Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAP_7/LAP79
Victor de LAPRADE
IDYLLES HÉROÏQUES
1858
FRANTZ
IV
LES SEMAILLES
Les vapeurs de novembreet le soir qui commence 6+6 a
Répandent leur frcheurdans notre plaine immense. 6+6 a
Un reste de clarté,sur un nuage ardent, 6+6 b
Découpe le profildes grands monts d’occident. 6+6 b
5 À l’abri des sommetsbaignés de vapeur rose, 6+6 a
Le soleil, déjà las,s’incline et se repose. 6+6 a
Mais l’homme, infatigableà l’œuvre du labour, 6+6 b
Profite jusqu’au boutde sa force et du jour ; 6+6 b
Il pousse, avec lenteur,ses bœufs dont le poil fume. 6+6 a
10 Dans l’air qui s’épaissittout blanchi par la brume, 6+6 a
On entend des bouvierstrner le long refrain. 6+6 b
Ah ! qu’il est beau de voirsur le même terrain, 6+6 b
Foulant du même pasles herbes disparues, 6+6 a
Six paires de grands bœufstrnant leurs six charrues ! 6+6 a
15 Comme des chars de guerre,ils marchent alignés, 6+6 b
S’effoant sous le joug,ardents et résignés ; 6+6 b
Si doux qu’on les exciteavec une caresse. 6+6 a
Inutile au bouvier,l’aiguillon se redresse. 6+6 a
Mille oiseaux à l’entour,dans les sillons ouverts, 6+6 b
20 Attardés par l’appât,vont becquetant les vers. 6+6 b
Linot, bergeronnetteet mésange hardie 6+6 a
Sous les pieds des taureauxcourent à l’étourdie, 6+6 a
Voltigent sur leurs fronts,effleurent leur poitrail. 6+6 b
La paix règne entre tous,dans ce champ du travail. 6+6 b
25 Aux vents frais de la nuit,le bois prochain frissonne 6+6 a
Et jette au sillon noirl’or des feuilles d’automne. 6+6 a
La sorbe aux grains ambréstremble au bout du buisson, 6+6 b
Le seul bruit qui domineest la vieille chanson, 6+6 b
La voix du laboureur,lancée à toute haleine, 6+6 a
30 Qui plane et qui s’étendjusqu’au bout de la plaine. 6+6 a
LE BOUVIER
Il est noble, il s’assiedprès des anciens du bourg, 6+6 a
Le bouvier qui commandeaux taureaux de labour 6+6 a
 Domptés par sa main vigoureuse ; 8 b
De l’antique charrueil tient le gouvernail, 6+6 c
35 Et le grain sortira,fruit de son dur travail, 6+6 c
 Du sillon large et droit qu’il creuse. 8 b
Il est vaillant jouteurdu poing et du bâton ; 6+6 a
C’est lui qui dans la lice,aux fêtes du canton, 6+6 a
 Lance au but les folles cavales ; 8 b
40 Du village ennemison bras est redouté ; 6+6 c
Près de lui, beau danseurrayonnant de gté, 6+6 c
 Toutes les filles sont rivales. 8 b
S’il part conscrit, bien viteil est fait grenadier. 6+6 a
Honneur aux hommes forts !au solide bouvier : 6+6 a
45  Sa place est partout la première. 8 b
À table avec son mtre,assis au même banc, 6+6 c
Il a sa bonne partdu cidre et du pain blanc, 6+6 c
 Servis des mains de la fermière. 8 b
CHANT DE LABOUR
Plus loin ! creusez encoreun plus vaste sillon, 6+6 a
50 Mes fiers taureaux, avantde rentrer à l’étable ; 6+6 b
Ma voix excite encord’un paisible aiguillon 6+6 a
 Votre lenteur infatigable. 8 b
Le travail presse, amis !il faut qu’il dure encor 6+6 a
Il faut de l’héritageavoir atteint les bornes, 6+6 b
55 Avant que ce sommetcache le globe d’or 6+6 a
 Qui luit en face entre vos cornes. 8 b
Retournons bien ce soldu levant au couchant, 6+6 a
Qu’il offre un lit fécondau grain que l’on y sème ! 6+6 b
Je veux, pour de longs jours,fertiliser mon champ, 6+6 a
60  Avant de m’y coucher moi-même. 8 b
LES OISEAUX DE PASSAGE
 Plus loin toujours, ô laboureurs, 8 a
 Poussez le soc de vos charrues ; 8 b
 Plus loin, oiseaux avant-coureurs. 8 a
 Lancez vos ailes dans les nues ! 8 b
65  Voici l’hiver et ses horreurs ; 8 a
 Passez, corbeaux, cygnes et grues. 8 b
 Dans nos bois, rôdent les loups, 8 a
 Un vent noir déjà siffle et gronde. 8 b
 Cherchez un asile plus doux, 8 a
70  Un ciel la lumière abonde. 8 b
 Volez, oiseaux, précédez-nous ; 8 a
 Allez trouver un meilleur monde ! 8 b
 S’il est des pays sans hivers, 8 a
 Des flots que nul vent ne déchire ; 8 b
75  S’il est des jardins toujours verts, 8 a
  les yeux ne font que sourire. 8 b
  les cœurs sont toujours ouverts… 8 a
 Oiseaux, revenez me le dire ! 8 b
 Pour vous suivre et sous ce ciel d’or 8 a
80  Guérir le mal dont je succombe. 8 b
 Mon âme a déjà pris l’essor ; 8 a
 J’ai les ailes de la colombe. 8 b
 J’arriverai ! dussé-je encor 8 a
 Franchir l’épaisseur de la tombe ! 8 b
85 Mais là-bas, arrêtésau milieu du sillon, 6+6 a
Les bouviers, à genoux,plantent leur aiguillon. 6+6 a
Tandis qu’au-dessus d’euxles corbeaux et les cygnes 6+6 b
Dans les sentiers du cielpassent en longues lignes, 6+6 b
Sur la feuille jaunieun cortège nombreux 6+6 a
90 Serpente, au bord du bois,le long du chemin creux : 6+6 a
C’est la famille en deuilet d’amis entourée 6+6 b
Qui porte au champ des mortsl’aïeule vénérée. 6+6 b
Les voilà disparusdans le funèbre enclos, 6+6 a
Et déjà l’on entend,au milieu des sanglots, 6+6 a
95 — Le prêtre ayant finison oraison dernière, — 6+6 b
La terre, — ô bruit affreux !— retombant sur la bière. 6+6 b
Or, seuls dans leur sentier,revenant à l’écart, 6+6 c
Les époux l’un de l’autreont cherché le regard. 6+6 c
FRANTZ
Ah ! je voudrais versermon âme tout entière 6+6 a
100  Au sillon que voilà ; 6 b
Et dormir à jamaissous cette morne pierre, 6+6 a
 Si tu n’étais pas là. 6 b
Si ma vie en son deuiln’était pas enchnée 6+6 a
 Aux bras de nos enfants… 6 b
105 Mais mon cœur sera fortcontre la destinée ; 6+6 a
 C’est toi qui le défends. 6 b
J’ai vu crouler sous moile sol de ma colline ; 6+6 a
 Mais l’arbre y vit toujours, 6 b
Ô mère de mes fils !car j’ai pris ma racine 6+6 a
110  Dans nos saintes amours. 6 b
Reçois donc à cette heure,avec ma plainte amère 6+6 a
 D’un bonheur envolé, 6 b
Tout mon cœur dans un mot :Dieu m’a repris ma mère, 6+6 a
 Et tu m’as consolé ! 6 b
BERTHE
115  Et moi dans un mot je rassemble 8 a
 Les plus saints noms et les plus doux ; 8 b
 J’ai mon père et ma mère ensemble 8 a
 Et mon frère en toi, mon époux ! 8 b
 Pourvu que ton cœur m’y réponde, 8 a
120  Notre champ est mon univers ; 8 b
 J’ai mon paradis en ce monde 8 a
 Tant que tes bras m’y sont ouverts ; 8 b
 Tant que Dieu garde et que prospère 8 a
 De nos fils le riant essaim ; 8 b
125  Tant que je puis, devant leur père, 8 a
 Les presser tous contre mon sein. 8 b
 Par eux, dans le deuil nous sommes, 8 a
 Laisse ton cœur se ranimer ; 8 b
 Vis pour en faire un jour des hommes ; 8 a
130  Moi je leur enseigne à t’aimer. 8 b
FRANTZ
À genoux, mes enfants,priez, pleurez près d’elle, 6+6 a
 Que nos morts soient joyeux ! 6 b
Sa voix fait tressaillirla terre maternelle 6+6 a
 Pleine de vos aïeux. 6 b
135 Donnez-leur, ô mes fils,à tous ces morts augustes, 6+6 a
 Vos premières douleurs. 6 b
Vous devez un sang puraux vertus de ces justes ; 6+6 a
 Qu’ils aient au moins vos pleurs ! 6 b
Leur austère travaila fondé ce domaine, 6+6 a
140  Ce champ qui vous nourrit ; 6 b
Leur sagesse a glanédans la sagesse humaine 6+6 a
 Le pain de votre esprit. 6 b
Par eux ont survécuces chênes dont l’ombrage 6+6 a
 Orne encor ce beau lieu ; 6 b
145 Par eux l’antique foi,pour suprême héritage, 6+6 a
 Vous transmit le vrai Dieu. 6 b
Demandons nos vertusau tombeau de l’ancêtre ! 6+6 a
 Offrons-lui nos remords ! 6 b
Dieu sème au fond des cœursle bien qui doit y ntre, 6+6 a
150  Dans la saison des morts. 6 b
LE SEMEUR
 La terre est assez labourée, 8 a
Des entrailles du champôtez le soc d’airain. 6+6 b
 Notre âme est assez déchirée, 8 a
Des cœurs qu’il brise encoreôtez le noir chagrin. 6+6 b
155 Et vous, divin semeur,parcourez la contrée ; 6+6 a
 La terre est assez labourée ; 8 a
Versez, versez à flotsles germes du bon grain. 6+6 b
 Prêtez au sillon la semence, 8 a
Donnez aux morts chérisleur gîte hospitalier. 6+6 b
160  La vie est là qui recommence ; 8 a
Ce champ pour une graineen rapporte un millier. 6+6 b
L’hiver, tout va dormirsous un linceul immense ; 6+6 a
 Prêtez au sillon la semence, 8 a
Le printemps du Seigneurviendra tout réveiller. 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6, 6+6
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