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LAP_5/LAP43
Victor de LAPRADE
POÈMES ÉVANGÉLIQUES
1852
LE CALVAIRE
I
Celui qui vint sauver l’Esprit du joug des sens 6+6 a
Et rendre le plus humble égal aux plus puissants, 6+6 a
Montrant que sans l’amour il n’est pas de justice 6+6 b
Et que chacun à tous se doit en sacrifice, 6+6 b
5 Jésus, de nos péchés portant pour nous le poids, 6+6 a
Gravissait le Calvaire avec sa lourde croix. 6+6 a
Le sang et la sueur, sous son bandeau d’épines, 6+6 b
Coulent abondamment de ses tempes divines ; 6+6 b
Sur le sentier rapide, au tranchant des cailloux, 6+6 a
10 Il déchire, en rampant, ses mains et ses genoux ; 6+6 a
S’il tombe et s’il s’arrête on l’entraîne avec rage ; 6+6 b
Les fouets et les bâtons le frappent au visage, 6+6 b
Et le peuple acharné qui le suit pas à pas, 6+6 a
A l’outrager encore excite les soldats. 6+6 a
15 La mort a des terreurs même à qui se dévoue ; 6+6 b
Le Calvaire est affreux, c’est un Dieu qui l’avoue. 6+6 b
O Jésus, votre corps, en holocauste offert, 6+6 a
Dans ce trajet sanglant, sans doute, a bien souffert ! 6+6 a
Mais le plus rude assaut de l’heure expiatoire, 6+6 b
20 Le calice mortel qu’on refuse de boire, 6+6 b
Cet infini du mal que vous aperceviez 6+6 a
Pendant votre agonie au mont des Oliviers, 6+6 a
O Maître, ce n’était ni la roche escarpée, 6+6 b
Ni la croix, ni le fiel dont l’éponge est trempée, 6+6 b
25 Ni la dérision du sceptre de roseaux, 6+6 a
Ni la lance et les clous prêts à percer vos os !... 6+6 a
Cette suprême horreur, non, ce n’était pas même 6+6 b
Ceux pour qui vous mouriez vous jetant l’anathème, 6+6 b
Tout Israël ingrat préférant Barrabas, 6+6 a
30 Non !... pas même, ô Seigneur, le baiser de Judas ! 6+6 a
Moi je sais, — s’il se peut qu’un grand amour m’obtienne 6+6 b
Dans une âme de Dieu de lire avec la mienne, — 6+6 b
Je sais ce qui du Christ causa l’abattement, 6+6 a
Et de sa passion le plus cruel moment : 6+6 a
35 C’est quand, cherchant des yeux, au bas de la montagne, 6+6 b
Si de ses douze élus le groupe l’accompagne, 6+6 b
Souriant aux bourreaux, le cœur plein de pardon, 6+6 a
De tous ceux qu’il aimait il connut l’abandon, 6+6 a
Et, contraint de pleurer leur lâche ingratitude, 6+6 b
40 Tout autour de son cœur sentit la solitude ! 6+6 b
C’est qu’à voir le néant au fond de l’amitié, 6+6 a
L’âme la plus divine est brisée à moitié ; 6+6 a
Qu’aux heures du combat, et pour croire en soi-même, 6+6 b
Le plus fort a besoin d’avoir quelqu’un qui l’aime, 6+6 b
45 Un cœur qui le soutienne et qui l’aide à mourir ; 6+6 a
Que souffrir sans amis, enfin, c’est trop souffrir ! 6+6 a
Dès qu’aux soldats livré par l’apôtre des traîtres, 6+6 b
Le Dieu resta captif des princes et des prêtres, 6+6 b
Ses amis, oublieux des miracles passés, 6+6 a
50 Ont douté de leur Maître et se sont dispersés; 6+6 a
Car la peur enchnait ces âmes inactives 6+6 b
Qui n’avaient pu veiller au jardin des Olives. 6+6 b
A l’aspect de la croix les plus fermes ont fui: 6+6 a
Lazare, du tombeau ressuscité par lui ! 6+6 a
55 Simon même, Simon, cette forte poitrine 6+6 b
Sur qui doit se bâtir la maison de doctrine, 6+6 b
Qui seul osa tirer le glaive du fourreau, 6+6 a
L’a renié trois fois jusqu’au chant de l’oiseau, 6+6 a
Et, loin du rude autel où la victime monte, 6+6 b
60 Il cache maintenant ses remords et sa honte. 6+6 b
II
Mais non, tu n’es pas seul ; tu vois couler des pleurs ; 6+6 a
Une troupe fidèle, au sentier des douleurs, 6+6 a
Marche avec toi, Jésus, et tes juges infâmes 6+6 b
N’ont pu de ton Calvaire écarter d’humbles femmes ; 6+6 b
65 Leur charité te suit plus vive au dernier jour. 6+6 a
Homme de peu de foi, car il a peu d’amour, 6+6 a
L’apôtre en vain connut ta vie et tes oracles, 6+6 b
Tes préceptes plus grands encor que tes miracles ; 6+6 b
Les splendeurs du Thabor, le pain multiplié, 6+6 a
70 Et l’Océan docile : il a tout oublié ! 6+6 a
Mais vous n’oubliez pas, ô vous, mères et veuves, 6+6 b
Qui fut votre recours au moment des épreuves ; 6+6 b
Vous voyez, dans vos cœurs, tous les êtres chéris, 6+6 a
Par la main de Jésus consolés et guéris ; 6+6 a
75 Vos pères ranimés à sa voix prophétique, 6+6 b
Et soulevant leur lit d’un bras paralytique ; 6+6 b
Vos fils dans le tombeau retrouvant leur beauté ; 6+6 a
Quelle mère oublia son fils ressuscité ! 6+6 a
Vous savez, dans nos maux vous qui gardez nos âmes, 6+6 b
80 Quel pouvoir ont sur Dieu les prières des femmes ; 6+6 b
Car Jésus, de sa grâce ouvrant tous les trésors, 6+6 a
N’a jamais que pour vous fait revivre des morts ! 6+6 a
Aussi, quand des douleurs acceptant le calice, 6+6 b
Il se livre à la mort pour que tout s’accomplisse, 6+6 b
85 Votre cœur se souvient de l’avoir invoqué, 6+6 a
Et pas une de vous à sa croix n’a manqué. 6+6 a
Vos lèvres, après lui, cherchent l’éponge amère. 6+6 b
Marchant comme des sœurs à côté de sa mère, 6+6 b
Vous faites un soutien de tous vos bras tremblants 6+6 a
90 A celle dont un glaive a déchiré les flancs. 6+6 a
Je vous vois à sa suite, ô belles repenties, 6+6 b
Au véritable amour par Jésus converties ; 6+6 b
Vous à qui vos parents par lui furent rendus, 6+6 a
Vous toutes qui gardez ses discours entendus, 6+6 a
95 Femmes de Chanaan, femmes de Samarie, 6+6 b
La mère de Joseph, la seconde Marie, 6+6 b
Et l’enfant qu’il guérit chez le centurion, 6+6 a
Première âme conquise à Rome par Sion ; 6+6 a
La veuve de Naïm, les deux sœurs de Lazare, 6+6 b
100 Chez qui, pour son linceul, le fin lin se prépare ; 6+6 b
Marthe et vous Madeleine, ô nom tout embaumé ! 6+6 a
Cœur devenu si pur pour avoir tant aimé ! 6+6 a
Elles suivent le Christ et pleurent en silence ; 6+6 b
D’affreux soldats, en vain, du bâton de la lance 6+6 b
105 Les frappent ; ni les coups, ni les cris outrageux 6+6 a
N’éloignent du pasteur le troupeau courageux. 6+6 a
Lorsque Jésus s’arrête et regarde en arrière, 6+6 b
Il rencontre leurs yeux et les voit, en prière, 6+6 b
Épier, à genoux, l’instant de l’approcher, 6+6 a
110 Marcher dès qu’il se lève et se met à marcher, 6+6 a
Et poser à l’envi leurs lèvres sur les places 6+6 b
Où de ses pieds l’amour a reconnu les traces. 6+6 b
Elles montent courbant la tête et ramassant 6+6 a
Les cailloux des sentiers qu’il a teints de son sang ; 6+6 a
115 Sur le large rocher, s’il en pleut quelques gouttes, 6+6 b
Leur voile les essuie et les conserve toutes ; 6+6 b
Les gazons qu’il rougit sont cueillis brin à brin. 6+6 a
Tels, lorsque le semeur vient semer le bon grain, 6+6 a
Tous les oiseaux du ciel dans son sillon le suivent 6+6 b
120 Prenant de la semence une part dont ils vivent. 6+6 b
Vous, ainsi, dans ce champ où le Christ a voulu 6+6 a
Semer une moisson dont pas un n’est exclu, 6+6 a
O femmes, amassant un trésor de bonne heure, 6+6 b
Vous avez pris la part première et la meilleure ! 6+6 b
125 Et lui, de ce fardeau dont l’homme l’a chargé, 6+6 a
Ah ! combien doucement vous l’avez soulagé ! 6+6 a
Comme, à travers vos yeux, les rayons de vos âmes 6+6 b
Fortifiaient son cœur en y lançant leurs flammes ; 6+6 b
Combien dans son martyre, à chaque accablement, 6+6 a
130 Vous lui donniez de calme et de joie en l’aimant ! 6+6 a
Quand du rude trajet les bourreaux las eux-mêmes, 6+6 b
Assouvis à la fin de coups et d’anathèmes, 6+6 b
S’écartent pour s’asseoir sur le bord des chemins 6+6 a
Où Jésus, épuisé, se traîne sur ses mains, 6+6 a
135 Vous accourez, ô vous que la souffrance attire, 6+6 b
Et donnez de vos pleurs le baume à son martyre. 6+6 b
C’est ainsi qu’étanchant ton sang et tes sueurs, 6+6 a
De ta face, où perçaient de célestes lueurs, 6+6 a
L’une d’elles, ô Christ, dans une molle étreinte, 6+6 b
140 Sur un lin vierge et blanc a dérobé l’empreinte ; 6+6 b
Pour que l’homme connût dans toute sa beau 6+6 a
Ce front où des douleurs siégeait la majesté. 6+6 a
Mais jusqu’au faîte où va s’achever le supplice, 6+6 b
L’innocent a gravi le mont du sacrifice ; 6+6 b
145 Pour fixer par des clous ses membres sur le bois, 6+6 a
Les bourreaux sont courbés aux deux bouts de la croix. 6+6 a
Or, pendant l’œuvre affreuse, auprès d’eux prosternées, 6+6 b
Vers la face du Christ les femmes sont tournées, 6+6 b
Ne quittant pas ses yeux, comme si leur regard 6+6 a
150 Allégeait ses tourments en en prenant leur part. 6+6 a
Lui, sur son front, no dans les sueurs sanglantes, 6+6 b
A d’un sourire encor les clartés consolantes, 6+6 b
Et, par moments, au lieu de l’ami tortu 6+6 a
Fait luire aux cœurs des siens le Dieu transfiguré. 6+6 a
155 Sur les quatre horizons, quand la croix fut dressée, 6+6 b
Dans vos bras, tour à tour, vous la teniez pressée, 6+6 b
Et l’arbre de salut, sur vous, en gémissant 6+6 a
Répandait sa rosée et de pleurs et de sang. 6+6 a
Vos lèvres, à ses pieds, jusqu’à l’heure dernière, 6+6 b
160 Ont réjoui son cœur du bruit de la prière. 6+6 b
Vous l’avez vu donner aux bourreaux leur pardon ; 6+6 a
Et lorsque, de son Père accusant l’abandon, 6+6 a
Quand la mort l’entourait des horreurs de son ombre, 6+6 b
Le doute l’effleura d’une aile froide et sombre, 6+6 b
165 O femmes ! il vous vit ; il sentit, devant vous, 6+6 a
La douceur de mourir pour le salut de tous, 6+6 a
Et comprit que sa vie Rivait été féconde 6+6 b
Pour fonder de l’amour le royaume en ce monde. 6+6 b
Du pieux testament il vous eut pour témoins, 6+6 a
170 Quand d’un fils à Marie il a légué les soins, 6+6 a
Et fait, pour adoucir leur veuvage éphémère, 6+6 b
Au frère de son cœur le don d’une autre mère. 6+6 b
Car un homme, avec vous, que je n’ai pas nommé, 6+6 a
Jusqu’au dernier soupir suivit le bien-aimé ; 6+6 a
175 Il recueillit son sang ; et, seul de douze apôtres, 6+6 b
A côté de la croix mêla ses pleurs aux vôtres ; 6+6 b
C’est Jean, le plus doux cœur et partant le plus fort. 6+6 a
Tous les enseignements sont cachés dans ta mort, 6+6 a
O Christ ! et d’un exemple, , en toutes tes souffrances, 6+6 b
180 Tu vins pour confirmer nos plus chères croyances ; 6+6 b
Tu voulus qu’aux martyrs d’un monde sans pitié 6+6 a
Il ne fût pas permis de nier l’amitié, 6+6 a
Et qu’aux pieds du Calvaire, où sa vertu se prouve, 6+6 b
Jean leur fût annon lorsque Judas s’y trouve. 6+6 b
185 Jean, ce front pacifique et ce cœur tout de feu, 6+6 a
L’homme à qui, sans serment, l’on croit comme à son Dieu, 6+6 a
Dont l’âme à nos bourreaux ne s’est jamais cachée 6+6 b
Et reste comme l’ombre à notre âme attachée ; 6+6 b
Cet ami, qu’au matin si vous nous le donnez, 6+6 a
190 Avant le soir, souvent, vous nous le reprenez, 6+6 a
Seigneur ! car si nos pleurs là-haut tournent en joies, 6+6 b
Vous êtes bien cruel, ici-bas, dans vos voies ! 6+6 b
III
Or, le troisième jour après que le tombeau 6+6 a
Des hommes dans son sein eût scellé le plus beau, 6+6 a
195 Le matin du sabbat, l’ombre crépusculaire 6+6 b
Couvrant encor le haut du rocher tumulaire, 6+6 b
Une femme au front pâle et dans l’abattement 6+6 a
Monta seule, avant tous, au sacré monument ; 6+6 a
Apportant des parfums, choisis d’une main pure, 6+6 b
200 Pour honorer Jésus jusqu’en sa sépulture. 6+6 b
Étonnée, elle vit, quoique tout fût désert, 6+6 a
La pierre soulevée et le sépulcre ouvert ; 6+6 a
Et, bien vite, elle alla vers Pierre et vers l’apôtre 6+6 b
Que Jésus chérissait, les pressant l’un et l’autre : 6+6 b
205 « Car on a pris le Maître en sa tombe couché, 6+6 a
« Et nous ne savons pas où son corps est caché ! » 6+6 a
Pierre et le bien-ai montent d’un pas rapide, 6+6 b
Et, tous les deux, entrant dans le sépulcre vide, 6+6 b
Ils trouvent dépliés et posés sur le seuil 6+6 a
210 Les bandeaux de fin lin qui formaient le linceul ; 6+6 a
Et sortant, ils rêvaient, sondant la lettre obscure 6+6 b
Au miracle dernier prédit par l’Écriture. 6+6 b
Et la femme, à genoux et toute à ses douleurs, 6+6 a
Sans pensée, inondait la terre de ses pleurs. 6+6 a
215 Soudain le tombeau luit de lumières étranges, 6+6 b
Et Jésus apparaît, précédé de deux anges ; 6+6 b
Il demeure visible, et, tout comme autrefois, 6+6 a
Pour instruire et bénir fait entendre sa voix. 6+6 a
Mais Pierre et vous, ô Jean ! vous son élu, son frère, 6+6 b
220 Vous qu’il venait pour fils de donner à sa mère, 6+6 b
Vous ne le vîtes point ; une autre âme a joui 6+6 a
De ce premier réveil de l’astre évanoui : 6+6 a
Pour cette âme mieux faite à gter ses délices 6+6 b
Le Dieu ressusci réservait ses prémices. 6+6 b
225 Le premier œil humain, tourné vers l’avenir, 6+6 a
Qui de la mort a vu le vainqueur revenir, 6+6 a
La voix qui des élus, rassemblés autour d’elle, 6+6 b
Fit palpiter les cœurs par la bonne nouvelle, 6+6 b
C’est une voix plus tendre et c’est un œil plus doux, 6+6 a
230 C’est une femme en pleurs, Madeleine, c’est vous ! 6+6 a
IV
Ainsi sur son Calvaire et jusque dans sa tombe, 6+6 b
Vous assistez toujours le juste qui succombe, 6+6 b
Ô femmes ! les grands cœurs par la foule opprimés, 6+6 a
Les proscrits, les souffrants sont ceux que vous aimez. 6+6 a
235 Le Dieu que l’on flagelle et l’autel qu’on insulte, 6+6 b
Ont votre foi toujours et toujours votre culte ; 6+6 b
Si la pitié vous montre une âme à soulager, 6+6 a
Votre ardente faiblesse appelant le danger 6+6 a
Près d’elle a fait pâlir le plus fort, le plus sage ; 6+6 b
240 Car c’est de votre amour que naît votre courage. 6+6 b
Pour guérir les blessés, les lépreux des chemins, 6+6 a
Quand Dieu touche leurs cœurs, il se sert de vos mains. 6+6 a
Ah ! quel homme en naissant, maudit de corps et d’âme, 6+6 b
Vieillit sans rien devoir aux bienfaits d’une femme, 6+6 b
245 Et, dans l’ombre plon dès avant son sommeil, 6+6 a
Meurt sans avoir joui d’un rayon de soleil ? 6+6 a
Le plus triste a son heure et son éclair de joie, 6+6 b
Sa révélation que le bonheur envoie ; 6+6 b
Car vivre sans y croire et l’entrevoir un peu, 6+6 a
250 C’est ignorer le ciel et jusqu’au nom de Dieu ! 6+6 a
Mais dans ce vide affreux, sans t’y faire connaître, 6+6 b
Tu ne laisses jamais une pauvre âme, ô Maître ! 6+6 b
C’est pourquoi ton sourire, éclairant notre nuit, 6+6 a
Habite dans la femme et par ses yeux nous luit ; 6+6 a
255 Tout homme participe à sa vertu calmante, 6+6 b
Et bénit ou la mère, ou la sœur, ou l’amante. 6+6 b
Mais du baume à nos cœurs par votre amour offert, 6+6 a
Pour savoir tout le prix il faut avoir souffert ; 6+6 a
Et, chargé d’une croix, vous avoir rencontrées 6+6 b
260 Telles que le Calvaire au Christ vous a montrées, 6+6 b
Belles de la beau que vous donnent les pleurs, 6+6 a
Et voulant votre part de toutes nos douleurs. 6+6 a
Il faut, tout frissonnant des sueurs qui nous baignent, 6+6 b
Ceint de l’affreux bandeau sous qui les tempes saignent, 6+6 b
265 Avoir senti son front par vos mains essuyé, 6+6 a
Et sur vos bras tremblants s’être une heure appuyé. 6+6 a
Il faut, quand notre honneur souillé de calomnies, 6+6 b
Tombe aux pieds de la foule et roule aux gémonies, 6+6 b
Entendre à notre nom lâchement insulté, 6+6 a
270 Vos voix, en le disant, rendre sa pureté. 6+6 a
Comme, d’un monde aveugle oubliant les huées, 6+6 b
Nos âmes, par sa haine à peine remuées, 6+6 b
Sentent dans vos discours un Dieu qui nous bénit ! 6+6 a
Comme, à côté de vous, le chemin s’aplanit ! 6+6 a
275 Comme une seule larme, à vos yeux échappée, 6+6 b
Adoucit tout le fiel dont l’éponge est trempée, 6+6 b
Et comme, en les touchant, vous fermez sous vos doigts 6+6 a
Les stigmates saignants des clous et de la croix ! 6+6 a
Pendant les jours d’épreuve, aussi, Dieu vous confie 6+6 b
280 Ses fils que l’on blasphème et que l’on crucifie ; 6+6 b
Et des signes sacrés, que l’homme n’a pas lus, 6+6 a
Entre tous, à vos yeux, annoncent les élus. 6+6 a
Sitôt que dans la foule un prophète se lève, 6+6 b
Dont la parole vient lutter contre le glaive, 6+6 b
285 Aux mépris des bourreaux osant le soutenir, 6+6 a
Vous écoutez la voix qui parle d’avenir. 6+6 a
Quand un nouveau soleil nous verse ses lumières, 6+6 b
C’est vous que ses rayons éclairent les premières ; 6+6 b
Vous qui sur les hauts lieux les premières montez 6+6 a
290 Pour voir de leurs tombeaux sortir les vérités. 6+6 a
Vous allez d’un pas ferme et sûrement guidées, 6+6 b
Car le cœur vous conduit ; et les saintes idées 6+6 b
Touchent les cœurs avant d’éclairer les esprits, 6+6 a
Dieu voulant être ai plutôt qu’être compris. 6+6 a
295 C’est pour cela qu’en vous le Christ a des apôtres 6+6 b
Dans la nouvelle foi plus ardents que les autres, 6+6 b
Sur le Golgotha même allant le recevoir, 6+6 a
Et pour lui de la loi bravant mieux le pouvoir. 6+6 a
Oh ! puisqu’un lâche effroi loin du Dieu nous repousse, 6+6 b
300 Rendez sa passion, rendez sa mort plus douce ; 6+6 b
Des vases les plus purs et les plus précieux 6+6 a
Versez-lui les parfums avec l’eau de vos yeux ; 6+6 a
Couvrez de vos manteaux les chemins quand il passe ; 6+6 b
Étanchez la sueur et le sang de sa face. 6+6 b
305 De l’accent le plus doux qui du cœur peut sortir, 6+6 a
Adorez, consolez le chaste et beau martyr ; 6+6 a
Et d’un culte si tendre entourez son supplice, 6+6 b
Que dans l’oubli du mal son heure s’accomplisse. 6+6 b
Son sang vous a donné le baptême d’amour : 6+6 a
310 O femmes ! vos grandeurs commencent à ce jour ! 6+6 a
Avant qu’en votre cœur eût germé l’Évangile, 6+6 b
Des lis épanouis dans ce vase fragile, 6+6 b
D’un doigt capricieux cueillant les voluptés, 6+6 a
L’homme ignorait encor vos plus douces beautés. 6+6 a
315 Vos larmes n’avaient pas la majesté sévère 6+6 b
Et le don de guérir qui date du Calvaire. 6+6 b
Vous-mêmes n’avez su, pour la première fois, 6+6 a
Ce que vaut votre cœur, qu’au pied de cette croix ; 6+6 a
Aussi, toujours fidèle à celui qui là porte, 6+6 b
320 Pour toutes ses douleurs votre tendresse est forte ; 6+6 b
Toujours, pour alléger de vos mains son fardeau, 6+6 a
Près de lui vous marchez de la crèche au tombeau. 6+6 a
A genoux, aujourd’hui, sur les pierres funèbres, 6+6 b
Jusqu’à l’heure qui doit dissiper nos ténèbres, 6+6 b
325 Vous veillez et priez, répandant sur son corps 6+6 a
Ce baume précieux qui conserve les morts. 6+6 a
Tandis qu’empressés tous vers l’idole commune, 6+6 b
Les hommes, adorant César et sa fortune, 6+6 b
Insultent votre zèle et bien loin des saints lieux, 6+6 a
330 Avec l’or et le fer vont se forger leurs dieux, 6+6 a
Vous, rien ne vous arrache à ce cadavre auguste ; 6+6 b
Pardonnant aux bourreaux, vous pleurez sur ce juste ; 6+6 b
Vous le redemandez au ciel en gémissant 6+6 a
Le doux crucifié mort en nous bénissant ; 6+6 a
335 Car votre cœur se trouble à l’aspect des ruines 6+6 b
Et ne peut se passer de ses amours divines. 6+6 b
Comme Rachel, en pleurs vous errez, chaque nuit, 6+6 a
Autour de la montagne où l’espoir vous conduit. 6+6 a
Sur ce sépulcre en vain la haine veille encore ; 6+6 b
340 Pour en briser le sceau vous devancez l’aurore ; 6+6 b
Et vous serez, baisant le linceul rejeté, 6+6 a
Les premières à voir le Dieu ressuscité ! 6+6 a
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