Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAP_8/LAP104
Victor de LAPRADE
LES VOIX DU SILENCE
1864
XII
LE MOIS DES MORTS
Novembre a mis, comme un suaire, 8 a
Sa longue robe de brouillards ; 8 b
Le soleil, dans nos cieux blafards, 8 b
Semble une lampe mortuaire. 8 a
5 Les feuilles pendent en haillons 8 a
Au noir squelette de la vigne, 8 b
Et, là-bas, fument des sillons 8 a
Près de ces tombeaux qu’on aligne. 8 b
Le semeur, en grand appareil, 8 a
10 Donne au champ la façon dernière ; 8 b
Comme un mort promis au réveil, 8 a
Le grain est couché sous la terre. 8 b
Mais rien ne parle encor d’espoir ; 8 a
Tout s’endort et tout se recueille, 8 b
15 Il n’est resté ni fleur ni feuille ; 8 b
Le sol est gris, le ciel est noir. 8 a
Connais-tu ces buissons moroses ? 8 a
C’est l’aubépine et l’églantier. 8 b
Où sont les roses du sentier 8 b
20 Et les mains qui cueillaient ces roses ? 8 a
Dans ces prés ne retourne pas ; 8 a
Le bois mort que le vent y sème, 8 b
Avec la trace de vos pas, 8 a
A caché le sentier lui-même. 8 b
25 Tu peux marcher jusqu’à la nuit ; 8 a
Tu seras seul avec ton livre : 8 b
On refuse, hélas ! de te suivre 8 b
Où, jadis, on t’avait conduit. 8 a
Tu n’aurais là d’autre cortège 8 a
30 Qu’oiseaux noirs et loups aux abois ; 8 b
L’hiver a changé dans les bois 8 b
Vos lits de mousse en lits de neige. 8 a
Voici l’heure où le souvenir 8 a
Peuple seul la forêt discrète ; 8 b
35 Sans y troubler aucune fête, 8 b
Les morts peuvent y revenir. 8 a
Au bord des étangs et des chaumes, 8 a
A l’abri dans les chemins creux, 8 b
Tu peux converser avec eux ; 8 b
40 Suis, pas à pas, ces chers fantômes. 8 a
Ils te ramènent par la main 8 a
Dans ce passé que l’on t’envie ; 8 b
Où les lambeaux de votre vie 8 b
Pendent aux buissons du chemin. 8 a
45 Qu’ont-ils fait de leurs premiers charmes, 8 a
Ces jardins aux vives couleurs, 8 b
Où l’on récolte moins de fleurs, 8 b
Hélas ! qu’on n’y sème de larmes ? 8 a
Voici les berceaux familiers 8 a
50 Où, dans la mousse et les pervenches, 8 b
Les baisers chantaient par milliers, 8 a
Comme les oiseaux sur les branches. 8 b
Mais, ces arbres et ces soleils, 8 a
S’ils t’ont prêté l’ombre et la flamme, 8 b
55 S’ils t’ont donné leurs fruits vermeils, 8 a
Ont pris tous des parts de ton âme. 8 b
Tu la jetais à tous les vents, 8 a
Pour un mot, pour un regard tendre… 8 b
Mais, viens, et les morts vont te rendre 8 b
60 Ce qu’ont emporté les vivants. 8 a
Car, là-haut, sur les mêmes grèves, 8 a
Dans ces astres peuplés d’esprits, 8 b
Flottent à la fois les débris 8 b
Et les germes de tous nos rêves. 8 a
65 Là-haut, dans l’immatériel, 8 a
Tout va perdre et retrouver l’être ; 8 b
Quand les morts descendent du ciel, 8 a
C’est pour nous aider à renaître. 8 b
Pur de désirs et de remords, 8 a
70 Fais donc, sans terreurs insensées, 8 b
La moisson d’austères pensées 8 b
Qui se récolte au mois des morts. 8 a
mètre profil métrique : 8
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