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LAP_5/LAP42
Victor de LAPRADE
POÈMES ÉVANGÉLIQUES
1852
LES PARFUMS DE MADELEINE
I
En ce temps-là, ce fut une joie infinie 6+6 a
Chez tous les habitants du bourg de Béthanie : 6+6 a
Un pasteur avait vu, loin des chemins foulés, 6+6 b
Des voyageurs pensifs venir le long des blés, 6+6 b
5 Et, courant le premier, à la foule jalouse 6+6 a
Il avait annoncé le Seigneur et les Douze. 6+6 a
Or, comme aux jours anciens, par les vieillards rangé, 6+6 b
Le peuple s’assemblait près d’un puits ombragé ; 6+6 b
Et, marchant vers Jésus, les enfants et les femmes, 6+6 a
10 Dont sa voix caressait si doucement les âmes, 6+6 a
Répandaient à ses pieds les palmes d’Amana, 6+6 b
Se pressaient pour l’entendre et criaient : Hosanna ! 6+6 b
Et la joie éclatait, plus féconde et plus vive, 6+6 a
Sous le toit où devait s’asseoir un tel convive. 6+6 a
15 Chez Simon qu’il aimait et qu’il avait guéri, 6+6 b
Les élus attendaient l’hôte illustre et chéri ; 6+6 b
Et, mêlant de doux soins au chant des saints cantiques, 6+6 a
Des vases solennels puisaient les vins antiques. 6+6 a
Comme un ardent parvis aux Pâques préparé, 6+6 b
20 Le cénacle s’ouvrait rayonnant et paré ; 6+6 b
Seule au bord du Cédron, pour en orner l’enceinte, 6+6 a
Marie avait cueilli le lis et l’hyacinthe, 6+6 a
De myrrhe et d’aloès frotté le cèdre noir ; 6+6 b
La table reluisait claire comme un miroir, 6+6 b
25 Et des tresses de fleurs erraient, collier fragile, 6+6 a
Sur le col rougissant des amphores d’argile. 6+6 a
Marthe au divin banquet n’avait rien épargné : 6+6 b
Une active rougeur parait son front baigné. 6+6 b
Elle avait elle-même, entre des branches vertes, 6+6 a
30 Servi les blonds raisins, les grenades ouvertes, 6+6 a
Les figues du Carmel, le miel pur de Membré, 6+6 b
Et le poisson des lacs, et l’azyme doré, 6+6 b
Et l’agneau, qui n’avait qu’une semaine entière 6+6 a
Sur les monts Galaad brouté la sauge amère, 6+6 a
35 Et le vin parfumé des vignes d’Engaddi 6+6 b
Que baise avec amour le soleil de midi. 6+6 b
Or, autour du festin les Douze se rangèrent, 6+6 a
Et les baisers de paix entre eux tous s’échangèrent. 6+6 a
Et le Maître s’assit : ses regards étaient doux ; 6+6 b
40 Son front blanc, couronné par de longs cheveux roux, 6+6 b
Avait dans sa beauté sereine et reposée 6+6 a
Une grâce ineffable et pleine de pensée ; 6+6 a
L’ardente charité, nimbe d’or et de feu, 6+6 b
Rayonnait de sa face avec l’esprit de Dieu. 6+6 b
45 Un manteau bleu s’ouvrait sur sa rouge tunique, 6+6 a
Ouvrage de sa mère et d’une pièce unique, 6+6 a
Mystérieux tissu qu’un prophète chanta, 6+6 b
Voile du corps sacré promis au Golgotha. 6+6 b
Devant Jésus était le pécheur d’hommes, Pierre, 6+6 a
50 Le futur fondement de son Église entière, 6+6 a
Né pour la foi robuste et fait à l’action, 6+6 b
Tête chauve et brunie où vit la passion. 6+6 b
Mais la meilleure place était celle d’un autre, 6+6 a
Jeune homme aux blonds cheveux, chaste et suave apôtre ! 6+6 a
55 Et qui, les yeux rêveurs et baignés à demi, 6+6 b
S’appuyait sur le sein de son divin ami, 6+6 b
Ame où le Christ versait sa parole secrète, 6+6 a
Jean, l’élu de son cœur, le disciple poëte ! 6+6 a
Et la sainte amitié, vin des vignes du ciel, 6+6 b
60 Circulait entre tous au banquet fraternel. 6+6 b
Or celle qu’on nommait Marie et Madeleine, 6+6 a
Perle de beauté rare et fleur de douce haleine, 6+6 a
Femme qui par le cœur avait beaucoup péché, 6+6 b
Madeleine était là, triste et le corps penché. 6+6 b
65 Cette âme avait tari plus d’une source amère 6+6 a
Avant de rencontrer l’onde qui désaltère ; 6+6 a
Et sa soif, survivant à mille espoirs déçus, 6+6 b
Puisait avec amour aux leçons de Jésus. 6+6 b
A genoux, et joignant ses deux mains, l’humble femme 6+6 a
70 Priait et soupirait du profond de son âme ; 6+6 a
Tremblante, se voilant sous l’or de ses cheveux, 6+6 b
Elle cherchait les yeux du Christ avec ses yeux, 6+6 b
Courbait son front rougi par une intime fièvre, 6+6 a
Sur les pieds de Jésus purifiait sa lèvre, 6+6 a
75 Et pleurait doucement le passé plein d’ennui 6+6 b
Où ses larmes coulaient pour d’autres que pour lui. 6+6 b
Jésus était pensif : or la sœur de Lazare 6+6 a
Dans un vase d’albâtre avait un baume rare 6+6 a
Apporté du désert, et, plus loin que Memphis, 6+6 b
80 Fait d’une fleur qui croît au bord des oasis. 6+6 b
Le parfum s’épurait dans l’urne diaphane ; 6+6 a
Elle l’avait gardé de tout emploi profane, 6+6 a
Et venait à la fin, son jour s’étant levé 6+6 b
Au Dieu de son attente offrir l’encens sauvé. 6+6 b
85 Dans un épanchement de douleur et d’extase, 6+6 a
Sur le corps de Jésus elle rompit le vase : 6+6 a
De larmes et de baume elle baigna ses pieds, 6+6 b
Les retint doucement sur son sein appuyés, 6+6 b
Et de ses blonds cheveux pressant leur chaste ivoire, 6+6 a
90 Longtemps elle essuya le flot expiatoire. 6+6 a
Et le parfum montait ; la salle du festin 6+6 b
Fumait comme un bois vierge au soleil du matin ; 6+6 b
Et l’air, tout imprégné des essences divines, 6+6 a
Vivifiait le sang dans toutes les poitrines. 6+6 a
95 Alors, devant Jésus, il se fit un moment 6+6 b
D’un silence rêveur tout plein d’épanchement. 6+6 b
Mais tout à coup, tombant comme une pierre aride, 6+6 a
Une voix vint troubler cette extase limpide. 6+6 a
Elle disait : « Chassez cette femme d’ici ! 6+6 b
100 « Les agneaux et les boucs se mêlent-ils ainsi ? 6+6 b
« Le Maître ne sait pas quelles lèvres impures 6+6 a
« Osent à sa personne essuyer leurs souillures. 6+6 a
« Croit-on qu’un peu d’encens et de pleurs épanchés 6+6 b
« Achètent le pardon et lavent les péchés ! 6+6 b
105 « Il faut pour sauver l’âme une foi plus active ; 6+6 a
« La loi ne connaît point de pénitente oisive. 6+6 a
« Le luxe et les parfums sont maudits des élus ; 6+6 b
« C’est mal de se complaire à ces biens superflus, 6+6 b
« De s’attendrir ainsi sur des larmes fleuries : 6+6 a
110 « Le péché suit de près les molles rêveries. 6+6 a
« Et ce baume, d’ailleurs, valait beaucoup d’argent ; 6+6 b
« Le perdre, c’est voler du pain à l’indigent ; 6+6 b
« Car, pour faire l’aumône, il aurait bien pu rendre 6+6 a
« Trois cents deniers au moins, si l’on eût su le vendre ! » 6+6 a
115 Et les frères, troublés dans le fond de leur cœur, 6+6 b
Tournèrent à la fois les yeux vers le Seigneur. 6+6 b
Et lui, sur l’humble femme étendant ses mains pures : 6+6 a
« Oh ! ne la froissez pas de vos paroles dures ; 6+6 a
« Hommes de peu d’amour, elle a fait mieux que vous ! 6+6 b
120 « Voyez mes pieds meurtris qu’elle essuie à genoux, 6+6 b
« Ses yeux en ont lavé le sang et la poussière ; 6+6 a
« Elle a de ses parfums répandu l’urne entière ; 6+6 a
« Et tandis que ses pleurs jaillissaient en ruisseau, 6+6 b
« Je n’eus pas de vos yeux même une goutte d’eau ! 6+6 b
125 « Vous n’êtes pas venus, mes hôtes, mes apôtres, 6+6 a
« Presser en m’abordant mes lèvres sur les vôtres ; 6+6 a
« Marie a sur son cœur posé mes pieds brisés, 6+6 b
« Et les réchauffe encor de ses pieux baisers ; 6+6 b
« Son amour vigilant a pressenti mon heure ; 6+6 a
130 « Sur mon corps embaumé, par avance, elle pleure. 6+6 a
« Oui, pour l’aumône même, un trésor amassé 6+6 b
« Ne vaudrait pas l’encens que Marie a versé 6+6 b
« Vous aurez jusqu’au bout des pauvres sur la terre, 6+6 a
« Hommes ! espérez-vous m’avoir toujours pour frère ? 6+6 a
135 « Madeleine a péché ; mais, au livre des cieux, 6+6 b
« Elle a blanchi sa page avec l’eau de ses yeux ; 6+6 b
« Et le Seigneur lui doit, juste dans sa clémence, 6+6 a
« Un immense pardon pour son amour immense. 6+6 a
« Je vous le dis : tous ceux à qui sera porté 6+6 b
140 « Le Verbe de la paix et de la charité 6+6 b
« Diront de cette femme, en chantant ses louanges, 6+6 a
« Qu’elle a fait ce qu’au ciel doivent faire les anges, 6+6 a
« Et qu’elle montera, ses péchés expiés, 6+6 b
« Poser encor là-haut des baisers sur mes pieds ! » 6+6 b
145 Et le Maître sortit : aux portes du cénacle 6+6 a
Des malades couchés attendaient un miracle, 6+6 a
II
Or, Jean restait, le front dans sa main, et, rêveur, 6+6 b
Sondait comme une mer le discours du Sauveur. 6+6 b
Oh ! s’ils viennent pensifs s’asseoir entre vos fêtes, 6+6 a
150 Versez l’ambre et le nard sur les pieds des prophètes ; 6+6 a
A vos larmes d’amour, au fond des urnes d’or, 6+6 b
Mêlez pour eux les pleurs des roses de Ségor ! 6+6 b
Est-ce donc pour la brise ou l’ombre solitaire 6+6 a
Que Dieu mit des parfums dans les fleurs de la terre ? 6+6 a
155 Est-ce pour y mourir, desséché par l’orgueil, 6+6 b
Qu’un ruisseau tiède et pur tremble au fond de chaque œil, 6+6 b
Et pour s’éteindre, avant de jeter une flamme, 6+6 a
Qu’un doux soleil se lève au matin de notre âme ? 6+6 a
Seigneur, quand vous avez en un cœur sans détour 6+6 b
160 De la perfection semé le noble amour, 6+6 b
Qu’ensuite vous ouvrez à ces âmes ailées 6+6 a
Un champ libre à travers vos œuvres étoilées, 6+6 a
Vos splendides jardins, votre ciel argenté, 6+6 b
Et tout ce qui nous voile enfin votre beauté : 6+6 b
165 Si quelque pauvre enfant que votre soif dévore, 6+6 a
Et qui pour vous chercher s’est levé dès l’aurore, 6+6 a
D’une merveille à l’autre, avant de vous trouver, 6+6 b
Vole, et lassé s’y pose un instant pour rêver, 6+6 b
Dans le creux de sa main puise au bord des fontaines, 6+6 a
170 Et sans route frayée en ces terres lointaines, 6+6 a
S’égare et dort un soir, doucement attiré, 6+6 b
Auprès d’une fleur rare ou d’un oiseau doré ; 6+6 b
Ou bien si, tout meurtri des pierres de la route, 6+6 a
Sans rien à l’horizon, il se couche et s’il doute... 6+6 a
175 Lorsqu’il voit luire enfin la splendeur de vos pieds 6+6 b
Et qu’il se traîne à vous, sur ses genoux pliés.. 6+6 b
De ces larmes sous qui toute tache s’efface, 6+6 a
Pourrez-vous, ô Seigneur, détourner votre face ! 6+6 a
Les pleurs ne sont-ils pas des diamants cachés 6+6 b
180 Qui payent, en tombant, le prix de nos péchés ? 6+6 b
Chaste sueur de l’âme impuissante et brisée, 6+6 a
Par un Dieu qui pleura seriez-vous méprisée ? 6+6 a
Larmes du repenti ! eau féconde toujours ! 6+6 b
Quand l’homme vous répand sur tous ses mauvais jours, 6+6 b
185 Vous chassez de son cœur les fanges entassées 6+6 a
Sous les pieds remuants des coupables pensées ; 6+6 a
Puis, comme le soleil sur une terre en pleurs 6+6 b
Raffermit les chemins et relève les fleurs, 6+6 b
Un doux regard de Dieu, suivant l’ombre et la pluie, 6+6 a
190 Se répand sur l’esprit, le réchauffe et l’essuie ! 6+6 a
Dans l’urne aux blancs contours que de fleurs ont pleuré 6+6 b
Pour l’emplir jusqu’au bord d’un encens épuré ! 6+6 b
Oh ! que tout soit pour lui, donnez, ô Madeleine, 6+6 a
Versez, sur ses pieds nus, votre âme toute pleine ; 6+6 a
195 Versez le fond du vase et les parfums cachés, 6+6 b
Les regrets, les espoirs, tout, jusqu’à vos péchés ! 6+6 b
Versez les chastes jours et les nuits profanées, 6+6 a
Et l’asphodèle vierge et les roses fanées ; 6+6 a
Versez voire douleur, versez votre beauté. 6+6 b
200 Tout en vous est parfum, et tout sera compté ! 6+6 b
Brisez au pied du Christ ce cœur doux et fragile, 6+6 a
Ce que la loi rejette est pris par l’Évangile, 6+6 a
Des épis oubliés sa moisson s’enrichit ; 6+6 b
A lui tout ce qui pleure, et tout ce qui fléchit ; 6+6 b
205 A lui la pénitente obscure et méprisée ; 6+6 a
A lui le nid sans mère, et la branche brisée ; 6+6 a
A lui tout ce qui vit sans filer ni semer ; 6+6 b
A lui le lis des champs qui ne sait qu’embaumer, 6+6 b
L’oiseau qui vole au ciel, insoucieux, et chante ; 6+6 a
210 A lui la beauté frêle, et l’enfance touchante, 6+6 a
Et ces hommes rêveurs qui sont toujours enfants, 6+6 b
Tous ceux sur qui le fort met ses pieds triomphants ; 6+6 b
Les faibles sont les siens, sa force les relève ; 6+6 a
Il porte dans ses mains la grâce et non le glaive. 6+6 a
215 Une eau mystérieuse a baigné vos genoux ! 6+6 b
Le ciel même, ô Seigneur, a-t-il rien de plus doux ? 6+6 b
A ces flots onctueux, fumant d’un double arôme, 6+6 a
L’homme a fourni les pleurs et la terre le baume : 6+6 a
Tous les deux vous offrant leurs présents les meilleurs, 6+6 b
220 La nature ses fleurs, et l’âme ses douleurs ; 6+6 b
Puis, versant tous les deux sur vos traces sereines, 6+6 a
Ce que vous avez mis de plus pur dans leurs veines ! 6+6 a
Larmes ! trésor vivant, perles de vérité ! 6+6 b
Seul don qu’offre le cœur sans l’avoir emprunté ! 6+6 b
225 Baume que le soleil fait monter goutte à goutte 6+6 a
Et surnager de l’âme en la consumant toute ! 6+6 a
Vin que fait du palmier jaillir un fer blessant, 6+6 b
Dernier présent du tronc qui meurt en le versant ! 6+6 b
O larmes, ô parfums des paupières écloses ! 6+6 a
230 Parfums, esprits vivants tirés du fond des choses, 6+6 a
Essor de la matière à l’immatériel ; 6+6 b
Fontaine où, Dieu s’abreuve, air qu’on respire au ciel ! 6+6 b
Hôtes mystérieux des tombes solennelles, 6+6 a
Parfums, éternité des reliques charnelles ! 6+6 a
235 Éther incorruptible en qui la beauté vit, 6+6 b
Où toute forme pure à la mort se ravit ; 6+6 b
Esprits qui défendez de toute lèpre immonde 6+6 a
Les corps dans le sépulcre et les cœurs dans le monde ! 6+6 a
Huile qui fait briller les lampes jusqu’au jour ! 6+6 b
240 O principe de vie aussi fort que l’amour ! 6+6 b
Brise d’en haut venue, haleine de cinname, 6+6 a
Qui descend du Seigneur et remonte de l’âme ! 6+6 a
O larmes ! ô pardon de toute iniquité ! 6+6 b
O parfums, gardiens de toute pureté ! 6+6 b
245 Pleurez, ô Madeleine ! et quand la sève monte 6+6 a
Laissez l’arbre saigner ! versez vos pleurs sans honte ! 6+6 a
Épuisez lentement leur calice azuré ; 6+6 b
Oh ! les pleurs sont bénis : le Seigneur a pleuré ! 6+6 b
Maître, je vous ai vu comme une âme exilée 6+6 a
250 Errer le soir, au bord des lacs de Galilée ; 6+6 a
La barque reposait dans l’eau bleue et sans plis, 6+6 b
Et les frères dormaient sur leurs filets remplis. 6+6 b
Vous, sans qu’un bruit profane osât troubler vos rêves, 6+6 a
Vous marchiez lentement sur le sable des grèves, 6+6 a
255 Et vos regards, errants de l’un à l’autre azur, 6+6 b
Semblaient interroger la mer et le ciel pur. 6+6 b
Quelquefois, appuyé contre une roche grise, 6+6 a
Votre beau front levé du côté de la brise, 6+6 a
Debout, vous écoutiez, croisant vos bras distraits : 6+6 b
260 Et là, quels bruits lointains, ineffables, secrets, 6+6 b
Quelles voix, du désert ou de la mer venues, 6+6 a
Quels mots mystérieux éclataient dans les nues 6+6 a
Quelles choses parlaient et rayonnaient en vous ? 6+6 b
Était-ce Nazareth, Marie à vos genoux, 6+6 b
265 Les frères attentifs, le cénacle et les fêtes, 6+6 a
Ou les murs de Sion teints du sang des prophètes ? 6+6 a
Je ne sais, mais j’ai vu ce front transfiguré 6+6 b
Se baisser pâlissant... et vous avez pleuré ! 6+6 b
Ces lacs, dont les grands flots se courbent à vos signes 6+6 a
270 Ont reçu de vos yeux bien des perles insignes ; 6+6 a
Et les jardins du ciel nous peuvent envier 6+6 b
La rosée accordée à plus d’un olivier. 6+6 b
Étoiles d’Orient ! belles nuits de Judée ! 6+6 a
Plaine de Siloë de soleil inondée ! 6+6 a
275 Lit pierreux du Cédron ! palmiers de Nazareth ! 6+6 b
Flots de Tibériade et de Génézareth ! 6+6 b
Grands vents qui balayez les roches désolées ! 6+6 a
Horizons infinis des grèves isolées ! 6+6 a
Solitudes qu’il aime, où ses pas sont gravés, 6+6 b
280 Oh ! dites s’il pleura, dites, vous le savez ! 6+6 b
Que de fois il allait, au mépris des scandales, 6+6 a
Loin des pharisiens secouant ses sandales, 6+6 a
Marchant où l’appelait l’esprit de vérité, 6+6 b
Porter dans les déserts sa sainte oisiveté ! 6+6 b
285 Cueillez-y sur ses pas les fleurs immaculées, 6+6 a
Lavez vos fronts dans l’eau des sources reculées ! 6+6 a
Là, parmi la rosée et l’herbe vierge encor, 6+6 b
Sur la neige d’argent et sur le sable d’or, 6+6 b
Dans l’haleine des mers et dans celle des plaines, 6+6 a
290 Dans la vapeur qui fume au-dessus des fontaines, 6+6 a
Dans l’ombrage odorant qui coule des forêts, 6+6 b
Des parfums sont restés, fruits de ses pleurs secrets ! 6+6 b
Respirez au désert ces effluves divines ; 6+6 a
Secouez les rameaux baignés de perles fines ; 6+6 a
295 Puisez dans vos deux mains l’eau vive des rochers, 6+6 b
Que le vase déborde ; et, sous son poids penché !, 6+6 b
Lorsque vous sentirez que votre âme est trop pleine, 6+6 a
Pour que rien ne s’en perde, oh ! comme Madeleine, 6+6 a
A genoux devant lui, brisez, avec ferveur, 6+6 b
300 L’urne de l’élection sur les pieds du Sauveur ! 6+6 b
Pendant que vous rêvez immobile, ô Marie, 6+6 a
L’eau sainte goutte à goutte emplit l’urne tarie ; 6+6 a
Écoutez votre cœur où la voix parle encor, 6+6 b
Jusqu’au jour de verser ce qui tombe dans l’or. 6+6 b
305 Au bord du puits divin tenez-vous appuyée ; 6+6 a
Si vos bras sont croisés, votre âme est déployée, 6+6 a
fit, quand la voile au vent ouvre ses plis gonflés, 6+6 b
La rame est inutile aux navires ailés ! 6+6 b
Dormez où votre espoir a jeté sa racine ; 6+6 a
310 Marthe jalouse en vain votre place divine ; 6+6 a
A cette âme qui s’use à des soins superflus 6+6 b
Le Christ a répondu déjà pour ses élus ; 6+6 b
« Le trépied fume encor sur les flammes pressées, 6+6 a
« Les fruits mûrs sont cueillis, les amphores dressées, 6+6 a
315 « Le miel et le froment pétris dès le matin, 6+6 b
« La salle radieuse est ouverte au festin, 6+6 b
« Les hôtes sont joyeux ; mais une voix réclame... 6+6 a
« Marthe, qu’avez-vous fait pour les besoins de l’âme ? 6+6 a
« Vous avez préparé le pain du serviteur, 6+6 b
320 « L’esclave est satisfait, mais qu’aura le Seigneur ? 6+6 b
« Croyez-vous que la chair calme sa faim divine ? 6+6 a
« N’a-t-il pas une soif que votre cœur devine ? 6+6 a
« A sa lèvre altérée il faut un vin plus doux, 6+6 b
« Vin qu’a versé Marie, ô Marthe, et non pas vous ! 6+6 b
325 « Ne l’accusez donc pas d’être l’arbre inutile ; 6+6 a
« A qui s’endort sur moi le sommeil est fertile ! 6+6 a
« Le travail de plusieurs qui s’en seront vanté 6+6 b
« Portera moins de fruit que cette oisiveté. 6+6 b
« Votre cœur s’est troublé du soin des choses vaines, 6+6 a
330 « Une seule, pourtant, est digne de vos peines, 6+6 a
« O Marthe, et votre sœur avant vous en fit choix ; 6+6 b
« Assise à mes genoux, elle écoute ma voix ; 6+6 b
« Nul ne lui ravira cette place chérie, 6+6 a
« Car la meilleure part est celle de Marie ! » 6+6 a
335 Vous avez dit cela, jugeant, un jour, Seigneur, 6+6 b
Les hommes du dehors et l’homme intérieur. 6+6 b
Il est des vases d’or scellés dans son royaume, 6+6 a
Des cœurs venus de lui pleins d’un céleste baume ; 6+6 a
Il est, même ici-bas, des encensoirs vivants, 6+6 b
340 Des calices vermeils respectés par les vents, 6+6 b
Où du ciel lentement la pluie est déposée ; 6+6 a
Le soleil frappe-t-il ces cœurs pleins de rosée, 6+6 a
Un enfant vers l’autel va-t-il les découvrir... 6+6 b
Sans embaumer le temple ils ne peuvent s’ouvrir ! 6+6 b
345 Mais pour livrer sa neige au rayon qui l’effleure, 6+6 a
Pour fumer à l’autel, quand vient le jour et l’heure, 6+6 a
Il faut que le beau lis que nul doigt n’a meurtri, 6+6 b
Loin des vents et de l’homme.ait pu croître à l’abri ; 6+6 b
Que les charbons ardents, renfermés dans le vase, 6+6 a
350 Attendent l’encens pur et le feu de l’extase, 6+6 a
Et qu’ils ne s’usent pas, au souffle des passants, 6+6 b
Ainsi qu’un fourneau vil ouvert à tous les vents ! 6+6 b
Oserez-vous faucher l’iris et les narcisses 6+6 a
Comme le foin des prés, litière des génisses ? 6+6 a
355 L’or pur des encensoirs est-il un or perdu ? 6+6 b
Hommes ! malheur à vous quand vous l’aurez fondu, 6+6 b
Et pris pour puiser l’eau des terrestres fontaines 6+6 a
L’amphore où dort le vin jusqu’aux Pâques lointaines ! 6+6 a
Seigneur, dans le troupeau des robustes humains, 6+6 b
360 Il est de beaux enfants, frêles et blanches mains, 6+6 b
Trop faibles pour lutter durant la vie entière 6+6 a
Et se voir obéir par la lourde matière ; 6+6 a
Ils ne savent pas faire, avec les socs tranchants, 6+6 b
Jaillir les blonds épis des veines de vos champs, 6+6 b
365 Aider les nations à construire leurs tentes, 6+6 a
Tisser de pourpre et d’or les robes éclatantes, 6+6 a
Et charger les vaisseaux sous un ciel reculé, 6+6 b
Des tapis d’Ecbatane ou du fer de Thulé. 6+6 b
Est-ce donc, ô mon Dieu, que leur grâce inféconde 6+6 a
370 Est livrée en opprobre aux puissants de ce monde, 6+6 a
Et qu’à votre soleil chacun leur peut ôter 6+6 b
L’humble coin qu’il leur faut pour prier et chanter ? 6+6 b
Est-ce qu’au jour marqué pour la grande justice, 6+6 a
Afin qu’aux yeux de tous votre enfer accomplisse 6+6 a
375 L’anathème porté sur les rameaux oisifs, 6+6 b
Vous frapperez ces fronts amoureux et pensifs ? 6+6 b
Préférez-vous au lac les grands flots des rivières, 6+6 a
Et la roche inflexible aux tremblantes bruyères ? 6+6 a
Les fleurs et les oiseaux vous sont-ils odieux ? 6+6 b
380 Mais le cèdre est chargé de nids mélodieux, 6+6 b
L’hysope entre ses pieds pousse une humble racine, 6+6 a
Et le Liban les berce en sa large poitrine ! 6+6 a
Les auriez-vous mêlés dans la création 6+6 b
Pour bannir les plus doux de votre affection ? 6+6 b
385 Oh ! vous aimez, Seigneur, la forme pure et belle, 6+6 a
Car c’est l’achèvement de l’idée éternelle, 6+6 a
La splendeur de l’esprit visible à l’œil mortel. 6+6 b
Chacun de son côté travaille pour l’autel ; 6+6 b
Si les forts ouvriers en sculptent les colonnes, 6+6 a
390 Les enfants les plus beaux tresseront des couronnes ! 6+6 a
Ne faut-il pas des voix pour bénir, pour chanter ? 6+6 b
Ce n’est pas être oisif que de vous écouter, 6+6 b
De recevoir de vous chaque soir l’huile sainte, 6+6 a
Lampe qui luit dans l’ombre et n’est jamais éteinte ! 6+6 a
395 Oh ! quand les marteaux lourds se reposent, le soir, 6+6 b
Les hommes ont besoin de lyre et d’encensoir. 6+6 b
C’est l’immense désir de toute créature 6+6 a
De chercher vos rayons épars dans la nature ; 6+6 a
Et c’est une vertu de lire avec clarté 6+6 b
400 Un peu de votre nom écrit dans la beauté ; 6+6 b
D’avoir le front marqué de votre sceau de flamme, 6+6 a
Et mêlant des parfums aux musiques de l’âme, 6+6 a
D’être l’urne de baume et le luth frémissant 6+6 b
Qui parfume la terre et chante en se brisant ! 6+6 b
405 L’apôtre fut longtemps perdu dans sa prière, 6+6 a
Et Jésus le cherchait et l’appelait : Mon frère ! 6+6 a
Et Jean se releva, plus fort et plus charmé ; 6+6 b
Il avait entendu la voix du bien-aimé. 6+6 b
III
Or, si vous demandez quel était l’homme austère 6+6 a
410 Qui défendait aux fleurs de parfumer la terre, 6+6 a
Et, sur l’humble faiblesse ainsi prompt à tonner, 6+6 b
Refusait à Jésus le droit de pardonner ; 6+6 b
Cet ennemi du luxe et des beautés futiles, 6+6 a
Laborieux chercheur de procédés utiles, 6+6 a
415 En qui le pauvre avait un avocat fervent, 6+6 b
Et la sainte pudeur un fidèle servant ; 6+6 b
Sage dont la vertu, prompte aux chastes alarmes, 6+6 a
Fuyait comme la mort les parfums et les larmes, 6+6 a
Esprit rigide et fort, cœur qui ne rêvait pas... 6+6 b
420 Que son nom soit maudit ! cet homme était Judas ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
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