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| = césure
LEC_1/LEC32
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES BARBARES
1862
L'Oasis
Dernière les coteaux stériles de Kobbé 6+6 a
Comme un bloc rouge et lourd le soleil est tombé ; 6+6 a
Un vol de vautours passe et semble le poursuivre. 6+6 b
Le ciel terne est rayé de nuages de cuivre ; 6+6 b
5 Et de sombres lueurs, vers l'Est, traînent encor, 6+6 a
Pareilles aux lambeaux de quelque robe d'or. 6+6 a
Le rugueux Sennaar, jonché de pierres rousses 6+6 b
Qui hérissent le sable ou déchirent les mousses, 6+6 b
A travers la vapeur de ses marais malsains 6+6 a
10 Ondule jusqu'au pied des versants Abyssins. 6+6 a
La nuit tombe. On entend les koukals aux cris aigres. 6+6 b
Les hyènes, secouant le poil de leurs dos maigres, 6+6 b
De buissons en buissons se glissent en râlant. 6+6 a
L'hippopotame souffle aux berges du Nil blanc 6+6 a
15 Et vautre, dans les joncs rigides qu'il écrase, 6+6 b
Son ventre rose et gras tout cuirassé de vase. 6+6 b
Autour des flaques d'eau saumâtre où les chakals 6+6 a
Par bandes viennent boire, en longeant les nopals, 6+6 a
L'aigu fourmillement des stridentes bigaylles 6+6 b
20 S'épaissit et tournoie au-dessus des broussailles ; 6+6 b
Tandis que, du désert en, Nubie emporté, 6+6 a
Un vent âcre, chargé de chaude humidité, 6+6 a
Avec une rumeur vague et sinistre, agite 6+6 b
Les rudes palmiers-doums où l'ibis fait son gîte. 6+6 b
25 Voici ton heure, ô roi du Sennaar, ô chef 6+6 a
Dont le soleil endort le rugissement bref. 6+6 a
Sous la roche concave et pleine d'os qui luisent, 6+6 b
Contre l'âpre granit tes ongles durs s'aiguisent. 6+6 b
Arquant tes souples reins fatigués du repos, 6+6 a
30 Et ta crinière jaune éparse sur le dos, 6+6 a
Tu te lèves, tu viens d'un pas mélancolique 6+6 b
Aspirer l'air du soir sur ton seuil famélique, 6+6 b
Et, le front haut, les yeux à l'horizon dormant, 6+6 a
Tu regardes l'espace et rugis sourdement. 6+6 a
35 Sur la lividité du ciel la lune froide 6+6 b
De la proche oasis découpe l'ombre roide, 6+6 b
Où, las d'avoir marché par les terrains bourbeux, 6+6 a
Les hommes du Darfour font halte avec leurs bœufs. 6+6 a
Ils sont couchés là-bas auprès de la citerne 6+6 b
40 Dont un rayon de lune argente l'onde terne. 6+6 b
Les uns, ayant mangé le mil et le maïs, 6+6 a
S'endorment en parlant du retour au pays ; 6+6 a
Ceux-ci, pleins de langueur, rêvant de grasses herbes, 6+6 b
Et le mufle enfoui dans leurs fanons superbes, 6+6 b
45 Ruminent lentement sur leur lit de graviers. 6+6 a
A toi la chair des bœufs ou la chair des bouviers ! 6+6 a
Le vent a consumé leurs feux de ronce sèche ; 6+6 b
Ta narine s'emplit d'une odeur vive et fraîche, 6+6 b
Ton ventre bat, la faim hérisse tes cheveux, 6+6 a
50 Et tu plonges dans l'ombre en quelques bonds nerveux. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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