Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LCA_2/LCA97
Louis LE CARDONNEL
CARMINA SACRA
1912
ORPHICA
XII
ULTIMA VERBA
A Francesco Mosca.
I
O jeunes gens, espoir | de l'antique Ausonie, 6+6 a
— Si vous me pardonnez | ce langage un peu vieux 6+6 b
Héritiers et gardiens | de son divin génie ; 6+6 a
Vous qui lui referez | des jours prestigieux. 6+6 b
5 Je vous ouvre en ces vers | ma veine généreuse, 6+6 a
Ardente à s'épancher, | d'un flot égal et plein ; 6+6 b
Par un matin d'été | de la Toscane heureuse, 6+6 a
Au rythme des fléaux | qui séparent le grain. 6+6 b
Accueillez, accueillez | cette voix amicale ! 6+6 a
10 Elle môle sa note | aux souffles infinis 6+6 b
De la Nature, au cri | strident de la cigale : 6+6 a
Oui , recueillez ma voix, | ô disciples bénis. 6+6 b
Vous le savez, mon âme | est fidèle et vous porte : 6+6 a
En moi je vous sens tous | unis, fils dispersés ; 6+6 b
15 Et j'embrasse avec vous, | dans ma tendresse forte, 6+6 a
Vos frères qui viendront, | et vos frères passés. 6+6 b
II
Ici mes souvenirs | sont plus fervents encore, 6+6 a
Sous le rayonnement | prolongé des soleils. 6+6 b
Ce juillet embrasé, | qui féconde et dévore, 6+6 a
20 Il met de son ardeur | dans mes mâles conseils. 6+6 b
Ne vous étonnez pas | si, tout vibrant d'oracles, 6+6 a
Devant les épis d'or, | l'éternel firmament, 6+6 b
Les horizons, remplis | de glorieux spectacles. 6+6 a
Ce poème parfois | sonne auguralement. 6+6 b
III
25 Enfants, tous vous l'ont dit, | votre patrie est belle. 6+6 a
Elle garde pour nous | les trésors du grand Art : 6+6 b
Les peuples transportés | s'inclinent devant elle ; 6+6 a
Elle enchante le monde | avec son clair nectar. 6+6 b
Gracieuse à jamais, | elle est, encor, robuste : 6+6 a
30 C'est d'un geste vaillant | qu'elle tend son flambeau ; 6+6 b
Et quand un lutteur las | touche sa terre auguste, 6+6 a
Use lève plus fier, | il ressurgit plus beau. 6+6 b
Elle a le don heureux | des paroles chantantes : 6+6 a
Qui l'a vue une fois | ne peut pas l'oublier ; 6+6 b
35 On rêve de ses nuits | doucement éclatantes, 6+6 a
Que parfume une odeur | de rose et de laurier. 6+6 b
Moi, dans chacun de vous | je trouve un jeune frère. 6+6 a
Combien de nos héros, | dans vos champs, endormis ! 6+6 b
Nos deux sangs ont mêlé | leur pourpre vive et fière ; 6+6 a
40 Et vous me souriez, | ô radieux amis. 6+6 b
IV
Il est vrai que l'espace | aujourd'hui nous sépare ; 6+6 a
Mais contre mon amour | l'espace est impuissant. 6+6 b
Vous accourez encore | au son de ma cithare : 6+6 a
Je vous parle au milieu | d'un éternel présent. 6+6 b
45 Vous vous serez autour | de moi pour mieux m'entendre. 6+6 a
Comme hier votre voix | va répondre à ma voix, 6+6 b
Car vous la trouvez noble, | harmonieuse et tendre : 6+6 a
Elle a fait bondir l'âme, | en vos seins, tant de fois. 6+6 b
Reconnaissant j'ai dit : | ô Ciel tu me les donnes ! 6+6 a
50 Vous apportiez la joie | au chanteur opprimé ; 6+6 b
El si quelqu'un jamais | m'a tressé des couronnes, 6+6 a
N'est-ce pas l'un de vous | que j'ai beaucoup aimé ? 6+6 b
J'ai su les partager, | vos ardeurs inquiètes : 6+6 a
Mon présent qui décroît | cherchait votre avenir. 6+6 b
55 Un grand cœur maternel | est dans les vrais poètes : 6+6 a
Quand vous étiez amers | je n'ai pas pu dormir. 6+6 b
V
Que vous veniez d'Ombrie | ou veniez de Sicile, 6+6 a
Plus sévères ou plus | allègrement joyeux : 6+6 b
Avec vous j'ai plané | loin d'un temps imbécile. 6+6 a
60 Mon génie expirant | reprit flamme à vos yeux. 6+6 b
Mûrissez, puisqu'enfin | toute jeunesse passe ; 6+6 a
Faites revivre en vous | les aïeux immortels ; 6+6 b
Transmettez à des fils | la beauté de la race ; 6+6 a
Conservez les foyers | et gardez les autels. 6+6 b
VI
65 Doutant de vous revoir | dans ma vie incertaine, 6+6 a
J'ai murmuré : sans doute, | il en doit être ainsi ; 6+6 b
J'ai crié : vous dont l'œstre | a réveillé ma veine, 6+6 a
Au revoir dans la joie | éternelle, et merci ! 6+6 b
Votre mémoire eu moi | demeurera, féconde ; 6+6 a
70 Pour m'exalter le cœur | je vous évoquerai… 6+6 b
Tels étaient mes adieux. | Mais déjà dans ce monde 6+6 a
Quelque chose me dit | que je vous reverrai 6+6 b
VII
J'irai : je parcourrai | la belle Péninsule, 6+6 a
Vous cherchant, dans l'espoir | du cordial accueil. 6+6 b
75 Quand le matin flamboie | ou quand l'occident brûle 6+6 a
Vous me verrez soudain | aborder votre seuil. 6+6 b
Puissé-je y retrouver | l'ancienne tendresse ! 6+6 a
Oui, que je ne sois pas | devenu l'étranger, 6+6 b
Et qu'un de vous encore, | en souriant, me tresse 6+6 a
80 La couronne, et me tende | un vin sobre et léger. 6+6 b
VIII
Ainsi j'apparaîtrai | dans les hautes Abruzzes ; 6+6 a
Dans Naples, la chantante, | et Torre del Greco : 6+6 b
Pays où le soir d'or | est plein de cornemuses, 6+6 a
Où l'on entend sonner | des flûtes dans l'écho. 6+6 b
85 Je me promènerai | par la grecque Apulie ; 6+6 a
Par la Sardaigne ardente | au vent chargé de sel : 6+6 b
Je saurai la douceur | et la mélancolie 6+6 a
Des lacs Lombards, qui sont | comme un fluide ciel 6+6 b
Et, partout, acclamant | le pèlerin lyrique, 6+6 a
90 M'entoureront, restés | à mon âme tous cher», 6+6 b
Les fils, les héritiers | de l'Ausonie antique, 6+6 a
Grave et pure Sybille, | assise entre deux mers ! 6+6 b
IX
Nos entretiens seront | poétiques et sages. 6+6 a
Heureux si quelque brise | erre en de longs cyprès. 6+6 b
95 Si le souffle du large | effleure nos visages, 6+6 a
Si de sonores flots | viennent mourir tout près… 6+6 b
C'est l'espoir que je berce | en moi lorsque je veille, 6+6 a
Et qui, dans mon sommeil, | me hante, rêve ardent ; 6+6 b
L'espoir qui me poursuit | et me chante à l'oreille. 6+6 a
100 Gardez mon souvenir, | amis, en attendant 6+6 b
Vivez pieux. Pour moi | saluez votre mère, 6+6 a
Puisqu'elle vous forma | sur ses chastes genoux ; 6+6 b
Et, parmi les hasards | qui font la vie amère, 6+6 a
Entendez dans la nuit | mon cœur battre pour vous 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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