Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LEC_1/LEC50
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES BARBARES
1862
Ultra cœlos
Autrefois, quand l'essaim fougueux des premiers rêves 6+6 a
Sortait en tourbillons de mon cœur transporté ; 6+6 b
Quand je restais couché sur le sable des grèves, 6+6 a
La face vers le ciel et vers la liberté ; 6+6 b
5 Quand, chargé du parfum des hautes solitudes, 6+6 a
Le vent frais de la nuit passait dans l'air dormant, 6+6 b
Tandis qu'avec lenteur, versant ses flots moins rudes, 6+6 a
La mer calme grondait mélancoliquement ; 6+6 b
Quand les astres muets, entrelaçant leurs flammes, 6+6 a
10 Et toujours jaillissant de l'espace sans fin, 6+6 b
Comme une grêle d'or pétillaient sur les lames 6+6 a
Ou remontaient nager dans l'océan divin ; 6+6 b
Incliné sur le gouffre inconnu de la vie, 6+6 a
Palpitant : de terreur joyeuse et de désir, 6+6 b
15 Quand j'embrassais dans une irrésistible envie 6−6 a
L'ombre de tous les biens que je n'ai pu saisir ; 6+6 b
O nuits du ciel natal, parfums des vertes cimes, 6+6 a
Noirs feuillages emplis d'un vague et long soupir, 6+6 b
Et vous, mondes, brûlant dans vos steppes sublimes, 6+6 a
20 Et vous, flots qui chantiez, près de vous assoupir ! 6+6 b
Ravissements des sens, vertiges magnétiques 6+6 a
Où l'on roule sans peur, sans pensée et sans voix ! 6+6 b
Inertes voluptés des ascètes antiques 6+6 a
Assis, les yeux ouverts, cent ans, au fond des bois ! 6+6 b
25 Nature ! Immensité si tranquille et si belle, 6+6 a
Majestueux abîme où dort l'oubli sacré, 6+6 b
Que ne me plongeais-tu dans ta paix immortelle, 6+6 a
Quand je n'avais encor ni souffert ni pleuré ? 6+6 b
Laissant ce corps d'une heure errer à l'aventure, 6+6 a
30 Par le torrent banal de la foule emporté, 6+6 b
Que n'en détachais-tu l'âme en fleur, ô Nature, 6+6 a
Pour l'absorber dans ton impassible beauté ? 6−6 b
Je n'aurais pas senti le poids des ans funèbres ; 6+6 a
Ni sombre, ni joyeux, ni vainqueur, ni vaincu, 6+6 b
35 J'aurais passé par la lumière et les ténèbres, 6−6 a
Aveugle comme un Dieu : je n'aurais pas vécu ! 6+6 b
Mais, ô Nature, hélas ! ce n'est point toi qu'on aime ; 6+6 a
Tu ne fais point couler nos pleurs et notre sang, 6+6 b
Tu n'entends point nos cris d'amour ou d'anathème, 6+6 a
40 Tu ne recules point en nous éblouissant ! 6+6 b
Ta coupe toujours pleine est trop près de nos lèvres ; 6+6 a
C'est le calice amer du désir qu'il nous faut ! 6+6 b
C'est le clairon fatal qui sonne dans nos fièvres : 6+6 a
Debout ! Marchez, courez, volez, plus loin, plus haut ! 6+6 b
45 Ne vous arrêtez pas, ô larves vagabondes ! 6+6 a
Tourbillonnez sans cesse, innombrables essaims ! 6+6 b
Pieds sanglants, gravissez les degrés d'or des mondes 6+6 a
O cœurs pleins de sanglots, battez en d'autres seins ! 6+6 b
Non ! Ce n'était point toi, solitude infinie, 6+6 a
50 Dont j'écoutais jadis l'ineffable concert ; 6+6 b
C'était lui qui fouettait de son âpre harmonie 6+6 a
L'enfant songeur couché sur le sable désert. 6+6 b
C'est lui qui dans mon cœur éclate et vibre encore 6+6 a
Comme un appel guerrier pour un combat nouveau. 6+6 b
55 Va ! nous t'obéirons, voix profonde et sonore, 6+6 a
Par qui l'âme, d'un bond, brise le noir tombeau ! 6+6 b
A de lointains soleils allons montrer nos chaînes, 6+6 a
Allons combattre encor, penser, aimer, souffrir ; 6+6 b
Et, savourant l'horreur des tortures humaines, 6+6 a
60 Vivons, puisqu'on ne peut oublier ni mourir ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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