Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LEC_1/LEC82
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES BARBARES
1862
Le Nazaréen
Quand le Nazaréen, | en croix, les mains clouées, 6+6 a
Sentit venir son heure | et but le vin amer, 6+6 b
Plein d'angoisse, il cria | vers les sourdes nuées, 6+6 a
Et la sueur de sang | ruissela de sa chair. 6+6 b
5 Mais dans le ciel muet | de l'infâme colline 6+6 a
Nul n'ayant entendu | ce lamentable cri, 6+6 b
Comme un dernier sanglot | soulevait sa poitrine, 6+6 a
L'homme désespéré | courba son front meurtri. 6+6 b
Toi qui mourais ainsi | dans ces jours implacables, 6+6 a
10 Plus tremblant mille fois | et plus épouvanté, 6+6 b
O vivante Vertu ! | que les deux misérables 6+6 a
Qui, sans penser à rien, | râlaient à ton côté ; 6+6 b
Que pleurais-tu, grande âme, | avec tant d'agonie ? 6+6 a
Ce n'était pas ton corps | sur la croix desséché, 6+6 b
15 La jeunesse et l'amour, | ta force et ton génie, 6+6 a
Ni l'empire du siècle | à tes mains arraché. 6+6 b
Non ! Une voix parlait | dans ton rêve, ô Victime ! 6+6 a
La voix d'un monde entier, | immense désaveu, 6+6 b
Qui te disait : — Descends | de ton gibet sublime, 6+6 a
20 Pâle crucifié, | tu n'étais pas un Dieu ! 6+6 b
Tu n'étais ni le pain | céleste, ni l'eau vive ! 6+6 a
Inhabile pasteur, | ton joug est délié ! 6+6 b
Dans nos cœurs épuisés, | sans que rien lui survive, 6+6 a
Le Dieu s'est refait homme, | et l'homme est oublié ! 6+6 b
25 Cadavre suspendu | vingt siècles sur nos têtes, 6+6 a
Dans ton sépulcre vide | il faut enfin rentrer. 6+6 b
Ta tristesse et ton sang | assombrissent nos fêtes ; 6+6 a
L'humanité virile | est lasse de pleurer. — 6+6 b
Voilà ce que disait, | à ton heure suprême, 6+6 a
30 L'écho des temps futurs, | de l'abîme sorti ; 6+6 b
Mais tu sais aujourd'hui | ce que vaut ce blasphème ; 6+6 a
O fils du charpentier, | tu n'avais pas menti ! 6+6 b
Tu n'avais pas menti ! | Ton Église et ta gloire 6+6 a
Peuvent, ô Rédempteur, | sombrer aux flots mouvants ; 6+6 b
35 L'homme peut sans frémir | rejeter ta mémoire, 6+6 a
Comme on livre une cendre | inerte aux quatre vents ; 6+6 b
Tu peux, sur les débris | des saintes cathédrales, 6+6 a
Entendre et voir, livide | et le front ceint de fleurs, 6+6 b
Se ruer le troupeau | des folles saturnales, 6+6 a
40 Et son rire insulter | tes divines douleurs ! 6+6 b
Car tu sièges auprès | de tes Égaux antiques, 6+6 a
Sous tes longs cheveux roux, | dans ton ciel chaste et bleu ; 6+6 b
Les âmes, en essaims | de colombes mystiques, 6+6 a
Vont boire la rosée | à tes lèvres de Dieu ! 6+6 b
45 Et comme aux jours altiers | de la force romaine, 6+6 a
Comme au déclin d'un siècle | aveugle et révolté, 6+6 b
Tu n'auras pas menti, | tant que la race humaine 6+6 a
Pleurera dans le temps | et dans l'éternité, 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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