Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAP_7/LAP90
Victor de LAPRADE
IDYLLES HÉROÏQUES
1858
HERMAN
IV
Sur une mer de neige, une île verte et chaude 6+6 a
Dans son cadre d’argent luit comme une émeraude ; 6+6 a
Les glaciers crénelés, s’étageant par gradin, 6+6 b
Font un rempart d’azur à ce chaste jardin. 6+6 b
5 Le sourire empourpré du jour qui se réveille, 6+6 a
Ruisselant sur les fleurs de l’immense corbeille, 6+6 a
Enflamme, sous l’or vif dont il baigne leurs fronts, 6+6 b
La digitale rouge et les rhododendrons, 6+6 b
Et la longue asphodèle, et mille herbes étranges 6+6 a
10 Qu’ailleurs n’ont vu fleurir ni l’homme ni les anges. 6+6 a
Et mille arbres sans nom réservés à ce lieu 6+6 b
Qui n’a pour jardinier que le souffle de Dieu. 6+6 b
Vers ce paisible Éden porté de rêve en rêve, 6+6 a
De sommet en sommet l’ardent songeur s’élève, 6+6 a
15 Et, comme en son berceau, vient, sans étonnement, 6+6 b
S’asseoir sur ces gazons voisins du firmament. 6+6 b
Visible pour lui seul, un long cortège d’âmes 6+6 a
Tourbillonnait dans l’air en ellipses de flammes, 6+6 a
Et, formant un grand aigle au plumage vermeil, 6+6 b
20 Comme un feu dans la nuit brillait dans le soleil. 6+6 b
Ces radieux esprits, avec des cris de joie, 6+6 a
Planent sur l’étranger comme sur une proie ; 6+6 a
Car de tout noble amour pour leur gloire excité 6+6 b
Dieu nourrit les héros durant l’éternité, 6+6 b
25 Et fait, entre eux et nous, flotter sans qu’il dévie 6+6 a
Un courant de vertus de l’une à l’autre vie. 6+6 a
Or, l’amant des hauteurs devant lui, tout le jour, 6+6 a
Vit ces oiseaux divins se poser tour à tour ; 6+6 a
Et tous, en lui parlant sous leur figure ancienne, 6+6 b
30 Échangeaient par éclairs leur âme avec la sienne. 6+6 b
Tous, divers autrefois et de race et de lieux, 6+6 a
Ne forment plus au ciel qu’un peuple merveilleux ; 6+6 a
Ils ont dans l’idéal leur commune patrie 6+6 b
Et leur même symbole où plus rien ne varie ; 6+6 b
35 Et, d’un même langage alternant les douceurs, 6+6 a
L’accent seul est divers entre ces âmes sœurs. 6+6 a
Des lyres, des parfums, une chaude lumière 6+6 a
Accompagnent la voix qui descend la première. 6+6 a
C’est l’héroïsme en fleur dans sa jeune fierté, 6+6 b
40 C’est la Grèce enseignant la force et la beauté. 6+6 b
LÉONIDAS
« Je t’ai vu, tout enfant, errer aux Thermopyles, 6+6 a
Glanant sur ces rochers, en exemples fertiles, 6+6 a
Où la liberté sainte a fait tant de moissons ; 6+6 b
Tu croyais de mon sang la pierre encor trempée, 6+6 c
45 Et serrais dans ta main, comme on serre une épée, 6+6 c
Un livre où tu lisais nos sublimes leçons. 6+6 b
Tu voyais flamboyer l’épitaphe immortelle 6+6 a
Qui du fond de l’histoire à jamais étincelle, 6+6 a
Qui contient le secret, le prix de nos exploits ; 6+6 b
50 Tu l’écoutais chanter dans la langue d’Homère ; 6+6 c
Et tu pleurais, tout haut, comme on pleure une mère, 6+6 c
Ceux qui sont morts pour Sparte et pour ses saintes lois. 6+6 b
Et tu voulais mourir, et, dans ton noble rêve, 6+6 a
Tu t’armais près de moi de la pique et du glaive ; 6+6 a
55 Tu me demandais place à mon dernier festin ; 6+6 b
Tu lançais avec nous le disque, au son des lyres, 6+6 c
Et, paré pour la mort de fleurs et de sourires, 6+6 c
Enfant, tu défiais l’Asie et le destin. 6+6 b
Lorsqu’à dix ans, baigné de ces pieuses larmes, 6+6 a
60 Tu brandissais ainsi de chimériques armes, 6+6 a
Ce jour-là, tu fus homme et tu prouvas ton cœur ; 6+6 b
Et ceux-là sont enfants, sous leurs infâmes rides, 6+6 c
Dont l’oblique regard et les lèvres arides 6+6 c
Te lancent aujourd’hui leur trait lâche et moqueur. 6+6 b
65 Puisqu’en son jeune essor, sans conseils et sans craintes, 6+6 a
Ton âme a pris sa place aux Thermopyles saintes ; 6+6 a
Puisque tu venais là mourir à mes côtés, 6+6 b
Reste à ce poste auguste aimé du petit nombre, 6+6 c
Et combats-y sans trêve, au grand jour ou dans l’ombre, 6+6 c
70 Pour la Sparte éternelle et ses dieux insultés. 6+6 b
Couvre de myrte en fleur ton arme vengeresse. 6+6 a
Expire en souriant comme un fils de la Grèce ; 6+6 a
Je t’invite au souper promis à mes soldats, 6+6 b
Où la muse aux bras blancs, sous de tièdes ombrages. 6+6 c
75 Verse un même nectar aux héros comme aux sages. 6+6 c
Et sourit à Platon près de Léonidas. » 6+6 b
Voici l’accent plus sombre et la voix surhumaine 6+6 a
Et les âpres conseils de la vertu romaine 6+6 a
Qui défend aux grands cœurs, quand tout plie à la fois, 6+6 b
80 De fléchir sous un maître et de survivre aux lois. 6+6 b
CATON D’UTIQUE
« Ma mort absout ton cœur de sa morne tristesse ; 6+6 a
J’ai compris cet abattement 8 b
Qui vient, malgré ta flamme et malgré ta jeunesse, 6+6 a
T’accabler ainsi par moment. 8 b
85 Quand je renonce à vivre et succombe à ma tâche, 6+6 a
Et meurs en condamnant les dieux. 8 b
Du mal qui m’a tué tu peux, sans être un lâche, 6+6 a
Pleurer à la face des cieux. 8 b
Les lois ont succombé ! j’ai vu rire la foule 6+6 a
90 Autour de leur temple abattu ; 8 b
Avec la liberté, dans les âmes s’écroule 6+6 a
L’espoir dernier de la vertu. 8 b
j’ai vu prostituer l’honneur des laticlaves 6+6 a
Aux tribuns changés en flatteurs. 8 b
95 Pour premiers citoyens Rome a de vils esclaves ; 6+6 a
Le sénat s’ouvre aux délateurs ! 8 b
Que Rome soit soumise avec la terre entière 6+6 a
Je reste à jamais indompté ! 8 b
Ce fer dans ma poitrine ouvre à mon âme fière 6+6 a
100 Un chemin vers la liberté. 8 b
Ainsi j’ai triomphé ; m’emparant de l’histoire, 6+6 a
J’y règne en dépit du plus fort. 8 b
Je m’appelle Caton… César, dans sa victoire, 6+6 a
César est vaincu par ma mort. » 8 b
105 Silence, ô rude voix de l’héroïsme antique, 6+6 a
Laisse une âme plus pure exhaler son cantique. 6+6 a
Le bûcher de Rouen, les prés de Vaucouleurs 6+6 b
Lancent autour de nous leurs flammes et leurs fleurs. 6+6 b
JEANNE d’ARC
« Tu m’aimas d’enfance, et je viens t’apprendre 5+5 a
110 À chasser bien loin tes noirs assaillants : 5+5 b
Garde un esprit fier dans une âme tendre ; 5+5 a
Les cœurs les plus purs sont les plus vaillants. 5+5 b
Tu viens comme au pied d’un autel qui brille 5+5 a
Devant mon bûcher te mettre à genoux ; 5+5 b
115 Pourquoi, dans ton cœur, mon nom d’humble fille 5+5 a
Entre les plus grands est-il le plus doux ? 5+5 b
Si tu m’invoquas, pauvre paysanne. 5+5 a
Entre tous les saints de mon cher pays, 5+5 b
C’est qu’au fond des bois et dans ma cabane 5+5 a
120 Ces saints me parlaient, et que j’obéis. 5+5 b
C’est qu’à leur appel j’ai dit, sans murmure, 5+5 a
À ma mère en pleurs un suprême adieu. 5+5 b
Pour aller porter, sous ma blanche armure, 5+5 a
L’âme de la France et l’esprit de Dieu. 5+5 b
125 Dieu m’a tout donné, ma force et mes armes, 5+5 a
Pour les grands combats là-haut résolus ; 5+5 b
Je n’avais à moi que mes douces larmes, 5+5 a
Et mon faible cœur… Tu n’as rien de plus ! 5+5 b
J’ai lu dans toi-même au pied de ces chênes, 5+5 a
130 Où tu viens rêver encore aujourd’hui ; 5+5 b
Ton âme inégale aux luttes prochaines 5+5 a
Ne peut rien sans Dieu… mais tout avec lui ! 5+5 b
Cherche donc ta force et ton vrai courage 5+5 a
Dans l’ardent amour au pied de l’autel, 5+5 b
135 Dans l’esprit qu’exhale, au jour de l’orage, 5+5 a
Un peuple embrasé par le vent du ciel. 5+5 b
Que ta lèvre pure et ta vie entière 5+5 a
Devant l’ennemi proclament ta foi ; 5+5 b
Puis, tenant bien haut ma sainte bannière, 5+5 a
140 Au fort du combat pénètre avec moi ! » 5+5 b
Écoute encor ! voici qu’une autre âme s’approche, 6+6 a
Un soldat qui vécut sans peur et sans reproche, 6+6 a
La même croix sanglante orne son bouclier… 6+6 b
Viens apprendre à mourir du dernier chevalier. 6+6 b
LE CHEVALIER BAYARD
145 « Toi qui veux, à tout prix, la grandeur de ton âme, 6+6 a
Prêt à tous les périls, dédaigneux de tout blâme, 6+6 a
Ferme en ton droit chemin ; 6 b
Toi qui fais de l’honneur et ta vie et ton rêve. 6+6 c
Viens baiser avec moi le tronçon de ce glaive 6+6 c
150 Tout sanglant dans ma main. 6 b
Je te prête un moment ce fer que ton enfance 6+6 a
S’essayait à tirer en invoquant la France, 6+6 a
Ce glaive en qui tu crois ; 6 b
Arme du vieil honneur, fidèle et bien trempée, 6+6 c
155 Que l’on peut au combat brandir comme une épée, 6+6 c
Baiser comme une croix. » 6 b
HERMAN
Héros et demi-dieux dont l’histoire est le temple, 6+6 a
Honneur des anciens jours qu’enfant je poursuivais, 6+6 b
Vous offrez vainement la lumière et l’exemple 6+6 a
160 À qui respire encor l’air de ce temps mauvais. 6+6 b
La vertu n’a plus d’aile et de sainte folie ; 6+6 a
Tout conspire à courber, à briser l’homme fier ; 6+6 b
Le destin est complice ; et sous sa main de fer, 6+6 b
Devant toute bassesse, il faut qu’on s’humilie. 6+6 a
165 Le beau s’est retiré de tout… même du bien ! 6+6 a
Oh ! dites-moi, l’esprit que votre amour élève, 6+6 b
Qui vit de votre culte, et n’aspire à plus rien, 6+6 a
Qu’à rester digne encor de vous et de son rêve, 6+6 b
Par où doit-il marcher dans cette épaisse nuit ? 6+6 a
170 Tous les chemins frayés nous mènent à l’abîme. 6+6 b
Toi dont le livre ardent m’exhorte et me conduit, 6+6 a
Parle ! un dernier conseil, poëte magnanime, 6+6 b
Car de tous ces grands morts les cœurs te sont ouverts, 6+6 a
Tu sais à quel foyer s’alluma leur courage, 6+6 b
175 Leur voix grandit encor en prenant ton langage ; 6+6 b
Leur âme et leurs vertus ont passé dans tes vers. 6+6 a
Réponds ! quand chacun tremble et détourne la tête, 6+6 a
Près du juste ébranlé par les derniers adieux, 6+6 b
Et qui marche au combat, certain de sa défaite, 6+6 a
180 Comment payer sa dette à l’honneur des aïeux ? 6+6 b
PIERRE CORNEILLE
« Faites votre devoir, et laissez faire aux dieux. » 6+6 b
UNE ÂME
Tu le sais bien ! il est, sous le chaume et dans l’herbe, 6+6 a
Des fleurs et des vertus sans nom chez les humains, 6+6 b
Mais qu’à l’égal du chêne et du laurier superbe 6+6 a
185 Dieu chérit dans son cœur et pèse dans ses mains. 6+6 b
Il est, près du foyer, des travaux magnanimes, 6+6 a
Des luttes corps à corps avec la passion, 6+6 b
D’invisibles combats, des victoires intimes, 6+6 a
Assez beaux pour suffire à ton ambition. 6+6 b
190 Pour la foule, à grand bruit, l’héroïsme étincelle ; 6+6 a
Mais, dans un humble effort, le cœur pur est constant ; 6+6 b
Le flambeau du manoir qui luit dans la chapelle 6+6 a
Éclipse devant Dieu ces clartés d’un instant. 6+6 b
Sans faire au mal du siècle une guerre inféconde, 6+6 a
195 Où de plus fiers que toi subissent le vainqueur, 6+6 b
Reste armé de ce glaive impuissant sur le monde 6+6 a
Pour frapper sur toi-même et régner sur ton cœur. 6+6 b
Pourquoi rêver d’atteindre à ces gloires banales, 6+6 a
Et d’allumer ta lampe à leurs lointains soleils ! 6+6 b
200 Tu portes dans ton cœur de plus sûres annales, 6+6 a
Et tes chers souvenirs sont tes meilleurs conseils. 6+6 b
Il t’est bon d’aspirer, parfois, dans la tourmente, 6+6 a
L’esprit de ces grands morts et le vaste horizon ; 6+6 b
Mais ma pensée à moi chaque jour t’alimente, 6+6 a
205 Et, comme l’air vital, elle emplit ta maison. 6+6 b
C’est là qu’est ta vertu, ta grandeur, ton asile, 6+6 a
Là, plus fort et livrant des combats glorieux, 6+6 b
Tu peux, libre et vainqueur dans un monde servile, 6+6 a
Ennoblir avec toi tes fils et tes aïeux. 6+6 b
210 Là tu peux, chaque jour montant d’une victoire, 6+6 a
Humble comme je fus, sans sortir du réel, 6+6 b
Dépasser ces sommets du globe et de l’histoire 6+6 a
Que je n’ai pas connus… mais qui sont loin du ciel ! 6+6 b
HERMAN
Mon front triste étincelle au feu de ta parole 6+6 a
215 Comme les noirs sapins sous ce rayon vermeil, 6+6 b
Chère âme d’une sainte, et ta douce auréole 6+6 a
A réchauffé mon cœur, plus que ce beau soleil. 6+6 b
Non, ce n’est pas un rêve, un fantôme, une flamme 6+6 a
Que mon ivresse allume et qu’éteindront les vents ! 6+6 b
220 Esprits qui me parlez vous êtes bien vivants ; 6+6 b
Je vous vois, je vous sens au toucher de mon âme ! 6+6 a
Je dépouille à vos pieds ma faiblesse et mon deuil ; 6+6 a
Sur l’échelle d’azur que vous avez gravie 6+6 b
Vous me tendez la main… et j’ai touché le seuil 6+6 a
225 Du monde où vous vivez la véritable vie. 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6, 6+6, 5+5
logo du CRISCO logo de l'université