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LAP_8/LAP101
Victor de LAPRADE
LES VOIX DU SILENCE
1864
IX
LA TOUR D'IVOIRE
POËME
I
CONSEILS D’ERMITE
LE CHEVALIER, UN ERMITE
L’ERMITE
Par tous les noirs esprits cette route est hantée ; 6+6 a
Évite, ô chevalier, la forêt enchantée, 6+6 a
Fuis les sentiers couverts, fuis l’ombre de ces monts 6+6 a
Où, sous des traits charmants, rôdent d’affreux démons. 6+6 a
5 Va livrer tes combats dans ces heureuses plaines 6+6 a
Où la palme fleurit aux mains des châtelaines. 6+6 a
LE CHEVALIER
J’accomplis un serment qui m’entraîne plus loin ; 6+6 a
La palme que je veux se cueille sans témoin. 6+6 a
Par cette harpe d’or, par cette armure noire, 6+6 a
10 J’ai juré de gravir jusqu’à la Tour d’Ivoire. 6+6 a
Je fuis tout faux honneur et tout laurier banal ; 6+6 a
Je veux voir l’invisible et boire au Saint-Graal. 6+6 a
Trouvère et chevalier, loin de ces molles fêtes, 6+6 a
J’aspire à des amours, à des gloires parfaites. 6+6 a
15 Mais toi-même, ô vieillard si prudent et si vert, 6+6 a
Que fais-tu, seul, dans l’ombre, au bord de ce désert ? 6+6 a
Et pourquoi, si tu crains qu’un jeune homme y périsse, 6+6 a
Braves-tu, d’aussi près, la forêt tentatrice ? 6+6 a
L’ERMITE
Je vis là pour l’exemple et l’avertissement. 6+6 a
20 Revenu de ces bois où chaque fleur nous ment, 6+6 a
J’ai connu, j’ai quitté les villes infécondes 6+6 a
Et je veille aujourd’hui, seul entre ces deux mondes, 6+6 a
Aimant et fuyant l’homme, et me ceignant les reins 6+6 a
Pour marcher sans repos vers le Dieu que je crains. 6+6 a
25 Devant ce faux Éden, prodigue en remontrances, 6+6 a
Je guéris les rêveurs des folles espérances. 6+6 a
LE CHEVALIER
Des pèlerins tremblants reste le conseiller, 6+6 a
Timide voyageur, moi je suis chevalier ; 6+6 a
Pour finir l’aventure à tes mains échappée, 6+6 a
30 J’aurai, de plus que toi, ma harpe et mon épée. 6+6 a
L’ERMITE
Plus heureux et plus pur, instruit par mes revers, 6+6 a
Frappe de plus grands coups, chante de plus beaux vers ! 6+6 a
J’ai reçu comme toi l’éperon et l’écharpe ; 6+6 a
J’ai fait sonner le fer, j’ai fait gémir la harpe ; 6+6 a
35 J’ai fouillé longuement la mystique forêt, 6+6 a
De ses plus noirs détours j’ai percé le secret. 6+6 a
Assisté d’un regard qui m’éclairait dans l’ombre, 6+6 a
J’ai vaincu des géants et des hydres sans nombre ; 6+6 a
Mainte fée au désert m’a conduit pas à pas ; 6+6 a
40 J’eus des guides charmants et je n’arrivai pas, 6+6 a
Où donc le Saint-Graal, où donc la Tour d’Ivoire ? 6+6 a
Je ne les vis qu’en rêve et j’ai cessé d’y croire. 6+6 a
LE CHEVALIER
Je ne les vis qu’en rêve et j’y croirai toujours ! 6+6 a
Peut-être arriverai-je avec d’autres secours : 6+6 a
45 Ces lieux, purgés par toi de tant d’hôtes étranges, 6+6 a
Libres de leurs démons, me réservent leurs anges ; 6+6 a
L’ERMITE
Elles ont disparu des arbres et des fleurs 6+6 a
Celles que j’invoquais et qui séchaient mes pleurs ; 6+6 a
Elles ont disparu des lacs et des fontaines 6+6 a
50 Celles qui m’apportaient le remède à mes peines. 6+6 a
Chassés par les hivers des prés et des buissons, 6+6 a
Les oiseaux de mon cœur ont fini leurs chansons. 6+6 a
Je les ai vues mourir toutes les bonnes fées, 6+6 a
Toutes les blanches mains qui nouaient mes trophées ; 6+6 a
55 Et les dragons hideux, plus nombreux que jamais, 6+6 a
Rampent dans les vallons, hurlent sur les sommets ; 6+6 a
Plus nombreux que jamais, au bord des précipices, 6+6 a
Les pâles nécromants forment leurs maléfices. 6+6 a
LE CHEVALIER
Tu t’es lassé trop tôt, ou tu crains le péril. 6+6 a
60 Tu me parles d’hiver et je suis en avril, 6+6 a
Et des oiseaux Joyeux j’entends les symphonies ! 6+6 a
N’as-tu pas offensé quelqu’un des bons génies ; 6+6 a
Savais-tu quels présents nous leur devons offrir ; 6+6 a
Quels mots mystérieux les forcent d’accourir ? 6+6 a
65 N’as-tu pas, incrédule à quelque fée absente, 6+6 a
Méconnu la plus belle et la plus bienfaisante ? 6+6 a
L’ERMITE
La reine des forêts, m’attachant son collier, 6+6 a
Titania me prit, un soir, pour chevalier : 6+6 a
Titania qui veille autour des jeunes plantes, 6+6 a
70 Rend les eaux, à son gré, plus vives ou plus lentes, 6+6 a
Flotte au milieu des airs sur de molles odeurs, 6+6 a
Et des soleils d’été corrige les ardeurs. 6+6 a
J’ai reconnu ses lois, et j’ai vaincu, par elle, 6+6 a
Les hôtes les plus fiers de la forêt rebelle. 6+6 a
75 Du printemps à l’automne elle a reçu mes vœux. 6+6 a
C’est elle qui répand l’or sur les blonds cheveux, 6+6 a
Les roses sur la joue et sur les seins la neige ; 6+6 a
Qui prolonge aux amours les nuits, ou les abrège ; 6+6 a
Et régit d’un caprice altier, tendre ou moqueur, 6+6 a
80 Tous ces charmes des yeux, les souverains du cœur. 6+6 a
Dans ses palais d’azur j’ai consulté Morgane ; 6+6 a
J’ai suivi, jeune encor, son sillon diaphane : 6+6 a
Celle qui porte au doigt d’impalpables aimants, 6+6 a
Qui des globes sacrés conduit les mouvements, 6+6 a
85 Qui mesure et décrit les bonds de la pensée, 6+6 a
Entre les infinis tient l’âme balancée, 6+6 a
Forme entre les humains et les filles du ciel 6+6 a
Ces nœuds puissants, tressés dans l’immatériel, 6+6 a
Dicte au pâle inspiré les hautes mélodies, 6+6 a
90 L’enlève et le soutient sur ses ailes hardies, 6+6 a
Et berce le songeur dans un monde enchanté 6+6 a
Où le rêve est plus vrai que la réalité. 6+6 a
Guidé par elle, en vain je me suis mis en quête : 6+6 a
Jamais la blanche Tour n’a laissé voir son faîte. 6+6 a
95 J’ai pris dans la forêt par un autre chemin : 6+6 a
Urgèle m’a saisi de son ardente main ; 6+6 a
J’ai volé sur son char, traîné par des panthères ; 6+6 a
J’ai bu l’enivrement de ses baisers austères ; 6+6 a
Elle a plongé mon cœur du volcan au glacier, 6+6 a
100 Et de ma bonne armure elle a trempé l’acier. 6+6 a
J’ai goûté, sur ses pas, dans les nuits ténébreuses, 6+6 a
J’ai goûté les amours, les haines vigoureuses. 6+6 a
J’ai cru, par elle, amant sauvage et furibond, 6+6 a
Aux créneaux de la Tour m’élancer d’un seul bond ; 6+6 a
105 Mais loin du but j’errais dans la forêt sacrée, 6+6 a
Et m’éveillais, encor hésitant, sur l’entrée. 6+6 a
D’autres guides, ainsi, terribles ou charmants, 6+6 a
M’ont perdu, m’ont lassé de leurs enchantements. 6+6 a
J’ai voulu, maintes fois, recommencer l’épreuve : 6+6 a
110 Un esprit m’appelait dans l’antre, au bord du fleuve ; 6+6 a
Ange, ou fée, ou démon, tous ceux en qui j’ai cru, 6+6 a
M’ont laissé sur la route, et tous ont disparu. 6+6 a
LE CHEVALIER
Ces brises du printemps, ce soleil qui m’enivre, 6+6 a
Mes yeux charmés de voir, mon cœur charmé de vivre, 6+6 a
115 Le murmure qui court sur cette harpe d’or, 6+6 a
Tout me dit qu’en ces bois la fée habite encor : 6+6 a
J’ai vu luire un éclair sous leur ombre éternelle ; 6+6 a
Tu n’as pas su trouver ce qui se cache en elle. 6+6 a
L’ERMITE
J’ai revu ces forêts, je les parcours en vain, 6+6 a
120 Plus une fée, une âme, un seul hôte divin ; 6+6 a
Mon appel sans écho meurt sur le roc aride, 6+6 a
Et mes deux bras ouverts se ferment dans le vide ; 6+6 a
Chaque pas, cependant, réveille un ennemi, 6+6 a
Quelque serpent tardif sous la feuille endormi. 6+6 a
125 Des mille êtres, cachés dans l’épaisse verdure, 6+6 a
Nul ne s’annonce à moi que par une blessure. 6+6 a
Du sang des noirs dragons que j’ai frappés du fer, 6+6 a
Des monstres sont éclos pires que ceux d’hier. 6+6 a
Les vampires affreux, les tarasques, les goules, 6+6 a
130 Sous des arbres saignants s’y promènent en foule. 6+6 a
Les pâles nécromants ont repris le pouvoir : 6+6 a
La main ne peut toucher ce que l’œil a cru voir ; 6+6 a
Chaque ange est un démon, chaque source un piège. 11 a
Inventant chaque jour un nouveau sortilège, 6+6 a
135 La noire Mélusine, à travers les halliers, 6+6 a
Conduit jusqu’à son antre et perd les chevaliers ; 6+6 a
Et, s’armant des trésors de ses sœurs étouffées, 6+6 a
Règne seule et survit entre toutes les fées. 6+6 a
Combien de ces vaillants, tous jeunes et joyeux, 6+6 a
140 Tous remplis, comme toi, d’espoirs ambitieux, 6+6 a
J’ai vu, s’étant juré l’impossible conquête, 6+6 a
Entrer dans la forêt comme pour une fête !… 6+6 a
J’aurais bientôt compté ceux qui sont revenus, 6+6 a
Tous vieux, hagards, souillés, sans armes, les pieds nus, 6+6 a
145 L’un pétri d’ironie et l’autre de blasphème, 6+6 a
Aussi tristes que moi, flétris, n’osant plus même 6+6 a
Nommer la blanche Tour objet de leur ardeur, 6+6 a
Et niant le soleil, l’amour et la pudeur. 6+6 a
Et moi je dis : Si bons que soient l’homme et le glaive, 6+6 a
150 Du trésor tant cherché la conquête est un rêve, 6+6 a
Un prétexte aux chansons de Geste, aux doux romans, 6+6 a
Un piège des démons et des vils nécromants. 6+6 a
Insensé qui s’y prend et court cette aventure ! 6+6 a
J’en sauvai ma raison, du moins, et mon armure ; 6+6 a
155 Au plus prochain moustier, me confessant vaincu, 6+6 a
J’ai voué mon haubert, ma lance et mon écu ; 6+6 a
Pour punir mon orgueil, je montre ici ma plaie ; 6+6 a
J’y veux vieillir, propice à tous ceux que j’effraie, 6+6 a
Essayant d’écarter du voyage fatal 6+6 a
160 Ceux qui rêvent de voir, de toucher l’idéal. 6+6 a
LE CHEVALIER
Par la Vierge et les saints, par la foi qui me porte, 6+6 a
De ce monde interdit je franchirai la porte ; 6+6 a
Je ferai de mon bras, je verrai de mes yeux, 6+6 a
Ce que d’autres ont fait, ce qu’ont vu nos aïeux. 6+6 a
L’ERMITE
165 Pauvre inconnu, qui n’as ni renom ni devise, 6+6 a
Va tenter l’impossible, et que Dieu te conduise. 6+6 a
II
APRÈS BATAILLE
Le voilà qui chevauche à travers la forêt, 6+6 a
Vigilant, le cœur haut et la lance en arrêt ; 6+6 a
Il va dans l’inconnu des bois, des chemins sombres, 6+6 a
170 Fuyant tout ce qui luit, scrutant les lieux pleins d’ombres, 6+6 a
Devinant sous les fleurs la guêpe ou le poison, 6+6 a
Craignant l’œil trop ami qui brille hors de saison. 6+6 a
Il ne veut rien toucher que du bout de ses armes, 6+6 a
Résolu d’être aveugle et sourd à tous les charmes, 6+6 a
175 Tant qu’aux sûres clartés d’un infaillible amour 6+6 a
Son cœur n’aura pas vu s’ouvrir la blanche Tour, 6+6 a
Sans risquer de confondre, en cueillant quelqu’ivraie, 6+6 a
La beauté décevante avec la beauté vraie. 6+6 a
Il va ; les noirs esprits, l’éprouvant de leurs coups, 6+6 a
180 Cachés sous mille aspects, rôdent comme des loups. 6+6 a
« Chevalier, vois mes fleurs, » murmure ici la branche. 6+6 a
« Vois mon duvet soyeux, » lui dit l’hermine blanche. 6+6 a
« Cueille mes raisins mûrs, » ajoute un cep grimpant. 6+6 a
— « Je flaire le poison et je vois le serpent. » 6+6 a
185 « Guerrier, sous ce beau frêne, après ta rude course, 6+6 a
Vois ma fraîcheur, et bois de mes eaux, » dit la source. 6+6 a
« Chevalier, » dit le lac qu’il côtoie en chemin, 6+6 a
« Descends, je te convie aux délices du bain. » 6+6 a
— « Mon sang et ma sueur, c’est mon bain sous l’armure. » 6+6 a
190 Un miel coule du chêne et la ruche murmure : 6+6 a
« Prends ce rayon doré. »
— « Ton miel est vite aigri ; 6+6 a
Le pain et le calice en partant m’ont nourri. » 6+6 a
« Guerrier, qui cours si vite aux nobles entreprises, 6+6 a
Cueille, en passant, au bord du panier, ces cerises. » 6+6 a
195 « Ami, voici ma cruche et goûte de ce lait. » 6+6 a
« Ami, voici mes fleurs, prends celle qui te plaît. » 6+6 a
— « Je ne veux rien de vous, dames et pastourelles ; 6+6 a
Passez ! j’accepterais si vous étiez moins belles. 6+6 a
L’enfant au chapelet, vous qui ne m’offrez rien, 6+6 a
200 Recevez le salut d’un chevalier chrétien. » 6+6 a
C’étaient, à chaque pas, tentations pareilles, 6+6 a
Complot malicieux des fruits, des fleurs vermeilles. 6+6 a
Mais, toujours attentif, à travers vaux et monts, 6+6 a
Le guerrier déjouait les ruses des démons ; 6+6 a
205 Tous il les devinait sous leurs multiples formes ; 6+6 a
Tous il les écartait, lutins, dragons énormes, 6+6 a
Ou de sa bonne lance, ou d’un signe de croix. 6+6 a
Nuit et jour, sans sommeil, il marchait par les bois : 6+6 a
Ni la rose en berceaux sur les tapis de mousses, 6+6 a
210 Ni les fines odeurs, ni les paroles douces, 6+6 a
Rien n’arrêtait ce preux pour l’idéal armé, 6+6 a
Fors le devoir d’aller en aide à l’opprimé. 6+6 a
Là-bas, dans ce vallon, quels soupirs lamentables 6+6 a
Percent l’épais rideau des ifs et des érables ? 6+6 a
215 Ce soleil est si pur, ces lieux sont si charmants ! 6+6 a
Quel bruit de pleurs mêlés à des ricanements ? 6+6 a
Suspends, bon chevalier, ton voyage et ton rêve ; 6+6 a
Pour tous les malheureux tu dois tirer le glaive. 6+6 a
Il court, il a pris, seul, libre de son cheval, 6+6 a
220 Le sentier tortueux qui plonge au fond du val. 6+6 a
Sur un tertre moussu d’où filtre une fontaine, 6+6 a
Les pieds scellés au roc par une étroite chaîne, 6+6 a
Une femme est debout, presqu’enfant, et se tord 6+6 a
Dans les convulsions d’un impuissant effort. 6+6 a
225 Trois nains velus, dont l’arc a pour flèche une aiguille, 6+6 a
De mille et mille traits percent la pauvre fille ; 6+6 a
Et six dogues affreux, noirs, hérissés, grondants, 6+6 a
Sont découplés contr’elle et lui montrent les dents. 6+6 a
Sa mort est sûre, horrible. Une méchante fée, 6+6 a
230 Sur un dragon assise et de serpents coiffée, 6+6 a
Mélusine, ivre, heureuse au spectacle du mal, 6+6 a
Excite encor les chiens de son rire infernal. 6+6 a
L’enfant est du village, elle a jupon de bure ; 6+6 a
Sa coiffe de linon cache un peu sa figure ; 6+6 a
235 Ses bras et ses pieds nus, son cou brun et vermeil 6+6 a
Ont reçu largement les baisers du soleil ; 6+6 a
Pour seul bijou, formant sa parure discrète, 6+6 a
Un rosaire de buis pend sur sa gorgerette. 6+6 a
Elle appelle en pleurant et prie avec ferveur, 6+6 a
240 Criant : « Merci de nous, Jésus mon doux sauveur ! 6+6 a
A moi, bon chevalier ! » Il écoute, il s’élance, 6+6 a
Il frappe, et c’est assez du bâton de sa lance : 6+6 a
Les molosses hurlants, les nains, vils ennemis, 6+6 a
Sont broyés sous ses pieds comme un tas de fourmis. 6+6 a
245 Alors d’un bras plus fier, tirant sa bonne lame, 6+6 a
Il va, l’œil enflammé, droit à l’horrible dame ; 6+6 a
D’un seul coup le dragon, prêt à prendre son vol, 6+6 a
Tombe ; un épieu sanglant l’a cloué sur le sol. 6+6 a
Le brave osera plus ; la sombre enchanteresse 6+6 a
250 Sent sur son front ridé la pointe vengeresse ; 6+6 a
L’affreux charme est rompu ; le monstre, en un moment, 6+6 a
Disparaît sous la terre avec un hurlement : 6+6 a
Et le pieux guerrier, sur son armure noire, 6+6 a
D’un grand signe de croix assurait sa victoire. 6+6 a
255 Or la douce captive et le bon chevalier 6+6 a
Couple uni de hasard et déjà familier, 6+6 a
Près de la source, au pied du frêne qui l’ombrage, 6+6 a
Devisaient, car tous deux parlaient même langage ; 6+6 a
Et, des esprits impurs craignant les noirs desseins, 6+6 a
260 Tous deux priaient la Vierge et vénéraient les Saints. 6+6 a
— « Ainsi que vous m’aidez, seigneur, que Dieu vous aide. » 6+6 a
— « A vos chagrins, enfant, que Dieu donne un remède. » 6+6 a
— « Chevalier, que vos coups soient toujours aussi sûrs. » 6+6 a
— « Belle enfant, que vos yeux soient toujours aussi purs. » 6+6 a
265 — « Combien je vous trouvai bon, vaillant, secourable ! » 6+6 a
— « Mon vœu me lie au faible, à tous ceux qu’on accable. » 6+6 a
— « Je n’étais rien pour vous qu’une fille des champs, 6+6 a
Aux projets inconnus et peut-être méchants ; 6+6 a
Que saviez-vous de moi ? »
— « Vous portez le rosaire ; 6+6 a
270 Vous parlez d’une voix si suave et si claire ; 6+6 a
Et j’ai vu quelque part, dire où, je ne le puis, 6+6 a
Entre ces fines mains ce chapelet de buis. » 6+6 a
— « Peut-être au bord des prés où je filais ma laine ? » 6+6 a
— « Ou peut-être au balcon de quelque châtelaine. » 6+6 a
— « Sur le char des faneurs ? »
275 — « Ou sur un palefroi. » 6+6 a
— « Ou chez un bûcheron ? »
— « Peut-être chez le roi. 6+6 a
Je ne sais ; mais déjà ces beaux yeux, ce me semble, 6+6 a
M’ont souri dans un monde où nous étions ensemble. 6+6 a
Je revois vaguement, comme un rêve lointain, 6+6 a
280 Briller ce front discret dans un groupe hautain ; 6+6 a
Je retrouve en mon cœur un écho qui me reste, 6+6 a
Parmi d’altières voix, de cette voix modeste. » 6+6 a
— « Je n’ai jamais porté que ces simples habits ; 6+6 a
Vous ne m’avez pu voir qu’au milieu des brebis. 6+6 a
285 Vos yeux, votre bonté, vous trompent, je le gage ; 6+6 a
Vous êtes de la cour et je suis du village. » 6+6 a
— « Au village, à la cour, sous ces bois chevelus, 6+6 a
Ni mes yeux, ni mon cœur ne s’y tromperont plus ; 6+6 a
Et je ne risque plus, quoique oublié, peut-être, 6+6 a
290 D’oublier cette enfant ou de la méconnaître. » 6+6 a
— « Passât-il sans me voir, dédaigneux ou rêveur, 6+6 a
Moi pourrais-je, un seul jour, oublier mon sauveur ? » 6+6 a
— « Rien ne vous cacherait, ni serge, ni dentelle. » 6+6 a
— « Je vous devinais bon… »
— « Moins que vous n’êtes belle… » 6+6 a
295 — « Seigneur, quand ces méchants m’ont prise en trahison, 6+6 a
Je portais le goûter aux gens de la moisson. 6+6 a
Voyez, là, sous ce chêne entouré de pervenches, 6+6 a
La cruche et le panier couvert de nappes blanches ; 6+6 a
Il faut, après bataille, au chevalier errant, 6+6 a
300 Mieux que le fruit sauvage et que l’eau du torrent ; 6+6 a
Ce repas de ma main n’est pas œuvre savante. 6+6 a
Acceptez-le, pourtant, de votre humble servante. 6+6 a
Je vous atteste, au moins, que nul méchant sorcier 6+6 a
N’y mêla de poison, si le pain est grossier ; 6+6 a
305 Que mes fraises, mes noix et le lait de mes chèvres 6+6 a
Ne se changeront pas en crapauds sous vos lèvres. » 6+6 a
— « Soit dit, rieuse enfant, c’est un festin de roi ; 6+6 a
Mais venez partager vos fraises avec moi. » 6+6 a
Et tous deux, sans façon, ainsi que sœur et frère, 6+6 a
310 Sans souci des géants, des nains, du sort contraire, 6+6 a
Assis près de Peau vive où se mirent leurs yeux, 6+6 a
Épuisent le panier en un goûter joyeux. 6+6 a
Le rire épanouit ces deux franches figures 6+6 a
Car la douce gaîté convient aux âmes pures. 6+6 a
315 — « Maintenant, » fit le preux, « je me dois souvenir 6+6 a
Que d’autres nécromants pourraient bien survenir ; 6+6 a
Chère petite sœur, je veux, quoi qu’il arrive, 6+6 a
Jusqu’au toit de son père escorter ma captive. » 6+6 a
— « Nenni, mon doux seigneur, il ne m’est pas permis ? 6+6 a
320 Grâce à vous, dans ces bois je n’ai plus d’ennemis ; 6+6 a
Vous avez pour longtemps écarté Mélusine ; 6+6 a
La ferme de mon père est d’ailleurs si voisine ! 6+6 a
Je crains les médisants et les propos jaloux 6+6 a
Autant que les sorciers et bien plus que les loups. 6+6 a
325 Adieu ! votre chemin vers le château des fées 6+6 a
Sur ces roches, là-haut, de noirs sapins coiffées 6+6 a
Monte, et le mien descend le long de ce ruisseau ; 6+6 a
Allez à vos combats, je vais à mon troupeau. » 6+6 a
— « Déjà vous m’éloignez, ingrate, je demeure ! » 6+6 a
330 — « Déjà vous commandez et voulez que je pleure ? » 6+6 a
— « Je suis le plus prudent et je veux vous servir. » 6+6 a
— « Moi, je suis la plus faible, on me doit obéir. » 6+6 a
— « J’obéis ; mais qu’au moins, sans laisser de rancune, 6+6 a
J’emporte un souvenir de ma bonne fortune. 6+6 a
335 Je prends du bout des doigts, sans toucher au corset ; 6+6 a
Ce bouquet de trois fleurs noué par un lacet. » 6+6 a
— « Je ne les donnais pas, vous les avez su prendre ! 6+6 a
Gardez-les, » reprit-elle ; et, d’une voix plus tendre : 6+6 a
« Je voudrais vous laisser pour les jours de malheurs 6+6 a
340 Un talisman plus fort que ces trois pauvres fleurs ; 6+6 a
Mais vous aurez aussi ma meilleure prière ; 6+6 a
Je la dis, chaque soir, la main sur ce rosaire. » 6+6 a
— « Donnez prière et fleur, » fit le bon chevalier, 6+6 a
« Tout, rose et marguerite et brin de violier, 6+6 a
345 J’en fais mon talisman, et, dans chaque aventure, 6+6 a
Je porterai toujours ces fleurs sous mon armure. » 6+6 a
— « Mes vœux au ciel, mes vœux s’élèveront pour vous. » 6+6 a
— « Le ciel les entendra, l’écho m’en sera doux. » 6+6 a
— « Que Dieu vous paye, un jour, cette bonne œuvre en gloire. » 6+6 a
350 — « J’ai remporté pour vous ma plus douce victoire, 6+6 a
Soyez sage, toujours ! »
— « Vous, toujours triomphant ! 6+6 a
Adieu, bon chevalier ! »
— « Adieu, la belle enfant ! » 6+6 a
Chacun suivit à part son destin et sa route ; 6+6 a
Ainsi fait-on souvent, hélas ! quoiqu’il en coûte. 6+6 a
355 Mais d’un rêve pareil troublés et palpitants, 6+6 a
Tous deux pour compagnon ils avaient le printemps. 6+6 a
L’air s’emplissait pour eux de baume et d’harmonies ; 6+6 a
Ils allaient escortés par tous les bons génies ; 6+6 a
Les sylphes répétaient, légers, tendres, moqueurs, 6+6 a
360 La chanson qui tout bas se chantait dans ces cœurs. 6+6 a
CHANSON DES SYLPHES
A l’heure où le ciel se colore 8 a
Des premières roses du jour, 8 b
Où le cœur s’éveille et s’ignore 8 a
Tâchez d’éterniser l’aurore. 8 a
365 Restez au matin de l’amour. 8 b
A l’heure où le flot, sur la grève, 8 a
S’enfle et meurt sous un rayon d’or ; 8 b
Où la fleur s’ouvre et se soulève, 8 a
Où l’esprit n’est plus dans le rêve 8 a
370 Sans être dans la vie encor ; 8 b
Où l’avenir a des mirages, 8 a
Où l’horizon riche et lointain 8 b
Se prête aux plus folles images ; 8 a
Où l’œil bâtit dans les nuages, 8 a
375 Où l’âme arrange le destin ; 8 b
Restez dans l’aube, à l’heure fraîche 8 a
Où la fleur garde son velours. 8 b
Laissez son duvet à la pêche : 8 a
Fi du glouton qui se dépêche 8 a
380 De la flétrir sous ses doigts lourds ! 8 b
N’abrégez pas la saison verte 8 a
Où nul frelon n’a dérobé 8 b
Le miel de la rose entr’ouverte, 8 a
Où dans la vigne encor déserte 8 a
385 Nul fruit des rameaux n’est tombé. 8 b
Où, pur de tout désir profane, 8 a
L’amour est sauvé des douleurs : 8 b
Et peut, d’une aile diaphane, 8 a
Toucher au lis sans qu’il se fane, 8 a
390 S’y poser sans courber ses fleurs ; 8 b
Où, dans son indécise enfance, 8 a
On ne sait de quel nom charmant 8 b
Pudeur, amitié, confiance, 8 a
Sous cette robe d’innocence 8 a
395 Baptiser ce doux sentiment ; 8 b
Où l’on se cherche sans mystère, 8 a
Où l’on se rencontre sans peur ; 8 b
Où, chaque soir, dans sa prière, 8 a
L’un peut dire à Dieu : C’est mon frère, 8 a
400 Quand l’autre lui dit : C’est ma sœur. 8 b
A l’heure où le ciel se colore 8 a
Des premières roses du jour, 8 b
Où le cœur hésite et s’ignore, 8 a
Tâchez d’éterniser l’aurore. 8 a
405 Restez au matin de l’amour. 8 b
CHANSON DES ONDINES
Tous les ruisseaux ont des sources connues ; 4+6 a
Toute rosée est un envoi du ciel ; 4+6 b
L’éclair toujours jaillit du flanc des nues ; 4+6 a
Abeille et fleur nous présagent le miel ; 4+6 b
410 Tous les ruisseaux ont des sources connues. 4+6 a
D’où naît l’amour, qu’il soit triste ou joyeux ? 4+6 a
Qu’il soit de miel, de flamme, ou de rosée, 4+6 b
Qu’il ait le rire ou les larmes aux yeux, 4+6 a
Que l’âme en vive, ou qu’elle en soit brisée, 4+6 b
415 D’où naît l’amour, qu’il soit triste ou joyeux ? 4+6 a
Veut-il toujours beauté, grâce ou génie ? 4+6 a
Est-ce un essor vers un être idéal, 4+6 b
Est-ce un caprice, un culte, une harmonie, 4+6 a
Est-ce un accord de l’égal à l’égal ? 4+6 b
420 Veut-il toujours beauté, grâce ou génie ? 4+6 a
La douce flamme a cent foyers divers ; 4+6 a
La douce fleur vient de plus d’une graine, 4+6 b
Fleurit l’été, dans les plus noirs hivers ; 4+6 a
Il naît de tout, et jusque de la haine ; 4+6 b
425 La douce flamme a cent foyers divers. 4+6 a
C’est d’un sourire et souvent d’une larme, 4+6 a
D’un vague instinct qu’on ne peut définir, 4+6 b
D’un mot du cœur, d’un geste qui nous charme, 4+6 a
C’est d’un espoir ou bien d’un souvenir, 4+6 b
430 C’est d’un sourire et souvent d’une larme. 4+6 a
Dieu qui le donne en garde le secret. 4+6 a
Pourquoi dans l’air l’atome qui voltige, 4+6 b
Va-t-il ici semer une forêt, 4+6 a
Là féconder une fleur sur sa tige ? 4+6 b
435 Dieu qui le donne en garde le secret. 4+6 a
On va s’aimer, à quoi le reconnaître ? 4+6 a
L’un près de l’autre on a marché longtemps, 4+6 b
On s’ignorait, se dédaignait peut-être ; 4+6 a
C’était l’hiver et voici le printemps. 4+6 b
440 On va s’aimer, à quoi le reconnaître ? 4+6 a
Le cœur s’est pris dès le premier regard. 4+6 a
On vient tous deux des deux pôles contraires, 4+6 b
On s’aperçoit de loin et par hasard 4+6 a
Du premier coup on s’est reconnu frères. 4+6 b
445 Le cœur s’est pris dès le premier regard. 4+6 a
Un seul rayon a mis le ciel en flamme. 4+6 a
Hier la lumière arrivait lentement, 4+6 b
Tout pâlissait dans les cieux et dans l’âme, 4+6 a
Et ce matin tout brille en un moment ; 4+6 b
450 Un seul rayon a mis le ciel en flamme. 4+6 a
CHANSON DES GNOMES
Crois-tu préserver toujours 7 a
Tes amours 3 a
Et leur fraîcheur matinale ? 7 a
Nous soufflons, d’un air bénin, 7 b
455 Le venin 3 b
Dans la rose virginale. 7 a
Venez du val et des monts 7 a
Noirs démons, 3 a
Accourez lutins et gnomes ! 7 a
460 Chassons les sylphes joyeux ; 7 b
Sous ses yeux 3 b
Promenons d’impurs fantômes. 7 a
Qu’on le force à désirer, 7 a
Effleurer 3 a
465 La pomme d’or qui le tente ; 7 a
Que chez ce couple ingénu 7 b
L’inconnu 3 b
Allume une soif ardente. 7 a
Qu’ils trouvent, dès aujourd’hui, 7 a
470 Un ennui 3 a
Dans l’extase des prémices ; 7 a
Buvant tous deux, à foison, 7 b
Le poison, 3 b
La lie au fond des calices. 7 a
475 Soufflons les doutes moqueurs 7 a
Dans ces cœurs ; 3 a
Que l’un l’autre se renie ; 7 a
Que chacun, perdant sa foi, 7 b
Couve en soi 3 b
480 Les soupçons et l’ironie. 7 a
LE CHEVALIER
Sans peur du gnome impur et du vil nécroman 6+6 a
Je suivrai mon chemin au bord des précipices ; 6+6 b
J’emporte sur mon cœur, j’emporte un talisman 6+6 a
Et, par lui, nous serons sauvés des maléfices. 6+6 b
CHANSON DU CHEVALIER
485 J’ai reçu trois fleurs au départ, 8 a
Violier, rose et marguerite. 8 b
J’ai reçu trois fleurs pour ma part : 8 a
Douce faveur que je mérite, 8 b
Un mot, un sourire, un regard 8 a
490 Un printemps qui me renouvelle ; 8 b
Un mot, un sourire, un regard 8 a
J’ai trois fleurs d’elle ! 4 b
Las ! je n’ai pu la retenir ; 8 a
Mais son adieu me fut si tendre ! 8 b
495 Je ne sais rien de l’avenir, 8 a
Mais j’emporte avec quoi l’attendre. 8 b
Estime, honneur, bon souvenir 8 a
Elle est sage autant qu’elle est belle ; 8 b
Estime, honneur, bon souvenir, 8 a
500 J’ai trois fleurs d’elle ! 4 b
S’il m’est donné de la revoir, 8 a
Je lui dirai pourquoi je l’aime. 8 b
Ces yeux n’ont pu me décevoir, 8 a
Son cœur sera pour moi le même. 8 b
505 Douceur, franchise et bon espoir 8 a
Je la retrouverai fidèle ; 8 b
Douceur, franchise et bon espoir 8 a
J’ai trois fleurs d’elle ! 4 b
III
LABYRINTHE
Ici, dans la forêt, se croisent en tous sens, 6+6 a
510 De longs sentiers tendus comme un piége aux passants. 6+6 a
Nul indice amical du danger ne vous sauve, 6+6 a
Pris entre ces réseaux, comme une bête fauve, 6+6 a
Le triste chevalier s’est signé par trois fois : 6+6 a
Voici quatre chemins qui se coupent en croix. 6+6 a
515 Lequel aboutira jusqu’à la Tour d’Ivoire 6+6 a
Où dans le Saint-Graal il espérait de boire ? 6+6 a
Nul signe qui l’annonce à l’œil le plus subtil ; 6+6 a
Rien ne diffère entre eux… pas même le péril : 6+6 a
Tous sont également bordés de précipices’, 6+6 a
520 Peuplés d’illusions et de fleurs tentatrices ; 6+6 a
Partout, de sombres voix, des cris désespérés 6+6 a
Promettent au vaillant les combats désirés ; 6+6 a
Partout l’or des fruits mûrs et le parfum des ruches, 6+6 a
Partout les oasis lui dressent leurs embûches. 6+6 a
525 Le prudent voyageur, qu’il s’est perdu de fois, 6+6 a
Qu’il a pris et quitté de chemins dans les bois ! 6+6 a
Seul, à bout de calculs, errant à l’aventure, 6+6 a
Il n’a plus qu’à lâcher la bride à sa monture ; 6+6 a
Lorsqu’il entend, là-bas, poindre un bruit de chanson. 6+6 a
530 Une voix s’approchait en longeant le buisson ; 6+6 a
L’accent était si doux qu’il vous saisissait l’âme, 6+6 a
Et le soupçon fuyait la chanteuse… ange ou femme. 6+6 a
« Jamais, se dit le preux, sorcières ni lutins 6+6 a
N’ont eu ce timbre pur et ces sons argentins. » 6+6 a
535 Il est une source au village, 8 a
Clair miroir, 3 b
Où le cœur, comme le visage, 8 a
Peut se voir. 3 b
Mais qui veut interroger l’onde, 8 a
540 Doit, tout bas, 3 b
Lui dire un mot que tout le monde 8 a
Ne sait pas. 3 b
Moi je le sais ! et quand m’invite 8 a
Un amant, 3 b
545 Le bleu miroir m’apprend, bien vite, 8 a
S’il me ment. 3 b
Au premier qui dans la fontaine 8 a
S’est miré, 3 b
J’ai pris l’amour pour de la haine, 8 a
550 J’ai pleuré ! 3 b
Un autre est venu, l’œil humide, 8 a
Plein d’ennui, 3 b
Il semblait si doux, si timide 8 a
Moi j’ai fui ! 3 b
555 Un autre m’aimait à la rage ; 8 a
Front maigri, 3 b
C’était un volcan, un orage 8 a
Moi j’ai ri ! 3 b
Et Cœlia parut à l’ombre de la haie. 6+6 a
560 — « C’est vous, la belle enfant, comme vous êtes gaie ! » 6+6 a
— « C’est vous, beau chevalier, comme vous êtes noir ! 6+6 a
Si loin de votre but où courez-vous ce soir ! » 6+6 a
— « J’ai perdu mon chemin et presque mon courage. 6+6 a
Mais vous, seule, et si tard, et si loin du village ! » 6+6 a
565 — « Moi, je n’ai rien perdu, messire chevalier ; 6+6 a
Je suis dans mon chemin ; ce bois m’est familier ; 6+6 a
J’en appris les secrets de mon parrain l’ermite, 6+6 a
Saint homme à qui tantôt j’allais rendre visite. » 6+6 a
— « Or si l’on rencontrait, seule à courir les bois, 6+6 a
570 Au lieu de son féal un rôdeur discourtois, 6+6 a
Un nécroman ? »
— « Je sais que votre bonne lance 6+6 a
A purgé la forêt de cette mal-engeance. 6+6 a
Or, peut-être la lance a besoin du fuseau 6+6 a
Pour débrouiller ce soir un perfide écheveau ; 6+6 a
575 Et je puis, vers le but qui fuit à votre approche, 6+6 a
Guider l’homme sans peur, moi fille sans reproche. » 6+6 a
— « Partons, et le sentier fût-il sombre et mauvais, 6+6 a
Si vous me conduisez, c’est au ciel que je vais. 6+6 a
Mais nous serions honnis, moi, Bayard, et ma lame, 6+6 a
580 Si j’osais chevaucher ainsi près d’une dame, 6+6 a
Quand ses beaux petits pieds à tenir dans la main 6+6 a
Se meurtriraient pour nous aux cailloux du chemin. 6+6 a
Montez, voici mon bras et voici votre place : 6+6 a
Vous serez pour Bayard un fardeau qui délasse. » 6+6 a
585 Ainsi fut fait ; la belle, alerte et sans effroi, 6+6 a
Saute en croupe et s’assied sur le bon palefroi ; 6+6 a
Et, sous ce poids léger, la bête au cou de cygne 6+6 a
Se cabre allègrement et part au premier signe. 6+6 a
Or, pour se maintenir, l’enfant au cavalier 6+6 a
590 Comme une vigne à l’orme avait dû se lier, 6+6 a
Et d’un bras arrondi contre la noire armure 6+6 a
L’enlacer fortement d’une étroite ceinture. 6+6 a
C’était, sans la chercher, sur la place du cœur 6+6 a
Qu’elle appuyait ainsi sa douce main de sœur. 6+6 a
595 Les gantelets pendaient à l’arçon de la selle. 6+6 a
Le preux mit une main sur la main de la belle, 6+6 a
L’osa saisir, enfin la pressa longuement ; 6+6 a
Et la main restait là, comme un consentement. 6+6 a
Tremblants tous deux de faire envoler cette étreinte 6+6 a
600 Ils se taisaient ; le charme était mêlé de crainte : 6+6 a
Mais le cœur le plus pur ne pouvait s’y tromper, 6+6 a
Au dangereux silence il fallait échapper. 6+6 a
— « Chevalier, dit l’enfant, je crois que je sommeille ! 6+6 a
Voici dans l’air un bruit qui passe et qui m’éveille ; 6+6 a
605 Il se répète encor ; je ne l’ai pas rêvé : 6+6 a
C’est un clocher lointain qui nous sonne l'Ave ! 6+6 a
S’il vous plaisait prier avec moi, tout à l’heure ? 6+6 a
Quand elle est faite à deux la prière est meilleure. » 6+6 a
— « J’ai même foi que vous, j’ai même espoir, prions ! 6+6 a
610 Récitez les versets, je dirai les répons. » 6+6 a
Le chemin était long et le bois solitaire : 6+6 a
La dame proposa de doubler le rosaire ; 6+6 a
Et l’Ave Maria recommençait toujours, 6+6 a
Comme pour les sauver des périlleux discours ; 6+6 a
615 Et, dans la blanche main, qui conservait sa place, 6+6 a
Le chapelet de buis roulait sur la cuirasse. 6+6 a
Émus tous deux, mais fiers, retenant leur aveu, 6+6 a
Ils allaient sans rien dire, ou se parlaient en Dieu. 6+6 a
Ce doux trajet, mêlé d’amour et de prières, 6+6 a
620 Serpenta longuement des taillis aux clairières, 6+6 a
Puis un chemin s’offrit plus, droit et plus ouvert, 6+6 a
Au bout de ces sentiers perdus dans le désert. 6+6 a
— « Vous pouvez, de ce pas, aller seul et sans crainte, 6+6 a
Chevalier, vous voilà tiré du labyrinthe. » 6+6 a
625 — « Sitôt ! je l’aurais cru plus long et moins charmant. » 6+6 a
— « Adieu ! la nuit menace, et, sans perdre un moment, 6+6 a
Vers ce rocher, là-haut où la neige miroite, 6+6 a
Dirigez-vous, suivant toujours la ligne droite. 6+6 a
Adieu ! »
La voix tremblante et le cœur tout en feu, 6+6 a
630 Sans trouver d’autre mot, il répétait : « Adieu ! » 6+6 a
Gardant sa main. L’enfant d’un saut, preste et légère, 6+6 a
S’arrache et disparaît dans la haute fougère. 6+6 a
Il partit, absorbé, sans penser et sans voir. 6+6 a
La nuit n’effaçait point l’éclair de ce beau soir ; 6+6 a
635 D’une ardente lumière il avait l’âme pleine 6+6 a
Et, toujours, de ce bras sentait la douce chaîne. 6+6 a
Qu’il regretta longtemps ces sentiers hasardeux 6+6 a
Qu’on fait d’un pas si sûr quand on y marche à deux ! 6+6 a
Et, pour ce cœur jadis épris de solitude, 6+6 a
640 Dans ce vide éternel que le voyage est rude ! 6+6 a
Tout à son cher ennui, des vallons aux sommets 6+6 a
Il marchait sans compter, ni s’arrêter jamais ; 6+6 a
Et la lune, déjà, s’éteignait dans l’aurore 6+6 a
Qu’il rêvait de sa dame et cheminait encore. 6+6 a
645 Mais de son bon cheval il eut enfin pitié. 6+6 a
Son palefroi, c’était sa plus vieille amitié ! 6+6 a
Il saute, et, le flattant, du harnais le dégage. 6+6 a
Un ruisseau leur offrait la verdure et l’ombrage ; 6+6 a
Et, tandis que Bayard tondait l’épais gazon, 6+6 a
650 Assis, les yeux perdus dans le vague horizon, 6+6 a
Sans quitter le haubert, la cuirasse et l’écharpe, 6+6 a
Le chevalier chanteur se souvint de sa harpe. 6+6 a
Toutes les fleurs s’ouvraient dans les prés d’alentour ; 6+6 a
Tous les nids s’éveillaient et saluaient le jour. 6+6 a
CHANSON DU CHEVALIER
655 J’ai tenu sa main dans la mienne, 8 a
J’ai tenu sa main sur mon cœur ; 8 b
Croyez-vous qu’elle s’en souvienne ? 8 a
Était-ce hasard ou faveur ? 8 b
Je ne sais ! Mais j’ai la folie 8 a
660 De m’en faire un gage d’espoir 8 b
Qu’elle m’aime ou qu’elle m’oublie, 8 a
J’ai tenu sa main tout un soir. 8 b
Quand je l’ai doucement pressée, 8 a
La blanche main n’a pas frémi ; 8 b
665 Pourtant elle me l’a laissée 8 a
Faut-il croire qu’elle a dormi ? 8 b
Si ce fut malice ou mensonge, 8 a
L’avenir me le fera voir. 8 b
Mais non, ce n’était point un songe 8 a
670 J’ai tenu sa main tout un soir. 8 b
J’ai senti sur cette main fraîche 8 a
S’étendre une molle tiédeur ; 8 b
Du velours ambré de la pêche 8 a
Ma main garde la fine odeur. 8 b
675 Quelle ironie, ou quelle ivresse, 8 a
Perçait dans ce doux nonchaloir ? 8 b
Je l’ai pris pour une caresse 8 a
J’ai tenu sa main tout un soir. 8 b
Voudra-t-elle, un jour, me la rendre, 8 a
680 En me disant : C’est pour jamais ! 8 b
Est-ce humeur légère, ou cœur tendre ? 8 a
A-t-elle vu que je l’aimais ? 8 b
Son front est pur, son âme est belle : 8 a
Non, je n’ai pu me décevoir ! 8 b
685 Mais, dusse-je en mourir loin d’elle, 8 a
J’ai tenu sa main tout un soir. 8 b
CHANSON DES LUTINS
Faveur rare et qui t’émerveille ! 8 a
Toucher sa main du bout des doigts, 8 b
En se disant qu’elle sommeille. 8 a
690 Un mendiant au coin du bois 8 b
Obtient félicité pareille : 8 a
Toucher sa main du bout des doigts ! 8 b
Heureux amant trop téméraire ! 8 a
Du merle entends-tu le sifflet ? 8 b
695 Sous l’ombrage, oh ! que viens-tu faire ? 8 a
C’est pour y dire un chapelet 8 b
Que la pelouse est solitaire 8 a
Du merle entends-tu le sifflet ? 8 b
La douce brise est éveillée : 8 a
700 C’est pour répondre à l’oraison. 8 b
La rose est de neuf habillée ; 8 a
Le cerf brame sur le gazon ; 8 b
L’oiseau chante sous la feuillée : 8 a
C’est pour répondre à l’oraison. 8 b
705 Oh ! perle de galanterie ! 8 a
Chevalier, tu sais ton devoir : 8 b
Quand l’occasion est fleurie, 8 a
La mousse épaisse et le bois noir, 8 b
Attends que la dame t’en prie 8 a
710 Chevalier, tu sais ton, devoir. 8 b
Elle en rit ; peut-être elle en pleure 8 a
Mais le démon n’y perdra rien. 8 b
La belle aura chance meilleure, 8 a
Un ami moins aérien. 8 b
715 Tu n’as pas profité de l’heure ; 8 a
Mais le démon n’y perdra rien. 8 b
CHANSON DES SYLPHES
Un sourire, un doux geste, ô faveurs printanières, 6+6 a
Un regard ! 3 b
Rien n’efface du cœur ces extases premières, 6+6 a
720 Rien, plus tard. 3 b
L’été donne, à foison, rose et fraise vermeille, 6+6 a
Lis divins ; 3 b
L’automne a répandu son urne et sa corbeille ; 6+6 a
Fruits et vins ; 3 b
725 On remplit chaque jour les celliers et les verres, 6+6 a
Sans péril ; 3 b
On vous regrette encor, craintives primevères, 6+6 a
Fleurs d’avril ! 3 b
Puis, quand la coupe est vide et la rose pâlie, 6+6 a
730 Le ciel noir, 3 b
On se rappelle encor, si le reste s’oublie, 6+6 a
Ce beau soir 3 b
Où l’on tenait sa main, où l’on voyait sourire 6+6 a
Ses yeux bleus, 3 b
735 Où la timide enfant vous livra, sans rien dire, 6+6 a
Ses aveux. 3 b
Fais de ces bonheurs, purs de remords et d’alarmes, 6+6 a
Ton trésor : 3 b
C’est le joyau sacré qui, dans le temps des larmes, 6+6 a
740 Brille encor. 3 b
IV
LE TALISMAN
Des pins sont clair-semés sur les bruyères sèches, 6+6 a
Noirs au fond d’un ciel rouge, aigus comme des flèches. 6+6 a
Des pics, à l’horizon fermé de toute part, 6+6 a
Des sommets dentelés déchirent le regard. 6+6 a
745 Voyez, dans ce ravin où, sur la roche aride, 6+6 a
Un vieux hêtre amaigri verse une ombre torride, 6+6 a
Seul dans son manteau sombre, étendu comme un mort, 6+6 a
Voici le cavalier, sans son cheval ; il dort. 6+6 a
Le fidèle Bayard, expirant à la peine, 6+6 a
750 Gît exposé, là-bas, aux corbeaux de la plaine. 6+6 a
La cuirasse et l’écu sont faussés ; le haubert, 6+6 a
Bosselé, d’une rouille épaisse est recouvert. 6+6 a
Le preux n’a sous sa main qu’un tronçon de sa lance ; 6+6 a
Sa harpe a disparu. Son glaive et sa vaillance, 6+6 a
755 Son vœu de marcher droit dans son âpre sentier 6+6 a
Et son amour… c’est tout ce qu’il gardait d’entier, 6+6 a
Il s’éveille, et debout, l’œil fier, sans un murmure, 6+6 a
Il prie, en rajustant tous ces lambeaux d’armure. 6+6 a
Or, voilà qu’en formant un grand signe de croix, 6+6 a
760 Il sent, contre l’acier, s’agiter, sous ses doigts, 6+6 a
Un chapelet de buis… Ô trouvaille imprévue ! 6+6 a
Celui qui l’autre soir, s’il en croit à sa vue, 6+6 a
Bénissant et charmant les longueurs du chemin, 6+6 a
S’égrenait sur son cœur dans une blanche main. 6+6 a
765 D’où vient ce don ? quelle est cette fortune étrange ? 6+6 a
Est-ce un larcin commis pour lui par son bon ange ? 6+6 a
Sa dame est donc venue, elle a prié pour lui, 6+6 a
Veillé sur son sommeil, pleuré de son ennui ! 6+6 a
La belle au jupon court, rustiquement coiffée, 6+6 a
770 Au lieu d’une bergère est peut-être une fée ? 6+6 a
Peut-être elle se cache et paraîtra soudain ? 6+6 a
« J’ai sa douce pitié… si c’était son dédain ! 6+6 a
Mais qu’il vienne d’un ange ou soit donné par elle, 6+6 a
Que l’adorable enfant soit fée ou pastourelle, 6+6 a
775 Ce présent m’est un gage, un espoir assuré ; 6+6 a
C’est le vrai talisman et par lui je vaincrai. » 6+6 a
Et, déjà, d’un pas ferme il a repris sa route, 6+6 a
Guéri de sa fatigue et sauvé de son doute, 6+6 a
Paisible, et d’un regard qui brave le destin 6+6 a
780 Interrogeant l’espace et l’horizon lointain. 6+6 a
Là-bas, à l’occident, apparaît comme un rêve 6+6 a
Un mont étrange, assis sur une large grève ; 6+6 a
Ses pieds semblent baignés par un Océan noir ; 6+6 a
Un nuage léger, vermeil, riant à voir, 6+6 a
785 Dorant de ses reflets la nuit qui l’environne, 6+6 a
Descendu sur son front le voile et le couronne. 6+6 a
Dans l’or de ces brouillards fantasques et charmants 6+6 a
L’œil se joue et bâtit de vagues monuments : 6+6 a
Le voyageur subit ce merveilleux prestige ; 6+6 a
790 Un instinct vers ce but, malgré lui, le dirige : 6+6 a
Il marche, en méditant, plein de joyeux accords ; 6+6 a
Le vol de sa pensée a soulevé son corps. 6+6 a
« Triste et seul je portais la vie 8 a
Pour garder l’honneur jusqu’au bout. 8 b
795 Je combattais, sans autre envie 8 a
Que mourir en restant debout. 8 b
Sans m’avouer ma lassitude, 8 a
Je sentais bien, à chaque pas, 8 b
Que l’orgueil et la solitude 8 a
800 Au plus fort ne suffisent pas. 8 b
Je vivais, chevalier sans dame, 8 a
Sans ferveur, à peine chrétien ; 8 b
Je me disais du fond de l’âme : 8 a
Rien ne m’est plus, plus ne m’est rien. 8 b
805 J’allais par hasard, par miracle : 8 a
Las d’agir, plus las de rêver ; 8 b
En touchant le but ou l’obstacle, 8 a
Je n’aurais pu me relever. 8 b
Aujourd’hui, tout me sollicite 8 a
810 A tenter l’œuvre en qui j’ai foi ; 8 b
Je sens mon cœur qui ressuscite ; 8 a
Et mon but s’approche de moi. 8 b
Vainqueur, j’ai des témoins, un juge ; 8 a
Je sais quels prix me sont offerts. 8 b
815 Vaincu, je connais mon refuge : 8 a
Deux bras chéris me sont ouverts. 8 b
J’ai des amours sûrs et fidèles, 8 a
Si tout le reste est hasardeux. 8 b
J’étais las… mon ange a des ailes 8 a
820 Pour nous emporter tous les deux. 8 b
Quoi donc me reste inaccessible, 8 a
Si Dieu me garde un tel secours ? 8 b
A cœur aimant rien d’impossible : 8 a
L’inconnu m’appelle et j’y cours. » 8 b
UNE VOIX
825 Oui, tu l’as bien comprise, et tu parles pour elle : 6+6 a
C’est bien ce fier amour qu’elle veut t’inspirer. 6+6 b
Dieu tira de vos cœurs cette double étincelle, 6+6 a
Pour luire et non pour dévorer. 8 b
Gardez l’ardent rayon pur de tout vil mélange. 6+6 a
830 Pour faire ici le bien, pour monter vers le beau, 6+6 b
Elle et toi, vous serez les deux mains du même ange, 6+6 a
Les deux ailes du même oiseau. 8 b
C’est pour souffrir à deux qu’on se trouve et qu’on s’aime. 6+6 a
Qu’importe la douleur ou le plaisir banal, 6+6 b
835 Si plus haut vers le ciel, plus haut dans l’idéal 6+6 b
On est porté par l’amour même ? 8 a
CHANSON DES GNOMES
Écoutez, joyeux démons, 7 a
Les sermons 3 a
D’un amour à face blême, 7 a
840 Préludant, soir et matin, 7 b
Au festin, 3 b
Par des propos de carême. 7 a
Oh ! les tristes amoureux, 7 a
Sots, peureux, 3 a
845 Glacés, transis par les fièvres, 7 a
Qui, pouvant boire à plein cœur 7 b
Ma liqueur, 3 b
S’enivrent du bout des lèvres ! 7 a
Que c’est bien passer le temps 7 a
850 Du printemps ; 3 a
Quels doux plaisirs sont les vôtres ! 7 a
Eh quoi ! lèvres de corail, 7 b
Dents d’émail, 3 b
Pour dire des patenôtres ? 7 a
855 On laisse — et l’on croit aimer ! — 7 a
Tout chômer : 3 a
Œil lutin, bras de sirène, 7 a
Sein de lis et cheveux d’or, 7 b
Ce trésor 3 b
860 A faire un manteau de reine. 7 a
Mêlez donc, vous ferez mieux, 7 a
Ces cheveux 3 a
Au crin des âpres cilices ; 7 a
Faites-en, triste jouet, 7 b
865 Un long fouet 3 b
Pour fustiger les novices. 7 a
Qu’on me vienne, en tel émoi ; 7 a
Faire à moi 3 a
Cette morale imprudente ; 7 a
870 Je mets vite à la raison, 7 b
En prison, 3 b
Les lèvres de la pédante ! 7 a
Honnis soient le Saint-Graal, 7 a
L’idéal, 3 a
875 Et nargue de la croisade ! 7 a
Au coin du bois, pour saisir 7 b
Le plaisir, 3 b
Viens te mettre en embuscade. 7 a
Tu vas contre le courant 7 a
880 Du torrent, 3 a
Il est plus doux de le suivre. 7 a
Pourquoi chercher des tournois, 7 b
Des exploits 3 b
Comme on en fait dans les livres ? 7 a
885 Pourquoi jeûner, dans l’espoir 7 a
De t’asseoir 3 a
Chez ceux de la Table ronde, 7 a
Quand le festin de l’amour, 7 b
Nuit et jour, 3 b
890 Est servi pour tout le monde. 7 a
UNE VOIX
Va ! rêve encor vertus et travaux fabuleux, 6+6 a
Coupes de diamants d’un sang divin remplies, 6+6 b
Amour éternisé dans un champ de lis bleus 6+6 a
La terre n’a de bon que ces saintes folies. 6+6 b
895 Un prodige s’est fait : le triste abandonné 6+6 a
A trouvé sur sa route une sœur douce et tendre ; 6+6 b
Ce miracle d’amour, c’est à toi de le rendre, 6+6 b
De le rendre en honneur à qui te l’a donné. 6+6 a
Poursuis donc ta chimère, escalade les nues ; 6+6 a
900 Devant ce talisman les deux s’abaisseront ; 6+6 b
Monte ! et si tu ravis des perles inconnues, 6+6 a
Reviens en étoiler son front. 8 b
La montagne au couchant rayonnait haute et Gère. 6+6 a
Lui fasciné, poussé du cœur vers la lumière, 6+6 a
905 Il court, et dans sa foi rien ne peut l’ébranler ; 6+6 a
Mais le brillant sommet paraissait reculer. 6+6 a
Chaque jour, forçant l’homme à de nouveaux miracles, 6+6 a
Abrégeant la distance entassait les obstacles. 6+6 a
Tous ses premiers combats n’étaient que jeux d’enfant : 6+6 a
910 Cent hydres succédaient à l’hydre qu’il pourfend ; 6+6 a
Des gouffres ténébreux s’ouvraient dans chaque ornière ; 6+6 a
Tout l’enfer s’amassait pour la lutte dernière. 6+6 a
Un monstre à chaque pas, né de l’air ou du sol, 6+6 a
Lui barrait le chemin, le heurtait dans son vol ; 6+6 a
915 Ce n’étaient que géants, dragons de toutes tailles ; 6+6 a
Et le fer s’ébréchait sur leurs dures écailles. 6+6 a
Dès qu’un instant, le bras se reposait vainqueur, 6+6 a
D’autres plus grands périls venaient tenter le cœur : 6+6 a
Le monde est tout fleuri de ces dangers qu’on aime ; 6+6 a
920 Il faut, à chaque pas, percer un stratagème, 6+6 a
Du fruit le plus vermeil repousser le poison, 6+6 a
Et du lis le plus blanc la noire trahison. 6+6 a
Des belles aux bras nus, formant un joyeux groupe, 6+6 a
L’enlaçaient dans la ronde et lui tendaient la coupe. 6+6 a
925 D’insidieux festins, sous des rosiers servis, 6+6 a
S’offraient à tous les sens du même coup ravis. 6+6 a
L’insecte aux feux impurs le piquait sous le frêne. 6+6 a
Tout arbre a sa dryade et tout flot sa sirène ; 6+6 a
Sur tous les lacs, émus du bruit des instruments, 6+6 a
930 On voit, de chaque rive, en des lointains charmants, 6+6 a
Briller la harpe d’or entre deux seins de neige. 6+6 a
Jusqu’aux nids des ramiers qui vous dressent leur piège. 6+6 a
On boit dans l’air des soifs qu’on ne peut apaiser, 6+6 a
Et tout ce qu’on écoute a le son d’un baiser. 6+6 a
935 Il part ; et si la dent ou la griffe le blesse, 6+6 a
Le sourire émoussé meurt contre sa sagesse, 6+6 a
Et pas plus le soupir que le rugissement 6+6 a
De son ferme sentier ne l’écarte un moment. 6+6 a
Il parviendra ! Voici le rocher sur la grève : 6+6 a
940 Ses deux mains ont touché ce qu’avait vu son rêve. 6+6 a
Mais combien las, vieilli, consumé par l’effort, 6+6 a
Et dans quel dénuement il va gagner le port ! 6+6 a
N’ayant pour assaillir la muraille escarpée 6+6 a
Qu’un chapelet de buis et qu’un tronçon d’épée. 6+6 a
945 Au milieu d’un jardin fermé d’un haut rempart, 6+6 a
L’immaculé donjon invitait le regard ; 6+6 a
Il émergeait de l’ombre et de la roche noire ; 6+6 a
Le jour naissant jouait sur les créneaux d’ivoire, 6+6 a
Et le preux saluait du cœur la blanche Tour. 6+6 a
950 Du long mur qui l’enserre il fait vingt fois le tour : 6+6 a
Pas de brèche, une porte unique, elle est barrée ! 6+6 a
Il n’aboutira donc qu’à mourir sur l’entrée ! 6+6 a
Le mur est de granit et la porte est de fer ; 6+6 a
Nul ne la brisera, demain pas plus qu’hier. 6+6 a
955 Morne et baissant la tête et ne sachant que faire, 6+6 a
Le preux sur sa poitrine aperçoit le rosaire : 6+6 a
Son talisman parlait et s’offrait, il comprit, 6+6 a
Lui fit toucher la porte… et la porte s’ouvrit. 6+6 a
V
LA DERNIÈRE FÉE
Entré dans ces jardins, l’homme s’y renouvelle ; 6+6 a
960 L’œil est plus clairvoyant, la nature est plus belle ; 6+6 a
On vient, tout est nouveau, rien ne semble inconnu ; 6+6 a
On l’avait dans le cœur, on s’en est souvenu. 6+6 a
La fleur qu’en d’autres champs on dédaignait la veille, 6+6 a
Cueillie en ces doux lieux paraît une merveille. 6+6 a
965 Les oiseaux chantent mieux sur des arbres plus verts. 6+6 a
Qui donc s’est transformé, notre âme ou l’univers ? 6+6 a
Rien ; le cœur bat de même et la terre gravite ; 6+6 a
Mais un hôte meilleur tous les deux les habite. 6+6 a
Ainsi quand sur nos pas, la main dans notre main, 6+6 a
970 Un envoyé du ciel revêt le corps humain, 6+6 a
Il nous est tout pareil, son front n’a rien d’étrange, 6+6 a
L’œil ne voit qu’un mortel, l’esprit adore un ange. 6+6 a
Dans ce monde imprévu, le chanteur chevalier 6+6 a
Se guidait seul, ainsi qu’en un lieu familier. 6+6 a
975 Jamais de son passé plus vivantes images 6+6 a
N’ont mieux rempli son cœur et reçu plus d’hommages, 6+6 a
Et, s’il en croit ce cœur, jamais il n’a goûté, 6+6 a
Jamais, avant ce jour, il n’a vu la beauté. 6+6 a
C’est un homme nouveau, comme après le baptême, 6+6 a
980 Guéri, plus fort, plus pur, mais qui reste lui-même. 6+6 a
Jusque dans son harnais par les combats terni, 6+6 a
Rien ne s’était changé, tout s’était rajeuni : 6+6 a
Panache et lambrequins revenaient sur son casque, 6+6 a
Comme sur un vieil arbre un feuillage fantasque ; 6+6 a
985 Comme un ciel dont la pluie a nettoyé l’azur, 6+6 a
La cuirasse éclatait d’or sur un acier pur ; 6+6 a
Sur l’écu, dont la rouille en un moment s’efface, 6+6 a
Les émaux reverdis brillaient comme une glace ; 6+6 a
Sellé, harnaché d’or, à l’ombre d’un tilleul, 6+6 a
990 Bayard impatient hennit avec orgueil ; 6+6 a
La harpe, hier encore oubliée ou perdue, 6+6 a
Résonne avec la brise aux rameaux suspendue. 6+6 a
Le preux dans ce doux monde errait en liberté, 6+6 a
Ne sachant s’il marchait ou s’il était porté ; 6+6 a
995 Joyeux et confiant, il parcourait en maître 6+6 a
Ces prés vierges encor, croyant les reconnaître. 6+6 a
Il revoyait plus beaux, dans ce frais paradis, 6+6 a
Tous les lieux où son cœur avait saigné jadis. 6+6 a
Là, comme entre les pins, une cime de neige 6+6 a
1000 Blanche au-dessus d’un bois noir, touffu, mais sans piège, 6+6 a
Montait la Tour d’ivoire ; un soleil d’Orient 6+6 a
Illuminait son front candide et souriant. 6+6 a
On eût dit ces créneaux doués de la parole. 6+6 a
De ce nid de colombe un chant léger s’envole, 6+6 a
1005 Un appel, une voix qui convie ; et le preux 6+6 a
Montait d’un pas réglé sur ces rythmes heureux. 6+6 a
CHŒUR
Toi qui veux prendre à toute chose 8 a
Ce que la main n’y peut saisir ; 8 b
Qui rêves l’éternelle rose, 8 a
1010 Des amours où l’on se repose, 8 a
Un bonheur exempt de désir ; 8 b
Toi qui poursuis la beauté pure, 8 a
Le lis que nul doigt n’a terni ; 8 b
Toi qui veux aimer sans mesure. 8 a
1015 Savourer ta douce blessure 8 a
Et t’enivrer de l’infini, 8 b
Suspends tes armes en trophée : 8 a
C’est ici l’éclatant séjour 8 b
Où toute guerre est étouffée, 8 a
1020 Où règne la dernière fée, 8 a
Où fleurit le dernier amour. 8 b
Viens t’asseoir, tu verras près d’elle 8 a
Tes pleurs séchés, tes maux guéris ; 8 b
C’est la sœur que ton âme appelle ; 8 a
1025 C’est la dernière et la plus belle 8 a
Qui reste aux bois de leurs Péris. 8 b
Dans la forêt joyeuse et folle, 8 a
Quand l’arbre du Christ fut planté, 8 b
Le jour où la dernière idole, 8 a
1030 Où l’essaim trompeur et frivole 8 a
Fuyaient ce lieu désenchanté ; 8 b
Où les fleurs dont le suc enivre 8 a
Mouraient à l’ombre de la croix, 8 b
Une fée a lu le Saint-Livre ; 8 a
1035 Et Dieu lui donna de survivre 8 a
Et la fit reine de ces bois. 8 b
Car elle a pris à l’Évangile 8 a
Ses inexprimables douceurs ; 8 b
Elle est plus simple et moins fragile, 8 a
1040 Elle est faite d’une autre argile 8 a
Que la plus pure entre ses sœurs. 8 b
Elle est docile, humble, apaisée, 8 a
Cachant ses discrètes vertus ; 8 b
Et les anges l’ont baptisée 8 a
1045 De quelques gouttes de rosée 8 a
Avec une fleur de lotus. 8 b
Ce baptême a fixé son âme ; 8 a
Jadis fleur, oiseau, rayon d’or, 8 b
Brise ou vapeur, rosée ou flamme, 8 a
1050 La Péri devint une femme 8 a
Tout son pouvoir lui reste encor. 8 b
Un ermite est venu proscrire 8 a
Le Sylvain, le Faune indiscret, 8 b
Les dieux de la danse et du rire ; 8 a
1055 Mais la fée a gardé l’empire 8 a
Des doux rêves dans la forêt. 8 b
Fouille les monts et les vallées, 8 a
Plus d’autre fée ou de lutin ; 8 b
Toutes ces belles désolées 8 a
1060 Tu sais qu’elles sont envolées 8 a
Avec les brumes du matin : 8 b
L’une ardente et qui t’a fait boire 8 a
Dans sa rose un acre poison, 8 b
Et la folle aux ailes de moire, 8 a
1065 Et la sombre à l’écharpe noire 8 a
Qui t’endormait sur le gazon. 8 b
Renonce à leurs molles caresses ; 8 a
À l’ombre des bois chevelus 8 b
Ne rêve plus d’autres ivresses ; 8 a
1070 Ces terribles enchanteresses 8 a
Tu ne les rencontreras plus. 8 b
Ma tour en cache une plus belle ; 8 a
Viens ! subis son charme vainqueur, 8 b
En vain tu lui serais rebelle, 8 a
1075 Tu ne verras jamais plus qu’elle 8 a
Dans la nature et dans ton cœur. 8 b
Il marche et, vers la tour, suit la voix qui l’invite ; 6+6 a
Ce chant le contenait, s’il s’élançait trop vite. 6+6 a
Il va, d’un pas égal, humble, et franchit le seuil ; 6+6 a
1080 Sur les cent degrés d’or il monte sans orgueil, 6+6 a
Il entre. Une lueur, à chaque instant croissante, 6+6 a
Dès l’abord inondait la salle éblouissante. 6+6 a
Au milieu, sur un trône aux multiples couleurs 6+6 a
Fait d’un arbre vivant tout couvert de ses fleurs, 6+6 a
1085 Est assise une femme où trône une statue ; 6+6 a
D’une blancheur de neige elle était revêtue, 6+6 a
Lumineuse, immobile en son geste charmant 6+6 a
Comme une étoile fixe au fond du firmament. 6+6 a
La sereine clarté qui l’enveloppe toute 6+6 a
1090 Semble de son beau corps émaner goutte à goutte, 6+6 a
Et circule autour d’elle en de si chauds torrents 6+6 a
Que la voûte et les murs deviennent transparents ; 6+6 a
Et le regard, sans rien qui l’arrête ou le voile, 6+6 a
S’étend, comme en plein ciel des sommets d’une étoile. 6+6 a
1095 Pénétré jusqu’au cœur de ce jour calme et doux, 6+6 a
Le chevalier s’incline et fléchit les genoux 6+6 a
Et, sans lever les yeux sur l’éclatante image, 6+6 a
Se reconnaît vassal et prête son hommage. 6+6 a
Or, du milieu des fleurs, la fée aux doigts de lis 6+6 a
1100 Tout à coup de son voile écarte les longs plis 6+6 a
Et la rustique enfant, l’innocente sirène, 6+6 a
Aussi fraîche, apparaît dans ses habits de reine. 6+6 a
L’amoureux reconnaît ce qu’il avait aimé : 6+6 a
Sur ce front, dans ces yeux, rien ne s’est transformé ; 6+6 a
1105 C’est la même, et pourtant elle est plus belle encore ; 6+6 a
Des grâces du bonheur sa beauté se décore, 6+6 a
Et, dans cet appareil de l’amour triomphant, 6+6 a
L’ange a pu révéler ce que voilait l’enfant. 6+6 a
Et leurs mains se joignaient, dans une douce étreinte ; 6+6 a
1110 Et le respect entre eux restait pur de la crainte ; 6+6 a
Et les tendres discours achevés par les yeux 6+6 a
Mêlaient et confondaient ces deux esprits joyeux. 6+6 a
— « Je vous devinais bien, et l’humble pastourelle 6+6 a
Était mieux qu’une reine, était une immortelle. » 6+6 a
1115 — « J’étais, quand j’ai senti pour la première fois, 6+6 a
J’étais moins qu’une fleur, moins qu’un oiseau des bois ; 6+6 a
Un souffle eût dissipé mon âme aérienne ; 6+6 a
J’étais à peine un rêve avant d’être chrétienne ; 6+6 a
Et mon âme impalpable, à travers le ciel bleu, 6+6 a
1120 Reçut son corps de vierge en s’élançant vers Dieu. 6+6 a
Sur tout ce qui sourit, vole, embaume et soupire, 6+6 a
Sur la brise et les fleurs je garde un vague empire ; 6+6 a
Mais mon sort fut lié par un enchantement 6+6 a
A celui d’un mortel f d’un autre cœur aimant. 6+6 a
1125 Il fallait que la fée, afin de rester femme, 6+6 a
D’unir les deux splendeurs de la forme et de l’âme, 6+6 a
Sût, au printemps marqué, d’un amour idéal 6+6 a
Inspirer dans ces bois un chevalier féal. 6+6 a
Un seul jour me restait, et j’allais disparaître 6+6 a
1130 Vous m’aimez ! après Dieu vous m’avez donné l’être. 6+6 a
— « Vous m’avez arraché, dans ma profonde nuit, 6+6 a
Au sombre esprit du mal qui seul m’aurait conduit ; 6+6 a
Et des hôtes méchants de la forêt impure, 6+6 a
Vos yeux m’ont préservé bien mieux que mon armure. 6+6 a
1135 Mais, pourquoi, l’immortelle en quête d’un amant, 6+6 a
Voiler sa royauté sous un déguisement ? 6+6 a
Pourquoi, bergère usant d’un si long stratagème, 6+6 a
Ne m’avoir rien montré que l’ombre de vous-même ? 6+6 a
— « Si j’ai ces quelques dons, cachés à mon miroir, 6+6 a
1140 Qu’aidés de votre cœur, vos yeux ont cru me voir, 6+6 a
Si, sous l’habit grossier d’une humble bergerette, 6+6 a
J’ai voulu me garder dans une ombre discrète, 6+6 a
C’est qu’en mon faible cœur tout prêt à se donner 6+6 a
C’était à votre cœur de lire et deviner. 6+6 a
1145 Ce qu’on chérit surtout dans l’autre âme qu’on aime, 6+6 a
C’est le joyau secret qu’on a trouvé soi-même ; 6+6 a
Après que le trésor s’est pleinement ouvert, 6+6 a
On croit posséder mieux ce qu’on a découvert ; 6+6 a
Et pour mieux être à vous, j’ai voulu, je le gage, 6+6 a
1150 Être une découverte, ou plutôt votre ouvrage. 6+6 a
— « S’il faut, pour le réduire et le mieux faire sien, 6+6 a
Connaître un cœur à fond, vous m’appartenez bien ! 6+6 a
J’ai pénétré, j’ai vu briller votre âme entière, 6+6 a
Comme je vois ce front dans un flot de lumière. 6+6 a
1155 — « L’éclat des fleurs varie avec l’éclat du jour ; 6+6 a
Ce que j’ai de beauté me vient de votre amour. » 6+6 a
Et, sur l’échelle d’or promenant leur extase, 6+6 a
Ils parcouraient la tour du sommet à la base, 6+6 a
Les salons constellés du feu des diamants, 6+6 a
1160 Et, dans un demi-jour, mille réduits charmants. 6+6 a
Puis à travers les bois, les vergers, les prairies, 6+6 a
Pas à pas, ils cueillaient la fleur des rêveries ; 6+6 a
Goûtaient, en souriant, sur des arbres amis 6+6 a
Tous les fruits délicats au pur amour permis. 6+6 a
1165 Parfois ces deux aiglons, ou ces deux hirondelles, 6+6 a
Jusqu’au fond de l’azur volaient à tire-d’ailes 6+6 a
Leur âme, en ses élans fiers ou capricieux, 6+6 a
Des sublimes pensers parcourait les dix cieux. 6+6 a
Ce couple allait ainsi, gai, souriant, austère ; 6+6 a
1170 Tantôt perçant le ciel, tantôt rasant la terre ; 6+6 a
Comme aux jours de l’Éden le premier couple humain, 6+6 a
Ils glissaient dans les fleurs en se tenant là main. 6+6 a
La vipère infernale expirait sur l’entrée ; 6+6 a
Car la croix dominait cette chaste, contrée. 6+6 a
1175 Ils se disaient tout bas des mots inachevés 6+6 a
Et compris sans parole aussitôt que rêvés : 6+6 a
Un regard, un soupir, une main mieux pressée, 6+6 a
Je ne sais quel accent achevaient leur pensée. 6+6 a
Ces deux cœurs se mêlaient comme deux coupes d’or 6+6 a
1180 Qui du miel et du vin se versent le trésor ; 6+6 a
Dans le doux sacrifice offert d’une même âme, 6+6 a
L’un répandait l’encens, l’autre attisait la flamme. 6+6 a
Ainsi, pour louer Dieu dans un hymne commun, 6+6 a
Le ciel donne une brise et la terre un parfum. 6+6 a
1185 C’étaient de longs propos, mais un plus long silence 6+6 a
Où l’esprit se recueille et tout à coup s’élance, 6+6 a
Où le rêve poursuit le geste commencé, 6+6 a
Où tout s’exprime, enfin, sans un mot prononcé. 6+6 a
Le jardin tout entier s’était fait leur complice : 6+6 a
1190 Les oiseaux dans les nids, la fleur dans son calice, 6+6 a
L’arbre avec ses rameaux, l’herbe au fond des sillons, 6+6 a
Dans les blés la cigale et les humbles grillons, 6+6 a
La couleur du nuage et le bruit des fontaines, 6+6 a
Le profil rougissant des montagnes lointaines, 6+6 a
1195 La nature attentive avec sa voix de sœur 6+6 a
Traduisaient aussitôt ce que sentait le cœur. 6+6 a
Et, rien qu’à l’écouter, si joyeuse et si tendre, 6+6 a
Rien qu’à la voir, l’un l’autre ils pouvaient se comprendre ; 6+6 a
Tant les vives splendeurs, tant les bruits d’alentour, 6+6 a
1200 N’étaient rien qu’un reflet, qu’un écho de l’amour. 6+6 a
HYMNE
« D’où viens-tu, feu subtil, âme qui me pénètre, 6+6 a
Que tout être, aujourd’hui, verse dans tout mon être, 6+6 a
Que j’aspire avec l’air, que j’exhale en tout lieu ? 6+6 a
Pour faire ici la terre et mon âme aussi belles, 6+6 b
1205 Toi qui les rajeunis, toi qui me renouvelles, 6+6 b
Amour, n’es-tu donc pas quelque chose de Dieu ? 6+6 a
Comme tu nous remplis de vigueur et de sève ! 6+6 a
Comme, à travers l’espace, un essor me soulève ! 6+6 a
Pourquoi suis-je investi d’un pouvoir inconnu ? 6+6 a
1210 Dans mon cœur, triste hier, une allégresse abonde ; 6+6 b
Je me sens assez fort pour soulever un monde ; 6+6 b
Entre la vie et moi qu’est-il donc survenu ? 6+6 a
Est-ce un œil qui sourit, une main que je presse, 6+6 a
La longue tresse d’or qui flotte et me caresse, 6+6 a
1215 Est-ce un plus doux accent de cette voix de miel, 6+6 a
Un pli plus gracieux de cette lèvre rose, 6+6 b
Est-ce la beauté seule, une aussi frêle chose, 6+6 b
Qui fait d’un homme un ange et de la terre un ciel ? 6+6 a
Ah ! si rien n’était là, dans ce moment suprême, 6+6 a
1220 Rien de plus que nous deux, rien qu’elle et que moi-même, 6+6 a
Si quelque Dieu sur nous n’était pas descendu, 6+6 a
Comment s’échangeraient ces accords et ces flammes, 6+6 b
Entre le ciel et nous, puis entre nos deux âmes ? 6+6 b
Pourquoi monterions-nous de ce vol éperdu ? 6+6 a
1225 Regarde-moi toujours, prodigue ce sourire ! 6+6 a
Que ton cœur à mon cœur ne cesse pas de luire, 6+6 a
Et que ton souffle au mien se vienne encor mêler. 6+6 a
Mais surtout que le dieu, le charme, le mystère, 6+6 b
Ce qui vient, dans l’amour, d’ailleurs que de la terre, 6+6 b
1230 L’ineffable inconnu n’aille pas s’envoler. 6+6 a
Tant qu’il nous portera tous les deux sur ses ailes, 6+6 a
Qu’un invisible aimant, liant nos cœurs fidèles, 6+6 a
Nous tiendra suspendus dans ce rêve enchanté, 6+6 a
Que ton regard de sœur, qui m’apaise ou m’entraîne, 6+6 b
1235 Répandra dans mon sein cette vertu sereine 6+6 b
Plus forte que la mort et que la volupté 6+6 a
J’irai, j’emporterai l’Olympe inaccessible ! 6+6 a
Combats, douleurs, travaux en dehors du possible, 6+6 a
Tout lot devient heureux par l’amour départi. 6+6 a
1240 Mais que l’indifférence éteigne ton sourire, 6+6 b
Que ton cœur, un instant, de mon cœur se retire 6+6 b
Et des saintes hauteurs je tombe anéanti. » 6+6 a
Combien, sous ce beau ciel, l’astre qui les caresse 6+6 a
Mesura-t-il d’espace à l’amoureuse ivresse ; 6+6 a
1245 Combien ont-ils cueilli de fleurs dans ce jardin ; 6+6 a
Quel temps les a gardés la tour dans son Éden ? 6+6 a
Peut-être une heure, un jour, peut-être des années ! 6+6 a
Le temps ne compte pas ces heures fortunées ; 6+6 a
Entre deux cœurs heureux qui s’aiment librement, 6+6 a
1250 Les jours, l’éternité ne durent qu’un moment. 6+6 a
Ils auraient, oublieux du ciel et de la terre, 6+6 a
Épuisé leur bonheur sans honte et sans mystère ; 6+6 a
De soupir en soupir, dans l’ineffable tour, 6+6 a
Ils auraient consumé leur vie et leur amour, 6+6 a
1255 Si, du rêve et des fleurs s’arrachant la première, 6+6 a
L’ange n’avait parlé, du haut de sa lumière, 6+6 a
De l’humble et saint devoir qui rappelle, ici-bas, 6+6 a
La femme à ses douleurs et l’homme à ses combats ; 6+6 a
Et n’eût au chevalier, étouffant un murmure, 6+6 a
1260 Rendu sa bonne lance et bouclé son armure. 6+6 a
— « Quoi ! partir, disait-il, je me croyais au port ! » 6+6 a
— « L’amour n’arrive au but qu’en traversant la mort ! » 6+6 a
— « Attendons, dans l’extase où notre âme est ravie, 6+6 a
Attendons cette mort sans rentrer dans la vie ! » 6+6 a
— « La vie est un devoir. »
1265 — « Vivons dans ces beaux lieux. » 6+6 a
— « Vivons où Dieu nous place, au poste périlleux. 6+6 a
La vie est un combat ; ici l’on se repose : 6+6 a
Sur ce Thabor d’un jour on se métamorphose, 6+6 a
Vers la beauté qu’on cherche on s’avance d’un pas ; 6+6 a
1270 On touche à l’idéal, on ne l’habite pas. 6+6 a
Le bonheur ici-bas n’est qu’un lieu de passage 6+6 a
Où l’on reçoit du ciel un flamboyant message ; 6+6 a
Et, sans brûler nos yeux et notre cœur de chair, 6+6 a
Dieu ne saurait, pour nous, éterniser l’éclair. 6+6 a
1275 Mais l’éclair disparu pourra briller encore, 6+6 a
Sois sûr qu’après la nuit tu reverras l’aurore. 6+6 a
Si tu restes vaillant et fidèle à ta foi, 6+6 a
La tour et ses jardins se rouvriront pour toi ; 6+6 a
Tu sauras traverser, sans nouvelles batailles, 6+6 a
1280 La trompeuse forêt qui cache ces murailles. 6+6 a
La porte, pour toi seul, tournera sur ses gonds. 6+6 a
Tous les monstres vaincus, les géants, les dragons, 6+6 a
Les nains, blottis aux creux des ifs et des érables, 6+6 a
Pour tout autre que toi resteront redoutables ; 6+6 a
1285 Mais tous t’obéiront en esclaves soumis. 6+6 a
Les oiseaux de mes bois seront tous tes amis. 6+6 a
Mes colombes iront, fendant les zones bleues, 6+6 a
Te porter ma pensée à des milliers de lieues. 6+6 a
Toi, pour me revenir, tu feras, en rêvant, 6+6 a
1290 Ton chemin sur des chars plus vites que le vent. 6+6 a
Jour et nuit, sur ton œuvre attentive et penchée, 6+6 a
Par les regards du cœur je te reste attachée. 6+6 a
Ma prière et mes vœux, du haut de ces sommets, 6+6 a
Iront du ciel à toi sans s’arrêter jamais. 6+6 a
1295 Mes doigts ne quittent plus maintenant ce rosaire ; 6+6 a
J’apporterai ma lampe au fond du sanctuaire ; 6+6 a
Et, toute à préparer les fêtes du retour, 6+6 a
Si lointain que tu sois, je t’attendrai toujours. 6+6 a
Je serai là, toujours, prêtant l’âme et l’oreille, 6+6 a
1300 A cent exploits nouveaux dont le bruit m’émerveille. 6+6 a
Seule, entre les créneaux de ma blanche prison, 6+6 a
Je te verrai venir du bout de l’horizon. 6+6 a
Va ! nous aurons encore ici de douces heures ; 6+6 a
L’effort qui les paiera nous les rendra meilleures ; 6+6 a
1305 Et l’enivrant jardin, chastement visité, 6+6 a
Gardera pour nous deux sa mystique beauté. 6+6 a
Tu ne m’ôteras point de mon château d’ivoire ; 6+6 a
J’y serai ton repos et tu seras ma gloire. 6+6 a
De l’invisible dame en prison dans ses fleurs, 6+6 a
1310 Tu porteras bien haut les discrètes couleurs ; 6+6 a
Tu voudras recevoir, de ses mains toujours pures, 6+6 a
Un laurier à ton front, un baume à tes blessures, 6+6 a
Et tu me béniras, doucement prosterné, 6+6 a
Pour ce que je refuse et ce que j’ai donné. » 6+6 a
1315 — « Adieu. J’obéirai ; je pars, rien ne m’effraye ; 6+6 a
Je pense, à chaque lutte, au prix qui me la paye. 6+6 a
Reposé dans l’amour, je me lève assez fort 6+6 a
Pour ne plus désirer ni redouter la mort ; 6+6 a
Et dans ces pleurs sacrés mon âme est retrempée, 6+6 a
1320 Mieux que dans une eau vive on ne trempe une épée. 6+6 a
Un instant de bonheur est le meilleur soleil 6+6 a
Pour nous rendre au combat après un lourd sommeil. 6+6 a
J’ai contre l’ennemi, j’ai, de plus que mes armes, 6+6 a
Ce pieux talisman qui rompt les mauvais charmes, 6+6 a
1325 Ce chapelet de buis de trois fleurs embaumé, 6+6 a
Don de la belle enfant que l’ange a confirmé. 6+6 a
Je gagnerai par lui plus douce récompense ; 6+6 a
Où le fer ne peut rien, il sera ma défense. 6+6 a
Les fantômes impurs qui longent les chemins 6+6 a
1330 S’évanouiront tous à le voir dans mes mains. 6+6 a
Nul ne me l’ôtera par force ou par adresse ; 6+6 a
Et quand il reviendra dans ces mains que je presse, 6+6 a
Teint du sang et des pleurs d’un loyal chevalier, 6+6 a
Il sera digne encor de vous être un collier. » 6+6 a
1335 Or le bon palefroi, sellé pour la bataille, 6+6 a
Hennissait et piaffait au bas de la muraille ; 6+6 a
Et le preux s’élança. D’un vol moins prompt, le vent, 6+6 a
Roule au bord du sentier le feuillage mouvant. 6+6 a
Les arbres, les rochers glissaient comme des ombres, 6+6 a
1340 Et l’éclair de l’acier sillonnait les bois sombres. 6+6 a
Ainsi, pour fuir un lieu qu’on aime, un souvenir, 6+6 a
Un bonheur qu’on abjure et qu’on veut retenir, 6+6 a
Il faut, du cher Éden où le cœur eut sa fête, 6+6 a
Partir comme une flèche et sans tourner la tête. 6+6 a
1345 Jusqu’à l’heure où l’on foule un sol indifférent, 6+6 a
Courir, ô bon cheval, plus vite qu’un torrent ! 6+6 a
Il fuyait, il fuyait. Quand il reprit haleine, 6+6 a
La tour était bien loin, il entrait dans la plaine ; 6+6 a
La vie et ses périls pour lui recommençaient : 6+6 a
1350 Car c’était un chemin où les hommes passaient. 6+6 a
Dès lors, à pas comptés, comme une sentinelle, 6+6 a
Il marchait, il veillait pour la lutte éternelle. 6+6 a
Quand s’offrait sur sa route un lieu sûr et discret, 6+6 a
Un vallon sans écho caché dans la forêt, 6+6 a
1355 Le cavalier dans l’ombre y déposait sa lance ; 6+6 a
Ses lèvres et son cœur rompaient le dur silence, 6+6 a
Et l’amoureux chanteur, prenant sa harpe d’or, 6+6 a
Aux couplets comprimés rendait un libre essor. 6+6 a
LA TOUR D’IVOIRE
BALLADE
J’ai mon asile et mes délices, 8 a
1360 J’ai mon secret et mon amour ; 8 b
J’ai bu l’ivresse à pleins calices, 8 a
Au fond d’un bois, dans une tour. 8 b
La tour est si claire et si blanche, 8 a
Qu’on dirait, de loin, tous les soirs, 8 b
1365 La lune qui monte, ou se penche, 8 a
La lune entre les rameaux noirs. 8 b
Un grand bois défend la tour ronde 8 a
De tout passant fade ou moqueur ; 8 b
Elle est à l’autre bout du monde, 8 a
1370 Elle est à deux pas de mon cœur. 8 b
Le bois est peuplé de féeries 8 a
Trompant l’oreille et le regard ; 8 b
Moi, j’ai cueilli dans ses prairies 8 a
Des fleurs qu’on ne voit nulle part. 8 b
1375 Un autre aurait mis des années 8 a
Sans même arriver jusqu’au seuil ; 8 b
Moi, ces barrières fortunées, 8 a
Je les franchis en un clin d’œil. 8 b
Si je pense à ma tour divine, 8 a
1380 Pour y voler en un moment, 8 b
Je mets la main sur ma poitrine 8 a
Et j’y touche mon talisman. 8 b
Ma tour, dans sa blancheur de neige, 8 a
Sans parler des périls cachés, 8 b
1385 Du bois touffu qui la protège, 8 a
Est si haute sur les rochers, 8 b
Une si forte palissade 8 a
Se hérisse autour du coteau, 8 b
Que, pour essayer l’escalade, 8 a
1390 Ou battre en brèche le château, 8 b
Tous les engins, bélier, échelle, 8 a
Avec cent mille combattants, 8 b
Ne pourraient se frayer vers elle 8 a
Un chemin… missent-ils cent ans ! 8 b
1395 Et moi, pourvu que je réponde, 8 a
Ou mon nom, ou l’un de mes vers, 8 b
J’arrive en moins d’une seconde ; 8 a
Les deux battants me sont ouverts. 8 b
Si l’on savait quel doux mystère 8 a
1400 Cachent la tour et son verger, 8 b
Les rois, des deux bouts de la terre, 8 a
Se ligueraient pour l’assiéger ; 8 b
Et, jour et nuit, sous ses murailles, 8 a
Les guerriers au cœur de lion 8 b
1405 Se livreraient plus de batailles 8 a
Que jadis autour d’Ilion. 8 b
On redit plus d’un conte étrange 8 a
Sur la tour au faîte argentin. 8 b
C’était la cellule d’un ange ; 8 a
1410 Ou d’une fée ou d’un lutin 8 b
Ange ou lutin, la châtelaine, 8 a
Dont ces murs gardent les appas, 8 b
Moi, je sais que la blonde Hélène 8 a
Et Vénus ne l’égalaient pas. 8 b
1415 Qui la vit en sa tour d’ivoire 8 a
Y voudra toujours revenir ; 8 b
Il n’est pas d’amour, pas de gloire 8 a
Qui lutte avec ce souvenir. 8 b
Mon cœur auprès d’elle y demeure 8 a
1420 Et tient tout le reste en oubli ; 8 b
J’y veux passer ma dernière heure, 8 a
Et j’y veux être enseveli. 8 b
Or, par monts et par vaux, seul avec sa pensée, 6+6 a
Joyeux sous l’acier sombre et visière baissée, 6+6 a
1425 Il marche ainsi, chantant, rêvant ou combattant ; 6+6 a
Puis des chemins foulés disparaît un instant, 6+6 a
Comme enlevé d’en haut par une main secrète, 6+6 a
Invisible et porté dans sa douce retraite. 6+6 a
On revoit tout à coup sa lance et son écu 6+6 a
1430 Briller dans quelque lice ouverte au droit vaincu ; 6+6 a
Dès que le ciel, moins rude aux vertus qu’on opprime, 6+6 a
Tient à se faire absoudre en châtiant le crime. 6+6 a
Il vient sans qu’on l’attende, et, tel qui le croit mort, 6+6 a
Sent déjà ses coups sûrs comme ceux du remords. 6+6 a
1435 C’est lui qu’au fond dès bois, sur la route déserte, 6+6 a
La craintive innocence invoque à chaque alerte ; 6+6 a
Lui qui du ravisseur et du sorcier malin 6+6 a
Sauve et conserve purs la vierge et l’orphelin ; 6+6 a
Lui, le chevalier noir, que l’on craint et qu’on aime, 6+6 a
1440 Qui, sans être appelé, paraît au jour suprême ; 6+6 a
Qui seul, dans les palais, va défier les rois. 6+6 a
On en fait maints récits moins beaux que ses exploits ; 6+6 a
Il nous a tous aidé de son cœur, de sa lame, 6+6 a
Mais nul n’a su son nom, ni celui de sa dame. 6+6 a
mètre profils métriques : 8, 7, 3, 6+6, 4+6, (4), (11)
forme globale type : suite de strophes
schéma : 471[aa] 23[abaab] 9[ababa] 23[abba] 55[abab] 5[ababab]
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