Métrique en Ligne
LAP_6/LAP72
Victor de LAPRADE
LES SYMPHONIES
1855
LIVRE TROISIÈME
X
AU PIED DE LA CROIX
Ô Christ ! tu livras donc à nos disputes vaines 6+6 a
Ta croix même et ton sang que tu viens d’y verser ! 6+6 b
L’arbre divin fait ombre à nos clartés humaines, 6+6 a
Et notre orgueil le sape au lieu de l’embrasser. 6+6 b
5 Pour moi, Seigneur, si fort que ma raison s’effraie, 6+6 a
Je ne puis m’écarter ni douter de la croix ; 6+6 b
Car j’ai fait plus que voir et que toucher ta plaie, 6+6 a
Je la sens dans mon cœur… c’est par là que je crois ! 6+6 b
J’y fus aussi cloué sur l’arbre de torture ! 6+6 a
10 Si je rends témoignage à sa divinité, 6+6 b
C’est qu’en moi, dominant l’indocile nature, 6+6 a
La douleur te démontre à mon sang révolté. 6+6 b
C’est que je porte aussi ta couronne de ronce, 6+6 a
Que j’ai goûté le fiel du calice infini ; 6+6 b
15 C’est, ô Christ, qu’à tes pieds, sans obtenir réponse, 6+6 a
j’ai crié bien souvent : « Lama Sabacthani ! » 6+6 b
C’est, hélas ! que j’ai vu pleurer sur mon calvaire, 6+6 a
C’est que je vois, martyre y monter à son tour, 6+6 b
Cet ange maternel qui, sous ta main sévère, 6+6 a
20 A tant souffert pour moi, mais avec tant d’amour ; 6+6 b
C’est que je vois tous ceux que j’admire et que j’aime 6+6 a
S’attacher à ta croix et la porter entre eux ; 6+6 b
Et jeter, sous les coups qui m’ont percé moi-même, 6+6 a
Des cris plus résignés, mais aussi douloureux. 6+6 b
25 Et l’homme douterait de l’œuvre salutaire 6+6 a
Qu’accomplit ici-bas l’arbre aux rameaux sanglants ! 6+6 b
Lui qui, prêtre et victime en ce profond mystère, 6+6 a
Sur le rocher fatal a souffert six mille ans ! 6+6 b
L’homme est fier, à bon droit, de sa raison superbe ; 6+6 a
30 Qu’il soit fier de ses maux dont le ciel est l’enjeu ! 6+6 b
En vain il porte en lui quelques rayons du Verbe, 6+6 a
C’est par la croix surtout qu’il ressemble à son Dieu. 6+6 b
Triomphez donc, ô vous, qui gardez pour enseigne 6+6 a
Le sanglant labarum à l’amour confié ; 6+6 b
35 Les temps ne verront pas la fin de votre règne : 6+6 a
Tout l’univers est plein du grand crucifié. 6+6 b
Ils sont morts ! ils sont morts avec leur allégresse, 6+6 a
Ces dieux qu’un monde enfant adorait en sa fleur ; 6+6 b
Ils ne revivront plus dans les marbres de Grèce : 6+6 a
40 La croix est immortelle ainsi que la douleur. 6+6 b
Fais-moi donc adorer cette loi qui nous lie 6+6 a
Au gibet où ton fils monte encor chaque jour ; 6+6 b
Donne-moi d’en chérir la sublime folie, 6+6 a
Et d’épouser la croix comme un dernier amour ; 6+6 b
45 Car il n’est ici-bas qu’un seul bonheur paisible, 6+6 a
Qu’on trouve au sein des maux librement acceptés : 6+6 b
C’est l’extase où les cœurs, épris de l’invisible, 6+6 a
Se font de leurs tourments de saintes voluptés. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite périodique
logo du CRISCO logo de l'université