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LAP_5/LAP45
Victor de LAPRADE
POÈMES ÉVANGÉLIQUES
1852
LA CITÉ DE DIEU
I
Le royaume de Dieu que l’Évangile fonde 6+6 a
S’accroît incessamment, mais n’est pas de ce monde. 6+6 a
Or, le temps de la vie a tout homme est compté 6+6 a
Pour marcher jour et nuit vers la sainte cité, 6+6 a
5 Et de forts ouvriers, que Jésus daigne instruire, 6+6 b
Travaillent parmi nous, ardents à la construire. 6+6 b
Ce monde, où nous passons pour en sortir meilleurs, 6+6 a
N’est qu’un champ de combat, le triomphe est ailleurs. 6+6 a
Le juste qui vous sert, le fils qui vous révère, 6+6 a
10 Sur la terre, ô mon Dieu, n’obtiennent qu’un calvaire ; 6+6 a
L’impie en son audace y prévaudra toujours ; 6+6 b
Nul ne s’y garde pur que par votre secours ; 6+6 b
Le voile épais des sens y tient les cœurs dans l’ombre, 6+6 c
Et les lois de la chair sont la loi du grand nombre. 6+6 c
15 Oui, la terre appartient tout entière aux méchants ; 6+6 a
Leurs sillons chaque jour empiètent sur nos champs ; 6+6 a
La nature est pour eux aveugle en sa largesse ; 6+6 b
Tout admire ou subit leur frivole sagesse ; 6+6 b
Les âmes et les corps, les murs de la cité, 6+6 c
20 Tout accepte le sceau de leur difformité. 6+6 c
Cependant, au milieu des Babels de l’impie, 6+6 a
Subsiste et s’agrandit la ville où l’on expie, 6+6 a
La cité des élus, plus vaste que Sion, 6+6 b
L’Église qui s’unit à votre passion. 6+6 b
25 Là vous avez, ô Christ, sous le cèdre ou le chaume, 6+6 a
Mais dans le seul esprit, fondé votre royaume ; 6+6 a
Là votre main conduit, dans leurs âpres sentiers, 6+6 b
Du fardeau de la croix les pieux héritiers, 6+6 b
Qui soumis, avec vous, aux sarcasmes infâmes, 6+6 a
30 Travaillent sans relâche à la cité des âmes. 6+6 a
L’œuvre se poursuivra dans toute sa splendeur, 6+6 a
Tant que la charité fera battre un seul cœur. 6+6 a
En vain, de votre loi disant la fin prochaine, 6+6 b
La luxure s’indigne et l’orgueil se déchaîne, 6+6 b
35 Votre calice amer, librement accepté, 6+6 a
Est la seule grandeur de notre humanité. 6+6 a
Quelques âmes toujours s’offriront pour y boire, 6+6 b
O Christ, et, de l’amour attestant la victoire, 6+6 b
Toujours, prompt à jaillir par le flanc de quelqu’un, 6+6 a
40 Votre sang coulera pour le salut commun. 6+6 a
Œuvre de nos douleurs, ainsi vers Dieu s’élève 6+6 b
La cité que vit Jean dans son sublime rêve, 6+6 b
La cité du bonheur qui ne doit pas finir ; 6+6 a
Vous lui tournez le dos, vous, chercheurs d’avenir ! 6+6 a
45 Chaque homme, cependant, doit apporter sa pierre 6+6 b
À ces murs cimentés par l’esprit de lumière ; 6+6 b
Et l’asile, enrichi par tous les cœurs pieux, 6+6 a
S’achevant ici-bas s’ouvrira dans les cieux. 6+6 a
Ici-bas des élus la troupe militante 6+6 a
50 Passe comme un guerrier prêt à plier sa tente, 6+6 a
Comme un rude ouvrier, parti dès le matin, 6+6 b
Travaillant jusqu’au soir, mais pour un prix certain. 6+6 b
Ici-bas le Seigneur à chacun nous assigne 6+6 a
Nos heures de labeur pour féconder sa vigne ; 6+6 a
55 Mais le vin précieux qui sera récolté 6+6 b
Ne se boit que là-haut, dans l’immortalité. 6+6 b
Heureux ceux qui verront cette cité nouvelle, 6+6 a
L’invisible Sion que l’esprit nous révèle ! 6+6 a
Ce seront les vainqueurs dans les rudes combats 6+6 b
60 Qu’impose aux fils d’Adam la cité d’ici-bas ; 6+6 b
Car, ô Christ, consacrant la douleur sur la terre, 6+6 c
Vous vîntes apporter non la paix, mais la guerre. 6+6 c
Votre ville, où l’on vient par des sentiers étroits, 6+6 a
Garde, ici-bas, la forme et l’esprit de la croix ; 6+6 a
65 Chaque homme d’une croix s’y revêt quand il entre ; 6+6 b
Sur la pierre, debout, une croix brille au centre, 6+6 b
Et sur le monde, à flot, versé dans ce saint lieu, 6+6 c
Coule éternellement le sang de l’Homme-Dieu. 6+6 c
Autour de cet autel où l’amour mit ses flammes, 6+6 a
70 S’exhalent, jour et nuit, tous les parfums des âmes : 6+6 a
Les larmes du remords, les soupirs innocents, 6+6 b
Le sacrifice obscur dont Dieu goûte l’encens, 6+6 b
Les modestes vertus dont lui seul sait le compte, 6+6 a
Et les longues sueurs de l’âme qui se dompte. 6+6 a
75 Là, creusant dans les cœurs pour en extraire l’or, 6+6 b
Les douleurs pour le ciel amassent un trésor. 6+6 b
Là, penché sur nos fleurs, un séraphin recueille 6+6 a
La chasteté des lis et leur miel feuille à feuille. 6+6 a
Là, devant Dieu, les pleurs tombés des cœurs aimants 6+6 b
80 Remplissent les boisseaux de leurs purs diamants. 6+6 b
II
Écoutez, écoutez ! à la prière unie, 6+6 a
Toute plainte, en ces lieux, devient une harmonie ; 6+6 a
Les justes affligés exhalent dans leurs chants 6+6 b
Des accords inconnus au bonheur des méchants. 6+6 b
85 Au sein des pleurs, l’espoir sourit sur cette enceinte. 6+6 c
Voici les voix montant de cette cité sainte. 6+6 c
CHŒUR DES JUSTES
Soumis ou révolté, l’homme est né pour souffrir ; 6+6 a
A ta croix, ô Jésus, nous venons nous offrir. 6+6 a
La terre est à jamais le séjour de l’épreuve ; 6+6 b
90 Mais la douleur nous cache un mystère d’amour. 6+6 c
Tu dois, ô vieil Adam, épuiser à ton tour 6+6 c
Le vinaigre et le fiel dont Jésus-Christ s’abreuve. 6+6 b
Soumis ou révolté, l’homme est né pour souffrir ; 6+6 a
A ta croix, ô Jésus, nous venons nous offrir. 6+6 a
95 Vois, mon Dieu ! nous t’offrons notre sang et nos larmes 6+6 a
Dans le calice amer que ton fils a vidé ; 6+6 b
Aux traces de son sang l’homme est vers toi guidé, 6+6 b
Son nom dans la souffrance introduit mille charmes. 6+6 a
Soumis ou révolté, l’homme est né pour souffrir ; 6+6 a
100 A ta croix, ô Jésus, nous venons nous offrir. 6+6 a
Heureux qui, méprisant ce que le monde envie, 6+6 a
Garde sur un front pur ta divine pâleur, 6+6 b
O Christ, à ton exemple épousant la douleur : 6+6 b
Celui-là seul te plaît et connaît bien la vie ! 6+6 a
105 Soumis ou révolté, l’homme est né pour souffrir ; 6+6 a
A ta croix, ô Jésus, nous venons nous offrir. 6+6 a
La douleur qu’on accepte est un don salutaire ; 6+6 a
La douleur sanctifie après qu’elle a puni. 6+6 b
Oui, Dieu destina l’homme au bonheur infini ; 6+6 b
110 C’est pourquoi la douleur est la loi de la terre. 6+6 a
Soumis ou révolté, l’homme est né pour souffrir ; 6+6 a
A ta croix, ô Jésus, nous venons nous offrir. 6+6 a
UN PRÊTRE
O Christ ! vous attachez la couronne d’épines 6+6 a
Sur nos fronts dévoués aux sanglantes sueurs ; 6+6 b
115 Nous marchons, ici-bas, guidés par les lueurs 6+6 b
Qui rayonnent des trous de vos tempes divines. 6+6 a
Oui, ce monde est au prêtre un calvaire éternel ; 6+6 a
Nous sommes, entre tous, les bourreaux de nous-mêmes. 6+6 b
Et les passants grossiers accablent d’anathèmes 6+6 b
120 L’esprit qui crucifie en nous l’homme charnel ! 6+6 a
Nous subissons l’outrage à votre exemple, ô Maître ! 6+6 a
Nous bénissons la foule avec des yeux sereins, 6+6 b
Au fardeau de la croix nous présentons nos reins... 6+6 b
Mon Dieu, soyez loué par les douleurs du prêtre ! 6+6 a
125 Le prêtre devant vous marchera pauvre et seul ; 6+6 a
Il a quitté son champ, il meurt à sa famille, 6+6 b
Nul doux regard d’enfant à son foyer ne brille, 6+6 b
Sa robe de candeur lui fait comme un linceul. 6+6 a
Vous tenez nos cœurs pleins, mais nos mains restent vides ; 6+6 a
130 Les larmes des pécheurs, le souffle des lépreux, 6+6 b
La sueur des mourants, quand nous veillons pour eux, 6+6 b
Voilà les seuls trésors dont nous soyons avides. 6+6 a
Et le monde nous voit avec des yeux jaloux. 6+6 a
Simple, austère et caché soue quelque toit de chaumes, 6+6 b
135 Le prêtre est accusé d’usurper les royaumes : 6+6 b
Mon Dieu, pardonnez-leur et ne frappez que nous ! 6+6 a
Dès que votre onction fait de l’homme un apôtre, 6+6 a
Son âme ni sa chair ne restent plus à lui ; 6+6 b
Il devient le breuvage et l’aliment d’autrui, 6+6 b
140 Chacun puise, ô Jésus, à son sang comme au vôtre. 6+6 a
En échange des coups, des rires, des affronts, 6+6 a
Qu’ils prennent de nos mains le pain de la parole. 6+6 b
Pour le salut de tous, trop heureux qui s’immole ; 6+6 b
Daigne accepter, ô Christ, le sang que nous t’offrons ! 6+6 a
145 Pour nous les fers, l’exil et tous les noms infâmes... 6+6 a
Si du moins le troupeau qui nous est confié 6+6 b
Revient à ton bercail, ô Dieu crucifié ! 6+6 b
Périsse le pasteur, mais qu’il sauve les âmes ! 6+6 a
Oh ! comme il est aisé de porter, ici-bas, 6+6 a
150 Les travaux, les douleurs, mon Dieu, même la haine ! 6+6 b
Mais au prêtre, enchaîné dans sa nature humaine, 6+6 b
Tu réserves, mon Dieu, de plus rudes combats ! 6+6 a
Ton esprit est un feu qui brûle sa victime ; 6+6 a
Mon cœur, comme Jacob, se débat contre toi. 6+6 b
155 Le prêtre est à lui-même un juste objet d’effroi ; 6+6 b
Épargnez-nous, Seigneur, dans cette lutte intime. 6+6 a
Garder nos propres cœurs, voilà nos vrais tourments ; 6+6 a
Garder sainte la main qui touche le calice !... 6+6 b
C’est nous qui de ton sang offrons le sacrifice, 6+6 b
160 C’est à nous de trembler devant tes jugements. 6+6 a
D’effrayantes clartés tu nous as fait largesse ; 6+6 a
Le simple se dérobe à ce savoir fatal ; 6+6 b
Nous n’avons pas le droit, nous, d’ignorer le mal... 6+6 b
Qu’il est dur à porter le poids de la sagesse ! 6+6 a
165 Comment aimer sans trouble et penser sans erreur ? 6+6 a
La foi nous ouvre, ô Dieu, tes mystères sublimes, 6+6 b
Mais nous voyons aussi les ténébreux abîmes ; 6+6 b
Nous marchons combattus d’espoir et de terreur. 6+6 a
Ah ! la chair et l’orgueil sont bien lents à s’éteindre ! 6+6 a
170 Sous la robe des saints vivre est un long effort ; 6+6 b
Nos luttes, nos dangers durent jusqu’à la mort... 6+6 b
Buvons à ton calice, ô Jésus, sans nous plaindre ! 6+6 a
Multiplie à ton gré nos tourments, nos effrois, 6+6 a
Nos intimes langueurs, les coups venus des hommes ; 6+6 b
175 Montre par nos douleurs, ô Père, que nous sommes 6+6 b
Les membres de ton fils étendus sur la croix. 6+6 a
UN SOLDAT
O mort, délivre-moi ; ta lenteur est cruelle ! 6+6 a
Toi seule peux guérir le blessé qui t’appelle. 6+6 a
Cadavre encor vivant j’étouffe sous les morts ; 6+6 b
180 L’ardeur de la bataille emporte au loin mes frères, 6+6 c
Nul, hormis toi, n’entend mes sanglantes prières... 6+6 c
Viens arracher mon âme aux débris de mon corps. 6+6 b
Que d’heures à souffrir ! et la neige qui tombe 6+6 a
Me vient ensevelir dans le froid de la tombe... 6+6 a
185 J’ai vu planant sur moi les vautours, les corbeaux ; 6+6 b
La nuit ouvre sa porte aux oiseaux des ténèbres ; 6+6 c
Les loups rôdent ; j’entends leurs hurlements funèbres ; 6+6 c
De ma chair palpitante ils auront les lambeaux. 6+6 b
Horrible fin ! au bout de l’existence austère 6+6 a
190 Faite aux hommes voués à l’œuvre militaire. 6+6 a
Mourir seul, longuement, sans secours, sans adieu ! 6+6 b
Seul... mais non, je vous ai présent dans ma pensée, 6+6 c
O Christ ! vous assistez à ma mort délaissée. 6+6 c
Par le sang du soldat, soyez béni, mon Dieu ! 6+6 b
195 Soyez béni ! j’ai soif... la fièvre me dévore... 6+6 a
Je sens crier mes os... je vous bénis encore ! 6+6 a
Mon nom sans gloire, o Christ, est au moins su de vous ; 6+6 b
Unie à votre mort, oh ! que la mort est grande ! 6+6 c
Louange à vous, Seigneur, qui prenez en offrande 6+6 c
200 Le sang de quelques-uns pour le salut de tous ! 6+6 b
Je meurs seul, déchiré par les bêtes sauvages ; 6+6 a
Mais j’éloigne des miens la guerre et ses ravages ; 6+6 a
Sous le chaume natal mes sœurs dorment en paix ; 6+6 b
Rien ne trouble à l’autel la parole du prêtre ; 6+6 c
205 Tout sillon, tout foyer demeure à son vrai maître ; 6+6 c
Celui qui les sema cueille ses blés épais. 6+6 b
Soldat je meurs heureux ! si mon peuple et ma race 6+6 a
S’accroissent dans l’honneur et si Dieu leur fait grâce. 6+6 a
Je meurs pour le saint nom du pays des aïeux ; 6+6 b
210 Pour que mon drapeau, fier en rentrant dans nos villes, 6+6 c
Brille, et, chassant la nuit des discordes civiles, 6+6 c
Rapporte la vertu dans ses plis glorieux. 6+6 b
Que le sang dont j’ai teint cet héroïque emblème 6+6 a
Serve aux miens de rachat et me soit un baptême ! 6+6 a
215 Ah ! le cœur du soldat a besoin de pardon ; 6+6 b
Il a suivi sans frein les passions humaines... 6+6 c
Mon Dieu ! mais pour son peuple ouvrant toutes ses veines, 6+6 c
Aujourd’hui qu’il se brise, acceptez-en le don. 6+6 b
Oui, mes jours ont des sens subi le vain tumulte ; 6+6 a
220 J’ai dans ma fougue, ô Christ, oublié votre culte 6+6 a
Mais, au fond, j’ai gardé l’amour de votre loi. 6+6 b
J’ai, du lait maternel, reçu votre doctrine ; 6+6 c
Comme le cœur qui bat caché dans la poitrine, 6+6 c
A côté de l’honneur la foi vivait en moi. 6+6 b
225 Ferme dans cette foi mon âme à vous s’élance. 6+6 a
Faites, par votre flanc percé du fer de lance, 6+6 a
Que ma mort pour rançon ne s’offre pas en vain ; 6+6 b
A ces flots de mon sang qui coule ici, sans gloire, 6+6 c
Mêlez, pour lui donner la force expiatoire, 6+6 c
230 Une goutte, ô Jésus, de votre sang divin. 6+6 b
UN LABOUREUR
Vous êtes juste et bon, Seigneur ! votre colère 6+6 a
Cache un secret d’amour que nous devons bénir ; 6+6 b
Aujourd’hui votre main, vigilante à punir, 6+6 b
Nous frappe à coups pressés comme le blé sur laire. 6+6 a
235 La trombe emporte au loin nos ceps déracinés, 6+6 a
Et le sol des coteaux, de ravins sillonnés, 6+6 a
Enfouit les prés des vallées. 8 b
Dans les champs épargnés par les torrents accrus, 6+6 c
Hélas ! je cherche en vain les épis disparus 6+6 c
240 Sous les grêles amoncelées. 8 b
Vous déchaînez, Seigneur, tous les fléaux des cieux, 6+6 d
Les feux, les vents, les eaux... la foudre éclate et roule 6+6 e
Et frappe sur le roc la maison des aïeux ; 6+6 d
Sur mes derniers troupeaux le toit brûle et s’écroule. 6+6 e
245 Chars, outils du labour, tout est cendre ou débris ! 6+6 a
Devant nous la famine et l’hiver sans abris ; 6+6 a
Notre désastre est sans mesure ! 8 b
Enfants ! armez vos cœurs et tombons à genoux. 6+6 c
Seigneur, tu peux pencher ton oreille vers nous, 6+6 c
250 Tu n’entendras pas un murmure. 8 b
Pour nous garder vivants jusqu’au printemps nouveau, 6+6 a
Nous comptons, ô mon Dieu, sur ta main qui nous frappe ; 6+6 b
Durant les longs hivers elle nourrit l’oiseau ; 6+6 a
Par elle aux durs frimas toujours un grain échappe. 6+6 b
255 Le travail est mon lot, Seigneur, je m’y soumets ! 6+6 a
Je referai ce sol des vallons aux sommets ; 6+6 a
Et, malgré le poids des années, 8 b
Mes bras toujours tendus, mes reins toujours chargés 6+6 c
Rapporteront d’en bas la vigne et les vergers, 6+6 c
260 Sur ces collines décharnées. 8 b
Dieu commande l’effort, c’est l’effort qu’il bénit ! 6+6 a
L’effort doit vaincre un jour les éléments rebelles. 6+6 b
Un ongle patient peut rayer le granit ; 6+6 a
J’y ferai mon sillon pour des moissons plus belles. 6+6 b
265 Seigneur, voici mes fils ! sitôt qu’ils grandiront 6+6 a
Sous le joug du travail je courberai leur front ; 6+6 a
Ils sauront que ta loi l’enseigne. 8 b
Toute vie est douleur, abstinence et combats ; 6+6 c
Avant d’aller, là-haut, se guérir d’ici-bas, 6+6 c
270 Il faut que le cœur lutte et saigne. 8 b
Chacun boit, ô Jésus ! à ton vase de fiel ; 6+6 a
Chacun touche le prix de son épreuve austère. 6+6 b
Notre façon, à nous, de mériter le ciel, 6+6 a
C’est de donner, à flots, nos sueurs à la terre. 6+6 b
275 Avec nos fleurs en vain la grêle abat nos fruits ; 6+6 a
En vain notre moisson, nos vergers sont détruits ; 6+6 a
En vain la terre se révolte. 8 b
Nous semons, près de Dieu, des jardins toujours verts, 6+6 c
Où rien n’empêchera, ni le feu ni les vers, 6+6 c
280 L’âme de faire sa récolte. 8 b
Dieu nous voit ! revenons aux travaux suspendus ; 6+6 a
A l’œuvre, enfants ! que nul encor ne se lamente ; 6+6 b
Dans le ciel, aujourd’hui, notre richesse augmente 6+6 b
De tous ces beaux froments qui vous semblaient perdus. 6+6 a
285 Vous êtes juste et bon, Seigneur ! votre colère 6+6 a
Cache un secret d’amour que nous devons bénir ; 6+6 b
Heureux quand votre main, vigilante à punir, 6+6 b
Nous frappe à coups pressés comme le blé sur laire. 6+6 a
UNE MÈRE
Mon fils est mort ! mon fils !... ils sont partis sans moi, 6+6 a
290 Seigneur ! tous ceux que j’aime... 6 b
Ah ! mon sang révolté s’élève contre toi ; 6+6 a
Défends-moi du blasphème. 6 b
Oui, pardonne à Rachel tout ce qu’elle a pensé ; 6+6 a
Tu fis le cœur des mères. 6 b
295 Mon Dieu ! je t’ai maudit sans t’avoir offensé ; 6+6 a
Nos pleurs sont nos prières. 6 b
Mon fils est mort, et moi j’aurais des lendemains ! 6+6 a
Non, j’ai droit de le suivre... 6 b
J’arrachai mes cheveux, je déchirai les mains 6+6 a
300 Qui me forçaient à vivre. 6 b
Ils osaient me vanter des jours encor nombreux, 6+6 a
L’avenir, ma jeunesse, 6 b
Le sacrilège espoir d’un hymen plus heureux, 6+6 a
Pour qu’un fils en renaisse ! 6 b
305 Oui, je vivrai ! portant, ô Christ, puisqu’il vous plaît, 6+6 a
Ma croix avec la vôtre ; 6 b
Mais, ô mon fils ! le sein qui t’a donné son lait 6+6 a
Est tari pour un autre. 6 b
Je vivrai, je vivrai, c’est trop tôt pour mourir, 6+6 a
310 Je veux souffrir encore ! 6 b
Promettez-moi, Seigneur, de ne jamais guérir 6+6 a
Le mal qui me dévore. 6 b
Je vivrai ! les vivants restent unis aux morts 6+6 a
Par de pieuses chaînes ; 6 b
315 A ceux qui ne sont plus Dieu compte nos efforts 6+6 a
Et le prix de nos peines. 6 b
Je vous offre, ô Seigneur, gardez à mon enfant 6+6 a
Jeûne, prière, aumône. 6 b
Que je lutte ici-bas, mais qu’il soit triomphant ; 6+6 a
320 Qu’il ait au ciel un trône. 6 b
J’adopte pour mes fils les vieillards, les lépreux ; 6+6 a
Et je sais qu’en échange, 6 b
Mes soins et mes trésors, donnés aux malheureux, 6+6 a
Dieu les rend à cet ange. 6 b
325 Mon cœur est mort ; les deuils, les craintes, les chagrins, 6+6 a
Je n’en puis plus connaître. 6 b
Il te reste ma chair et mon sang et mes reins, 6+6 a
Frappe sur elle, ô Maître ! 6 b
Couvre mon front de lèpre et fait crier mes os 6+6 a
330 Jusqu’à ma dernière heure ; 6 b
Mais que mes morts chéris jouissent du repos, 6+6 a
Mon Dieu, dans ta demeure ! 6 b
J’ai des larmes encor ! fais couler par torrents 6+6 a
Cette onde expiatoire ; 6 b
335 Puisqu’elle éteint, pour ceux que je nomme en pleurant, 6+6 a
Les feux du purgatoire. 6 b
Compte à mon fils les jours, les maux que j’ai soufferts, 6+6 a
Les pleurs que je te donne ; 6 b
De tous ces diamants à tes autels offerts 6+6 a
340 Embellis sa couronne. 6 b
UNE VIERGE
Jésus crucifié sera mon seul époux. 6+6 a
J’ai cueilli ma parure aux ronces du Calvaire ; 6+6 b
Soyez belle, ô ma sœur, mes joyaux sont à vous ; 6+6 a
Voici le fiancé : ne songez qu’à lui plaire. 6+6 b
345 Gardez cette maison ; ne faites point deux parts 6+6 a
Des ruches, du verger, de la moisson nouvelle. 6+6 b
Vous aurez notre mère et vos fils : moi je pars, 6+6 a
La famille du Christ est là-bas qui m’appelle. 6+6 b
Rentrez par les prés verts, le printemps est éclos ; 6+6 a
350 Respirez tous les deux l’églantier de nos haies : 6+6 b
L’époux a mis, pour moi, les fleurs de son enclos 6+6 a
Sur le lit des lépreux dont je panse les plaies. 6+6 b
Il sourit à travers les yeux de l’orphelin, 6+6 a
Il prend pour me parler les voix de ceux qui pleurent ; 6+6 b
355 Dans les derniers soupirs’ des mendiants qui meurent, 6+6 b
Il soupire d’amour sous mon voile de lin. 6+6 a
A ta servante, ô Christ, épargne d’autres joies ! 6+6 a
Fais-moi payer le ciel avant de me l’ouvrir. 6+6 b
C’est, ô roi des douleurs, pour souffrir ou mourir, 6+6 b
360 Qu’aux sentiers des humains j’ai préféré tes voies. 6+6 a
Je n’ai pas voulu fuir un travail, un souci ; 6+6 a
Je vis de votre vie, ô mes sœurs, ô ma mère ! 6+6 b
N’accusez pas mon cœur d’ingratitude amère ; 6+6 b
Il faut vous aimer bien pour vous quitter ainsi. 6+6 a
365 Je veux plus que ma part des deuils de ma famille. 6+6 a
Si Dieu sur notre toit tient des maux suspendus, 6+6 b
Je veux les emporter, c’est à moi qu’ils sont dus ; 6+6 b
Que Dieu vous les épargne en frappant votre fille. 6+6 a
Au prix de la douleur tout bien est acheté. 6+6 a
370 Dans les cloîtres obscurs où vos combats nous suivent, 6+6 b
Nous mourons longuement afin que d’autres vivent ; 6+6 b
Dieu vous paye en vertus notre virginité. 6+6 a
Puisqu’il se plaît aux fleurs des âmes solitaires, 6+6 a
Mes frères, de ses lis respectez le trésor ; 6+6 b
375 Une vierge est plus blanche et plus fragile encor ! 6+6 b
Gardez-nous, à l’écart, dans nos jardins austères. 6+6 a
Laissez-moi de mon cœur écouter le conseil ; 6+6 a
J’ai besoin d’un amour sans mesure et sans nombre. 6+6 b
Au chevet des mourants, laissez-moi vivre, à l’ombre ; 6+6 b
380 Je vous cède le monde et ma place au soleil. 6+6 a
J’ai cueilli ma parure aux ronces du Calvaire ; 6+6 a
Jésus crucifié sera mon seul époux. 6+6 b
Soyez belle, ô ma sœur, mes joyaux sont à vous ; 6+6 b
Voici le fiancé, ne songez qu’à lui plaire. 6+6 a
385 Jésus crucifié sera mon seul époux. 6+6 b
UN CONFESSEUR DE LA FOI
Porté sur les eaux sans rivages, 8 a
Seul et roi dans l’éternité, 8 b
L’Esprit goûtait, au fond des âges, 8 a
L’immuable félicité. 8 b
390 L’Esprit se suffit à lui-même ; 8 c
Dieu vit, il se connaît, il s’aime, 8 c
Il a l’infini pour séjour. 8 d
Mais créer du bonheur, ô Maître, 8 e
Répandre le bienfait de l’être, 8 e
395 C’était la loi de votre amour ! 8 d
« Faisons l’homme à ma ressemblance, 8 a
Qu’il pense et que je sois aimé ! » 8 b
Dieu dit. La vie à flots s’élance, 8 a
Et le néant s’est animé. 8 b
400 L’être nouveau, l’homme respire ; 8 c
Toute la terre est son empire. 8 c
Mais, ô don sublime et fatal, 8 d
L’homme est libre ! époux de la femme, 8 e
Il porte avec elle en son âme 8 e
405 Le pouvoir du bien et du mal. 8 d
Hélas ! dans son impatience, 8 a
Croyant fuir la lutte et l’effort, 8 b
Adam, sur l’arbre de science, 8 a
Dérobe un fruit, germe de mort. 8 b
410 Maudis cette clarté furtive : 8 c
Avec l’ignorance native 8 c
L’Éden pour ta race est perdu ; 8 d
Et, trompant ton désir crédule, 8 e
Le bonheur, devant toi, recule 8 e
415 Son fruit ici-bas défendu. 8 d
Pour remonter au sein du Père, 8 a
Tu dois, expiant ton orgueil, 8 b
Après l’exil et la misère 8 a
Traverser encor le cercueil. 8 b
420 Homme ! ta chute est sans remède, 8 c
Si la force d’en haut ne t’aide 8 c
A terrasser tes ennemis... 8 d
Pour réparer ses créatures, 8 e
Mêlant en lui les deux natures, 8 e
425 A la douleur Dieu s’est soumis. 8 d
Il nous donne son fils lui-même. 8 a
Père, oh ! combien l’homme t’est cher ! 8 b
Ton fils, ta sagesse suprême, 8 a
Ton Verbe en Jésus s’est fait chair. 8 b
430 Tu montes pour nous au Calvaire, 8 c
Tu subis notre loi sévère, 8 c
La loi de l’expiation. 8 d
Mais, pour que sa fin s’accomplisse, 8 e
L’homme doit boire à ton calice, 8 e
435 Et s’adjoindre à ta passion. 8 d
Mon Dieu ! pour la gloire infinie 8 a
Tu nous as faits dans ton amour ; 8 b
Mais chaque âme, pour t’être unie, 8 a
Devra se créer à son tour. 8 b
440 L’homme se refait par la lutte : 8 c
Adam fut libre dans sa chute, 8 c
Libre il saura se relever ; 8 d
Mais il faut que tu le soutiennes ; 8 e
Nos douleurs n’empruntent qu’aux tiennes 8 e
445 La vertu qui peut nous sauver. 8 d
Tu passeras, terre éphémère, 8 a
Dur calvaire où l’homme est puni ! 8 b
Viens, ô douleur, nourrice amère 8 a
Qui nous formes pour l’infini. 8 b
450 Viens, ô douleur, sublime artiste, 8 c
Fais-moi d’un métal qui résiste, 8 c
Qui brave la rouille et le feu ; 8 d
Pour qu’admise enfin à la joie, 8 e
Sans qu’elle s’y fonde et s’y noie, 8 e
455 Mon âme plonge au sein de Dieu. 8 d
CHŒUR DES JUSTES
La terre est à jamais le séjour de l’épreuve, 6+6 a
Mais la douleur nous cache un mystère d’amour, 6+6 b
Tu dois, ô vieil Adam, épuiser à ton tour 6+6 b
Le vinaigre et le fiel dont, Jésus-Christ s’abreuve. 6+6 a
460 Soumis ou révolté, l’homme est né pour souffrir ; 6+6 a
A ta croix, ô Jésus, nous venons nous offrir. 6+6 a
Vois, mon Dieu, nous t’offrons notre sang et nos larmes 6+6 a
Dans le calice amer que ton fils a vidé ; 6+6 b
Aux traces de son sang l’homme est vers toi guidé ; 6+6 b
465 Son nom dans la souffrance introduit mille charmes. 6+6 a
Soumis ou révolté, l’homme est né pour souffrir ; 6+6 a
A ta croix, ô Jésus, nous venons nous offrir. 6+6 a
Heureux qui méprisant ce que le monde envie, 6+6 a
Garde sur un front pur ta divine pâleur, 6+6 b
470 O Christ, à ton exemple épousant la douleur ; 6+6 b
Celui-là seul te plaît et connaît bien la vie. 6+6 a
Soumis ou révolté, l’homme est né pour souffrir ; 6+6 a
A ta croix, ô Jésus, nous venons nous offrir. 6+6 a
La douleur qu’on accepte est un don salutaire ; 6+6 a
475 La douleur sanctifie après qu’elle a puni. 6+6 b
Oui, Dieu destina l’homme au bonheur infini, 6+6 b
C’est pourquoi la douleur est la loi de la terre. 6+6 a
Soumis ou révolté, l’homme est né pour souffrir ; 6+6 a
A ta croix, ô Jésus, nous venons nous offrir. 6+6 a
III
480 Or, dans le ciel, les pleurs et les travaux des justes 6+6 a
Sont unis, ô Jésus, à vos œuvres augustes ; 6+6 a
Une colline d’or et de pur diamant 6+6 b
De l’amas des vertus s’y forme incessamment ; 6+6 b
Et de cet or vivant, que la douleur enfante, 6+6 a
485 Vous-même y bâtissez la ville triomphante 6+6 a
Où Dieu sera béni par tous les affligés 6+6 b
Heureux et pour jamais à sa droite rangés ; 6+6 b
La cité qu’entrevit votre plus doux apôtre, 6+6 a
La cité dent le sang des martyrs, et le vôtre, 6+6 a
490 Liant le jaspe et l’or, l’onyx et le lapis, 6+6 b
Fournira le ciment plus dur que le rubis. 6+6 b
Je la vois, je la vois ! votre ville est immense ; 6+6 a
Elle est sans borne, ô Dieu, comme votre clémence. 6+6 a
A toutes les tribus de l’immense univers, 6+6 b
495 Les palais de l’agneau jour et nuit sont ouverts. 6+6 b
Vous ne laisserez pas gémir à votre porte 6+6 a
L’homme de bon vouloir et de charité forte, 6+6 a
Pas même le pêcheur, s’il s’est agenouillé. 6+6 b
Rien n’entre, je le sais, d’impur et de souillé ; 6+6 b
500 Mais le sang de Jésus, mais ses larmes fécondes 6+6 a
D’un baptême assez vaste ont lavé tous les mondes ; 6+6 a
Pour tous ceux qui sont morts, pour tous ceux qui naîtront 6+6 b
Une goutte eût suffi des sueurs de son front. 6+6 b
Vous donc qui, passagers dans la cité des larmes, 6+6 a
505 Contre vos propres cœurs veillez, toujours en armes, 6+6 a
Ne désespérez point, quand votre esprit troublé 6+6 b
Chancelle dans sa foi par le doute ébranlé. 6+6 b
Si vous n’avez pas fui, pour traverser la vie, 6+6 a
La route de la croix que Jésus a suivie, 6+6 a
510 Vers ce lieu de repos, qui doit s’ouvrir un jour, 6+6 b
Levez vos yeux en pleurs, mais embrasés d’amour, 6+6 b
Et Dieu vous montrera, dans sa gloire éclatante, 6+6 a
La cité de l’agneau promise à votre attente. 6+6 a
J’entends, à chaque porte, une voix qui grandit ; 6+6 a
515 Voix du Verbe vivant qu’Israël entendit. 6+6 a
Douze Anges radieux et tels que. des aurores 6+6 b
Ont répandu ces mots de leurs clairons sonores ; 6+6 b
L’appel consolateur, tombé du haut des cieux, 6+6 a
Autant qu’aux innocents s’adresse aux malheureux. 6+6 a
520 « Heureux ceux dont l’esprit, détaché de la terre, 6+6 b
« Mit dans la pauvreté sa préférence austère ; 6+6 b
« En vertu de ce choix le ciel leur appartient 6+6 a
« Avec tous ses trésors et Dieu qui les contient. 6+6 a
« Heureux les cœurs sans fiel où la douceur abonde, 6+6 b
525 « Car ils posséderont le royaume du monde. 6+6 b
« Heureux celui qui pleure, il sera consolé. 6+6 a
« Heureux, en son ardeur, l’homme droit et zélé 6+6 a
« Que tourmente ici-bas la soif de la justice ; 6+6 b
« Il s’en rassasîra dans l’éternel calice. 6+6 b
530 « Heureux sont les cœurs purs, car ceux-là verront Dieu, 6+6 a
« Heureux le pacifique ; on le dit, en tout lieu, 6+6 a
« Fils de Dieu même. Heureux qui fait miséricorde, 6+6 b
« Car il reçoit d’en haut le pardon qu’il accorde. 6+6 b
« Heureux qui, chez les siens toujours persécuté, 6+6 a
535 « Souffre pour la justice et pour la vérité ; 6+6 a
« Le royaume du ciel deviendra son domaine. 6+6 b
« Heureux vous que le monde accable de sa haine ; 6+6 b
« Tenez-vous pour heureux quand, à cause de moi, 6+6 a
« Le mal est dit de vous par les hommes sans foi. 6+6 a
540 « Alors, soyez joyeux ! car un trésor immense 6+6 b
« S’amasse dans le ciel pour votre récompense. » 6+6 b
Et, parmi les Gentils comme dans Israël, 6+6 a
Le peuple entier des morts entendra cet appel. 6+6 a
Autour de la cité, plus nombreux que les feuilles, 6+6 a
545 Ils se pressent, ô Christ, pour que tu les recueilles. 6+6 a
Vers toi l’esprit d’amour, soufflant des quatre vents, 6+6 b
Soulève du cercueil ces tourbillons vivants. 6+6 b
Il te vient des élus par mille et mille voies ; 6+6 a
Toutes mènent au ciel hormis celles des joies, 6+6 a
550 Celle où l’heureux du monde, incapable d’effort, 6+6 b
Marche des faux plaisirs à l’éternelle mort. 6+6 b
Car pour donner la vie, ô Dieu, toi qui nous aimes, 6+6 a
Tu ne peux rien sur moi sans l’œuvre de moi-même. 6+6 a
Ta main est toujours là, prête à nous secourir ; 6+6 b
555 Mais, sur qui la refuse et s’obstine à mourir, 6+6 b
Tu répandrais en vain et la vie et ta grâce ; 6+6 a
Tu peux tout, excepté vouloir à notre place. 6+6 a
L’homme seul qui voulut, qui lutta fortement, 6+6 b
Est capable du ciel, au jour du jugement. 6+6 b
560 L’homme, argile rebelle au doigt qui le façonne, 6+6 a
Repousse librement l’être que Dieu, lui donne. 6+6 a
Tu ne peux, malgré lui, le frappant de ton sceau, 6+6 b
Le. refaire, ô Seigneur, à l’image du beau. 6+6 b
Il faut que son métal, quand ton brasier s’allume, 6+6 a
565 Consente à tous les coups frappés sur ton enclume. 6+6 a
C’est la douleur, mon Dieu, qui, de sa rude main, 6+6 b
Pour l’immortalité pétrit le cœur humain. 6+6 b
Tout ton peuple aujourd’hui, délivré de la terre, 6+6 a
Toit de mille clartés resplendir ce mystère ; 6+6 a
570 Heureux d’avoir souffert, il ne demande plus 6+6 b
Le but de tant de maux qui frappent les élus ; 6+6 b
Il sait qu’ici-bas l’homme, auguste créature, 6+6 a
Souffre, expie et combat pour toute la nature ; 6+6 a
Et qu’acceptant leur croix pour le salut commun, 6+6 b
575 Avec Jésus martyr les élus ne font qu’un. 6+6 b
Hôtes du firmament, soleils, blanches étoiles, 6+6 a
Astres joyeux et purs qui voyez Dieu sans voiles, 6+6 a
Vous qu’un souffle amoureux guide éternellement, 6+6 b
L’homme est plus grand que vous il est libre en aimant ! 6+6 b
580 Il peut, même au Seigneur, refuser ce qu’il donne ; 6+6 a
Il travaille, en souffrant, à sa propre couronne ; 6+6 a
Il achète ce ciel qui ne vous coûta rien, 6+6 b
Et capable du mal il accomplit le bien. 6+6 b
Des périls du combat, c’est lui qui vous dispense ; 6+6 a
585 Pour qui ne sait qu’aimer, l’homme veut, souffre et pense, 6+6 a
Son front reçut pour tous, en sa noble pâleur, 6+6 b
Avec la liberté le poids de la douleur. 6+6 b
Des autres univers la douleur est proscrite ; 6+6 a
Notre globe est le seul qui souffre et qui mérite. 6+6 a
590 Tu ne veux pas, mon Dieu, père tendre et clément, 6+6 b
Que même un vermisseau souffre inutilement ; 6+6 b
Du sel de la douleur ta main fut économe, 6+6 a
Tu ne l’as répandu que sur les pas de l’homme. 6+6 a
Oui, ce globe est martyr ; c’est trop frapper sur lui, 6+6 b
595 Si nous ne souffrons pas pour le bonheur d’autrui ! 6+6 b
Oui ! tout est racheté par nos larmes fécondes ; 6+6 a
L’homme t’en donne assez pour payer tous les mondes. 6+6 a
Mais, aux portes du ciel, aux pieds des bienheureux, 6+6 b
Que vient faire, ô douleur, ton nom, ton nom affreux ? 6+6 b
600 Oui ! l’œuvre des sept jours est à jamais sauvée ; 6+6 a
Du sang de l’Homme-Dieu la nature est lavée, 6+6 a
Le mal expire en elle avec l’impur orgueil, 6+6 b
Et de l’éternité ne franchit pas le seuil. 6+6 b
Toi, désormais, silence, ô parole impuissante ! 6+6 a
605 Reste au fond de mon cœur, quoi qu’il rêve ou qu’il sente ; 6+6 a
Tu ne peux, d’ici-bas, entr’ouvrir l’infini, 6+6 b
Et raconter le ciel tant que j’en suis banni. 6+6 b
O cœur fait à gémir, voix que le deuil oppresse, 6+6 a
Vous manqueriez d’accents pour peindre l’allégresse ; 6+6 a
610 Oublie, au moins, mon âme, au nom du paradis, 6+6 b
La langue des terreurs et des doutes maudits ; 6+6 b
Écoute de l’espoir la voix ferme et paisible ; 6+6 a
Et dis, en t’arrêtant au bord de l’invisible, 6+6 a
Ce mot, le mot de tout, de partout, de toujours, 6+6 b
615 Ce mot du grand mystère : Amour, amour, amour ! 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6, 6+6
forme globale type : suite de strophes et distiques
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