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LEC_1/LEC5
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES BARBARES
1862
Ekhidna
Kallirhoé conçut dans l'ombre, au fond d'un antre, 6+6 a
A l'époque où les rois Ouranides sont nés, 6+6 b
Ekhidna, moitié nymphe aux yeux illuminés, 6+6 b
Moitié reptile énorme écaillé sous le ventre. 6+6 a
5 Khrysaor engendra ce monstre horrible et beau, 6+6 a
Mère de Kerbéros aux cinquante mâchoires, 6+6 b
Qui, toujours plein de faim, le long des ondes noires, 6+6 b
Hurle contre les morts qui n'ont point de tombeau. 6+6 a
Et la vieille Gaïa, cette source des choses, 6+6 a
10 Aux gorges d'Arimos lui fit un vaste abri, 6+6 b
Une caverne sombre avec un seuil fleuri ; 6+6 b
Et c'est là qu'habitait la Nymphe aux lèvres roses. 6+6 a
Tant que la flamme auguste enveloppait les bois, 6+6 a
Les sommets, les vallons, les villes bien peuplées, 6+6 b
15 Et les fleuves divins et les ondes salées, 6+6 b
Elle ne quittait point l'antre aux âpres parois ; 6+6 a
Mais dès qu'Hermès volait les flamboyantes vaches 6+6 a
Du fils d'Hypérion baigné des flots profonds, 6+6 b
Ekhidna, sur le seuil ouvert au flanc des monts, 6+6 b
20 S'avançait, dérobant sa croupe aux mille taches. 6+6 a
De l'épaule de marbre au sein nu, ferme et blanc, 6+6 a
Tiède et souple abondait sa chevelure brune ; 6+6 b
Et son visage clair luisait comme la lune, 6+6 b
Et ses lèvres vibraient d'un rire étincelant. 6+6 a
25 Elle chantait : la nuit s'emplissait d'harmonies ; 6+6 a
Les grands lions errants rugissaient de plaisir ; 6+6 b
Les hommes accouraient sous le fouet du désir, 6+6 b
Tels que des meurtriers devant les Érinnyes : 6+6 a
— Moi, l'illustre Ekhidna, fille de Khrysaor, 6+6 a
30 Jeune et vierge, je vous convie, ô jeunes hommes, 6−6 b
Car ma joue a l'éclat pourpré des belles pommes, 6+6 b
Et dans mes noirs cheveux nagent des lueurs d'or. 6+6 a
Heureux qui j'aimerai, mais plus heureux qui m'aime ! 6+6 a
Jamais l'amer souci ne brûlera son cœur ; 6+6 b
35 Et je l'abreuverai de l'ardente liqueur 6+6 b
Qui fait l'homme semblable au Kronide lui-même. 6+6 a
Bienheureux celui-là parmi tous les vivants ! 6+6 a
L'incorruptible sang coulera dans ses veines ; 6+6 b
Il se réveillera sur les cimes sereines 6+6 b
40 Où sont les Dieux, plus haut que la neige et les vents. 6+6 a
Et je l'inonderai de voluptés sans nombre, 6+6 a
Vives comme un éclair qui durerait toujours ! 6+6 b
Dans un baiser sans fin je bercerai ses jours 6+6 b
Et mes yeux de ses nuits feront resplendir l'ombre. — 6+6 a
45 Elle chantait ainsi, sûre de sa beauté, 6+6 a
L'implacable Déesse aux splendides prunelles, 6+6 b
Tandis que du grand sein les formes immortelles 6+6 b
Cachaient le seuil étroit du gouffre ensanglanté. 6+6 a
Comme le tourbillon nocturne des phalènes 6+6 a
50 Qu'attire la couleur éclatante du feu, 6+6 b
Ils lui criaient : Je t'aime, et je veux être un Dieu ! 6+6 b
Et tous l'enveloppaient de leurs chaudes haleines. 6+6 a
Mais ceux qu'elle enchaînait de ses bras amoureux, 6+6 a
Nul n'en dira jamais la foule disparue. 6+6 b
55 Le Monstre aux yeux charmants dévorait leur chair crue, 6+6 b
Et le temps polissait leurs os dans l'antre creux. 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
forme globale type : suite périodique
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