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| = césure
LEC_2/LEC90
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES TRAGIQUES
1884
L'Apothéose de Mouça-al-Kébyr
LA royale Damas, sous les cieux clairs et calmes, 6+6 a
Dans la plaine embaumée et qui sommeille encor, 6+6 b
Parmi les caroubiers, les jasmins et les palmes, 6+6 a
Monte comme un grand lys empli de gouttes d'or. 6+6 b
5 L'Orient se dilate et pleut en gerbes roses, 6+6 a
La tourelle pétille et le dôme reluit, 6+6 b
L'aile du vent joyeux porte l'odeur des roses 6+6 a
Au vieux Liban trempé des larmes de la nuit. 6+6 b
Tout s'éveille, l'air frais vibre de chants et d'ailes, 6+6 a
10 L'étalon syrien se cabre en hennissant, 6+6 b
Et du haut des toits plats les cigognes fidèles 6+6 a
Regardent le soleil jaillir d'un bond puissant. 6+6 b
Au-dessus des mûriers et des verts sycomores, 6+6 a
Au rebord dentelé des minarets, voilà 6+6 b
15 Les Mouazzin criant en syllabes sonores : 6+6 a
À la prière ! à la prière ! Allah ! Allah ! 6−6 b
Âniers et chameliers amènent par les rues 6+6 a
Onagres et chameaux chargés de fardeaux lourds ; 6+6 b
Les appels, les rumeurs confusément accrues 6+6 a
20 Circulent à travers bazars et carrefours. 6+6 b
Juifs avec l'écritoire aux reins et les balances, 6+6 a
Marchands d'ambre, de fruits, d'étoffes et de fleurs, 6+6 b
Cavaliers du désert armés de hautes lances 6+6 a
Qui courent çà et là parmi les chiens hurleurs ; 6+6 b
25 Batteurs de tambourins, joueurs de flûtes aigres, 6+6 a
Émyrs et mendiants, et captifs étrangers, 6+6 b
Et femmes en litière aux épaules des nègres, 6+6 a
Dardant leurs yeux aigus sous leurs voiles légers. 6+6 b
La multitude va, vient, s'agite et se mêle 6+6 a
30 Par flots bariolés entre les longs murs blancs, 6+6 b
Comme une mer mouvante et murmurant comme elle, 6+6 a
Tandis que le jour monte aux cieux étincelants. 6+6 b
Et la chaude lumière inonde la nuée, 6+6 a
La cendre du soleil nage dans l'air épais ; 6+6 b
35 L'oiseau dort sous la feuille à peine remuée, 6+6 a
Et toute rumeur cesse, et midi brûle en paix. 6+6 b
C'est l'heure où le Khalyfe, avant la molle sieste, 6+6 a
Au sortir du harem embaumé de jasmin, 6+6 b
Entend et juge, tue ou pardonne d'un geste, 6+6 a
40 Ayant l'honneur, la vie et la mort dans sa main. 6+6 b
Voici. Le Dyouân s'ouvre. De place en place, 6+6 a
Chaque verset du Livre, aux parois incrusté, 6+6 b
En lettres de cristal et d'argent s'entrelace 6+6 a
Du sol jusqu'à la voûte et sans fin répété. 6+6 b
45 Sous le manteau de laine et la cotte de mailles 6+6 a
Et le cimier d'où sort le fer d'épieu carré, 6+6 b
Les Émyrs d'Orient dressent leurs hautes tailles 6+6 a
Autour de Soulymân, l'Ommyade sacré. 6+6 b
Les Imâms de la Mekke, immobiles et graves, 6+6 a
50 Sont là, l'écharpe verte enroulée au front ras, 6+6 b
Et les chefs de tribus chasseresses d'esclaves 6+6 a
Dont le soleil d'Égypte a corrodé les bras. 6+6 b
Au fond, vêtus d'acier, debout contre les portes, 6+6 a
De noirs Éthiopiens semblent, silencieux, 6+6 b
55 Des spectres de guerriers dont les âmes sont mortes, 6+6 a
Sauf qu'un éclair rapide illumine leurs yeux. 6+6 b
Croisant ses pieds chaussés de cuir teint de cinabre, 6+6 a
Le Khalyfe, appuyé du coude à ses coussins, 6+6 b
La main au pommeau d'or emperlé de son sabre, 6+6 a
60 Songe, l'esprit en proie à de sombres desseins. 6+6 b
Car les temps ne sont plus de la grandeur austère. 6+6 a
Le Chamelier divin et le bon Corroyeur, 6+6 b
Aly, le saint d'Allah, ont déserté la terre, 6+6 a
Ayant fait de leur âme un ciel intérieur. 6+6 b
65 Cléments pour les vaincus de la lutte guerrière, 6+6 a
Ils méditaient parmi les humbles à genoux ; 6+6 b
Le poil de leurs chameaux, tissé dans la prière, 6+6 a
Non la pourpre, ceignait leurs fronts mâles et doux. 6+6 b
Hélas ! ils sont allés par delà les étoiles, 6+6 a
70 Et, livrant leur puissance à de vils héritiers, 6+6 b
S'ils vivent dans la gloire éternelle et sans voiles, 6+6 a
Pour le monde orphelin ils sont morts tout entiers. 6+6 b
L'Ommyade est rongé de soupçons et d'envie. 6+6 a
Ses lourds coffres d'ivoire et de cèdre embaumé 6+6 b
75 Débordent, mais qui sait la soif inassouvie 6+6 a
D'un cœur que l'avarice impure a consumé ? 6+6 b
Le Hadjeb de l'Empire, huissier du seuil auguste, 6+6 a
Qui tient le sceau, l'épée et le sceptre, trois fois 6+6 b
Prosterné, dit : — Très grand, très sévère et très juste ! 6+6 a
80 Bouclier de l'Islam, Protecteur des trois Lois ! 6+6 b
Œil du Glorifié, Khalyfe du Prophète, 6+6 a
Qui règles l'univers du Levant au Couchant 6+6 b
Par la force invincible et l'équité parfaite ! 6+6 a
Délices du fidèle et terreur du méchant ! 6+6 b
85 Ainsi qu'il est écrit aux Sourates du Livre, 6+6 a
Puisqu'il faut rendre compte et payer ce qu'on doit, 6+6 b
L'homme est prêt : il attend de mourir ou de vivre. 6+6 a
J'ai parlé. — Soulymân écoute et lève un doigt. 6+6 b
Les tentures de soie, aussitôt repliées, 6+6 a
90 S'ouvrent. Un grand vieillard, sous des haillons de deuil, 6+6 b
La tête et les pieds nus et les deux mains liées, 6+6 a
Maigre comme un vieil aigle, apparaît sur le seuil. 6+6 b
Sa barbe, en lourds flocons, sur sa large poitrine, 6+6 a
Plus blanche que l'écume errante de la mer, 6+6 b
95 Tombe et pend. Le dédain lui gonfle la narine 6+6 a
Et dans l'orbite cave allume son œil fier. 6+6 b
Un sillon rouge encore, une âpre cicatrice, 6+6 a
Du crâne au sourcil droit traverse tout le front 6+6 b
Qui se dresse, bravant l'envie accusatrice, 6+6 a
100 Indigné sous l'outrage et hautain sous l'affront. 6+6 b
Ceux d'Yémen, d'Hedjaz, de Syrie et d'Afrique, 6+6 a
Pour le laisser passer s'écartent un moment, 6+6 b
Et lui, sans incliner sa stature héroïque, 6+6 a
Devant le Maître assis s'arrête lentement. 6+6 b
105 L'un foudroyé, croulé du plus haut de ses rêves, 6+6 a
L'autre en un rire amer faisant luire ses dents, 6+6 b
Comme le double éclair qui jaillit de deux glaives, 6+6 a
Ils échangent leur haine avec des yeux ardents. 6+6 b
Or, feignant par mépris de méconnaître l'homme, 6+6 a
110 Soulymân dit : — Quel est cet esclave, ô Hadjeb ? 6+6 b
Qu'a-t-il fait ? — C'est un traître, ô Khalyfe ! il se nomme 6+6 a
Mouça-ben-Noçayr, l'Ouali du Maghreb. 6+6 b
Non content d'opprimer l'Afrique et de soumettre 6+6 a
À son joug usurpé les Émyrs, ses égaux, 6+6 b
115 Sans attendre ton ordre et ton signal, ô Maître, 6+6 a
Il a passé la mer et combattu les Goths. 6+6 b
Pareil au noir vautour qui rôde à grands coups d'aile, 6+6 a
Il s'est gorgé du sang, de la chair et de l'or 6+6 b
Du Chrétien idolâtre et du Juif infidèle, 6+6 a
120 Volant ainsi ton bien et pillant ton trésor. 6+6 b
Il a voulu, rompant l'unité de l'Empire, 6+6 a
Ivre d'orgueil, d'envie et de rapacité, 6+6 b
En haine de Celui par qui l'Islam respire, 6+6 a
Séparer l'Orient du Couchant révolté. 6+6 b
125 Oubliant qu'il n'était qu'une impure poussière 6+6 a
Qu'un souffle de ta bouche emporte en tourbillons, 6+6 b
Il a rêvé d'enfler sa fortune grossière 6+6 a
Jusqu'au faîte sublime où nous te contemplons. 6+6 b
Et qui sait — car tout homme ambitieux et louche 6+6 a
130 S'enfonce au noir chemin par le Maudit tracé — 6+6 b
S'il ne reniait Dieu du cœur et de la bouche 6+6 a
Pour le Fils de la Vierge et son culte insensé ? 6+6 b
Si, relevant ceux-là qu'il renversait naguère, 6+6 a
À ses mauvais désirs donnant ces vils soutiens, 6+6 b
135 Il ne voulait livrer ses compagnons de guerre 6+6 a
Aux vengeances des chiens juifs et des loups chrétiens ? 6+6 b
Aussi bien, trahissant le secret de leur âme, 6+6 a
Pour assurer leur crime et mieux tendre leurs rets, 6+6 b
Son fils, Abd-al-Azyz, n'a-t-il point pris pour femme 6+6 a
140 La veuve du roi goth qui mourut à Xérès ? 6+6 b
Mais ta haute raison qui jamais ne trébuche 6+6 a
Sait rompre les desseins que l'infidèle ourdit. 6+6 b
Le renard, ô Khalyfe, est tombé dans l'embûche. 6+6 a
Le voici. Juge, absous ou condamne. J'ai dit. — 6+6 b
145 Alors, le vieux Mouça, faisant sonner sa chaîne 6+6 a
Et sur son âpre front levant ses bras pesants, 6+6 b
Cria : — Honte au mensonge et silence à la haine 6+6 a
Qui bave sur l'honneur de mes quatre-vingts ans ! 6+6 b
Louanges au très-haut, l'Unique ! car nous sommes 6+6 a
150 De vains spectres. Il est immuable et vivant. 6+6 b
Il voit la multitude innombrable des hommes, 6+6 a
Et comme la fumée il la dissipe au vent. 6+6 b
Gloire au très-haut ! Lui seul est éternel. Le monde 6+6 a
Est périssable et vole au suprême moment ; 6+6 b
155 Mais Lui, roulant les cieux dans sa droite profonde, 6+6 a
Enflera le clairon du dernier Jugement. 6+6 b
Les cœurs seront à nu devant son œil sublime, 6+6 a
Et sur le pont Syrath, plus tranchant qu'un rasoir, 6+6 b
Le Juste passera sans tomber dans l'abîme, 6+6 a
160 Tel qu'un éclair qui fend l'ombre épaisse du soir. 6+6 b
De musc et de benjoin et de nard parfumées, 6+6 a
Ses blessures luiront mieux que l'aurore au ciel. 6+6 b
Allah fera jaillir pour ses lèvres charmées 6+6 a
Quatre fleuves de lait, de vin pur et de miel. 6+6 b
165 Les Vierges, au front ceint de roses éternelles, 6+6 a
Dont les yeux sont plus clairs que nos soleils d'été 6+6 b
Et si doux, qu'un regard tombé de leurs prunelles 6+6 a
Énivrerait Yblis soumis et racheté ; 6+6 b
Les célestes Hûris, que rien d'impur ne fane, 6+6 a
170 Blanches comme le lys, pures comme l'encens, 6+6 b
Entre leurs bras légers, sur leur sein diaphane, 6+6 a
Multiplieront l'ardeur sans déclin de ses sens. 6+6 b
Puis, par delà les jours, les siècles et l'espace, 6+6 a
Dans le bonheur sans fin au Croyant réservé, 6+6 b
175 Il verra le Très-Haut, l'Unique, face à face, 6+6 a
Et saura ce que nul n'a conçu, ni rêvé ! 6+6 b
Mais, pour le vil chacal qui vient mordre et déchire 6+6 a
Le vieux lion sanglant au bord de son tombeau, 6+6 b
Le souille de sa bave, et, devant qu'il expire, 6+6 a
180 Le dévore dans l'ombre et lambeau par lambeau ; 6+6 b
Pour le lâche, qu'il soit Émyr, Hadjeb, Khalyfe, 6+6 a
Qui blêmit de la gloire éclatante d'autrui, 6+6 b
Yblis le Lapidé le prendra dans sa griffe 6+6 a
Et crachera d'horreur et de dégoût sur lui. 6+6 b
185 Qu'ai-je à dire, sinon rien ? Car ma tâche est faite. 6+6 a
J'ai vécu de longs jours et je meurs, c'est la loi. 6+6 b
Mon sang, ma vie, Allah, les Anges, le Prophète, 6+6 a
Plus haut que le tonnerre ont répondu pour moi. 6+6 b
— Traître ! n'atteste pas le saint Nom que tu souilles, 6+6 a
190 Dit Soulymân. Réponds, confesse ton forfait. 6+6 b
Les vingt couronnes d'or des Goths et les dépouilles 6+6 a
Des royales cités, voleur ! qu'en as-tu fait ? 6+6 b
Plus d'insolent silence ou de ruse subtile ! 6+6 a
Les Émyrs d'Occident t'accusent de concert. 6+6 b
195 Rends ces trésors pour prix de ta vie inutile 6+6 a
Et va cacher ta honte aux sables du désert. 6+6 b
— Fais plutôt rendre gorge à ce troupeau d'esclaves 6+6 a
Qu'engraisse la rançon des peuples et des rois, 6+6 b
Dit Mouça. J'ai parlé. Les sages et les braves, 6+6 a
200 Ô Khalyfe ! apprends-le, ne parlent pas deux fois. — 6+6 b
Tout pâle, Soulymân se lève de son siège : 6+6 a
— Liez, tête et pieds nus, ce traître, et le traînez 6+6 b
Sur un âne, à rebours, et qu'il ait pour cortège 6+6 a
La fange et les cailloux et les cris forcenés ! 6+6 b
205 Qu'un eunuque le tienne au cou par une corde ; 6+6 a
Que dans sa chair, saignant de l'épaule à l'orteil, 6+6 b
À chaque carrefour le fouet qui siffle morde, 6+6 a
Et tranchez-lui la tête au coucher du soleil ! 6+6 b
Allez, et sachez tous qu'il n'est point de refuge 6+6 a
210 Devant mon infaillible et sévère équité. 6+6 b
— Soit ! dit Mouça. L'arrêt, par Allah ! vaut le juge. 6+6 a
Khalyfe ! songe à moi dans ton éternité. — 6+6 b
À travers la huée et les coups, par la ville, 6+6 a
Sur un âne poussif bon pour d'abjects fardeaux, 6+6 b
215 Le vieux guerrier, vêtu de quelque loque vile, 6+6 a
Impassible, s'en va, les poings liés au dos. 6+6 b
La multitude hurle et le poursuit. Les pierres 6+6 a
Volent, heurtant sa face et meurtrissant ses bras. 6+6 b
Le fouet coupe ses reins saignants. Mais ses paupières 6+6 a
220 Sont closes. Il ne voit, n'entend rien, ne sent pas. 6+6 b
Son âme s'en retourne aux splendides années 6+6 a
Qui semblaient ne jamais décroître ni s'enfuir, 6+6 b
Où, méditant déjà ses hautes destinées, 6+6 a
Il quittait l'Yémen et sa tente de cuir ; 6+6 b
225 Où, farouche, enivré de jeunesse et de force, 6+6 a
Il criait vers le ciel, ainsi qu'un lionceau 6+6 b
Qui s'essaie à rugir et déchire l'écorce 6+6 a
Des durs dattiers dont l'ombre abrita son berceau. 6+6 b
Il revoit ses combats de Syrie et de Perse, 6+6 a
230 Et l'Égypte et Carthage et le désert ardent, 6+6 b
Et les rudes tribus qu'il pourchasse et disperse 6+6 a
Des gorges de l'Atlas à la mer d'Occident ; 6+6 b
Puis, le détroit franchi par les barques Berbères, 6+6 a
Et son noble étalon qui, hérissant ses crins, 6+6 b
235 Pour fouler le premier le sol des vieux Ibères, 6+6 a
Saute parmi l'écume et les embruns marins ; 6+6 b
Les assauts furieux des hautes citadelles, 6+6 a
La mêlée où, debout sur le large étrier, 6+6 b
Le sabre au poing, trouant les hordes infidèles, 6+6 a
240 Il buvait à longs traits l'ivresse du guerrier ; 6+6 b
Et les bandes de Goths aux lourdes tresses rousses 6+6 a
Fuyant, la lance aux reins, par les vals et les monts, 6+6 b
Et les noirs cavaliers du Maghreb à leurs trousses 6+6 a
Bondissant et hurlant comme un vol de démons ! 6+6 b
245 Allah ! jours de triomphe, heures illuminées 6+6 a
Par l'héroïque orgueil hérité des aïeux ! 6+6 b
Quand, du mont de Tharyq jusques aux Pyrénées, 6+6 a
L'étendard de l'Islam flottait victorieux ; 6+6 b
Quand les Chrétiens, traqués aux rocs des Asturies, 6+6 a
250 Sur les sommets neigeux, au fond des antres sourds, 6+6 b
Loin des belles cités et des plaines fleuries 6+6 a
Vivaient avec les loups, les aigles et les ours ! 6+6 b
Mouça, dans ses liens, hausse toute sa taille, 6+6 a
Et sous ses sourcils blancs darde des yeux en feu : 6+6 b
255 — Ô Croyants ! balayez de bataille en bataille 6+6 a
Ces chiens blasphémateurs du Prophète de Dieu ! 6+6 b
Semblables aux torrents tombés des cimes blanches, 6+6 a
Sur le pays d'Afrank ruez-vous, mes lions ! 6+6 b
À vous les fruits dorés qui font ployer les branches, 6+6 a
260 La beauté de la vierge et le grain des sillons ! 6+6 b
Enseignez la Loi sainte à l'idolâtre immonde ! 6+6 a
Ni trêve ni repos à ces buveurs de vin ! 6+6 b
Portez le nom d'Allah jusqu'aux confins du monde 6+6 a
Et ne vous reposez qu'au Paradis divin ! — 6+6 b
265 Ainsi parle le vieux héros dans son délire. 6+6 a
Et la boue et la pierre, et l'injure et les coups, 6+6 b
Et la clameur féroce et l'exécrable rire 6+6 a
Le submergent comme un assaut de mille loups. 6−6 b
Mais, au Liban lointain, la flamme occidentale, 6+6 a
270 Par flots rouges, s'enflant de parois en parois, 6+6 b
Inonde les rochers qu'elle allume, et s'étale 6+6 a
Sur les cèdres anciens, immobiles et droits. 6+6 b
C'est l'heure de la mort. Le supplice est au terme. 6+6 a
Voici le carrefour funèbre et le pavé. 6+6 b
275 Un sombre Éthiopien dégaîne d'un poing ferme 6+6 a
Le sabre grêle et long tant de fois éprouvé. 6+6 b
La foule, alors, dont l'œil multiple se dilate, 6+6 a
Voit se transfigurer l'homme aux membres sanglants. 6+6 b
Ses haillons sont d'azur, d'argent et d'écarlate ; 6+6 a
280 La cotte d'acier clair luit et sonne à ses flancs. 6+6 b
Il n'est plus garrotté sur le morne squelette 6+6 a
Qu'un eunuque abruti traîne par le licou, 6+6 b
Et qui geint de fatigue, et qui bute, et halète, 6+6 a
Et tend son maigre col d'un air sinistre et fou. 6+6 b
285 Eunuque, Éthiopien, âne poussif et gauche, 6+6 a
Tout s'efface. Lui seul surgit, l'épée en main. 6+6 b
Sa barbe et ses cheveux rayonnent. Il chevauche 6+6 a
La Créature auguste aux lèvres de carmin, 6+6 b
Aux serres d'aigle, avec dix blanches paires d'ailes, 6+6 a
290 Al-Boraq, dont la croupe est comme un bloc vermeil, 6+6 b
Et qui, telle qu'un paon constellé de prunelles, 6+6 a
Élargit la splendeur de sa queue au soleil. 6+6 b
Agitant ses crins d'or, la céleste Cavale, 6+6 a
Dans la sérénité de l'air silencieux, 6+6 b
295 D'une odeur ineffable embaume l'intervalle 6+6 a
Qu'elle a franchi d'un bond en s'envolant aux cieux. 6+6 b
Elle plane, elle va, majestueuse et fière. 6+6 a
De ses beaux yeux de vierge et du divin poitrail 6+6 b
Sortent d'éblouissants effluves de lumière 6+6 a
300 Dont ruisselle sa plume ouverte en éventail. 6+6 b
Tous deux, loin des rumeurs confuses de la terre, 6+6 a
En un magique essor, irrésistible et sûr, 6+6 b
Montent. Leur gloire emplit l'espace solitaire ; 6+6 a
Ils touchent aux confins suprêmes de l'azur. 6+6 b
305 Comme une torche immense ardemment secouée, 6+6 a
Le Couchant fait jaillir jusqu'à l'Orient noir 6+6 b
Le sombre et magnifique éclat de la nuée, 6+6 a
Et Mouça disparaît dans la pourpre du soir. 6+6 b
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