Métrique en Ligne
LCA_2/LCA73
Louis LE CARDONNEL
CARMINA SACRA
1912
CHANTS D'OMBRIE ET DE TOSCANE
A CHARLES GUERIN
Ceux qui, n'étalant pas la rouge passion, 6+6 a
Ainsi qu'un vin brutal qu'on verse dans un verre 6+6 b
Grossier, ont enfermé leur pure émotion 6+6 a
Dans le contour serré d'une forme sévère ; 6+6 b
5 Et dont l'art délicat, sans jamais offenser 6+6 a
Dans notre âme le sens sacré de l'harmonie, 6+6 b
Avec enchantement fait rêver et penser : 6+6 a
Ceux-là furent doués d'un bienfaisant génie. 6+6 b
Au matin de la vie ils resteront aimés 6+6 a
10 Par les adolescents qu'un noble songe mène. 6+6 b
Ils charmeront la vierge en des soirs embaumés, 6+6 a
Et leur temple sera dans la mémoire humaine. 6+6 b
Aussi, modestement fier de l'œuvre accompli, 6+6 a
Au tombeau, toi qui viens si vite de descendre, 6+6 b
15 Charles Guérin, mon cœur ne craint pas que l'oubli 6+6 a
D'un souffle injurieux prenne et sème ta cendre. 6+6 b
Échos mystérieux et, tout ensemble, clairs, 6+6 a
D'une douleur enfin par la foi consolée, 6+6 b
Au murmure onduleux des ombrages, tes vers 6+6 a
20 Se mêlant, font plus grave et plus douce une allée 6+6 b
Leur transparence sombre a cette profondeur 6+6 a
Des eaux, où le feuillage, empli de ciel, se mire : 6+6 b
Octobre y mit sa lente et pénétrante odeur ; 6+6 a
On voit quelque statue, en sa mousse, y sourire. 6+6 b
25 L'émotion en nous prolonge leur accent. 6+6 a
Divinement, après la simple bucolique 6+6 b
Et les après-midi de la Bible, on y sent 6+6 a
Tomber le soir avec sa paix évangélique. 6+6 b
Et l'Amour, que la nuit ne peut pas assoupir, 6+6 a
30 L'Amour, plein du regret de sa haute patrie, 6+6 b
Y tend vers l'autre monde, en un brûlant soupir, 6+6 a
L'effort ensanglanté de son aile meurtrie. 6+6 b
Sans t'avoir jamais vu dans tes jours d'ici-bas, 6+6 a
Je te sentais une âme un peu sœur de la mienne. 6+6 b
35 Tous les deux nous allions, presque du même pas, 6+6 a
Entre la Muse antique et la Muse chrétienne. 6+6 b
Je me disais : peut-être à la fin d'un été, 6+6 a
Au moment lumineux où le soleil décline, 6+6 b
Il s'en viendra vers moi, dans la sérénité 6+6 a
40 Du couchant, réfléchi de colline en colline. 6+6 b
J'en verrai sur son front s'allonger la lueur. 6+6 a
Ce sera l'heure où tout en nous se purifie : 6+6 b
Il me dira son âme, il m'ouvrira son cœur, 6+6 a
Je saurai le secret tout entier de sa vie. 6+6 b
45 Sous le ciel, maintenant sans flamme et verdissant, 6+6 a
Nous enveloppera la vaste paix champêtre. 6+6 b
Je lui murmurerai : Quelle douceur descend ! 6+6 a
Et je le bénirai, puisque je suis un prêtre. 6+6 b
Mais non, ma main n'a pas senti frémir ta main ! 6+6 a
50 Ce Dieu jaloux, qui fait les brèves destinées, 6+6 b
T'ouvrit la grande mort, ô frère de Samain, 6+6 a
Compagnon, celui-là, de mes belles années. 6+6 b
Il partit le premier, à peine mûr encor ; 6+6 a
Sa forme brusquement s'effaça de la route. 6+6 b
55 Tu t'en vas après lui, chanteur au style d'or : 6+6 a
Vous vous étiez aimés : il t'attendait, sans doute. 6+6 b
Comme je l'ai pleuré, je te pleure aujourd'hui, 6+6 a
Tandis que le printemps mélancolique hésite, 6+6 b
Par un matin de brume, où nul rayon n'a lui, 6+6 a
60 Devant un indécis, devant un pâle site. 6+6 b
Et, pour te témoigner ma douleur, j'ai voulu. 6+6 a
Avant que mai charmant ait fleuri la tonnelle, 6+6 b
Dédier à ton nom de poète et d'élu 6+6 a
Cette discrète fleur, tendrement fraternelle. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite périodique
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