Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LEC_2/LEC125
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES TRAGIQUES
1884
Le Lévrier de Magnus III
C'est un ancien moutierde Nonnes, qu'en l'Année 6+6 a
Mil et cent le royal Godefroy dédia 11 b
À la Mère de Dieu,d'étoiles couronnée. 6+6 a
Sur cet âpre coteaudu Carmel, pria, 6+6 b
5 Jadis, Élie, au tempsdes terribles merveilles, 6+6 c
Le char miraculeuxdu Voyant flamboya. 6+6 b
Le moutier dresse làses murailles, pareilles 6+6 c
À de blanches paroisde tombe, d' le chœur 6+6 a
Des vierges chante et monteaux divines Oreilles. 6+6 c
10 Salah-Ed-Din, le grandSoudan au noble cœur, 6+6 a
Respecta ce retraitdes humbles infidèles, 6+6 b
Et, vivant, l'abritade son sabre vainqueur. 6+6 a
Mais il est mort, et nulne s'inquiète d'elles, 6+6 b
Hors la Mère célesteet les Esprits de Dieu 6+6 c
15 Qui, sans doute, d'en haut,les couvrent de leurs ailes. 6+6 b
Amen ! Car un démonrôde autour du saint lieu. 6+6 c
N'ayant aucun soucide la Vierge ou des Anges, 6+6 a
Il aiguise son fer,il attise son feu. 6+6 c
Donc, cent Nonnes, chantantles pieuses louanges, 6+6 a
20 Vivent là, sous la règleaustère du Carmel, 6+6 b
Aussi pures que lesnouveau-nés dans leurs langes. 6−6 a
Loin de l'orage humain,loin du monde charnel, 6+6 b
Coulant leurs chastes joursdont le terme est si proche, 6+6 c
Elles ont l'avant-gtdu repos éternel. 6+6 b
25 Plus jeune que ses sœurs,comme elles sans reproche, 6+6 c
L'Abbesse Alix commandeau Saint Carmel, étant 6+6 a
Du sang de Bohémond, le prince d'Antioche. 11 c
Hier, elle a délaissé,pour le Ciel qui l'attend, 6+6 a
Palais, richesse, orgueilde sa haute lignée, 6+6 b
30 Et, très belle, l'amour,mensonge d'un instant. 6+6 a
L'aube du Jour sans findont son âme est baignée 6+6 b
Nimbe son front tranquille,et ses pieds radieux 6+6 c
Semblent avoir quitténotre ombre dédaignée. 6+6 b
Mais le courage et lafierté de ses aïeux 6−6 c
35 Couvent au fond du cœurde la Recluse austère ; 6+6 a
Ils luisent par instantsdans la paix de ses yeux. 6+6 c
Ainsi, bien au-dessusdes vains bruits de la terre, 6+6 a
Dans l'adoration,la prière et l'espoir, 6+6 b
S'élève sur le rocle moutier solitaire. 6+6 a
40 Or, en ce temps, voicique, par un ciel fort noir 6+6 b
Qui verse le silenceà la maison sacrée, 6+6 c
L'Abbesse Alix présideà l'office du soir. 6+6 b
Un vieux moine, front raset face macérée, 6+6 c
Se prosterne à l'autelet baise les pieds blancs 6+6 a
45 De la très sainte Viergeauguste et vénérée. 6+6 c
Lampes, cierges, flambeaux,jettent leurs feux tremblants 6+6 a
Sur les murs , d'aprèsles mœurs orientales, 6+6 b
Les Martyrs, sur fond d'or,s'alignent tout sanglants. 6+6 a
Pour l'Abbesse et ses sœurs,assises dans leurs stalles, 6+6 b
50 Elles déroulent unmurmure lent et doux 6−6 c
Que le signe de Croixcoupe par intervalles ; 6+6 b
Puis toutes à la foisse courbent à genoux 6+6 c
Sur le pavé luisantque les lueurs bénies, 6+6 a
Du Sanctuaire au seuil,rayent de reflets roux. 6+6 c
55 Elles chantent en chœurles saintes litanies 6+6 a
À la Dame du cieldebout sur le Croissant 6+6 b
De la lune, au plus hautdes vtes infinies. 6+6 a
Brusquement, dans la nuitcalme, un cri rugissant 6+6 b
Éclate, et se prolongeautour du moutier sombre, 6+6 c
60 Et l'écho du Carmelle roule en l'accroissant. 6+6 b
Les bandits du désert,qui pullulent dans l'ombre, 6+6 c
Escaladent les murs,rompent les lourds barreaux, 6+6 a
Bondissent dans la crypte,et leur foule l'encombre. 6+6 c
Le vieux moine égorgésaigne sur les carreaux. 6+6 a
65 L'un saisit l'ostensoir,l'autre le Christ d'ivoire 6+6 b
Et la nappe, et ceux-cidescellent les flambeaux ; 6+6 a
Cet autre boit le vinconsacré du ciboire ; 6+6 b
Et cent autres, avecdes cris luxurieux, 6+6 c
Emportent leur butinvivant dans la nuit noire. 6+6 b
70 Puis, en longs tourbillonsqui rougissent les cieux, 6+6 c
Des quatre coins du saintmoutier, d'horribles flammes 6+6 a
Grondent, l'enveloppantd'un linceul furieux. 6+6 c
Pour les Nonnes, en proieaux outrages infâmes, 6+6 a
Les unes, se lavantdes souillures du corps, 6+6 b
75 Ont dans ce feu sauveurpurifié leurs âmes ; 6+6 a
D'autres, tordant leurs cousavec de vains efforts, 6+6 b
Entre les bras de ferqui les ont enchnées, 6+6 c
S'en vont pour un destinpire que mille morts : 6+6 b
Elles vivront, trnantde sinistres années, 6+6 c
80 Oublieuses du Cielà tout jamais perdu, 6+6 a
Et dans l'ardente nuits'engloutiront damnées. 6+6 c
Alix ! Alix ! à quicet honneur était dû 6+6 a
De monter vers ton Dieupar la voie éclatante 6+6 b
Du martyre, hélas ! Dieun'a-t-il rien entendu ? 6+6 a
85 Tes cris d'horreur, ni taprière haletante ? 6−6 b
Non ! Les cieux étaient sourds,ô vierge, à ton appel, 6+6 c
Et la mort glorieusea trompé ton attente. 6+6 b
Te voilà désormaisindigne de l'autel, 6+6 c
Innocente et pourtantmaculée, ô victime, 6+6 a
90 Fille des Preux, gardiensdu Sépulcre immortel ! 6+6 c
Mais ton cœur s'est gonfléde leur sang magnanime ; 6+6 a
Tu te dresses, Alix,dans l'antre le bandit, 6+6 b
le sombre Apostata consommé son crime. 6+6 a
Il te contemple, admireet se tait, interdit 6+6 b
95 Devant l'ardent éclairqui sort de ta prunelle ; 6+6 c
Ton geste le souffletteet ta bouche lui dit : 6+6 b
Ô malheureux, promisà la flamme éternelle, 6+6 c
Qu'as-tu fait ! J'étais vierge,et sans tache, et l'Amour 6+6 a
Divin, avant la mort,m'emportait sur son aile. 6+6 c
100 Et voici que le Cielm'est ravi sans retour ! 6+6 a
La honte imméritéea vaincu la foi vaine : 6+6 b
Le jour de ton forfaitsera mon dernier jour. 6+6 a
Sois voué, misérable,à l'angoisse, à la haine, 6+6 b
À la luxure, à lasoif de l'or et du sang, 6−6 c
105 À la peur, avant-gtde l'ardente Géhenne ! 6+6 b
Va ! trne de longs joursencor. Vis, amassant 6+6 c
Crime sur crime, en proieaux soudaines alarmes 6+6 a
Des nuits, épouvanté,furieux, impuissant ! 6+6 c
Souviens-toi que la plusamère de mes larmes 6+6 a
110 Comme un funèbre anneaus'est rivée à ton doigt. 6+6 b
Rien ne le brisera,ta force ni tes armes. 6+6 a
Mais, à l'heure chacundoit payer ce qu'il doit, 6+6 b
Tu sentiras coulerl'Opale vengeresse, 6+6 c
Et mon spectre à Satant'emportera tout droit. 6+6 b
115 Moi, j'ai vécu. La mortdevant mes yeux se dresse. 6+6 c
Que tout mon sang te marqueà la face, assassin ! 6+6 a
Et que Dieu, s'il se peut,pardonne à ma détresse ! — 6+6 c
Alix, alors, avantqu'il rompe son dessein, 6+6 a
Saisissant une dagueaux parois arrachée, 6+6 b
120 Se l'enfonce d'un couprapide dans le sein. 6+6 a
Telle tu la revois,immobile et couchée 6+6 b
Sur la peau de lionde ta tente, ô Vieillard ! 6+6 c
Ce sang, ce sang ! ton âmeen est toujours tachée. 6+6 b
C'est en vain que le temps,de son épais brouillard, 6+6 c
125 Voile de tes forfaitsl'infamie et le nombre : 6+6 a
Alix, sanglante et morte,habite ton regard ! 6+6 c
Et, par surcrt, dès l'heureinexpiable et sombre 6+6 a
, se frappant soi-même,elle a perdu le Ciel, 6+6 b
Quatre autres visionsaccompagnent ton ombre. 6+6 a
130 Nuit et jour, accroupi,silencieux, et tel 6+6 b
Que le voilà, le noirLévrier te regarde. 6+6 c
Rien ne t'a délivréde ce Chien immortel ! 6+6 b
Que de fois ton poignard,plongé jusqu'à la garde, 6+6 c
Vainement a trouécette insensible chair, 6+6 a
135 Vapeur mystérieuseet commise à ta garde ! 6+6 c
Cet œil féroce flambeun reflet de l'Enfer, 6+6 a
que tu sois, que tuveilles ou que tu dormes, 6−6 b
Te traverse le cœurd'un immuable éclair. 6+6 a
Et trois Ombres encor,trois Sarrasins difformes, 6+6 b
140 Debout, devant ta face,avec le rire aux dents, 6+6 c
Te dardent fixementleurs prunelles énormes ! 6+6 b
Ce Lévrier, ces troisspectres, ces yeux ardents, 6+6 c
Hors toi, nul ne les voit,nul ne sait le supplice 6+6 a
Qui te laisse impassibleet te ronge au dedans. 6+6 c
145 Çà et là, pour leurrerle Diable et sa malice, 6+6 a
Tu vas et viens, pillant,tuant ; sur ton chemin 6+6 b
Toujours la Visionimplacable se glisse. 6+6 a
Tu ne peux arracherni l'anneau de ta main 6+6 b
Ni la sourde terreurde ton âme, et tu rêves : 6+6 c
150 Que va-t-il m'arrivercette nuit, ou demain ? 6+6 b
Et, semblables aux flotsqui vont battant les grèves, 6+6 c
Du temps inépuisableécumes d'un moment, 6+6 a
S'accumulent sur toi,Magnus, les heures brèves. 6+6 c
Ta puissance, ton or,l'horrible enivrement 6+6 a
155 De tes forfaits, n'ont pucombler ton cœur, abîme 6+6 b
De songes effrénés,ta joie et ton tourment. 6+6 a
Comme un homme deboutsur quelque haute cime, 6+6 b
Et qui chancelle au bordde gouffres entr'ouverts, 6+6 c
Le vertige t'étreint,et son horreur t'opprime. 6+6 b
160 Enfin, las, assouvides torrides déserts, 6+6 c
Un suprême désirs'éveille dans ton âme 6+6 a
De voir couler le Rhinentre ses coteaux verts. 6+6 c
L'ancien pays longtempsoublié te réclame ; 6+6 a
Tu voudrais enfouirau donjon des aïeux 6+6 b
165 Les trésors amassésdurant ta vie infâme. 6+6 a
Tous les hommes étant,quoique fort envieux, 6+6 b
Lâches et vils devantquiconque a la richesse, 6+6 c
Ton or taché de sangéblouira leurs yeux ! 6+6 b
Mais comment échapperà ta horde ? Sans cesse 6+6 c
170 Tu songes à cela,sombre et vieux prisonnier 6+6 a
De la bande de loupsque tu mènes en laisse. 6+6 c
Ces Dieux-là, tu ne peuxdu moins les renier ; 6+6 a
Une chne infernaleà ton destin les lie. 6+6 b
Oh ! les exterminerd'un coup, jusqu'au dernier ! 6+6 a
175 Fuir cette terre horribleet de terreurs emplie, 6+6 b
Et, feignant le retourpieux au sol natal, 6+6 c
Jouir de tant de biensdont la source s'oublie ! 6+6 b
Or, une nuit, tandisque le spectre fatal, 6+6 c
Le Chien muet, hantaitta paupière fermée, 6+6 a
180 Tu t'éveilles bien loindu monde oriental. 6+6 c
Qu'est-ce donc ? Ce n'est plusla tente accoutumée. 6+6 a
Dors-tu, Magnus ? Es-tucouché dans ton linceul ? 6+6 b
Quels sont ces murs massifset hauts, noirs de fumée ? 6+6 a
Vois ! c'est la salle antique mourut ton aïeul ! 6+6 b
185 Écoute ! c'est le ventdans la tour écroulée 6+6 c
le hibou hulule,et qu'il habite seul ; 6+6 b
C'est le Rhin qui murmureet fuit dans la vallée, 6+6 c
Sous le roc d', jadis,vers la tombe d'un Dieu, 6+6 a
Comme l'aigle au matin,tu pris ton envolée. 6+6 c
190 Par , comment, Vieillard,revins-tu dans ce lieu ? 6+6 a
Tu ne sais, si ce n'estque ta chair est vivante. 6+6 b
Tes démons familiersont accompli ton vœu ! 6+6 a
Ici, tels qu'autrefoissur la face mouvante 6+6 b
Du désert, ils sont là,tous quatre, le Chien noir 6+6 c
195 Et les trois Sarrasins,ta secrète épouvante. 6+6 b
Oh ! s'arracher les yeuxpour ne plus les revoir ! 6+6 c
S'engloutir dans la nuitsolitaire et profonde, 6+6 a
Dans l'oubli de la vieet de son désespoir ! 6+6 c
Pareil à Laquedemqui marche et vagabonde, 6+6 a
200 Sans but et sans repos,et toujours haletant, 6+6 b
Faut-il attendre autantque durera le monde ? 6+6 a
sont-ils, pour bénirl'irrémissible instant, 6+6 b
Tous ces moines, ces vilsmâcheurs de patenôtres, 6+6 c
Gorgés par tes aïeuxde tant de biens pourtant ? 6+6 b
205 Te voyant misérableet seul, les bons apôtres 6+6 c
Ne donnent rien pour rien,et savent, tour à tour, 6+6 a
Damner les uns pour mieuxvendre le Ciel aux autres. 6+6 c
Puisse Satan grillerces ladres dans son four 6+6 a
Septante fois chaufféde soufre et de bitume, 6+6 b
210 Dusses-tu, s'il le faut,les y rejoindre un jour ! 6+6 a
Plein d'anciens souvenirs,de haine et d'amertume, 6+6 b
Ainsi le duc Magnus,devant l'âtre enflammé, 6+6 c
Songe, allant et venant,comme il en a coutume, 6+6 b
Dans son rêve sinistreà jamais enfermé. 6+6 c
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