Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAP_7/LAP88
Victor de LAPRADE
IDYLLES HÉROÏQUES
1858
HERMAN
II
Jusqu’au champ suspendu sur cet étroit rocher 6+6 a
Où le chamois et l’aigle osent seuls se percher 6+6 a
Quel sentier a conduit, dans sa longue escalade, 6+6 a
Depuis ce toit qui fume au pied de la cascade, 6+6 a
5 Le hardi laboureur qui fait si haut moisson ? 6+6 a
Quel oiseau lui prêta son aile et sa chanson ? 6+6 a
Quelle occulte vertu, sous ses mains familières, 6+6 a
Fait Jaillir tous les ans le bon grain de ces pierres ? 6+6 a
Ses bœufs n’ont pu le suivre ; et, seul dans le granit, 6+6 a
10 Il retourne en suant son fer que Dieu bénit ; 6+6 a
Seul dans ces hauts sillons étayé de murailles 6+6 a
Il a porté la herse et le sac des semailles. 6+6 a
Le sol même est son œuvre. Au grain blond et vermeil 6+6 a
Dieu n’a rien pour sa part fourni que le soleil. 6+6 a
15 L’homme a seul amassé sur le roc qui l’appuie 6+6 a
Ce champ aérien repris par chaque pluie. 6+6 a
Toi-même, ô laboureur, toi seul as, sur tes reins, 6+6 a
Porté le riche humus à ces maigres terrains. 6+6 a
Ton blé germant là-haut, dans la roche brisée, 6+6 a
20 Y boit plus de sueurs cent fois que de rosée ; 6+6 a
Et, comme on bénit Dieu sous ton toit de sapin, 6+6 a
Nous devons te bénir quand nous mangeons ce pain. 6+6 a
Ah ! qu’il est plein de vie et de saveur ! Ah ! comme 6+6 a
Ce pain, fait tout entier de la vertu de l’homme, 6+6 a
25 Donne un plus noble sang, un plus vaillant esprit 6+6 a
À l’aïeul qui le sème, aux enfants qu’il nourrit ! 6+6 a
Mais nous, ô voyageur, plus haut ! montons encore 6+6 a
Cet escalier des monts par où descend l’aurore : 6+6 a
Chacun de ses degrés offre au cœur agrandi 6+6 a
30 L’image et le conseil d’un travail plus hardi. 6+6 a
Arrêtons-nous, regarde ! aux flancs du précipice, 6+6 a
Sur ces murs veloutés qu’un fin gazon tapisse, 6+6 a
Le faucheur, sur l’abîme allongeant son râteau. 6+6 a
Ramène herbes et fleurs jusqu’au bord du plateau. 6+6 a
35 Vois ce sapin vieilli dont les dernières branches 6+6 a
Pendent au bord du gouffre avec leurs mousses blanches ; 6+6 a
Vois ! l’homme ose attacher à ce tronc caverneux 6+6 a
Et prendre pour échelle un câble au mille nœuds. 6+6 a
Il s’en va, jusqu’en bas, couper l’herbe nouvelle. 6+6 a
40 Sur le dos du faucheur la gerbe s’amoncelle. 6+6 a
Pour gravir sous ce poids l’impossible chemin, 6+6 a
Il saisit chaque nœud de sa robuste main ; 6+6 a
Il monte ; il a touché l’étroite plate-forme. 6+6 a
Le voilà qui dépose, enfin, sa charge énorme, 6+6 a
45 Il respire. Il repart ; entre les hauts piliers 6+6 a
Il suit de la forêt les détours familiers. 6+6 a
Déjà, sur la colline adoucie en sa pente. 6+6 a
Un sentier plus battu vers le hameau serpente ; 6+6 a
L’homme approche, et, là-bas sur ce tertre avancé, 6+6 a
50 Sa verte meule oscille à son pas cadencé. 6+6 a
Voyez ! le fenil s’ouvre et s’emplit ; l’herbe fraîche 6+6 a
Et les fleurs des sommets vont parfumer la crèche. 6+6 a
Tombe aujourd’hui la neige, et grondent les autans, 6+6 a
La vache rousse aura du foin jusqu’au printemps, 6+6 a
55 Et tes fils accroupis, se réchauffant sous elle, 6+6 a
Pourront s’abreuver tous sans tarir sa mamelle ! 6+6 a
Retourne un jour encor, brun faucheur aux pieds nus, 6+6 a
Jusqu’à ces prés sans maître et de toi seul connus ; 6+6 a
Emmanches-y ton fer d’un bois que rien ne rompe ; 6+6 a
60 Puis, reviens. Du canton, là-bas, mugit la trompe. 6+6 a
Et, dans la gorge étroite où roulent des tambours, 6+6 a
J’entends les fantassins s’approcher à pas lourds. 6+6 a
CHANT DES FAUCHEURS
Au soleil levant les faux étincellent ; 5+5 a
La cascade en feu jette moins d’éclairs 5+5 b
65 Sous l’ardent rayon qui court dans les airs ; 5+5 b
Avec moins de bruit ses longs flots ruissellent. 5+5 a
Au soleil levant les faux étincellent. 5+5 a
Vois là-haut frémir nos fiers bataillons ! 5+5 a
La liberté souffle et grossit la trombe ; 5+5 b
70 Sur chaque berceau, près de chaque tombe, 5+5 b
Drus comme les blés dans nos vers sillons, 5+5 a
Ils germent du sol nos fiers bataillons. 5+5 a
La faux dans tes mains vaut mieux que l’épée, 5+5 a
Montagnard fidèle aux mœurs des aïeux ! 5+5 b
75 Dans l’auguste foi, dans l’honneur pieux, 5+5 b
Ainsi que ton cœur sa lame est trempée. 5+5 a
La faux dans tes mains vaut mieux que l’épée. 5+5 a
Ton marteau sonore a battu l’acier ; 5+5 a
Le grés du rocher près du flot l’aiguise, 5+5 b
80 La hampe de frêne est faite à ta guise ; 5+5 b
Présente la pointe au sanglant coursier. 5+5 a
Ton marteau sonore a battu l’acier. 5+5 a
Rustiques faucheurs, l’escadron se brise 5+5 a
Sur vos rangs pressés comme une forêt. 5+5 b
85 Frappez des chevaux le nerveux jarret ; 5+5 b
Rustiques faucheurs qu’un soldat méprise 5+5 a
Fauchez plus avant, l’escadron se brise ! 5+5 a
Les hauts cavaliers tombent lourdement 5+5 a
Sous l’or et l’airain des riches armures. 5+5 b
90 Les épis sont pleins, les herbes sont mûres : 5+5 b
Comme les pavots et le blond froment, 5+5 a
Les hauts cavaliers tombent lourdement. 5+5 a
Rompez dans leurs mains, comme une quenouille 5+5 a
La lance effilée au rouge pennon 5+5 b
95 Et l’écu d’azur où s’écrit leur nom. 5+5 b
Sous l’acier des faux lavé de sa rouille, 5+5 a
Leur glaive est brisé comme une quenouille. 5+5 a
Gravissez, faucheurs, ces monceaux de morts 5+5 a
Pareils aux sommets, votre âpre domaine. 5+5 b
100 Sur ces prés sanglants le fer se promène, 5+5 b
Four trancher la fleur des preux et des forts, 5+5 a
Gravissez, faucheurs, ces monceaux de morts. 5+5 a
Vous n’aurez jamais de moissons plus belles ; 5+5 a
Ramenez vos chars pleins et triomphants ; 5+5 b
105 La liberté sainte a, pour vos enfants, 5+5 b
Lié de ses mains les blondes javelles… 5+5 a
Vous n’aurez jamais de moissons plus belles. 5+5 a
Rentrez sous le hangar les faux et les tridents ; 6+6 a
Votre toit vous rappelle après ces jours ardents. 6+6 a
110 Moi j’irai sur vos monts, qu’en rêvant je traverse, 6+6 a
Cueillir à chaque cime une vertu diverse. 6+6 a
Les saintes visions habitent ces hauteurs : 6+6 a
Dieu, qui s’y manifeste à vos rudes pasteurs, 6+6 a
Accorde avec amour à leur race aguerrie, 6+6 a
115 Après les grands combats, la grande rêverie. 6+6 a
LE PÂTRE DES MONTAGNES
Le pâtre aux longs cheveux, roi des plateaux déserts, 6+6 a
Seul et fort, rêve en paix sur son trône de mousse ; 6+6 b
Gouvernant, tout l’été, dans leurs pacages verts, 6+6 a
Les noirs taureaux, les vaches rousses. 8 b
120 D’un geste à ses grands chiens il commande, et, le soir, 6+6 a
Le troupeau vagabond, dispersé dès l’aurore, 6+6 b
S’assemble autour du maître et suit à l’abreuvoir, 6+6 a
La génisse au collier sonore. 8 b
Le vent berce les pins, ces encensoirs des monts ; 6+6 a
125 Un souffle attiédi sort des bruyères voisines, 6+6 b
Et l’homme des hauts lieux respire à pleins poumons 6+6 a
La vitale odeur des résines. 8 b
La robuste fraîcheur qui tombe des glaciers, 6+6 a
Le soleil distillant le thym et les verveines, 6+6 b
130 Le souffle et la vertu des sommets nourriciers 6+6 a
Ont coulé dans ses fortes veines. 8 b
Les miasmes impurs, les morsures de l’air, 6+6 a
Les invisibles dards dont la nuit nous pénètre 6+6 b
N’atteignent pas son sang et glissent sur sa chair, 6+6 a
135 Comme sur l’écorce du hêtre. 8 b
Il combat, seul à seul, près du ravin béant, 6+6 a
L’ours au poil hérissé, qui recule et qui gronde ; 6+6 b
Il sait, au jour fatal, de l’orgueilleux géant 6+6 a
Percer le crâne avec sa fronde. 8 b
140 L’esprit de Dieu, souvent, a suscité sa voix, 6+6 a
Et la harpe obéit à cette main hardie ; 6+6 b
Et le rude pasteur lance, à travers les bois, 6+6 a
La prière et la mélodie. 8 b
Ainsi, quand le printemps met la sève en éveil, 6+6 a
145 Le vieux chêne attendri se dilate en sa force, 6+6 b
Et l’arbre aux flancs noueux fait jaillir au soleil 6+6 a
Un miel blond de sa noire écorce. 8 b
Mais nous, ô voyageurs, plus haut ! montons encore 6+6 a
Cet escalier des monts par où descend l’aurore. 6+6 a
150 Les plus âpres sommets et le front le plus fier, 6+6 a
Où les noirs ouragans grondaient peut-être hier, 6+6 a
Pour qui sait les atteindre et pour qui sait y lire. 6+6 a
Ont aussi leurs saisons de fleurs et de sourire. 6+6 a
L’amant de l’impossible atteint seul ces hauteurs, 6+6 a
155 Connaît seul ces rayons et ces vives senteurs. 6+6 a
LA FLEUR DES CIMES
Cueillez sur la cime austère 7 a
Cueillez, au prix des périls, 7 b
La fleur pure et salutaire 7 a
Qui tient à peine à la terre, 7 a
160 La fleur aux parfums subtils. 7 b
Dieu la sème et Dieu l’arrose ; 7 a
Préférez son vague encens 7 b
À l’âcre odeur de la rose, 7 a
Aux parfums que l’art compose 7 a
165 Pour le vain plaisir des sens. 7 b
L’esprit seul, au bout du rêve, 7 a
Rentré sur le sol natal, 7 b
Après un combat sans trêve, 7 a
Vous respire et vous enlève, 7 a
170 Douce fleur de l’idéal. 7 b
Nul n’atteint ces fleurs divines, 7 a
S’il n’a dans un long effort, 7 b
Sur la pierre ou les épines, 7 a
Rougi de sang nos collines 7 a
175 Et monté… jusqu’à la mort. 7 b
Mais quand l’âme est parvenue 7 a
À ces jardins du haut lieu, 7 b
La terre, en bas diminue, 7 a
Et, soulevé par la nue, 7 a
180 L’homme est tout près de son Dieu. 7 b
Mais nous, ô voyageur, plus haut ! montons encore 6+6 a
Cet escalier des monts par où descend l’aurore ; 6+6 a
Chacun de ses degrés offre au cœur agrandi 6+6 a
L’image et le conseil d’un travail plus hardi. 6+6 a
185 Plus haut, toujours plus haut ! Sur le glacier bleuâtre 6+6 a
Le chasseur est debout. Les taureaux et le pâtre 6+6 a
Apparaissent, là-bas, au soleil endormis, 6+6 a
Noirs sur les plateaux verts et tels que des fourmis. 6+6 a
L’ardent chasseur bondit au bord des précipices ; 6+6 a
190 Un chemin sans péril est pour lui sans délices, 6+6 a
Il aime à respirer, sur la neige des monts, 6+6 a
Un air qui brillerait nos débiles poumons. 6+6 a
Il cherche au bout des pics affrontés avec joie 6+6 a
La fatigue et la lutte encor plus que la proie ; 6+6 a
195 Puis, sur la toison fauve et dans l’antre des ours, 6+6 a
Il dort de longues nuits, il rêve de longs jours. 6+6 a
Il part ; le ciel est clair ; dans sa force il s’enivre, 6+6 a
Il sent sur les sommets le vrai bonheur de vivre, 6+6 a
Et, comme l’aigle errant sans rival et sans loi, 6+6 a
200 Loin de la foule impure, il est seul, il est roi. 6+6 a
LE CHASSEUR DE CHAMOIS
Le franc chasseur suit sur la neige 8 a
L’ours et l’isard ; 4 b
À chaque pas il trouve un piège, 8 a
Vit de hasard. 4 b
205 En déposant la carabine, 8 a
Souvent, le soir. 4 b
Il mange à son feu de résine. 8 a
Un pain tout noir. 4 b
Il n’a pas même un lit de chaume 8 a
210 Pour s’y coucher… 4 b
Mais les sapins forment le dôme 8 a
Sur son rocher. 4 b
Dans sa cape de laine brune, 8 a
Sans nul souci, 4 b
215 Il dort en attendant fortune… 8 a
Son chien aussi. 4 b
Son fusil et sa cartouchière 8 a
Près de sa main, 4 b
Il dort, dans sa pauvreté fière, 8 a
220 Jusqu’à demain ; 4 b
Rêvant de la fée immortelle 8 a
Qui l’a doté, 4 b
Et lui fit la part la plus belle, 8 a
La liberté ! 4 b
225 La liberté fière et sans règle 8 a
Dans sa ferveur, 4 b
Qui donne au pain d’orge et de seigle 8 a
Tant de saveur ; 4 b
Qui rend l’habit de grosse laine 8 a
230 Souple et soyeux, 4 b
Et fait battre à sa chaude haleine. 8 a
Les cœurs joyeux. 4 b
La liberté, plus douce encore 8 a
Que le doux miel, 4 b
235 Plus éclatante que l’aurore 8 a
Au fond du ciel. 4 b
Tu viens, ô divine guerrière, 8 a
Que nous aimons, 4 b
Tu descends, comme la lumière, 8 a
240 Du haut des monts. 4 b
Là, debout sur la feuille sèche. 8 a
Au bord d’un bois, 4 b
Tu lanças la première flèche 8 a
De ton carquois. 4 b
245 Là présente à l’heure fatale 8 a
Aux oppresseurs, 4 b
Tu fondras la dernière balle 8 a
Des francs chasseurs. 4 b
Mais nous, ô voyageur, plus haut ! Montons encore 6+6 a
250 Cet escalier des monts par où descend l’aurore. 6+6 a
Chacun de ses degrés offre au cœur agrandi 6+6 a
L’image et le conseil d’un travail plus hardi. 6+6 a
Aux confins de l’éther d’où la foudre s’élance. 6+6 a
Voici la région du froid et du silence, 6+6 a
255 Où la vie est voilée, où cessent les combats ; 6+6 a
L’œil même du chasseur ne la voit que d’en bas. 6+6 a
C’est le front de la terre où dort l’âme du fleuve. 6+6 a
Les fécondes sueurs où tout germe s’abreuve 6+6 a
Jaillissent de là-haut ; et l’être, à grands flots, sort 6+6 a
260 De ces monts recouverts du linceul de la mort. 6+6 a
LE GLACIER
L’esprit des eaux, caché dans son beau corps de neige, 6+6 a
Conserve tout l’hiver son immuable siège 6+6 a
Posé sur les sommets ; 6 a
Sa statue au front blanc, calme, solide et pure, 6+6 b
265 Semble un dieu qui s’assied à part dans la nature 6+6 b
Pour dormir à jamais. 6 a
Elle y forme des monts l’impassible couronne ; 6+6 a
Le nuage empourpré d’un manteau l’environne, 6+6 a
La lune s’y suspend, 6 a
270 Et la foudre du ciel, qui tonne à côté d’elle. 6+6 b
Sillonnant les glaciers sans qu’une onde en ruisselle. 6+6 b
S’éteint en les frappant. 6 a
Mais qu’un soleil ami caresse enfin la cime, 6+6 a
Le rocher devient flot, le dieu marche et s’anime 6+6 a
275 Sur son trône argenté. 6 a
L’esprit des eaux s’épanche avec un bruit sauvage. 6+6 b
Et, roulant vers la plaine, y porte le ravage… 6+6 b
Ou la fertilité. 6 a
Tel, dans la région des stoïques pensées. 6+6 a
280 Le héros s’est vêtu de ces splendeurs glacées ; 6+6 a
À voir ce front serein 6 a
Pareil aux pics blanchis, sans larme et sans murmure, 6+6 b
On a cru que l’amour glissait comme l’injure 6+6 b
Sur cet homme d’airain. 6 a
285 Mais que le vrai rayon vienne effleurer cette âme 6+6 a
Qu’un dessein généreux colore de sa flamme 6+6 a
Ce front indifférent, 6 a
Et vous verrez la neige en flot d’azur se fondre, 6+6 b
Vous entendrez ce cœur éclater et répondre 6+6 b
290 Au fracas du torrent. 6 a
Et le grand fleuve ira susciter toute chose ; 6+6 a
Plainte ou joie, éveillant sur les bords qu’il arrose 6+6 a
Mille échos assoupis ; 6 a
Et l’âme s’épandra sur les âmes prochaines, 6+6 b
295 Douce et terrible ; ici, faisant crouler les chênes, 6+6 b
Là, germer les épis. 6 a
mètre profils métriques : 8, 7, 4, 6, 6+6, 5+5
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