Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LEC_2/LEC101
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES TRAGIQUES
1884
L'illusion suprême
QUAND l'homme approche enfindes sommets la vie 6+6 a
Va plonger dans votre ombreinerte, ô mornes cieux ! 6+6 b
Debout sur la hauteuraveuglément gravie, 6+6 a
Les premiers jours vécuséblouissent ses yeux. 6+6 b
5 Tandis que la nuit monteet déborde les grèves, 6+6 a
Il revoit, au delàde l'horizon lointain, 6+6 b
Tourbillonner le voldes désirs et des rêves 6+6 a
Dans la rose clartéde son heureux matin. 6+6 b
Monde lugubre, nulne voudrait redescendre 6+6 a
10 Par le même cheminsolitaire, âpre et lent, 6+6 b
Vous, stériles soleils,qui n'êtes plus que cendre, 6+6 a
Et vous, ô pleurs muets,tombés d'un cœur sanglant ! 6+6 b
Celui qui va gterle sommeil sans aurore 6+6 a
Dont l'homme ni le Dieun'ont pu rompre le sceau, 6+6 b
15 Chair qui va dispartre,âme qui s'évapore, 6+6 a
S'emplit des visionsqui hantaient son berceau. 6+6 b
Rien du passé perduqui soudain ne renaisse : 6+6 a
La montagne nataleet les vieux tamarins, 6+6 b
Les chers morts qui l'aimaientau temps de sa jeunesse 6+6 a
20 Et qui dorment là-basdans les sables marins. 6+6 b
Sous les lilas géants vibrent les abeilles, 6+6 a
Voici le vert coteau,la tranquille maison, 6+6 b
Les grappes de letchiset les mangues vermeilles 6+6 a
Et l'oiseau bleu dans lemaïs en floraison ; 6−6 b
25 Aux pentes des pitons,parmi les cannes grêles 6+6 a
Dont la peau d'ambre mûrs'ouvre au jus attiédi, 6+6 b
Le vol vif et stridentdes roses sauterelles 6+6 a
Qui s'enivrent de lalumière de midi ; 6−6 b
Les cascades, en unbrouillard de pierreries, 6−6 a
30 Versant du haut des rocsleur neige en éventail ; 6+6 b
Et la brise embauméeautour des sucreries, 6+6 a
Et le fourmillementdes Hindous au travail ; 6+6 b
Le café rouge, parmonceaux, sur l'aire sèche ; 6−6 a
Dans les mortiers massifsle son des calaous ; 6+6 b
35 Les grands-parents assissous la varangue frche 6+6 a
Et les rires d'enfantsà l'ombre des bambous ; 6+6 b
Le ciel vaste le montdentelé se profile, 6+6 a
Lorsque ta pourpre, ô soir,le revêt tout entier ! 6+6 b
Et le chant triste et douxdes Bandes à la file 6+6 a
40 Qui s'en viennent des hautset s'en vont au quartier. 6+6 b
Voici les bassins clairsentre les blocs de lave ; 6+6 a
Par les sentiers de lasavane, vers l'enclos, 6−6 b
Le beuglement des bœufsbossus de Tamatave 6+6 a
Mêlé dans l'air sonoreau murmure des flots, 6+6 b
45 Et sur la côte, au pieddes dunes de Saint-Gilles, 6+6 a
Le long de son corailmerveilleux et changeant, 6+6 b
Comme un essaim d'oiseauxles pirogues agiles 6+6 a
Trempant leur aile aiguëaux écumes d'argent. 6+6 b
Puis, tout s'apaise et dort.La lune se balance, 6+6 a
50 Perle éclatante, au fonddes cieux d'astres emplis ; 6+6 b
La mer soupire et sembleaccrtre le silence 6+6 a
Et berce le refletdes mondes dans ses plis. 6+6 b
Mille aromes légersémanent des feuillages 6+6 a
la mouche d'or rôde,étincelle et bruit ; 6+6 b
55 Et les feux des chasseurs,sur les mornes sauvages, 6+6 a
Jaillissent dans le bleusplendide de la nuit. 6+6 b
Et tu renais aussi,fantôme diaphane, 6+6 a
Qui fis battre son cœurpour la première fois, 6+6 b
Et, fleur cueillie avantque le soleil te fane, 6+6 a
60 Ne parfumas qu'un jourl'ombre calme des bois ! 6+6 b
Ô chère Vision,toi qui répands encore, 6+6 a
De la plage lointaine tu dors à jamais, 6+6 b
Comme un mélancoliqueet doux reflet d'aurore 6+6 a
Au fond d'un cœur obscuret glacé désormais ! 6+6 b
65 Les ans n'ont pas pesésur ta grâce immortelle, 6+6 a
La tombe bienheureusea sauvé ta beauté : 6+6 b
Il te revoit, avectes yeux divins, et telle 6+6 a
Que tu lui souriaisen un monde enchanté ! 6+6 b
Mais quand il s'en iradans le muet mystère 6+6 a
70 tout ce qui vécutdemeure enseveli, 6+6 b
Qui saura que ton âmea fleuri sur la terre, 6+6 a
Ô doux rêve, promisà l'infaillible oubli ? 6+6 b
Et vous, joyeux soleilsdes naïves années, 6+6 a
Vous, éclatantes nuitsde l'infiniant, 6+6 b
75 Qui versiez votre gloireaux mers illuminées, 6+6 a
L'esprit qui vous songeavous entrne auant. 6+6 b
Ah ! tout cela, jeunesse,amour, joie et pensée, 6+6 a
Chants de la mer et desforêts, souffles du ciel 6−6 b
Emportant à plein voll'Espérance insensée, 6+6 a
80 Qu'est-ce que tout cela,qui n'est pas éternel ? 6+6 b
Soit ! la poussière humaine,en proie au temps rapide, 6+6 a
Ses voluptés, ses pleurs,ses combats, ses remords, 6+6 b
Les Dieux qu'elle a conçuset l'univers stupide 6+6 a
Ne valent pas la paiximpassible des morts. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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