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| = césure
LAP_8/LAP111
Victor de LAPRADE
LES VOIX DU SILENCE
1864
XIX
LE REPOS SACRÉ
La voix du coq et de l’aurore 8 a
A réveillé le moissonneur ; 8 b
Mais rien ici ne bouge encore, 8 a
Hors moi seul, oisif promeneur. 8 b
5 Pas un frisson, pas une haleine 8 a
N’ont ridé l’or des blés épais ; 8 b
Pas un bruit dans l’immense plaine ; 8 a
La nature entière est en paix. 8 b
On dirait que tout se repose : 8 a
10 Non, tout se hâte avec lenteur ; 8 b
L’Esprit caché dans toute chose 8 a
Poursuit son travail créateur. 8 b
La fleur fait doucement sa graine, 8 a
Le bourgeon s’allonge en rameau, 8 b
15 La ruche s’emplit sous le frêne, 8 a
L’œuf se brise et devient l’oiseau. 8 b
Sous les blés prêts à mettre en gerbe, 8 a
Fourmis, cigales et grillons, 8 b
Mille insectes, cachés sous l’herbe, 8 a
20 Creusent, après nous, leurs sillons. 8 b
L’onde invisible qui serpente 8 a
Fuit des fossés vers le ruisseau, 8 b
Et la pierre, en suivant sa pente, 8 a
Glisse de la cime au coteau. 8 b
25 Partout, aux veines de la terre 8 a
Coule un mystérieux ferment ; 8 b
La vie accomplit son mystère 8 a
Du charbon vil au diamant. 8 b
Jamais la grande œuvre ne chôme ; 8 a
30 Poussés d’une invisible main, 8 b
Pas de soleil et pas d’atomes 8 a
Qui s’attardent sur leur chemin. 8 b
Mais de l’astre à la fleur, à l’aigle, 8 a
Au blé qui jaunit dans mon champ, 8 b
35 Tout suit sa mesure et sa règle, 8 a
Pas un bruit qui ne soit un chant. 8 b
Voyez quelle paix infinie 8 a
Dans l’éternelle activité ! 8 b
Tout se meut avec harmonie, 8 a
40 L’homme seul demeure agité. 8 b
Il ne produit rien dans la joie, 8 a
Comme l’arbre produit sa fleur ; 8 b
Le plaisir même le foudroie ; 8 a
Son travail est une douleur. 8 b
45 Qu’il aille ou plus lent ou plus vite, 8 a
Ses chars grincent dans les sentiers ; 8 b
Et du chanteur l’oreille évite 8 a
La voix rauque de ses métiers. 8 b
A ces leçons de la nature 8 a
50 L’homme a beau voir, il ne croit pas ; 8 b
Pour lui la vertu se mesure 8 a
Au bruit qui se fait sous ses pas. 8 b
Moi, nourri dans ce monde agreste, 8 a
Toujours calme et toujours dispos, 8 b
55 Je le vois à l’œuvre, et j’atteste 8 a
La fécondité du repos. 8 b
Je sais ce que l’âme y recueille 8 a
Alors qu’elle y semble dormir, 8 b
Sans voir s’agiter une feuille, 8 a
60 Sans voir un brin d’herbe frémir. 8 b
Je sais quel concert ineffable, 8 a
Quand tout reste silencieux, 8 b
J’écoute, étendu sous l’érable, 8 a
Immobile et fermant les yeux. 8 b
65 Je sais quelle moisson bénie 8 a
Mûrit ce repos bienfaisant, 8 b
Et quelle éloquence infinie 8 a
Le cœur y gagne en se taisant. 8 b
mètre profil métrique : 8
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