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| = césure
LEC_1/LEC77
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES BARBARES
1862
La Tête du Comte
Les chandeliers de fer flambent jusqu'au plafond 6+6 a
Où, massive, reluit la poutre transversale. 6+6 b
On entend crépiter la résine qui fond. 6+6 a
Hormis cela, nul bruit. Toute la gent vassale, 6+6 b
5 Écuyers, échansons, pages, Maures lippus, 6+6 c
Se tient debout et roide autour de la grand'salle. 6+6 b
Entre les escabeaux et les coffres trapus 6+6 c
Pendent au mur, dépouille aux Sarrazins ravie, 6+6 a
Cottes, pavois, cimiers que les coups ont rompus… 6+6 c
10 Don Diego, sur la table abondamment servie, 6+6 a
Songe, accoudé, muet, le front contre le poing, 6+6 b
Pleurant sa flétrissure et l'honneur de sa vie. 6+6 a
Au travers de sa barbe et le long du pourpoint 6+6 b
Silencieusement vont ses larmes amères, 6+6 c
15 Et le vieux Cavalier ne mange et ne boit point. 6+6 b
Son âme, sans repos, roule mille chimères : 6+6 c
Hauts faits anciens, désir de vengeance, remords 6+6 a
De tant vivre au delà des forces éphémères. 6+6 c
Il mâche sa fureur comme un cheval son mors ; 6+6 a
20 Il pense, se voyant séché par l'âge aride, 6+6 b
Que dans leurs tombeaux froids bienheureux sont les morts. 6+6 a
Tous ses fils ont besoin d'éperon, non de bride, 6+6 b
Hors Rui Diaz, pour laver la joue où saigne, là, 6+6 c
Sous l'offense impunie une suprême ride. 6+6 b
25 O jour, jour détestable où l'honneur s'envola ! 6+6 c
O vertu des aïeux par cet affront souillée ! 6+6 a
O face que la honte avec deux mains voila ! 6+6 c
Don Diego rêve ainsi, prolongeant la veillée, 6+6 a
Sans ouïr, dans sa peine enseveli, crier 6+6 b
30 De l'huis aux deux battants la charnière rouillée. 6+6 a
Don Rui Diaz entre. Il tient de son poing meurtrier 6+6 b
Par les cheveux la tête à prunelle hagarde, 6+6 c
Et la pose en un plat devant le vieux guerrier. 6+6 b
Le sang coule, et la nappe en est rouge. — Regarde ! 6+6 c
35 Hausse la face, père ! Ouvre les yeux et vois ! 6+6 a
Je ramène l'honneur sous ton toit que Dieu garde. 6+6 c
Père ! j'ai relustré ton nom et ton pavois, 6+6 a
Coupé la male langue et bien fauché l'ivraie. — 6+6 b
Le vieux dresse son front pâle et reste sans voix. 6+6 a
40 Puis il cric : — O mon Rui, dis si la chose est vraie ! 6+6 b
Cache la tête sous la nappe, ô mon enfant ! 6−6 c
Elle me change en pierre avec ses yeux d'orfraie. 6+6 b
Couvre ! car mon vieux cœur se romprait, étouffant 6+6 c
De joie, et ne pourrait, ô fils, te rendre grâce, 6+6 a
45 A toi, vengeur d'un droit que ton bras sûr défend. 6+6 c
A mon haut bout sieds-toi, cher astre de ma race ! 6+6 a
Par cette tête, sois tête et cœur de céans. 6+6 b
Aussi bien que je t'aime et t'honore et t'embrasse. 6+6 a
Vierge et Saints ! mieux que l'eau de tous les océans 6+6 b
50 Ce sang noir a lavé ma vieille joue en flamme. 6+6 c
Plus de jeûnes, d'ennuis, ni de pleurs malséants ! 6+6 b
C'est bien lui ! Je le hais, certe, à me damner l'âme ! — 6+6 c
Rui dit : — L'honneur est sauf, et sauve la maison, 6+6 a
Et j'ai crié ton nom en enfonçant ma lame. 6+6 c
55 Mange, père ! — Diego murmure une oraison ; 6+6 a
Et tous deux, s'asseyant côte à côte à la table, 6+6 b
Graves et satisfaits, mangent la venaison, 6+6 a
En regardant saigner la Tête lamentable. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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