6 c
Heureux si ta pitié, par delà l'onde amère, 6+6 n
Suit durant un seul jour ma mémoire éphémère. 6+6 n
Fuyons ! Des pleurs amers s'échappent de mes yeux. 6+6 a
Noble Hélène, reçois mes suprêmes adieux ; 6+6 a
600 Salut, gloire d'Hellas, je t'aime et je t'honore. 6+6 k
Hélène
Divin fils de Priam, ton cœur est noble encore. 6+6 k
Sois heureux. Je rends grâce au généreux dessein 6+6 x
Que ta jeune sagesse a fait naître en ton sein 6+6 x
Il est digne des dieux d'où sort ta race antique 6+6 q
605 Et se vaincre soi-même est d'un cœur héroïque. 6+6 q
VI
Hélène — Démodoce — Chœur de femmes.
Le Chœur De Femmes
Strophe
Ô charme du vaste univers, 8 q
Ô terre de Pallas, ô glorieuse Grèce. 6+6 q
Exhale un hymne d'allégresse, 8 q
Émeus l'Olympe au bruit de tes sacrés concerts ! 6+6 q
610 Hellas, ô belle Hellas, terre auguste et chérie, 6+6 o
Mes yeux ont vu pâlir ta gloire, ô ma patrie ! 6+6 o
Mais Zeus a dissi l'ombre vaine d'un jour ; 6+6 r
Et de Pallas les mains paisibles 8 s
Brisent les traits d'Éros, si longtemps invincibles : 6+6 s
615 La sagesse a vaincu l'amour ! 8 r
Antistrophe
Dieux propices aux matelots, 8 g
Sur les eaux de la mer soufflez, doux éolides ; 6+6 i
Poussez nos trirèmes rapides 8 i
À travers l'étendue et l'écume des flots. 6+6 g
620 Reviens, ô fils d'Atrée, au berceau de tes pères, 6+6 l
Et poursuis l'heureux cours de tes destins prospères. 6+6 l
La fille de Léda, reine aux cheveux dorés, 6+6 r
Honneur d'Hellas que Zeus protège, 8 w
Ô courageux époux, t'ouvre ses bras de neige 6+6 w
625 Pour des embrassements sacrés ! 8 r
Épode
Ciel natal, lumière si douce, 8 b
De ton plus bel éclat resplendis à mes yeux ! 6+6 a
Ô nymphes aux pieds nus, sur un mode joyeux 6+6 a
Du Taygète foulez la mousse ; 8 b
630 Ô Démodoce, chante un hymne harmonieux ! 6+6 a
Aux sons des lyres d'or, en longues théories, 6+6 m
Les tempes de roses fleuries, 8 m
Femmes de Sparte, allez vers les sacrés autels ; 6+6 n
Et que le sang pur des victimes 8 f
635 Et l'encens à longs flots et les chœurs magnanimes, 6+6 f
Dans l'Olympe aux voûtes sublimes 8 f
Réjouissent les immortels ! 8 n
Démodoce
Interrompez vos chants, ô vierges innocentes. 6+6 b
La sombre inquiétude et les peines cuisantes 6+6 b
640 Du front de notre Hélène assiègent la pâleur. 6+6 c
Ô vierges, respectez sa secrète douleur. 6+6 c
De votre âge fleuri les tristesses légères 6+6 l
Se dissipent bientôt en vapeurs passagères ; 6+6 l
Et de vos yeux brillants les doux pleurs sont pareils 6+6 n
645 Aux larmes de la nuit sur les rameaux vermeils : 6+6 n
Prompts à naître, à tarir plus faciles encore. 6+6 k
Votre peine en rosée au soleil s'évapore, 6+6 k
Ô vierges ! Mais le cœur où les dieux ont passé 6+6 y
Garde longtemps le trait profond qui l'a blessé ; 6+6 y
650 Il se plaît à poursuivre une incessante image, 6+6 z
Et des pleurs douloureux sillonnent le visage. 6+6 z
Hélène
Vieillard, le doux repos s'est éloigné de moi : 6+6 b
Mon lâche cœur est plein d'amertume et d'effroi. 6+6 b
Tu l'as dit, de ce cœur profonde est la blessure, 6+6 o
655 Et les dieux de ma honte ont comblé la mesure. 6+6 o
Je l'avoue, — Et mon front en rougit, tu le vois ! 6+6 h
Mon oreille a gardé le doux son de sa voix ; 6+6 h
De sa jeune fierté l'irrésistible grâce 6+6 t
À mes regards encore en songe se retrace… 6+6 t
660 Je l'aime ! — Éros ! Voi de tes funestes jeux ! 6+6 a
Dis-moi que mon époux est sage et courageux, 6+6 a
Vieillard, et que sans doute, en mon âme abusée, 6+6 d
D'injustes dieux ont mis cette image insensée. 6+6 d
Dis-moi qu'Atride m'aime et qu'en ce dur moment 6+6 l
665 Il brave la tempête et le flot écumant ; 6+6 l
Qu'il m'a commis l'honneur de sa vie héroïque, 6+6 q
Que je l'aime ! … Ô douleur, ô race fatidique 6+6 q
D'Atrée ! Ô noir destin et déplorable jour. 6+6 r
Flammes qui consumez mon cœur, ô lâche amour ! 6+6 r
670 C'est en vain que sa vue à mes yeux est ravie, 6+6 o
Il emporte la gloire et la paix de ma vie ! 6+6 o
Démodoce
Noble Hélène, les dieux, d'où naissent nos travaux, 6+6 v
Aux forces de nos cœurs ont mesuré nos maux, 6+6 v
Et dans les parts qu'ils font des fortunes diverses 6+6 u
675 Ils livrent les meilleurs aux plus rudes traverses, 6+6 u
Certains que tout mortel armé de sa vertu 6+6 y
Sous le plus lourd destin n'est jamais abattu. 6+6 y
Rejetez loin de vous, murs belliqueux de Sparte, 6+6 v
L'hôte qui vous outrage. Ô dieux justes, qu'il parte, 6+6 v
680 Et que les jours futurs dévoilés à mes yeux 6+6 a
S'effacent comme l'ombre à la clarté des cieux ! 6+6 a
Hélène
Toi que les dieux ont fait confident de leur haine, 6+6 p
De quels funestes coups frapperont-ils Hélène ? 6+6 p
Démodoce
Laissons faire les dieux. Oublie un vain discours. 6+6 s
685 Que Zeus et que Pallas te gardent de beaux jours. 6+6 s
Puissent la paix divine et la forte sagesse 6+6 q
Descendre dans ton âme et bannir ta tristesse ! 6+6 q
La sereine douceur d'un amour vertueux 6+6 a
Verse le calme au fond des cœurs tumultueux ; 6+6 a
690 Tel, dans la route obscure où grondent les orages, 6+6 j
Un regard d'Hélios dissipe les nuages. 6+6 j
Hélène
Mon père, ta sagesse est grande. Que le ciel 6+6 p
Couronne tes vieux ans d'un honneur immortel. 6+6 p
J'écouterai toujours d'un esprit favorable 6+6 w
695 L'harmonieux conseil de ta voix vénérable. 6+6 w
Et vous, ô sœurs d'Hélène, ô beaux fronts ceints de fleurs ! 6+6 s
De vos jeunes accords endormez mes douleurs. 6+6 s
J'aime vos chants si doux où la candeur respire, 6+6 x
Et mon front s'illumine à votre heureux sourire. 6+6 x
Le Chœur De Femmes
700 Penché sur le timon et les rênes en mains, 6+6 f
Hélios presse aux cieux le splendide attelage ; 6+6 z
Il brûle dans son cours l'immobile feuillage 6+6 z
Des bois vierges de bruits humains. 8 f
Les tranquilles forêts de silence sont pleines ; 6+6 k
705 Et la source au flot clair du rocher tout en pleurs 6+6 s
Tombe, et mêle aux chansons des furtives haleines 6+6 k
Son murmure parmi les fleurs. 8 s
Ô divine Artémis, vierge aux flèches rapides, 6+6 i
Accours, l'heure est propice au bain mystérieux. 6+6 a
710 Sans craindre des mortels le regard curieux, 6+6 a
Plonge dans les ondes limpides. 8 i
Chasseresses des bois, ô nymphes, hâtez-vous. 6+6 u
Dénouez d'Artémis la rude et chaste robe. 6+6 y
Voyez ! Le bois épais et sombre la dérobe 6+6 y
715 Aux yeux même des dieux jaloux. 8 u
Et l'onde frémissante a reçu la déesse 6+6 q
Et retient son beau corps dans un baiser tremblant ; 6+6 l
Elle rit, et l'essaim joyeux, étincelant 6+6 l
Des nymphes, l'entoure et la presse. 8 q
720 Mais quel soupir émeut le feuillage prochain ? 6+6 x
Serait-ce quelque vierge égarée et peureuse, 6+6 n
Ou le faune moqueur, ou le jeune sylvain, 6+6 x
Qui pousse une plainte amoureuse ? 8 n
C'est toi, fils d'Aristée, aux molosses chasseurs, 6+6 s
725 Qui surprends Artémis dans sa blancheur de neige, 6+6 w
Nue et passant du front l'éblouissant cortège 6+6 w
Que lui font ses divines sœurs. 8 s
Fuis, chasseur imprudent ! Artémis irritée 6+6 d
T'aperçoit et se lève au milieu des flots clairs, 6+6 q
730 Et sa main sur ton front lance l'onde agitée ; 6+6 d
Ses grands yeux sont tout pleins d'éclairs. 8 q
La corne aux noirs rameaux sur ta tête se dresse ; 6+6 q
Tu cours dans les halliers comme un cerf bondissant… 6+6 l
Et ta meute en abois, dans une aveugle ivresse 6+6 q
735 Hume l'arôme de ton sang. 8 l
Malheureux ! Plus jamais dans les forêts aimées 6+6 e
Tu ne retourneras, ton arc entre les mains. 6+6 f
Ah ! Les dieux sont cruels ! Aux douleurs des humains 6+6 f
Toujours leurs âmes sont fermées. 8 e
Hélène
740 Oui, les dieux sont cruels ! — Ô jours, jours d'autrefois ! 6+6 h
De ma mère Léda doux baisers, douce voix ! 6+6 h
Bras caressants et chers où riait mon enfance, 6+6 o
Ô souvenirs sacrés que j'aime et que j'offense, 6+6 o
Salut ! — Un noir nuage entre mon cœur et vous 6+6 u
745 D'heure en heure descend comme un voile jaloux 6+6 u
Salut, seuil nuptial, maison du fils d'Atrée, 6+6 d
Ô chastes voluptés de sa couche sacrée ! 6+6 d
De la grande Pallas autel hospitalier, 6+6 y
Où j'ai brûlé la myrrhe et l'encens familier ! 6+6 y
750 Ô cité de Tyndare, ô rives de mon fleuve, 6+6 a
Où l'essaim éclatant des beaux cygnes s'abreuve 6+6 a
Et nage, et comme Zeus, quittant les claires eaux, 6+6 v
Poursuit la blanche nymphe à l'ombre des roseaux ! 6+6 v
Salut, ô mont Taygète, ô grottes, ô vallées, 6+6 e
755 Qui, des rires joyeux de nos vierges, troublées, 6+6 e
Sur les agrestes fleurs et les gazons naissants, 6+6 u
Avez formé mes pas aux rhythmes bondissants ! 6+6 u
Salut, chère contrée où j'ai vu la lumière ! 6+6 n
Trop fidèles témoins de ma vertu première, 6+6 n
760 Salut ! Je vous salue, ô patrie, ô beaux lieux ! 6+6 a
D'Hélène pour jamais recevez les adieux. 6+6 a
Une flamme invincible irrite dans mes veines 6+6 k
Un sang coupable… Assez, assez de luttes vaines, 6+6 k
D'intarissables pleurs, d'inutiles remords… 6+6 w
765 Accours ! Emporte-moi, phrygien, sur tes bords. 6+6 w
Achève enfin, Éros, ta victoire cruelle. 6+6 g
Et toi, fille de Zeus, ô gardienne infidèle. 6+6 g
Pallas, qui m'as trahie ; et vous, funestes dieux, 6+6 a
Qui me livrez en proie à mon sort odieux, 6+6 a
770 Qui me poussez aux bras de l'impur adultère… 6+6 n
Par le fleuve livide et l'Hadès solitaire, 6+6 n
Par Niobé, Tantale, Atrée, et le festin 6+6 x
Sanglant ! Par Perséphone et par le noir destin, 6+6 x
Par les fouets ardents de la pâle Érynnie, 6+6 o
775 Ô dieux cruels, dieux sourds ! Ô dieux, je vous renie ! 6+6 o
Viens, ô fils de Priam, je t'aime et je t'attends. 6+6 u
Démodoce
Ô dieux, pressez sa fuite ! — Hélène, il n'est plus temps. 6+6 u
Sur l'écume du fleuve il vogue, et j'en rends grâces 6+6 x
Aux dieux ! — Les flots mouvants ont effacé ses traces. 6+6 x
Hélène
780 Éros brûle en mon sein ! Ô vieillard, je me meurs. 6+6 s
Va, Démodoce, cours. De tes longues clameurs 6+6 s
Emplis les bords du fleuve. Arrête sa trirème. 6+6 h
Dis-lui que je l'attends et le supplie et l'aime ! 6+6 h
Démodoce
Par ton vaillant époux, par la gloire d'Hellas, 6+6 m
785 Puissent de Zeus vengeur les foudres en éclats 6+6 m
Frapper ma tête impie et livrer ma poussière 6+6 n
Aux vents d'orage, si j'écoute ta prière. 6+6 n
Le Chœur De Femmes
Malheureuse et cruelle Hélène, qu'as-tu dit ? 6+6 b
Hélène
Vierges, séchez vos pleurs, car mon sort est prédit. 6+6 b
790 Il faut courber le front sous une loi plus forte. 6+6 c
Ah ! Sans doute il est lourd le poids que mon cœur porte, 6+6 c
Ils sont amers les pleurs qui tombent de mes yeux ; 6+6 a
Mais les dieux l'ont voulu, je m'en remets aux dieux. 6+6 a
Ils ont troublé ma vie… Eh bien, quoi qu'il m'en coûte, 6+6 d
795 J'irai jusques au bout de ma funeste route ; 6+6 d
Gloire, honneur et vertu, je foulerai du pied 6+6 y
Ce que l'homme et le ciel révèrent, sans pitié, 6+6 y
Sans honte ! Et quand viendra le terme de mon âge : 6+6 z
Voilà, dirai-je aux dieux, votre exécrable ouvrage ! 6+6 z
VII
Hélène — Démodoce — Pâris — Chœur de femmes
Pâris
800 Viens ! Mes forts compagnons, à la fuite animés, 6+6 r
Poussent des cris joyeux, des avirons armés. 6+6 r
Hélène
Les dieux m'ont entendue !
Démodoce
Envoyé des lieux sombres 6+6 d
Où d'un sceptre de fer Aidès conduit les ombres, 6+6 d
Fils de Priam, — Et toi dont le cœur est changeant 6+6 l
805 Et perfide ! Écoutez. Sur son trépied d'argent, 6+6 l
Dans Larisse, le dieu qu'honore Lycorée, 6+6 d
Fit entendre autrefois sa parole sacrée. 6+6 d
Jeune encor, mais dé plein de transports pieux, 6+6 a
J'accoutumais ma voix aux louanges des dieux, 6+6 a
810 Et le grand Apollon guidait mes pas timides 6+6 i
Sur les sommets chéris des chastes Piérides. 6+6 i
Livrant à mes regards les temps encor lointains 6+6 f
Le dieu me révéla vos sinistres destins, 6+6 f
Fils de Priam, et toi, d'Éros indigne esclave ! 6+6 f
Pâris
815 Résiste-t-on aux dieux ? Malheur à qui les brave. 6+6 f
Vieillard, les feux tombés du char d'or d'Hélios 6+6 g
N'amollissent jamais le front glacé d'Athos : 6+6 g
Des songes enflammés l'âge froid te protège, 6+6 w
Et nul dieu de ton cœur n'échauffera la neige. 6+6 w
Démodoce
820 Jeune homme, ils sont aimés des justes immortels, 6+6 n
Ceux qui vivent en paix sur les bords paternels, 6+6 n
Et des simples vertus suivant le cours austère, 6+6 n
Calment à ce flot pur la soif qui les altère. 6+6 n
Et toi, ma fille, et toi qu'entoura tant d'amour 6+6 r
825 Depuis l'heure si chère où tu naquis un jour ; 6+6 r
Ma fille, entends ma voix ! — Mes riantes années 6+6 e
Au souffle des hivers se sont toutes fanées ; 6+6 e
J'ai vécu longuement. Je sais le lendemain 6+6 x
Des ivresses d'une heure et du désir humain ! 6+6 x
830 Femme de Ménélas, je te prie et t'adjure : 6+6 o
Souviens-toi d'Athé qui venge le parjure. 6+6 o
Le Chœur De Femmes
Ô fille de Léda, noble Hélène aux pieds blancs 6+6 u
Nous pressons tes genoux avec nos bras tremblants. 6+6 u
Hélène
C'est assez. J'obéis à tes flammes divines, 6+6 y
835 Éros. Emporte-moi sur les ondes marines, 6+6 y
Ô Pâris ! — Hélios luit dans l'Olympe en feu. 6+6 d
Adieu, vierges de Sparte ! Ô Démodoce, adieu ! 6+6 d
Le Chœur De Femmes
Arrête, Hélène ! Arrête, ô malheureuse Hélène ! 6+6 p
Prends en pitié ta gloire et notre amère peine… 6+6 p
840 Elle fuit ! Et dé son long voile flottant 6+6 l
Disparaît au détour du portique éclatant. 6+6 l
Tombez, écroulez-vous, murs du palais antique. 6+6 q
Ô sol, ébranle-toi sur sa trace impudique ! 6+6 q
Démodoce
C'en est fait ! L'eau gémit sous l'effort des nageurs. 6+6 s
845 Fuis donc, couple fatal, et crains les dieux vengeurs. 6+6 s
Le Chœur De Femmes
Strophe
Divins frères d'Hélène, éclatants dioscures, 6+6 g
Qui brillez à nos yeux durant les nuits obscures, 6+6 g
À l'horizon des vastes mers ; 8 q
Refusez vos clartés si pures 8 g
850 Au vaisseau ravisseur qui fend les flots amers. 6+6 q
Beaux astres qui régnez au milieu des étoiles, 6+6 h
Laissez, de l'Olympe attristé, 8 y
D'une éternelle nuit tomber les sombres voiles : 6+6 h
Gloire, vertu, patrie, Hélène a tout quitté ! 6+6 y
Antistrophe
855 Comme la rose en proie aux souffles de Borée, 6+6 d
Qui ne voit pas finir l'aube qui l'a dorée, 6+6 d
Tombe et se fane en peu d'instants, 8 u
Ma jeunesse aux pleurs consacrée 8 d
Ne verra pas la fin de son heureux printemps ! 6+6 u
860 Ô mousses du Taygète, ô fleurs de nos vallées, 6+6 d
Propices à nos chœurs joyeux, 8 a
Qu'autrefois elle aimait, que ses pas ont foulées, 6+6 d
Flétrissez-vous : Hélène a renié ses dieux ! 6+6 a
Épode
Vers ton palais désert et sombre, ô noble Atride, 6+6 v
865 À travers les flots orageux, 8 a
Ne hâte point le cours de ton vaisseau rapide : 6+6 v
Tu ne reverras plus la blanche Tyndaride 6+6 v
Aux cheveux d'or, aux pieds neigeux ! 8 a
Pleure comme une femme, ô guerrier courageux ! 6+6 a
870 Du Cygne et de Léda celle qui nous est née, 6+6 d
Sur la pourpre étrangère, insensible à nos pleurs, 6+6 s
Oublie Hellas abandonnée… 8 d
Grands dieux ! De roses couronnée 8 d
Hélène rit de nos douleurs ! 8 s
Démodoce
875 Ô Phœbos-Apollon ! De ta bouche divine 6+6 o
Coule la véri dont l'esprit s'illumine ! 6+6 o
Roi des muses, chanteur des monts et des forêts, 6+6 n
Roi de l'arc d'or, armé d'inévitables traits, 6+6 n
Ô dompteur de Python, souverain de Larisse ! 6+6 i
880 Que l'océan immense et profond se tarisse, 6+6 i
Que l'impalpable éther, d'où ton char radieux 6+6 a
Verse la flamme auguste aux hommes comme aux dieux, 6+6 a
S'écroule, et que l'Hadès impénétrable et sombre 6+6 j
Engloutisse le monde éternel dans son ombre, 6+6 j
885 Si, délaissant ton culte et rebelle à tes lois, 6+6 h
Je doutais, Apollon, des accents de ta voix ! 6+6 h
Fiers enfants de l'Hellade, ô races courageuses, 6+6 t
Emplissez et troublez de clameurs belliqueuses 6+6 t
La hauteur de l'Olympe et l'écho spacieux 6+6 a
890 Des plaines et des monts où dorment vos aïeux ! 6+6 a
De l'Épire sauvage aux flots profonds Égée, 6+6 d
Levez-vous pour venger la patrie outragée ! 6+6 d
Saisissez, ô guerriers, d'une robuste main, 6+6 x
Et le glaive homicide et la pique d'airain. 6+6 x
895 Pousse des cris, puissante Argos ! Divine Athènes, 6+6 k
Couvre la vaste mer d'innombrables antennes… 6+6 k
Et vous, ô roi d'Hellas, emportez sur les flots 6+6 g
La flamme avec la mort dans les remparts d'Ilos ! 6+6 g
Le Chœur De Femmes
Strophe
Quand du myrte d'Éros la vierge est couronnée, 6+6 d
900 Et, sous le lin éblouissant, 8 l
S'approche en souriant des autels d'hyménée. 6+6 d
Les charites en chœur conduisent en dansant 6+6 l
Son innocente destinée. 8 d
Son cœur bondit de joie ; et l'époux radieux 6+6 a
905 La contemple, l'admire et rend grâces aux dieux ! 6+6 a
Antistrophe
Sous le toit nuptial le trépied d'or s'allume ; 6+6 k
La rose jonche les parvis. 8 c
Les rires éclatants montent, le festin fume ; 6+6 k
Un doux charme retient les convives ravis 6+6 c
910 Aux lieux que l'épouse parfume. 8 k
Salut, toi qui nous fais des jours heureux et longs, 6+6 q
Divin frère d'Éros, Hymen aux cheveux blonds ! 6+6 q
Épode
Mais, ô chasteté sainte, ô robe vénérable, 6+6 w
Malheur à qui sur toi porte une impure main ! 6+6 x
915 Qu'il vive et meure misérable ! 8 w
Qu'Érynnis vengeresse, auguste, inexorable, 6+6 w
Le flagelle à jamais dans l'Hadès inhumain ! 6+6 x
Malheur à l'épouse adultère, 8 n
En proie aux lâches voluptés, 8 r
920 Source de sang, de honte et de calamités, 6+6 r
Opprobre et fardeau de la terre ! 8 n
Frappez-la, dieux vengeurs, noires divinités ! 6+6 r
mètre profils métriques : 8, 6+6, 4+6
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