Métrique en Ligne
LAP_9/LAP118
Victor de LAPRADE
PERNETTE
1870
CHANT CINQUIÈME
L’INVASION
Salut aux fiers sapins, hôtes des lieux rebelles, 6+6 a
Des incultes hauteurs superbes sentinelles, 6+6 a
Seuls vivants, seuls debout sur ces rochers hardis, 6+6 b
Derniers jardins du rêve au labour interdits ! 6+6 b
5 Salut ! rocs abrités des tempêtes civiles, 6+6 a
Où n’atteint pas le flot des multitudes viles, 6+6 a
Où dorment les proscrits des peuples et des rois, 6+6 b
Et d’où la liberté s’élança tant de fois ! 6+6 b
Là, rangés en conseil, comme leurs aïeux celtes, 6+6 a
10 Autour des troncs sacrés, non moins forts, non moins sveltes, 6+6 a
Nos conscrits entouraient, dans l’ombre et sous le vent, 6+6 b
Leur vieux docteur pareil au druide savant. 6+6 b
De son grand cœur, troublé de sentiments contraires, 6+6 a
Ses paroles sortaient moins vives et moins claires : 6+6 a
15 Il annonçait des jours prévus et souhaités, 6+6 b
Mais le rire avait fui de ses yeux attristés. 6+6 b
« Mes enfants, disait-il, vos mères sont en joie : 6+6 a
Du sanglant recruteur vous n’êtes plus la proie : 6+6 a
Vous n’irez pas mourir, loin du pays natal, 6+6 b
20 Écrasés sous le char de cet homme fatal. 6+6 b
Ses sauvages décrets tombent avec lui-même ; 6+6 a
Vos fronts ne portent plus son cruel anathème ; 6+6 a
Rentrez dans vos maisons, vous n’êtes plus proscrits ; 6+6 b
Rendez votre labeur à nos champs appauvris. 6+6 b
25 Quittez ces fusils vains ! reprenez vos charrues. 6+6 a
Dieu ramène chez nous des fêtes disparues. 6+6 a
Nos hameaux vont revoir leurs enfants dispersés, 6+6 b
Et l’autel tout joyeux attend les fiancés. 6+6 b
Des paroles de paix volent de bouche en bouche. 6+6 a
30 Des soldats sont venus, qui n’ont rien de farouche ; 6+6 a
Étrangers et vainqueurs, ils s’offrent pour amis ; 6+6 b
Opprimés comme vous, comme vous insoumis, 6+6 b
Délivrés comme vous de l’oppresseur du monde, 6+6 a
Leur victoire est la vôtre ; elle sera féconde. 6+6 a
35 Donc, sous nos toits exempts de honte et de dangers 6+6 b
Supportons sans orgueil ces hôtes passagers. » 6+6 b
Il dit ; puis il ajoute, ému dans son langage, 6+6 a
Maints détails, maints conseils dictés par un cœur sage, 6+6 a
Sur les signes du temps, sur ces fils de nos rois 6+6 b
40 Oui nous rendaient la paix et de plus douces lois ; 6+6 b
Sur l’avenir que nul n’entrevoyait naguères 6+6 a
Et qui s’ouvrait au monde après ces lourdes guerres. 6+6 a
Pierre, ayant écouté, restait silencieux. 6+6 b
Dans l’immobile aspect de son corps, de ses yeux, 6+6 b
45 Son esprit tourmenté qui creuse et se consulte 6+6 a
Trahissait les efforts d’un grand travail occulte, 6+6 a
Et le ferme vouloir d’accomplir, malgré tout, 6+6 b
Son dessein, quel qu’il fût, et d’aller jusqu’au bout. 6+6 b
C’était, pour lui, l’instant où s’ouvrent les deux voies, 6+6 a
50 L’une d’âpres combats, l’autre de molles joies ; 6+6 a
Nul devoir absolu n’ordonnait de choisir 6+6 b
La route ardue au lieu du facile plaisir. 6+6 b
Libre, enfin, il pouvait tenir la foi promise : 6+6 a
Pernette l’attendait, souriante, à l’église. 6+6 a
55 Sans doute, à de moins fiers, à de moins généreux, 6+6 b
L’honneur lui-même aurait conseillé d’être heureux. 6+6 b
Mais il est de ces cœurs naïfs et magnanimes 6+6 a
Portés à leur insu vers les fautes sublimes : 6+6 a
Au prix de maints dangers, quand, proscrit, pauvre, errant, 6+6 b
60 Pierre avait refusé ses bras au conquérant, 6+6 b
De nos soldats nombreux forçant la lassitude 6+6 a
Cet homme répandait au loin la servitude ; 6+6 a
Ses drapeaux triomphaient ; les enfants du pays 6+6 b
Étaient envahisseurs et non pas envahis. 6+6 b
65 Voilà que le torrent, refoulé dans sa course, 6+6 a
Porte chez nous la guerre et remonte à sa source ; 6+6 a
Et Paris étonné voit, sans croire à ses yeux, 6+6 b
Le Scythe impur campé sur le sol des aïeux. 6+6 b
Pour nous tous, ô Français, souvenir plein de rage, 6+6 a
70 La terre maternelle a subi cet outrage ! 6+6 a
C’est le crime d’un homme, il n’en subsiste rien ; 6+6 b
Mais la haine en doit vivre au cœur du citoyen. 6+6 b
Que d’affronts au foyer sous l’ardoise ou le chaume. 6+6 a
Après ce grand affront fait à tout le royaume ! 6+6 a
75 Faudra-t-il donc subir, muet, pâle et tremblant, 6+6 b
Les caprices hautains du Barbare insolent ? 6+6 b
Mais Pierre avait au cœur, exaltés dès l’enfance, 6+6 a
Tous les nobles orgueils qu’un tel servage offense ; 6+6 a
Il avait respiré deux âmes à la fois, 6+6 b
80 Les leçons du vieux prêtre et la fierté des bois. 6+6 b
Chez lui, l’amour du sol et du clocher rustique 6+6 a
S’ornait des souvenirs de l’héroïsme antique. 6+6 a
Il avait lu, transcrit de ses robustes mains 6+6 b
Vos sublimes conseils, précepteurs des humains ! 6+6 b
85 Ces grands vers qui, trouvant quelques âmes dociles, 6+6 a
Nous poussent du côté des vertus difficiles. 6+6 a
Un rapide combat se livra dans son cœur ; 6+6 b
Il en sortit navré, mais il était vainqueur ; 6+6 b
Et d’un accent profond :
« Certes, je hais cet homme 6+6 a
90 Comme je hais le mal, de quel nom qu’il se nomme ; 6+6 a
Et, de mes faibles mains, je voudrais ardemment 6+6 b
Être pour quelque chose en son écroulement ! 6+6 b
Aussi, c’est pour moi-même une injure soufferte 6+6 a
De voir d’autres que nous triompher de sa perte, 6+6 a
95 D’avoir des alliés dans l’œuvre d’aujourd’hui 6+6 b
Sa chute est une affaire entre la France et lui ! 6+6 b
Lui l’insolent orgueil, nous la fierté rebelle, 6+6 a
Nous devons seul à seul vider notre querelle, 6+6 a
Arrière l’étranger, ce vainqueur de hasard ! 6+6 b
100 De ma juste vengeance il me prend une part. 6+6 b
Cet homme doit tomber ! mais soyons-en la cause ! 6+6 a
Du sort de mon pays que mon peuple dispose. 6+6 a
Nous seuls du Corse impur sommes les vrais vainqueurs ; 6+6 b
Son joug était brisé déjà dans tous les cœurs, 6+6 b
105 Il régnerait encor, malgré vous, invincible, 6+6 a
Si nous l’avions voulu de ce vouloir terrible 6+6 a
Dont l’Europe a subi l’indomptable vertu, 6+6 b
Quand pour la liberté la France a combattu ! 6+6 b
La guerre a fait ce trône, elle peut le défaire ; 6+6 a
110 Il n’a pas dans le sol sa force héréditaire ; 6+6 a
Qu’il en soit rejeté par le peuple en courroux, 6+6 b
Mais que nul étranger ne commande chez nous ! 6+6 b
Cette terre est à nous, faite par nos ancêtres ; 6+6 a
Nous y devons, comme eux, vivre et mourir en maîtres ; 6+6 a
115 Nous seuls avons le droit d’en barrer le chemin, 6+6 b
D’y marcher librement, les armes à la main ; 6+6 b
Nous n’y devons souffrir, debout à cette place, 6+6 a
De chefs et de soldats que ceux de notre race ; 6+6 a
Et nul dans nos maisons ne doit trouver accueil 6+6 b
120 Sans déposer, d’abord, son glaive sur le seuil. 6+6 b
Savons-nous quel dessein, de leurs cités lointaines, 6+6 a
Pousse vers nos hameaux ce flot de capitaines ? 6+6 a
Ce n’est pas notre honneur qu’ils y viennent venger ; 6+6 b
S’ils se disent amis, leur dire est mensonger. 6+6 b
125 Moi, je n’accepte pas cette alliance altière ; 6+6 a
Je leur tendrai la main, mais hors de ma frontière, 6+6 a
Quand ma terre écartant des voisins mal venus 6+6 b
Ne verra plus flotter ces drapeaux inconnus. 6+6 b
Tant qu’ils osent camper sur le champ de mes pères, 6+6 a
130 Je maudis, je combats ces hordes étrangères ! 6+6 a
Souffrirez-vous, amis, des hôtes oppresseurs 6+6 b
Dormant sous votre toit et servis par vos sœurs ? 6+6 b
Moi, plutôt que de voir, au foyer qui s’indigne, 6+6 a
Pernette leur verser le vin de notre vigne, 6+6 a
135 Et ces chefs lui sourire, et ma mère, humblement, 6+6 b
Pétrir pour leur festin le beurre et le froment, 6+6 b
J’irais seul assaillir l’odieuse cohorte, 6+6 a
Du logis profané je briserais la porte, 6+6 a
Et, la torche à la main, de ces maîtres impurs 6+6 b
140 Par le fer et le feu j’affranchirais nos murs. 6+6 b
Si vous sentez au cœur quelque chose qui vibre, 6+6 a
Une haine, un amour, le besoin d’être libre, 6+6 a
Si nous voulons prouver qu’à l’abri de nos bois, 6+6 b
Lorsque nous avons fui, bravant d’injustes lois, 6+6 b
145 Fiers entre tous, bien loin que le cœur nous défaille, 6+6 a
Nous avons craint d’exil et non pas la bataille, 6+6 a
Rentrons dans nos hameaux, les armes à la main ; 6+6 b
Envers et contre tous frayons-nous un chemin, 6+6 b
Et chassons l’étranger qui prétend faire grâce 6+6 a
150 En nous laissant chez nous reprendre notre place. » 6+6 a
Maints avis commençaient de jaillir à la fois ; 6+6 b
D’un geste le vieillard contint ces jeunes voix ; 6+6 b
Il dit :
« Sachons mêler clairvoyance et courage, 6+6 a
Et regardons, amis, plus loin que le village. 6+6 a
155 C’est là-bas que se forme, en de noirs horizons, 6+6 b
L’essaim d’envahisseurs qui remplit nos maisons : 6+6 b
Avant notre humble bourg ils ont soumis la ville. 6+6 a
Qu’on écrase un frelon, il en reviendra mille, 6+6 a
Ardents à nous punir de ce coup généreux 6+6 b
160 Que la grande cité n’osa tenter contre eux. » 6+6 b
Alors le jeune chef :
« Eh bien, qu’on nous imite ! 6+6 a
L’insolent visiteur disparaîtra bien vite. 6+6 a
Qu’on s’indigne avec nous de cet affront commun, 6+6 b
Et tous seront sauvés par l’effort de chacun. 6+6 b
165 Que le moindre clocher sonne le glas d’alarmes ; 6+6 a
Que chacun sous son toit se dresse avec ses armes ; 6+6 a
Que tout hameau lointain vierge de l’étranger 6+6 b
Coure au-devant du flot qui nous veut submerger ; 6+6 b
Que dans un mur vivant bloc à bloc on se serre ; 6+6 a
170 Qu’un grand orage humain se soulève de terre, 6+6 a
Et, comme nos aïeux l’ont su faire autrefois, 6+6 b
Qu’il pousse devant lui les rochers et les bois ! 6+6 b
Que tout homme jaloux d’une sœur, d’une femme, 6+6 a
Ayant à lui son champ et sa fierté dans l’âme, 6+6 a
175 Que tout chef d’une race et tout enfant pieux 6+6 b
Qui sait sous quel gazon reposent ses aïeux, 6+6 b
Jurant de recouvrer cette place usurpée, 6+6 a
Frappe un coup de sa faux, s’il manque d’une épée ! 6+6 a
Et, certes, nous verrons ces torrents d’ennemis 6+6 b
180 Des villes et des bourgs promptement revomis, 6+6 b
Et nous redeviendrons, d’insultés que nous sommes, 6+6 a
Libres, maîtres chez nous, comme il sied à des hommes. 6+6 a
Les yeux du vieil ami brillèrent un moment ; 6+6 b
Puis, secouant la tête, il reprit tristement : 6+6 b
185 « Quels vengeurs reste-t-il aux campagnes désertes ? 6+6 a
La terre sera longue à réparer ses pertes. 6+6 a
Est-ce avec des vieillards, des femmes, des enfants, 6+6 b
Que vous repousserez ces soldats triomphants ? 6+6 b
La guerre a dévoré toute notre jeunesse. 6+6 a
190 D’où crois-tu qu’un essaim de vaillants nous renaisse ? 6+6 a
Épuisant notre sève en ses longues fureurs, 6+6 b
Le Corse nous a pris nos derniers laboureurs. 6+6 b
Quels bras armerez-vous du fer de nos charrues, 6+6 a
Contre ces légions incessamment accrues ? 6+6 a
195 Quand tu soulèverais, des fermes aux châteaux, 6+6 b
Tout ce qui peut brandir la massue ou la faux ; 6+6 b
Quand les rochers, contre eux, jailliraient de la terre, 6+6 a
Opposant vainement ta fronde à leur tonnerre, 6+6 a
Tu n’entamerais pas l’airain de leurs canons 6+6 b
200 Vous seriez brisés tous, sans que l’on sût vos noms. » 6+6 b
Le jeune homme éclata, s’écriant : « Que m’importe 6+6 a
Si, ma cause étant juste, une autre est la plus forte ! 6+6 a
Je vais mon droit chemin, je ne veux rien prévoir. 6+6 b
Mon âme, en moi, me dit que je fais mon devoir. 6+6 b
205 Qui sait ? un coup frappé par une main hardie 6+6 a
Peut des plus vils cailloux tirer un incendie. 6+6 a
Peut-être un feu sacré, dans le sol endormi, 6+6 b
Doit, en s’y réveillant, dévorer l’ennemi ! 6+6 b
Si j’ai su l’allumer, qu’importe que j’en meure ! 6+6 a
210 Un affront a souillé ma race et ma demeure ; 6+6 a
Tout mon cœur a frémi de voir sur notre seuil 6+6 b
Un hideux étranger debout dans son orgueil. 6+6 b
Je ne souffrirai pas, moi vivant, que l’on dise 6+6 a
Que j’ai laissé servir ma mère et ma promise, 6+6 a
215 Qu’un maître ou qu’un rival m’a causé de l’effroi, 6+6 b
Et qu’un soldat stupide a commandé chez moi. 6+6 b
Aux armes ! que l’issue en soit heureuse ou triste, 6+6 a
Mon cœur parle trop haut pour que je lui résiste, 6+6 a
Il m’ordonne d’agir et d’aller où je vais 6+6 b
220 Sentez-vous comme moi, faites comme je fais ! » 6+6 b
Les cœurs avaient reçu l’étincelle guerrière 6+6 a
Et ce cri s’éleva :
« Nous ferons comme Pierre ! 6+6 a
Nous vivrons, nous mourrons sous son commandement. » 6+6 b
Et tous les bras levés confirmaient ce serment. 6+6 b
225 Et le vieillard se tut, sachant qu’il est des heures 6+6 a
Où le cœur en remontre aux têtes les meilleures ; 6+6 a
Et, gardant ses conseils pour une autre saison, 6+6 b
Au cri venu de l’âme il soumit sa raison. 6+6 b
Il connaît bien d’ailleurs, l’ayant formé lui-même, 6+6 a
230 L’indomptable vouloir du jeune chef qu’il aime. 6+6 a
Puis il goûte en secret le dessein qu’il combat ; 6+6 b
Des mêmes passions il sent son cœur qui bat. 6+6 b
Car, sous les jougs divers que la foule tolère, 6+6 a
Lui, toujours, a frémi de honte et— de colère ; 6+6 a
235 Et, le despote à bas, il s’agit de venger 6+6 b
L’affront qu’imprime au sol la main de l’étranger. 6+6 b
Or, sans autre discours — la parole étant vaine 6+6 a
Quand l’âme est résolue et l’action prochaine, — 6+6 a
Mais, longs à s’embrasser, à se serrer la main, 6+6 b
240 Pierre et le bon docteur se dirent : « A demain ! » 6+6 b
Guettant l’heure propice au grand coup qui s’apprête, 6+6 a
Le jeune chef veillait dans la forêt discrète. 6+6 a
L’ardent vieillard, béni du peuple des hameaux, 6+6 b
Reprit sa course active à soulager les maux ; 6+6 b
245 Semant sous chaque toit ses paroles habiles, 6+6 a
Il disposait les cœurs à des œuvres viriles. 6+6 a
Le foyer des amis l’attendit tout le soir, 6+6 b
Et son retour, hélas ! y trompa leur espoir. 6+6 b
Il rentrait seul !… Pourtant il avait, ô chimère, 6+6 a
250 Promis l’époux, le fils, à l’amante, à la mère ! 6+6 a
Il prédisait à tous la paix, un âge d’or !… 6+6 b
L’homme au sceptre sanglant régnerait-il encor ? 6+6 b
Quel danger imprévu, quelle entrave nouvelle 6+6 a
Retient l’absent chéri loin du seuil qui l’appelle ? 6+6 a
255 Les questions volaient autour du vieil ami. 6+6 b
Lui, contre leur assaut par avance affermi, 6+6 b
Grave, mais d’un ton fait pour écarter la crainte, 6+6 a
Vanta le jeune chef et leur dit tout sans feinte, 6+6 a
Annonça le combat contre les étrangers. 6+6 b
260 Ne cachant ni l’honneur du coup ni ses dangers. 6+6 b
Un cœur de mère en vain comprime ses alarmes, 6+6 a
Rien n’est plus clairvoyant que ses yeux sous leurs larmes ; 6+6 a
D’un regard infaillible, en l’acceptant de nous, 6+6 b
Elle juge un espoir qu’elle implore à genoux. 6+6 b
265 Hier, tous étaient joyeux, la paix était certaine 6+6 a
Un indicible effroi durait chez Madeleine. 6+6 a
De sa longue douleur, plus légère un moment, 6+6 b
Elle reprit le poids sans nul étonnement, 6+6 b
Et son deuil, sous le coup que le sort lui renvoie, 6+6 a
270 Resta silencieux comme l’était sa joie ; 6+6 a
Forte et pieuse, au fond de son cœur qui se fend 6+6 b
Elle ne blâma point son téméraire enfant. 6+6 b
Dans l’âme de Pernette un aussi grand courage 6+6 a
S’exaltait dans l’espoir compagnon de son âge. 6+6 a
275 Fière de ce vaillant qui possédait son cœur, 6+6 b
Elle ne doutait pas de le revoir vainqueur : 6+6 b
Pierre est toujours certain d’accomplir ce qu’il ose ; 6+6 a
Dieu ne saurait faillir à cette juste cause ! 6+6 a
Et la vierge au front pur, debout comme un guerrier, 6+6 b
280 Semblait prête à combattre au sortir de prier. 6+6 b
Le soldat rayonnait aux ardeurs de sa fille. 6+6 a
Lui seul, depuis trois jours, attristait la famille ; 6+6 a
Sombre, le vieux coursier rongeait tout bas le mors ; 6+6 b
L’espoir de ce grand coup l’allégea d’un remords. 6+6 b
285 « Enfin, dit-il, voilà que nos fils sont des hommes ! 6+6 a
Ils sentent comme moi cet opprobre où nous sommes. 6+6 a
Des soldats étrangers sont maîtres du pays ! 6+6 b
Non, je ne veux plus voir, dans nos bourgs envahis, 6+6 b
Ces habits odieux, ces sabres qu’on y traîne ! 6+6 a
290 Ils fuyaient devant nous, conscrits armés à peine ! 6+6 a
Marchons ! donnons la chasse à ces vils animaux ; 6+6 b
Il suffira contre eux des fourches et des faux. 6+6 b
Qu’on sonne le tocsin, que Pierre nous commande ; 6+6 a
Moi, soldat de Moreau, je serai de la bande ! » 6+6 a
295 Le sort était jeté, chacun de nos amis 6+6 b
Aux soins accoutumés se fut bientôt remis. 6+6 b
Offrant la lourde broche au sarment qui pétille, 6+6 a
Veillant à tout, passant du rosaire à l’aiguille, 6+6 a
La mère au coin du feu, sobre de longs discours, 6+6 b
300 Travaillait et priait, triste comme toujours. 6+6 b
Prompt à suivre son cœur, malgré sa tête grise, 6+6 a
Le médecin jugeait au fond leur entreprise, 6+6 a
Mais, tout heureux d’agir, retrouvait à la fois 6+6 b
Sa bonté joviale et son esprit narquois ; 6+6 b
305 Et, pour rompre le cours de toute sombre idée, 6+6 a
De mille mots piquants harcelait l’accordée. 6+6 a
Pour son office à lui, dans l’œuvre de demain, 6+6 b
Il dispose à l’écart ce qu’il a sous la main ; 6+6 b
Et, par lui, la maison voit s’envoler loin d’elle 6+6 a
310 Les noirs pressentiments que sa gaîté flagelle. 6+6 a
Jacques, prêt à l’assaut du Cosaque hideux, 6+6 b
Fourbissait dans un coin son fusil de l’an deux. 6+6 b
Pernette offre à chacun son aide intelligente 6+6 a
Et va de l’un à l’autre, accorte et diligente, 6+6 a
315 Portant son vif esprit, son cœur que rien n’abat, 6+6 b
Des travaux du ménage aux apprêts du combat. 6+6 b
C’est ainsi, chaque porte étant bien verrouillée, 6+6 a
Qu’entre ces vieux amis se passait la veillée ; 6+6 a
Le bon docteur disait :
« Mon poste est près de vous. 6+6 b
320 N’ayant femme au logis dont le cœur soit jaloux, 6+6 b
N’ayant fille ni fils dont le sort m’inquiète, 6+6 a
Je suis jusqu’à demain l’amoureux de Pernette. » 6+6 a
La nuit marchait ; déjà, sur le toit d’à côté, 6+6 b
D’un ton strident et fier le coq avait chanté ; 6+6 b
325 Un taureau matinal mugissait dans l’étable, 6+6 a
Quand le clocher lança le signal redoutable. 6+6 a
Un coup de feu partit… Tous quatre, à ce moment, 6+6 b
Se levèrent d’un bond dans leur tressaillement. 6+6 b
Sur les yeux enflammés les sourcils se froncèrent, 6+6 a
330 Sans dire un mot le père et l’enfant s’embrassèrent. 6+6 a
Pernette au vieux soldat présenta, d’un bras sûr, 6+6 b
Le fusil consacré debout contre le mur ; 6+6 b
Un grand signe de croix arma ces fortes âmes, 6+6 a
Et Jacques s’élança vers le bourg.
Les deux femmes 6+6 a
335 Tombèrent à genoux ; bientôt, se relevant, 6+6 b
L’ouvrage entre elles deux se pressa comme avant. 6+6 b
Fil à fil, sous leurs doigts d’où la neige s’échappe, 6+6 a
La charpie en flocons s’entassait sur la nappe ; 6+6 a
Et du rosaire ami le récit alterné 6+6 b
340 Murmurait vivement sur leur lèvre égrené. 6+6 b
Dans la salle à grands pas, distrait, baissant la tête, 6+6 a
Le docteur songe et va, puis tout à coup s’arrête, 6+6 a
Baise Pernette au front ou lui serre la main, 6+6 b
Répond à leur prière et reprend son chemin, 6+6 b
345 Scrute, l’oreille au guet, comme au lit d’un malade, 6+6 a
Les bruits et les détours que fait la fusillade. 6+6 a
Il combine, il s’efforce, en maints calculs divers, 6+6 b
D’augurer le succès des siens, ou leur revers. 6+6 b
Enfin, il n’y tient plus ! le brave homme s’élance, 6+6 a
350 Pour le champ du combat déserte l’ambulance ; 6+6 a
Car il veut du péril rapprocher le secours. 6+6 b
Or les coups devenaient plus lointains et plus sourds. 6+6 b
A peine il disparut, que la porte rouverte 6+6 a
Rendait un ami sûr à la maison déserte : 6+6 a
355 Dans le trouble commun le pasteur en éveil 6+6 b
Savait bien où porter et l’aide et le conseil, 6+6 b
Et, contre l’ardeur vaine ou l’effroi des batailles, 6+6 a
Il venait raffermir ses plus chères ouailles. 6+6 a
Là-bas tout allait bien : habilement surpris, 6+6 b
360 Les étrangers cédaient le bourg à nos conscrits, 6+6 b
Laissant plus d’un cadavre étendu sur la route. 6+6 a
Je ne sais quel fantôme achevait leur déroute ; 6+6 a
Ils doutaient de leur force, eux, vaincus tant de fois, 6+6 b
Ils tremblaient de marcher sur le vieux sol gaulois. 6+6 b
365 Le château regorgeait de captifs pris au piège. 6+6 a
Sur la place du bourg, rentrés à grand cortège, 6+6 a
Les vainqueurs, les proscrits, doublement délivrés, 6+6 b
Des parents, des voisins s’avançaient entourés. 6+6 b
Dans le bruyant orgueil d’un triomphe rustique, 6+6 a
370 La foule grossissait devant l’église antique. 6+6 a
L’aurore flamboyait sur le clocher vermeil ; 6+6 b
Et, sur sa croix de fer, doré par le soleil, 6+6 b
L’oiseau sacré, le coq joyeux de cette gloire, 6+6 a
Semblait battre de l’aile et chanter la victoire. 6+6 a
375 La jeunesse acclamait son chef aux longs cheveux. 6+6 b
C’étaient de toutes parts des cris, des chants, des vœux : 6+6 b
« Pierre avait tout conduit, aussi vaillant que sage ! 6+6 a
Pierre est le capitaine et le roi du village ! » 6+6 a
Et, comme en souvenir du sacre d’autrefois, 6+6 b
380 Tous les bras enlacés lui faisaient un pavois. 6+6 b
Or, quand il descendit de ce trône éphémère, 6+6 a
C’était sur le sol même où le toit de sa mère, 6+6 a
Où les murs des aïeux rasés par l’empereur 6+6 b
De l’homme impitoyable attestaient la fureur. 6+6 b
385 On reconnut la place, et, du cœur populaire, 6+6 a
Un cri partit mêlé de joie et de colère : 6+6 a
On tenait la vengeance au bout de tant d’affronts ! 6+6 b
« Pierre, disaient-ils tous, nous la rebâtirons. » 6+6 b
Mais l’orgueil du combat ayant jeté ses flammes, 6+6 a
390 De plus tendres besoins s’emparèrent des âmes ; 6+6 a
Sous le toit de famille activement orné 6+6 b
Chacun des chers proscrits fut bien vite entraîné. 6+6 b
Les nappes de Noël par les sœurs étaient mises ; 6+6 a
Le vin vieux fut versé par les jeunes promises. 6+6 a
395 Partout c’est triple joie, et l’on fête, à grand bruit, 6+6 b
Les amis restaurés et le tyran détruit, 6+6 b
Et l’étranger vaincu, dans sa terreur subite, 6+6 a
Laissant le pays fier et libre par sa fuite. 6+6 a
Muse des grands sommets et des petits manoirs, 6+6 b
400 Qui sur le vieux tilleul te poses tous les soirs. 6+6 b
Oiseau des vieux jardins et des vieilles tonnelles, 6+6 a
Muse des prés, des champs, des ruches maternelles, 6+6 a
Si doux que soit ton miel fait des fleurs de nos bois, 6+6 b
Si généreux le sang de la vigne où tu bois, 6+6 b
405 Si purs que soient tes vers notés sous les charmilles, 6+6 a
Pris aux souffles du ciel, aux voix des jeunes filles, 6+6 a
Devant ce cher logis, avec tous tes trésors, 6+6 b
Tu te sens inégale à peindre ses transports, 6+6 b
Quand Pierre sur le seuil, arrivant hors d’haleine, 6+6 a
410 Embrassa tout en pleurs Pernette et Madeleine ! 6+6 a
L’hymne en nous qui se chante à de pareils instants, 6+6 b
La page qui s’écrit dans les cœurs palpitants, 6+6 b
Nulle main, nulle voix, nul effort du génie, 6+6 a
N’en traduiront jamais l’ineffable harmonie ; 6+6 a
415 Tu peux en esquisser à peine un léger trait, 6+6 b
Car l’âme d’une mère en garde le secret. 6+6 b
Dans le foyer, fêtant le retour d’un convive, 6+6 a
Jaillissait des vieux ceps une clarté plus vive. 6+6 a
Que de joyeux sarments s’étaient là consumés 6+6 b
420 Sans tirer un rayon des visages aimés ! 6+6 b
Ce matin, la splendeur du brasier qui flamboie 6+6 a
N’égale pas des yeux la lumière et la joie : 6+6 a
Le soleil au vitrail éclate en ce moment ; 6+6 b
Chaque angle du manoir a son rayonnement ; 6+6 b
425 On lit sur chaque meuble et sur chaque muraille, 6+6 a
Le retour de l’enfant et l’heureuse bataille. 6+6 a
Pas un ami ne manque au toit hospitalier, 6+6 b
Nul anneau n’est rompu du cercle familier ; 6+6 b
On se retrouve enfin ! Ah ? l’épreuve était rude ! 6+6 a
430 Chacun reprend sa place et sa chère habitude. 6+6 a
Jacques, tout fier encor, les regards enflammés, 6+6 b
Suspend son vieux fusil aux clous accoutumés. 6+6 b
Sous son rire gaulois, cachant de grosses larmes, 6+6 a
Le jovial docteur est déjà sous les armes, 6+6 a
435 Et darde aux jeunes gens, avec un trait moqueur, 6+6 b
Les mots les plus amis et les plus doux au cœur. 6+6 b
Des soins multipliés occupent Madeleine. 6+6 a
Forte à dompter la joie aussi bien que la peine, 6+6 a
Laissant aux fiancés l’ivresse du retour, 6+6 b
440 Elle a pris pour sa part les travaux de ce jour. 6+6 b
Sous sa main la maison, fêtant le jeune maître, 6+6 a
Donne tout ce qu’elle a de rustique bien-être ; 6+6 a
Et devant le festin les heureux combattants 6+6 b
Purent s’asseoir bien vite et discourir longtemps. 6+6 b
445 Après l’épanchement des intimes pensées, 6+6 a
Les milles questions par l’absent adressées, 6+6 a
L’histoire du logis, des champs et des travaux, 6+6 b
Les détails répétés qui sont toujours nouveaux, 6+6 b
Il fallut, sérieux comme en conseil de guerre, 6+6 a
450 Discuter et juger la victoire de Pierre, 6+6 a
Et prévoir et parer les coups de l’ennemi, 6+6 b
Et ne pas s’endormir à le croire endormi. 6+6 b
De son premier combat, salué par l’aurore, 6+6 a
Au cœur du jeune chef l’orgueil vibrait encore ; 6+6 a
455 En mille ardents projets, pour affranchir le sol, 6+6 b
Son généreux esprit se lançait à plein vol ; 6+6 b
Et tous, à l’écouter, dans l’indulgent cénacle, 6+6 a
Même le vieux docteur, croyaient à ce miracle. 6+6 a
La pâle inquiétude attristait cependant 6+6 b
460 La beau front du pasteur vénérable et prudent, 6+6 b
Qui, sans un mot de blâme ou de mauvais présage, 6+6 a
Parla selon son cœur et dit d’une voix sage : 6+6 a
« Hélas ! l’horrible guerre envahit nos hameaux ; 6+6 b
Mieux que par des récits nous en savons les maux, 6+6 b
465 Et les balles, déjà, les menaces infâmes, 6+6 a
Ont effleuré la chair des enfants et des femmes. 6+6 a
L’homme insultera donc toujours au cœur humain ! 6+6 b
Toujours son propre flanc saignera sous sa main, 6+6 b
Et l’image de Dieu, son fils, celui qu’il aime, 6+6 a
470 Sera percé du fer comme ce Dieu lui-même ! 6+6 a
Un soldat agit bien, qui meurt pour ce qu’il croit, 6+6 b
Qui s’arme faible et seul pour l’honneur et le droit, 6+6 b
S’arrache pour combattre à ses moissons prospères, 6+6 a
Et frappe l’agresseur du tombeau de ses pères. 6+6 a
475 Pourquoi ce noble orgueil verse-t-il tant de sang, 6+6 b
Tant de sang inutile et surtout innocent ? 6+6 b
Dans la plus juste cause, il faut être économe 6+6 a
Des morts et des terreurs et des larmes de l’homme, 6+6 a
Et ne porter de coups que dans les rangs épais, 6+6 b
480 De ces coups forts et sûrs qui décident la paix. 6+6 b
Qu’importe à tout l’État que notre humble village 6+6 a
Ait, à l’écart, son jour de gloire et de carnage ? 6+6 a
Tout se décide ailleurs ! Et nous avons frappé 6+6 b
Un hôte indifférent, pour une nuit campé, 6+6 b
485 Qui dans nos champs a peine eût laissé quelque ornière 6+6 a
Disparue au matin sous l’herbe printanière. 6+6 a
Qui sait, après ce coup de ton bras généreux, 6+6 b
S’ils ne reviendront pas irrités et nombreux, 6+6 b
Craignant l’exemple, ardents à l’effacer bien vite, 6+6 a
490 D’autant plus forts, hélas ! que nul ne nous imite ? » 6+6 a
Prompt à juger les cœurs d’après son cœur vaillant, 6+6 b
Pierre étendit la main et dit en tressaillant, 6+6 b
Comme s’il engageait le sol par sa promesse 6+6 a
Et s’il prêtait serment pour toute la jeunesse : 6+6 a
495 « Tous feront comme nous, cher pasteur, je le sais ! 6+6 b
Tous ont frémi de voir souiller le sol français. 6+6 b
Chacun se lèvera qui peut tenir une arme ! 6+6 a
Nous avons ce matin poussé le cri d’alarme, 6+6 a
Et, des plus hauts clochers jusqu’aux plus humbles toits, 6+6 b
500 Le vigilant honneur l’a répété cent fois. 6+6 b
Nul n’accepte ce joug, ne veut, plus que moi-même, 6+6 a
Voir sa ville et sa mère et la vierge qu’il aime 6+6 a
Servir docilement le barbare odieux, 6+6 b
Et s’allumer pour lui le foyer des aïeux. 6+6 b
505 Non ! La cité, les champs, ces bois dont j’ai le culte, 6+6 a
Du pas de l’étranger rejetteront l’insulte. 6+6 a
Le sol tremble ! Et, plutôt que souffrir cet affront, 6+6 b
Les monts d’où je descends sur nous s’écrouleront. 6+6 b
— Amis, dit le docteur à la franche figure, 6+6 a
510 Gai convive, toujours, et favorable augure, 6+6 a
Pas de si noir présage, assez de grands combats ! 6+6 b
Tout va plus simplement aux choses d’ici-bas. 6+6 b
Moi, j’en lève la main, sans me croire prophète, 6+6 a
La paix entre les rois, la paix est déjà faite. 6+6 a
515 J’ai comme vous l’horreur du soldat étranger ; 6+6 b
Mais nos coups de fusil n’y peuvent rien changer. 6+6 b
Qu’un paysan de plus se révolte et qu’il meure, 6+6 a
Nos destins, malgré nous, sont réglés à cette heure. 6+6 a
Donc, plus de ces terreurs et de ces fiers courroux ! 6+6 b
520 Nos vaincus, j’en suis sûr, ne songent plus à nous, 6+6 b
Et tout le régiment, replié sur la ville, 6+6 a
Les chefs étant d’accord, y va dormir tranquille. 6+6 a
Faisons comme eux ! Et puis, de la même façon, 6+6 b
Célébrons les exploits de ce vaillant garçon 6+6 b
525 Qui rentre, aimé de tous, dans son pays en fête, 6+6 a
Et par droit de naissance et par droit de conquête. 6+6 a
Puis, comme tout roman, dès lors qu’il finit bien, 6+6 b
Se clôt par un hymen où l’on n’épargne rien, 6+6 b
Prodiguant les lauriers, les myrtes en trophée, 6+6 a
530 Marions dès ce soir le prince avec la fée. » 6+6 a
On sourit : la gaîté du rayonnant vieillard 6+6 b
S’insinuait au cœur avec son franc regard : 6+6 b
Et l’on accepta vite, après tant de secousses, 6+6 a
Le repos de l’esprit sur ces images douces. 6+6 a
535 Ainsi, dans les douleurs, prompte à se décevoir, 6+6 b
L’âme aspire ardemment une lueur d’espoir, 6+6 b
Comme la fleur trempée un rayon qui l’essuie, 6+6 a
Comme la terre sèche une goutte de pluie, 6+6 a
Après ce long exil, l’un près de l’autre assis, 6+6 b
540 Ces braves gens voulaient oublier leurs soucis : 6+6 b
Les amis retrouvés avaient tant à se dire ; 6+6 a
On avait tant pleuré, qu’il fallait bien sourire ! 6+6 a
À son grave discours, le prêtre aux cheveux blancs 6+6 b
N’ajoutait que des mots tendres et consolants. 6+6 b
545 Tel, sous un front serein rêvant au sort contraire, 6+6 a
Au milieu de ses fils, heureux de les distraire, 6+6 a
Gardant pour lui tout seul, dans le joyeux manoir, 6+6 b
L’austère ennui du doute et le soin de prévoir, 6+6 b
Propice à tous les jeux, de sa voix douce, un père 6+6 a
550 Leur montre à l’horizon quelque étoile prospère ; 6+6 a
Tel l’aimable curé, sans donner de conseil, 6+6 b
Prenait sa bonne part de ce jour de soleil, 6+6 b
Mêlant aux longs espoirs quelque sage pensée, 6+6 a
Et louant tour à tour Pierre et la fiancée. 6+6 a
555 Mais, tout en le gardant sur ce sentier fleuri, 6+6 b
Le bon pasteur tremblait pour son troupeau chéri. 6+6 b
À ses yeux prévoyants l’horizon restait sombre ; 6+6 a
Proche ou lointain, l’orage était là-bas, dans l’ombre, 6+6 a
Et malgré lui, hanté de lugubres tableaux, 6+6 b
560 Son cœur rêvait de guerre et de hasards nouveaux. 6+6 b
L’homme de noble sang applaudissait ; le prêtre 6+6 a
Se répétait au fond les paroles du Maître : 6+6 a
Qui du glaive se sert, par le glaive périt. » 6+6 b
Et le doute anxieux rentrait dans son esprit. 6+6 b
565 Tremblant des fiers desseins de ce fils de son âme, 6+6 a
A ses propres leçons il en jetait le blâme, 6+6 a
Et sentait à la fois l’orgueil et le remords 6+6 b
De l’avoir fait pareil à nos plus vaillants morts. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
schéma : 284((aa))
logo du CRISCO logo de l'université