Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
LAP_9/LAP117
Victor de LAPRADE
PERNETTE
1870
CHANT QUATRIÈME
PIERRE ET PERNETTE
Sur les monts dentelés un trait de feu serpente 6+6 a
A l’orient ; la nuit règne encor sur leur pente. 6+6 a
Entre les sommets noirs et le ciel qui rougit 6+6 b
Le sillon d’or au loin s’élance et s’élargit. 6+6 b
5 Tout à coup, émergeant d’une cime encor sombre, 6+6 a
Laissant la plaine immense et les coteaux dans l’ombre, 6+6 a
Par-dessus les brouillards, le disque du soleil 6+6 b
Darde aux monts opposés des teintes de vermeil. 6+6 b
La tête des sapins s’embrase la première ; 6+6 a
10 Toute la forêt baigne, enfin, dans la lumière ; 6+6 a
Aux angles des rochers la flamme en se heurtant 6+6 b
Fait jaillir du granit un rayon éclatant. 6+6 b
Un homme assis là-haut, immobile, en extase, 6+6 a
Comme un bronze au soleil brille sur cette base ; 6+6 a
15 Le torrent lumineux s’écoule devant lui, 6+6 b
Et bientôt à ses pieds toute la plaine a lui. 6+6 b
Le regard du songeur descend avec l’aurore 6+6 a
Vers un petit clocher dont la flèche se dore ; 6+6 a
Et les toits entrevus d’un village lointain 6+6 b
20 Rougissent à travers les vapeurs du matin. 6+6 b
C’est Pierre, et chaque jour il vient sur cette roche, 6+6 a
Aux confins de ce bois d’où la plaine est plus proche. 6+6 a
Loin de ses compagnons, là, rêveur, sans témoins, 6+6 b
Il voit les deux manoirs, ou les devine au moins, 6+6 b
25 Et, poursuivant du cœur une double chimère, 6+6 a
Il cherche à l’horizon et Pernette et sa mère. 6+6 a
Un bruit dans les genêts, un joyeux aboiement, 6+6 b
A ce demi-sommeil l’arrachent vivement. 6+6 b
Il regarde : un chien fauve, aussi prompt qu’une flèche, 6+6 a
30 Jusqu’à ses flancs bondit, flaire ses mains, les lèche. 6+6 a
A ses transports, l’ami bien vite est reconnu. 6+6 b
Mais quel hasard ? Si loin ! Comment est-il venu ? 6+6 b
Lui qui ne quittait pas l’ombre de sa maîtresse. 6+6 a
Et Pierre longuement le flatte et le caresse, 6+6 a
35 Ému d’un vague effroi pour ses chères amours, 6+6 b
Et d’un rêve plus vif croyant songer toujours. 6+6 b
Mais est-ce un rêve ? Au coin de ce bouquet de hêtre, 6+6 a
Sous sa forme élégante il la voit apparaître 6+6 a
Sur les rochers légère et svelte, et s’élevant 6+6 b
40 Comme un joyeux fantôme apporté par le vent. 6+6 b
Ébloui de surprise, enchaîné dans son gîte, 6+6 a
Il sourit au signal du mouchoir qu’elle agite. 6+6 a
Sans faire un pas vers elle… il craindrait de troubler 6+6 b
La vision furtive et prête à s’envoler. 6+6 b
45 A peine, en l’éveillant, au long cri qu’elle pousse, 6+6 a
La chère voix l’arrache à cette erreur si douce. 6+6 a
Muet, les bras ouverts, il hésite et ne croit 6+6 b
Qu’au milieu du baiser qu’il donne et qu’il reçoit, 6+6 b
Quand tous deux, enlacés comme l’orme et le lierre, 6+6 a
50 Eurent bien dit les noms de Pernette et de Pierre ! 6+6 a
Et ce furent des pleurs, des mots à demi-voix, 6+6 b
Brisés par les sanglots et renoués vingt fois, 6+6 b
Des cris et des soupirs, la douleur, l’amour tendre 6+6 a
Ineffable concert, hymne qu’on ne peut rendre ; 6+6 a
55 Pas plus qu’en de vains sons, en des mots sans couleur 6+6 b
On n’exprime la sève et l’arôme des fleurs, 6+6 b
Qu’on ne fait circuler dans l’image inutile 6+6 a
Les clartés de l’aurore et sa chaleur subtile, 6+6 a
Qu’on ne peint le bruit vague et les rythmes secrets 6+6 b
60 Et la fraîcheur du souffle émanés des forêts. 6+6 b
La sainte explosion du cri de la nature 6+6 a
Entre ces cœurs vaillants fut brève autant que pure, 6+6 a
De leur ivresse austère ils sortirent joyeux : 6+6 b
La trace de ces pleurs s’effaça de leurs yeux. 6+6 b
65 Tous deux redevenaient maîtres de leur courage, 6+6 a
Et Pernette, en ces mots, accomplit son message : 6+6 a
« Ami, je ne viens pas t’apporter de l’espoir ; 6+6 b
Le motif est amer de notre doux revoir, 6+6 b
Hélas ! et ce n’est point pour ce charme d’une heure 6+6 a
70 Que j’ose ainsi laisser mon père et ma demeure. 6+6 a
Rien ne présage encor notre lune de miel ; 6+6 b
C’est l’éclair qui nous luit, et non pas l’arc-en-ciel. 6+6 b
Sur vous, sur ces forêts, sur notre cher village 6+6 a
S’amasse et va gronder un formidable orage. 6+6 a
75 Notre sage pasteur n’agit pas au hasard ; 6+6 b
Je te parle en son nom et je viens de sa part ; 6+6 b
Voici que des soldats, sous un chef dur et sombre, 6+6 a
Vers le bourg, disait-il, marchent en très grand nombre. 6+6 a
Comment feront, là-haut, pour éviter leurs coups, 6+6 b
80 Tous ces pauvres enfants, traqués comme des loups ? » 6+6 b
Pierre sourit et dit : « Viennent l’homme et sa bande ! 6+6 a
La montagne est bien haute et la forêt bien grande ! 6+6 a
Fussent-ils plus de mille à fouiller dans nos bois, 6+6 b
Nos sapins sont encor plus nombreux mille fois. 6+6 b
85 Nous y pourrons braver les hordes qu’on nous lance, 6+6 a
Rien qu’en leur opposant cette ombre et ce silence. 6+6 a
Vers nos derniers sommets, s’ils nous suivent trop loin, 6+6 b
Nos rocs, pour les broyer, descendront au besoin. 6+6 b
Chaque arbre des sentiers recèlera sa foudre. 6+6 a
90 N’avons-nous pas, comme eux, du plomb et de la poudre ? 6+6 a
Partout, n’avons-nous pas d’invisibles amis ? 6+6 b
Un aide nous viendra des échos endormis ; 6+6 b
Les vents nous parleront une langue secrète, 6+6 a
Conseillant aux bannis l’attaque ou la retraite. 6+6 a
95 Pâtres et bûcherons, les forêts, les oiseaux, 6+6 b
Tout conspire avec nous, jusqu’aux chiens des hameaux 6+6 b
Je ne crains sur ces monts soldats ni capitaines ; 6+6 a
Une force m’y vient du granit et des chênes. 6+6 a
La terre où je suis né ne me trahira pas ; 6+6 b
100 Je me sens secouru par elle, à chaque pas. 6+6 b
Tant que ces vieux rochers se tiendront sur leur base, 6+6 a
J’y resterai debout, si le ciel ne m’écrase ! 6+6 a
Mais qu’un seul jour, traîné dans un exil fatal, 6+6 b
Je respire un autre air que ce bon air natal, 6+6 b
105 Que je cesse de voir, là-bas, nos plaines grises, 6+6 a
De compter par leurs noms ces bourgs et ces églises, 6+6 a
De me dire, en songeant à ma mère, au manoir, 6+6 b
J’y serai, s’il le faut, et j’y mourrai, ce soir ; 6+6 b
J’entendrai dans mon cœur si Pernette m’appelle, 6+6 a
110 Je veillerai d’ici sur son père et sur elle 6+6 a
Qu’on m’arrache au pays, à ma vieille maison, 6+6 b
Qu’on me donne un palais, un camp, une prison, 6+6 b
Alors, chef ou soldat, que la mort me délivre, 6+6 a
Je ne suis plus un homme, et je ne veux plus vivre ! » 6+6 a
115 Heureuse de le voir, dans ces lieux faits pour lui, 6+6 b
Si ferme à supporter le péril et l’ennui, 6+6 b
La vierge résolut, en s’armant de courage, 6+6 a
De lui dévoiler tout, la ruine et l’outrage ; 6+6 a
Elle commença donc :
« Si, du haut des rochers, 6+6 b
120 Tu vois jusque chez nous, en comptant ces clochers, 6+6 b
Sache que sous mon toit la famille est complète ; 6+6 a
C’est là qu’il faut chercher ta mère avec Pernette ; 6+6 a
Nous n’aurons qu’un foyer pour mieux parler de toi. 6+6 b
Le tien était tombé sous leur méchante loi ; 6+6 b
125 Car, ne pouvant saisir, tuer le réfractaire, 6+6 a
On chasse les parents du chaume héréditaire. 6+6 a
Les murs sont démolis, le sol est ravagé, 6+6 b
Et, s’il perd un soldat, l’empereur est vengé ! » 6+6 b
Pierre entendit : ses yeux d’un fauve éclair brillèrent 6+6 a
130 De son front, de son cou les veines se gonflèrent ; 6+6 a
Entre ses doigts crispés trembla légèrement 6+6 b
Son fusil ; il garda le silence, un moment. 6+6 b
Puis, d’une voix tranquille et sans parole amère : 6+6 a
« Béni soit Dieu qui donne une fille à ma mère, 6+6 a
135 Et, bornant de mon cœur l’inquiet horizon, 6+6 b
L’enferme tout entier dans ta seule maison ! 6+6 b
Ma mère avec orgueil vit chez ma fiancée ; 6+6 a
Nous n’aurons plus qu’un toit n’ayant qu’une pensée ; 6+6 a
Et, quand je t’y suivrai, j’y serai tout joyeux 6+6 b
140 D’y voir naître mes fils où naissaient tes aïeux. 6+6 b
Un jour nous reviendrons à des labeurs prospères. 6+6 a
Je veux faire œuvre d’homme ainsi qu’ont fait nos pères ; 6+6 a
Heureux ou malheureux, je me sens assez fort 6+6 b
Pour aider de ma main ou combattre mon sort. 6+6 b
145 C’est un lâche, il n’est bon qu’à servir sous des maîtres, 6+6 a
Celui qui laisse choir le toit de ses ancêtres ; 6+6 a
Qui ne sait ajouter, par son propre travail, 6+6 b
Un arbre à leur forêt, un bœuf à leur bétail ; 6+6 b
Qui d’un arpent de pré n’élargit pas leur terre 6+6 a
150 Et s’assied sur leur mur sans y mettre une pierre. 6+6 a
Mon toit s’est écroulé sous les coups des méchants ; 6+6 b
Pour me racheter d’eux j’ai dû vendre mes champs ; 6+6 b
Mais je rebâtirai plus solide et plus grande 6+6 a
Notre antique maison, afin que j’y commande. 6+6 a
155 Je veux être un aïeul et fonder à mon tour, 6+6 b
Et les fils de nos fils me béniront un jour. » 6+6 b
Pernette rayonnait ! Admirer ce qu’on aime, 6+6 a
N’est-ce pas un triomphe, une fierté suprême ! 6+6 a
Elle dit :
« Je savais, ami, ce que tu vaux 6+6 b
160 Lorsque je t’ai choisi parmi tant de rivaux. 6+6 b
Mon Pierre est un vaillant ! Bienheureuse est la femme 6+6 a
Qui trouve en son époux honneur et force d’âme ; 6+6 a
Qui, soumise à sa loi, peut, en obéissant, 6+6 b
S’appuyer sur un cœur si juste et si puissant ! 6+6 b
165 Je t’ai pris à jamais pour maître ; et je me vante 6+6 a
D’être mieux qu’une reine en restant ta servante. 6+6 a
Je t’aime d’un amour et de fille et de sœur 6+6 b
Dont je ne puis sonder l’ivresse et la douceur. 6+6 b
Toi, le gai compagnon de mes jeunes années, 6+6 a
170 A travers tous ces jeux où nos amours sont nées, 6+6 a
Toi, si joyeux, si jeune et de si doux aspect, 6+6 b
Tu me remplis souvent de crainte et de respect ! 6+6 b
Lorsqu’à ton bras, feignant quelque frivole envie, 6+6 a
J’ordonne en souriant et je me vois servie, 6+6 a
175 Dans la folle gaîté qui s’échange entre nous, 6+6 b
Parfois, je me sens prête à tomber à genoux. 6+6 b
Peut-être que mon cœur, plus soumis à l’usage, 6+6 a
Devrait, même à tes yeux, se voiler davantage ; 6+6 a
Mais, si je me taisais, dans tes jours attristés, 6+6 b
180 Quelle voix te dirait ces douces vérités, 6+6 b
Écarterait d’un mot tout le fiel qui t’abreuve ? 6+6 a
Qui donc viendrait en aide à cette longue épreuve ?… 6+6 a
Mais laissons le malheur s’épuiser dans son cours 6+6 b
Et restons enlacés fermement, pour toujours. » 6+6 b
185 Debout, en plein soleil, sur une roche étroite, 6+6 a
Pierre vers l’orient étendit sa main droite, 6+6 a
Et, prenant les forêts et les cieux à témoins, 6+6 b
Il dit :
« Va, de ton cœur, je n’espérais pas moins ; 6+6 b
Dieu me l’a grand ouvert et je l’ai su connaître. 6+6 a
190 J’y lis mieux qu’en moi-même et plus avant peut-être, 6+6 a
Et, comme il n’en est pas d’aussi doux, d’aussi pur, 6+6 b
Nul ne sait mieux aimer et d’un amour plus sûr. 6+6 b
Mon exil peut durer ; mon errante existence 6+6 a
Fatiguera ces monts sans lasser ta constance. 6+6 a
195 Attisant le foyer, ou filant sur le seuil, 6+6 b
Pernette m’attendra, près de ma mère en deuil. 6+6 b
Je compte sur sa foi, plus solide et plus forte 6+6 a
Que le granit sacré du rocher qui me porte. 6+6 a
La terre où je suis né me fermera ses bois, 6+6 b
200 Leurs feuilles tomberont et renaîtront cent fois, 6+6 b
Les sources tariront ou fuiront de ma lèvre, 6+6 a
Avant que de son miel ton amour ne me sèvre ; 6+6 a
Et ce sol, pas à pas repris par un vainqueur, 6+6 b
Me manquera plutôt que ton cœur à mon cœur. » 6+6 b
205 C’était un de ces jours de lumière si pure 6+6 a
Que l’œil jusqu’à Dieu perce à travers la nature ; 6+6 a
On respire avec l’air l’espérance et la foi, 6+6 b
Sur ces vives hauteurs où l’homme se sent roi. 6+6 b
Le vent léger et frais, l’odeur de la résine, 6+6 a
210 Les intimes rumeurs de la forêt voisine, 6+6 a
Les lointains entrevus, là-bas, à l’orient, 6+6 b
Un éclair d’infini qui passe en souriant, 6+6 b
Tous ces flots de musique et de couleur intense 6+6 a
Dans nos flancs élargis centuplent l’existence. 6+6 a
215 On se sent un pouvoir égal à tout désir ; 6+6 b
On tendrait vers les cieux la main pour les saisir ; 6+6 b
Et l’on croit, dans son cœur qui se gonfle et ruisselle, 6+6 a
Que l’on va concentrer la vie universelle. 6+6 a
Or, planant au-dessus des splendeurs de ce jour, 6+6 b
220 Dans cet autre infini qui se nomme l’amour, 6+6 b
Puisant l’oubli des maux à ces deux sources saintes, 6+6 a
Ces âmes de vingt ans firent trêve à leurs craintes ; 6+6 a
Sans nul souci des lois et des hommes pervers, 6+6 b
Ils ne voyaient qu’eux seuls et Dieu dans l’univers. 6+6 b
225 Tout leur semblait ami, tout de joyeux présage. 6+6 a
L’espoir se fait si vite accueillir à cet âge, 6+6 a
Et le cœur, appuyé sur un amour certain, 6+6 b
Se croit si sûr de vaincre et l’homme et le destin ! 6+6 b
Les soldats menaçants et les luttes prochaines, 6+6 a
230 Tout fut vite effacé par la mousse et les chênes, 6+6 a
Par les petites fleurs qu’ils cueillaient autrefois, 6+6 b
Par les rochers témoins de leurs jeunes exploits ; 6+6 b
Et, se livrant à Dieu sans nulle défiance, 6+6 a
Ils revinrent aux jours de leur paisible enfance. 6+6 a
235 Ils erraient à loisir sur les monts sinueux, 6+6 b
Tout leur passé riait et s’éveillait en eux, 6+6 b
Pierre disait :
« C’est comme à l’un de nos dimanches, 6+6 a
Je te revois petite avec tes jupes blanches, 6+6 a
Quand nous jasions tous deux, à l’abri des buissons, 6+6 b
240 Parlant de nos oiseaux, des chiens, de nos leçons. 6+6 b
Ton père nous menait visiter ses récoltes ; 6+6 a
Nous essayions, parfois, de joyeuses révoltes, 6+6 a
Grimpant au loin, pillant, sur le bord du sentier, 6+6 b
Et la blanche aubépine et le rouge églantier. » 6+6 b
Pernette poursuivait :
245 « Et plus tard, grande et fière, 6+6 a
Je suivais mon chasseur des prés à la bruyère, 6+6 a
Non sans un peu trembler des coups que j’admirais. 6+6 b
Tous ces pauvres oiseaux, comme je les pleurais ! 6+6 b
Et nous allions ainsi, par nos deux héritages, 6+6 a
250 Entraînés chaque jour vers de plus hauts étages, 6+6 a
Jusqu’aux bois de sapins jadis fermés pour nous 6+6 b
Par la vague terreur des lutins et des loups. 6+6 b
— Mais la douce saison est enfin commencée 6+6 a
Où la petite sœur devint la fiancée, 6+6 a
255 Et se promit à moi dans un aveu charmant, 6+6 b
Dit Pierre, en la baisant sur le front, tristement. 6+6 b
Et nous allions plus haut tenter nos escalades ; 6+6 a
Nos deux amis, souvent, guidaient ces promenades. 6+6 a
Et le savant docteur, mêlant l’étude au jeu, 6+6 b
260 Nous enseignait à lire au grand livre de Dieu, 6+6 b
Nous disait les amours et les vertus cachées 6+6 a
Des plantes dans l’herbier avec art desséchées, 6+6 a
Et comment on applique à mille soins divers 6+6 b
Le bienfait de leurs sucs gardés de longs hivers. 6+6 b
265 — Quels bouquets, dit Pernette, ou plutôt quelles gerbes 6+6 a
Nous rapportions tous deux, rameaux, fleurs, longues herbes 6+6 a
C’était à qui ferait la plus ample moisson, 6+6 b
Mêlerait plus de rire à la grave leçon ; 6+6 b
A qui d’un œil plus vif et d’un pied plus alerte 6+6 a
270 Pousserait plus avant, là-haut, sa découverte ; 6+6 a
Et c’était souvent moi — nous avons un témoin — 6+6 b
Qui trouvais la fleur rare et grimpais le plus loin. » 6+6 b
Et Pierre en souriant :
« Oui, le plus beau trophée 6+6 a
Ornait ce front de reine et cette main de fée, 6+6 a
275 Grâce au vaincu joyeux qui s’empressait encor 6+6 b
D’apporter son tribut pour grossir ton trésor… 6+6 b
Mais voici les rochers que nous ne passions guère, 6+6 a
Et nous avons franchi nos anciennes frontières. 6+6 a
Dans mes États nouveaux entrons ; viens sans effroi, 6+6 b
280 Et connais ces hauts lieux dont le proscrit est roi. » 6+6 b
Sous les sapins, d’abord, ils virent les retraites, 6+6 a
Les huttes de rameaux et les grottes secrètes 6+6 a
Où campaient sous leur chef ses libres compagnons, 6+6 b
Tous enfants du pays, tous connus par leurs noms. 6+6 b
285 Et, propice à chacun, la jeune messagère 6+6 a
Louait les vieux parents, la promise, la mère. 6+6 a
Puis ils montèrent seuls à ce plateau désert, 6+6 b
Ondulant sur nos monts comme un océan vert. 6+6 b
Tels que de noirs clochers au-dessus des bruyères, 6+6 a
290 Là, des volcans éteints surgissent les cratères, 6+6 a
Et les blocs de basalte en leurs entassements 6+6 b
Simulent, tout à coup, d’étranges monuments. 6+6 b
Là, dominant au loin la déserte étendue, 6+6 a
PIERRE-SUR-HAUTE1 en fleurs lève sa tête ardue, 6+6 a
295 Réservoir des torrents et des ruisseaux discrets 6+6 b
Où s’abreuvent tes fils, cher pays de Forez ! 6+6 b
Qui montera là-haut verra tout un royaume, 6+6 a
Tout le pays gaulois du mont Blanc au mont Dôme. 6+6 a
Des aigles au grand vol ce lieu reste ignoré, 6+6 b
300 Mais l’alouette et moi le tenons pour sacré ; 6+6 b
C’est vers lui qu’éveillé par l’humble cornemuse, 6+6 a
Enfant, je m’élançai pour adorer la Muse. 6+6 a
Viens, ô Muse sans nom qui fais là-haut ton miel, 6+6 b
Muse de mon pays, mais fille aussi du ciel, 6+6 b
305 Vierge au front ceint d’airelle et de bruyère rose, 6+6 a
Muse invisible à tous et qui vois toute chose ! 6+6 a
Ouvre à mes yeux obscurs, écartant le brouillard, 6+6 b
Les larges horizons qu’embrasse ton regard, 6+6 b
Et, pour voler plus près des antiques modèles, 6+6 a
310 Donne à ton faible enfant le souffle et le coup d’ailes. 6+6 a
Le premier je t’invoque en ces chastes déserts ; 6+6 b
Que ta virginité s’atteste dans mes vers. 6+6 b
Fais circuler, toujours, à travers ma pensée, 6+6 a
L’air pur de la montagne et sa vertu sensée, 6+6 a
315 Et la salubre odeur des pins de nos sommets 6+6 b
Qui suscite la vie et n’enivre jamais. 6+6 b
D’autres iront cueillir, sous des soleils torrides, 6+6 a
Les savoureux trésors des jardins Hespérides, 6+6 a
En des lieux où l’aspic rampe sous les gazons, 6+6 b
320 Où les fruits éclatants cachent de vils poisons ; 6+6 b
Moi, sur le maigre sol de tes âpres domaines, 6+6 a
Je ferai des moissons plus pauvres, mais plus saines ; 6+6 a
Rien de bas et d’impur ne me suivra chez toi 6+6 b
Et j’y marcherai seul et libre, comme un roi. 6+6 b
325 Viens ! et donne à mes vers, à mes sobres images, 6+6 a
Un solide support fait de maximes sages ; 6+6 a
Que le parfum en fasse oublier les couleurs ; 6+6 b
Qu’on devine le roc sous le velours des fleurs ; 6+6 b
Que dans l’érable ou l’or, selon ta fantaisie, 6+6 a
330 De l’antique sagesse ils cachent l’ambroisie ; 6+6 a
Qu’enfin, dans tout ce livre, honnête et bienfaisant, 6+6 b
L’âme éclate immortelle et que Dieu soit présent ! 6+6 b
C’est lui qui, ce jour-là, sous un ciel tout de flammes, 6+6 a
Ravivait la candeur de ces deux fraîches âmes ; 6+6 a
335 Et, dans ce beau désert, loin de tout œil humain, 6+6 b
Les guidait l’un par l’autre et leur donnait la main. 6+6 b
Ils allaient, ignorant quels radieux complices 6+6 a
Mêlaient au doux revoir ces intimes délices, 6+6 a
Goûtant, à leur insu, la haute volupté 6+6 b
340 De se parler d’amour devant l’immensité. 6+6 b
Et Pernette disait :
« Sommes-nous sur la terre ? 6+6 a
Est-ce toi que je vois, toi que j’écoute, ô Pierre ? 6+6 a
Je t’aime en ce désert d’un amour tout nouveau ; 6+6 b
Jamais je ne t’ai vu si puissant et si beau ; 6+6 b
345 Jamais je n’ai senti, comme sur ces bruyères, 6+6 a
Mon cœur tout débordant d’espoir et de prières ; 6+6 a
Jamais, jusqu’à ce jour, Dieu dans notre amitié 6+6 b
Ne m’a si bien paru s’être mis de moitié. 6+6 b
Par moments, je me crois à l’église : il me semble 6+6 a
350 Que nous y sommes seuls, agenouillés ensemble ; 6+6 a
Que les cierges, pourtant, l’illuminent encor ; 6+6 b
Que l’encens fume au pied du tabernacle d’or ; 6+6 b
Que le prêtre est absent, et, sous la voûte antique, 6+6 a
Que d’invisibles voix achèvent le cantique. » 6+6 a
Pierre lui répondait :
355 « Nous sommes devant Dieu 6+6 b
Enchaînés l’un à l’autre, à jamais, en tout lieu ! 6+6 b
Il ordonne à nos cœurs, bénis de sa rosée, 6+6 a
L’éternelle union par les lois refusée. 6+6 a
Ici-bas, ni là-haut, quel que soit l’avenir, 6+6 b
360 Rien n’aura séparé ce qu’il voulait unir. 6+6 b
Nous sommes mariés comme le sont les anges ; 6+6 a
Ce contrat nous invite à des douceurs étranges ; 6+6 a
J’oublie avec ardeur, sur ce chaste sommet, 6+6 b
Ce qu’il nous interdit dans ce qu’il nous permet. 6+6 b
365 J’ai droit de m’enlacer a ton âme immortelle, 6+6 a
De l’attirer sur moi, de m’appuyer sur elle, 6+6 a
D’entrer dans ses douleurs et de les partager ; 6+6 b
De l’avoir pour refuge à l’heure du danger ; 6+6 b
De cueillir, sans remords, ses pleurs ou son sourire ; 6+6 a
370 De tout entendre d’elle, heureux de tout lui dire : 6+6 a
Et, dans cet infini, comme au ciel les élus, 6+6 b
Ayant tout, j’ai le droit d’espérer encor plus ! 6+6 b
— Oui, Dieu nous a donné, dit sa vive compagne, 6+6 a
Un jour de paradis dans ce coin de montagne. 6+6 a
375 Notre plaine est si loin qu’on se croirait aux cieux ; 6+6 b
Tout un monde nouveau se révèle à mes yeux, 6+6 b
Et je sens, aux rayons de cette clarté pure, 6+6 a
Comment l’on ressuscite et l’on se transfigure. » 6+6 a
Pierre ajoutait :
« Ce lieu si sévère et si doux, 6+6 b
380 Nous voudrons le revoir quand nous serons époux. 6+6 b
Fiers de nous reporter au temps de nos épreuves, 6+6 a
Nous y retremperons nos amours toujours neuves ; 6+6 a
Et dans l’heureux désert plein de ce souvenir, 6+6 b
Sous les regards de Dieu nous viendrons rajeunir. » 6+6 b
385 Ainsi, l’air des hauteurs, et l’amour et leur âge 6+6 a
Avec l’oubli du mal leur donnaient le courage ; 6+6 a
Ils s’emparaient tous deux de l’avenir lointain, 6+6 b
Comme si le présent, hélas ! était certain. 6+6 b
Les hommes et le monde et ses lois insensées, 6+6 a
390 Disparus de leurs yeux, sortaient de leurs pensées. 6+6 a
Ils marchaient seul à seul et, durant tout un jour, 6+6 b
Rien n’exista pour eux qu’eux-mêmes et l’amour. 6+6 b
Un tel jour brille au loin, à travers les ans sombres, 6+6 a
Comme un lac pur au sein des forêts pleines d’ombre, 6+6 a
395 Aux fentes d’un cachot, comme un pan de ciel bleu, 6+6 b
Porte ouverte à l’espoir pour voler jusqu’à Dieu. 6+6 b
Tandis que leur amour, promené sur les cimes, 6+6 a
Aux splendeurs du dehors mêlait ses voix intimes, 6+6 a
L’heure au pied trop rapide et maintes fois trop lent 6+6 b
400 S’éloignait de midi sur l’horizon brûlant ; 6+6 b
Aux promeneurs lassés faisant, après leur course, 6+6 a
Désirer le repos, l’ombre et l’eau de la source. 6+6 a
Au bord d’un large puits qu’abrite un rocher noir, 6+6 b
Sous les pins et les ifs ils revinrent s’asseoir ; 6+6 b
405 Et tandis que Pernette un moment s’y repose, 6+6 a
Vers le camp, bien muni de pain, de toute chose, 6+6 a
Il court ; de ses amis l’art joyeux et frugal 6+6 b
Avait du jeune chef préparé le régal. 6+6 b
Bientôt près de la source il vida la corbeille. 6+6 a
410 Or, durant ce temps-là, Pernette, active abeille, 6+6 a
Butinait sur le sol sans épargner ses pas : 6+6 b
Fraise, airelle et noisette égayaient le repas. 6+6 b
Et le petit panier aux deux anses légères 6+6 a
Qui court si loin, au bras des bonnes ménagères, 6+6 a
415 En quittant la maison, porté sous le manteau, 6+6 b
N’avait pas oublié conserves et gâteau : 6+6 b
Ce fin gâteau, plié d’une blanche serviette, 6+6 a
Que Pierre aime si fort, que fait si bien Pernette ! 6+6 a
Pétillant comme un vin, fraîche comme un glaçon 6+6 b
420 La Fonfort2 leur offrait sa piquante boisson, 6+6 b
Qu’aiguisent mille sels qu’un léger gaz amorce, 6+6 a
Eau propice à la soif et réparant la force. 6+6 a
Ainsi coula pour eux, dans ce vert paradis, 6+6 b
Le goûter, aussi long, aussi gai que jadis. 6+6 b
425 Rire, projets charmants, douces taquineries 6+6 a
Brodaient, comme autrefois, les longues causeries ; 6+6 a
Si bien qu’à ce soleil, dans leurs cœurs éblouis, 6+6 b
Les sinistres pensers s’étaient évanouis. 6+6 b
De larges blocs moussus, d’où l’eau filtre et s’échappe, 6+6 a
430 Leur offraient et le banc et la table et la nappe, 6+6 a
Et de la source heureuse encadraient le miroir, 6+6 b
Les conviés souvent s’y penchaient pour s’y voir ; 6+6 b
Le ciel s’y reflétait tout bleu, pur de nuages, 6+6 a
Et de son vif azur bordait ces deux visages. 6+6 a
435 Des lèvres et des yeux mille signaux charmants 6+6 b
Couraient sur ce cristal entre les deux amants. 6+6 b
Tout à coup, le miroir s’agite : une tempête 6+6 a
Dans l’étroit océan frémit sous chaque tête ; 6+6 a
Un fluide animé, montant du fond de l’eau, 6+6 b
440 Efface en bouillonnant le gracieux tableau. 6+6 b
Alors, on s’écriait ! L’œillade et le sourire 6+6 a
Se disaient de plus près ce qu’ils avaient à dire ; 6+6 a
Les deux fronts se touchaient, mieux que sur le flot clair ; 6+6 b
Et les baisers cessaient de se perdre dans l’air. 6+6 b
445 Quand le soleil, doublant l’ombre qui se projette, 6+6 a
Ordonna le retour à la sage Pernette, 6+6 a
Ils partirent légers, sans larmes, pleins d’espoir ; 6+6 b
Comme s’ils étaient sûrs, demain, de se revoir, 6+6 b
Comme s’ils avaient là, près de cette fontaine, 6+6 a
450 Leur pain de chaque jour et leur table certaine, 6+6 a
Comme s’ils avaient vu, sous ces arbres heureux, 6+6 b
Un autel nuptial déjà dressé pour eux. 6+6 b
Jusqu’aux chemins frayés, bornes de son empire, 6+6 a
Pierre s’aventura, heureux de la conduire ; 6+6 a
455 Il dépassa les champs perdus le long des bois 6+6 b
Où le seigle aux genêts succède quelquefois ; 6+6 b
Puis, l’ornière des chars lui marqua les limites 6+6 a
Des douces régions au proscrit interdites. 6+6 a
Ils laissaient le soleil et les monts derrière eux. 6+6 b
460 L’astre, à demi couché, jetait ses derniers feux ; 6+6 b
L’ombre des voyageurs, oscillant sur le chaume, 6+6 a
S’allongeait à leurs pieds comme un vague fantôme. 6+6 a
Pernette, l’ayant vu, s’arrêta brusquement, 6+6 b
Tressaillit et serra le bras de son amant. 6+6 b
465 Pierre sentit au cœur quelque chose de sombre, 6+6 a
Mais sourit, et lui dit : « As-tu peur de ton ombre ? » 6+6 a
Et, la baisant au front, ajouta « C’est le lieu 6+6 b
Où sera le revoir que nous promet l’adieu. » 6+6 b
L’adieu se fit, profond, muet, dans une étreinte. 6+6 a
470 Sous les fleurs de ce jour avait dormi la crainte ; 6+6 a
Mais chez la douce enfant elle éclatait soudain, 6+6 b
Dès qu’ils eurent franchi le seuil de leur Éden. 6+6 b
Les périls oubliés, les ennemis sans nombre 6+6 a
Se dressaient à ses yeux épouvantés d’une ombre. 6+6 a
475 Il fallut que l’ami, prêt lui-même à pleurer, 6+6 b
Souriant, suppliant, la forçât d’espérer ; 6+6 b
Lui montrât, de partout, d’infaillibles présages, 6+6 a
Et, conscrit de vingt ans, parlât comme les sages. 6+6 a
Il finit par ces mots :
« J’ai maint avis secret, 6+6 b
480 On en sait moins au bourg que nous dans la forêt. 6+6 b
Partant de loin, des lieux où notre sort s’agite, 6+6 a
De bannis en bannis les nouvelles vont vite. 6+6 a
L’homme qui tient sous lui le peuple gémissant 6+6 b
Et qui change l’Europe en une mer de sang, 6+6 b
485 Celui dont les limiers, chasseurs de chair humaine, 6+6 a
Me traquent dans ces bois et m’ont pris mon domaine, 6+6 a
Chancelant sur ce trône où d’autres vont s’asseoir, 6+6 b
S’écroulera demain, et peut-être ce soir. 6+6 b
Alors, libres et fiers dans le village en fête, 6+6 a
490 Nous qui l’avons bravé nous lèverons la tête ; 6+6 a
Et ses camps, nos forêts, ses cachots noirs et sourds 6+6 b
Rendront leurs fiancés aux filles de nos bourgs ; 6+6 b
Les cloches sonneront, et Pierre, sans remise, 6+6 a
Conduira triomphant sa Pernette à l’église. » 6+6 a
495 Que la joie est facile aux âmes de vingt ans, 6+6 b
Et qu’un triste horizon s’égaye en peu d’instants 6+6 b
Quand parle un amoureux, lui qui sait toute chose, 6+6 a
Et qu’il peint l’avenir, et qu’il voit tout en rose ! 6+6 a
Comme on admire en lui l’esprit supérieur, 6+6 b
500 Et combien ses raisons s’imposent vite au cœur ! 6+6 b
Pernette, en l’écoutant, accueillit la lumière ; 6+6 a
Elle crut, elle vit tout ce que voyait Pierre. 6+6 a
Souriant de sa peur, elle essuya ses yeux. 6+6 b
Les baisers du départ furent presque joyeux, 6+6 b
505 Comme ceux que le soir, au hameau, sur la porte, 6+6 a
Donne, et que le matin fidèlement rapporte. 6+6 a
Le retour au manoir s’acheva promptement, 6+6 b
Dans le foyer joyeux flamba le gai sarment ; 6+6 b
Bien avant dans la nuit, à sa clarté légère, 6+6 a
510 Chacun voulait ouïr la vive messagère. 6+6 a
Laissant le coup du soir dans son verre oublié, 6+6 b
Attentif, à son banc Jacques semblait lié ; 6+6 b
Pour la première fois, la douce Madeleine 6+6 a
Achevait sans pleurer son écheveau de laine ; 6+6 a
515 Et, malgré maints récits, maints avis différents, 6+6 b
L’espoir contagieux gagna les vieux parents. 6+6 b
Toi, maintenant, sommeil, sur la blanche couchette, 6+6 a
Viens, en un rêve heureux, dans l’âme de Pernette, 6+6 a
Prolonger cet espoir que tu sais embellir ; 6+6 b
520 Quand luira le soleil, peut-être il doit pâlir ! 6+6 b
Toi, dont le bras, souvent, pèse aux flancs qu’il caresse, 6+6 a
Sommeil, parfois si dur à la triste vieillesse, 6+6 a
Toi qui, dans les palais, ou les humbles réduits, 6+6 b
De tant de jours cruels fais tant d’atroces nuits, 6+6 b
525 Ouvre à cette jeune âme un horizon paisible, 6+6 a
Sommeil de l’âge heureux qui rends le ciel visible ! 6+6 a
En tableaux pleins de grâce et de sérénité, 6+6 b
Peins-lui les souvenirs de ce jour enchanté. 6+6 b
Sur la place, à travers un peuple qui l’assiège, 6+6 a
530 Fifres et violons précèdent le cortège. 6+6 a
Il fait soleil : partout des fleurs et des rubans ; 6+6 b
Dans la rue, à l’église, on monte sur les bancs ; 6+6 b
De fleurs et de rameaux les dalles sont chargées ; 6+6 a
Le large plat d’étain verse à flot les dragées ; 6+6 a
535 Le gai carillonneur sonne ses plus beaux airs, 6+6 b
Cloches et pistolets, des cierges, des cieux clairs, 6+6 b
L’encens, l’odeur des pins, le souffle de la brise, 6+6 a
Les troncs de la forêt, les piliers de l’église, 6+6 a
Hier et demain, mêlés en tout confusément, 6+6 b
540 Lui versent dans ce rêve un même enchantement. 6+6 b
Pierre est là, sérieux, lumineux, haut de taille, 6+6 a
En costume à la fois de noce et de bataille, 6+6 a
Armé de son fusil, fleuri de son bouquet. 6+6 b
L’autel est un rocher, l’église est un bosquet. 6+6 b
545 On se met à genoux sur un banc de bruyères. 6+6 a
Des cantiques d’oiseaux terminent les prières. 6+6 a
Mêlé d’azur, de fleurs, de neige et de soleil, 6+6 b
S’étend sur les époux un poêle sans pareil ; 6+6 b
Nulles visibles mains ne portent ce nuage ; 6+6 a
550 Le bon curé paraît, des pleurs sur le visage, 6+6 a
Dans une chape d’or, sans poser sur le sol. 6+6 b
Des ramiers a l’entour se croisent dans leur vol. 6+6 b
Il parle, et de ses voix un torrent l’accompagne. 6+6 a
Le soleil va passer derrière la montagne ; 6+6 a
555 Le prêtre étend sur eux ses mains et les bénit ; 6+6 b
Le couchant rougit l’herbe et l’autel de granit ; 6+6 b
Les cierges sont éteints, le rocher devient sombre, 6+6 a
L’église et la forêt, tout s’efface dans l’ombre, 6+6 a
Le sommeil s’épaissit… Et, du rêve joyeux 6+6 b
560 En s’éveillant, Pernette avait des pleurs aux yeux. 6+6 b
 1 La plus haute cime des montagne du Forez
 2 Nom populaire des sources d’eau minérale et gazeuse très communes dans le Forez.
mètre profil métrique : 6+6
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