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LAP_6/LAP58
Victor de LAPRADE
LES SYMPHONIES
1855
LIVRE DEUXIÈME
V
LA MUSE ARMÉE
Oui, l’austère amitié qui te lie aux grands chênes, 6+6 a
Ce charme du désert qui t’enivre toujours, 6+6 b
S’ils t’ont fait ignorer nos calculs et nos haines, 6+6 a
Ont agrandi ton cœur pour les nobles amours. 6+6 b
5 Quand tu disais : Mon frère ! à l’arbre sans culture ; 6+6 a
Quand les oiseaux du ciel venaient baiser tes mains, 6+6 b
Ô toi qui pour famille avais pris la nature, 6+6 a
Non, tu n’abjurais pas la cité des humains ! 6+6 b
Au fond des bois sacrés où tu te réfugies, 6+6 a
10 Poëte aimé du chêne et du vieux bûcheron, 6+6 b
Tu voulais échapper au bruit de nos orgies ; 6+6 a
Mais tu redescendras à l’appel du clairon. 6+6 b
Tu n’as point redouté nos combats, mais nos fêtes. 6+6 a
Sur la neige éternelle ou sur le sable en feu, 6+6 b
15 Tu consultais la voix qu’entendent les prophètes, 6+6 a
Apprenant du désert à nous parler de Dieu. 6+6 b
Ce vieil amour du sol, cet honneur qu’on abdique, 6+6 a
Ce culte des aïeux et de leurs saintes lois. 6+6 b
Ils coulent dans ta veine, ô Muse druidique ! 6+6 a
20 Je les ai respirés sous les chênes gaulois. 6+6 b
Descends donc aujourd’hui, poëte ! il n’est plus l’heure 6+6 a
D’écouter les soupirs des flots ou des rameaux ; 6+6 b
C’est l’âme des humains qui s’agite et qui pleure : 6+6 a
Va retrouver ton peuple et souffrir de ses maux. 6+6 b
25 Viens faire, au cœur de ceux qui frappent dans l’arène, 6+6 a
Sonner des rhythmes fiers appris dans les grands bois. 6+6 b
Tu sais tailler aussi les javelots de frêne ; 6+6 a
C’est le jour d’épuiser ta lyre et ton carquois. 6+6 b
Viens ! la toison de l’ours flotte sur tes épaules. 6+6 a
30 Emprunte à nos forêts leurs divines terreurs ; 6+6 b
Entraîne sur tes pas le vrai peuple des Gaules, 6+6 a
De la faux implacable arme tes laboureurs. 6+6 b
Abdique enfin ta paix, Muse rêveuse et lente, 6+6 a
Avec ce flot vengeur descends de ton glacier ; 6+6 b
35 Marche, et lève à nos yeux ta hache étincelante, 6+6 a
La neige des sommets en a trempé l’acier. 6+6 b
Montre à l’homme agité dans les projets serviles 6+6 a
Ce qui dort dans la paix des saintes régions, 6+6 b
Et combien le désert, plus peuplé que les villes, 6+6 a
40 Fait au jour du combat germer de légions. 6+6 b
Car tu peux seule, ô Muse ! à la foule insensée 6+6 a
Souffler du haut des monts un esprit sage et fier ; 6+6 b
Et ceux que tu revêts d’une grande pensée 6+6 a
Marchent dans la bataille à l’épreuve du fer. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite périodique
schéma : 11(abab)
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