Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAP_5/LAP38
Victor de LAPRADE
POÈMES ÉVANGÉLIQUES
1852
LA SAMARITAINE
I
Jésus, vers la montagne accompagné des siens, 6+6 a
Menacé dans Judas, fuyait les pharisiens. 6+6 a
C’est chez l’étranger seul que les cités en fête 6+6 a
Se parent pour offrir un asile au prophète ; 6+6 a
5 Craint ou persécuté par d’étroits raisonneurs, 6+6 a
Toujours sa propre ville est pour lui sans honneurs. 6+6 a
Il vint près de Sichar, bourg de la Samarie, 6+6 a
Du gazon printanier la glèbe étant fleurie 6+6 a
Et quatre mois avant le temps de la moisson. 6+6 a
10 Au pied du Garizim qui ferme l’horizon, 6+6 a
Par le champ dont Jacob, dans un dernier partage, 6+6 a
De Joseph, entre tous, agrandit l’héritage, 6+6 a
Il passait triste et las. Car, dès le point du jour, 6+6 a
Répandant la parole et priant tour à tour, 6+6 a
15 Sans avoir d’un ami vu s’ouvrir la demeure, 6+6 a
Il marchait ; et c’était déjà la sixième heure. 6+6 a
Dans un angle du champ plus humide et plus vert, 6+6 a
De l’ombre des palmiers à midi recouvert, 6+6 a
Un puits, au voyageur tombant de lassitude, 6+6 a
20 De sa pierre abritée offrait la solitude ; 6+6 a
Jacob l’avait creusé ; gardant son nom chéri, 6+6 a
Jamais, depuis ce temps, la source n’a tari ; 6+6 a
Et des troupeaux nombreux peuvent y boire encore, 6+6 a
Le soir, quand chaque vierge a rempli son amphore. 6+6 a
25 Fatigué de la route et du poids des soucis, 6+6 a
Sur la pierre du bord, Jésus s était assis ; 6+6 a
Et, donnant le repos du corps à la prière, 6+6 a
Immobile, il parlait à l’esprit de son père. 6+6 a
Il restait seul, les Douze étant au bourg prochain, 6+6 a
30 Pour les besoins du jour, allés chercher le pain. 6+6 a
Or, l’urne sur la tête, une Samaritaine, 6+6 a
Belle encore, venait puiser à la fontaine. 6+6 a
Jésus la vit. Seigneur, devant vos yeux cléments 6+6 a
La femme a trouvé grâce en ses égarements. 6+6 a
35 L’aspect d’un étranger la surprend ; elle hésite. 6+6 a
Lui, d’un geste adouci la rassure et l’invite ; 6+6 a
De sa voix calme et grave il parle. Sans rougeur. 6+6 a
Et sans trouble elle entend le chaste voyageur : 6+6 a
« Donne, lui dit le Christ, j’ai soif. »
Elle s’avance. 6+6 a
40 Pose l’urne à ses pieds ; et, rompant le silence, 6+6 a
Avec l’espoir secret d’un fertile entretien, 6+6 a
Au palmier qui lui tend son ombre et son soutien 6+6 a
S’appuie, et, sans lutter contre un charme qu’elle aime, 6+6 a
Elle ose interroger l’étranger elle-même. 6+6 a
LA SAMARITAINE
45 Quoi ! dans l’urne où je puise, étant fils de Judas, 6+6 a
Seigneur, tu boirais l’eau que tu me demandas ! 6+6 a
Étrangère à tes yeux, ne suis-je pas flétrie ? 6+6 a
Qui donc a rapproché Sion de Samarie ? 6+6 a
JÉSUS
Femme, si tu savais le présent qu’à ses fils 6+6 a
50 Dieu garde en ses trésors, quel que soit leur pays ; 6+6 a
Si, dans la pureté d’un cœur plus prompt à croire, 6+6 a
Tu connaissais celui qui te demande à boire, 6+6 a
Peut-être tu viendrais de toi-même aujourd’hui, 6+6 a
Solliciter le don qu’il apporte avec lui ; 6+6 a
55 Et de la source, avant que ton peuple t’y suive, 6+6 a
Pour toi, peut-être, il eût tiré des flots d’eau vive. 6+6 a
LA SAMARITAINE
Mais le puits est profond, Seigneur, et tu n’as rien 6+6 a
Pour en tirer de l’eau, car ce vase est le mien. 6+6 a
Où donc aurais-tu pris ce flot qui désaltère ? 6+6 a
60 Es-tu donc plus puissant que Jacob notre père 6+6 a
Il nous donna ce puits, et lui-même il y but, 6+6 a
Et chacun de ses fils y menait sa tribu ; 6+6 a
Et, de leurs grands troupeaux, le soir, autour des tentes, 6+6 a
Dans son onde on lavait les toisons éclatantes. 6+6 a
JÉSUS
65 Celui qui boit cette eau reste encore altéré : 6+6 a
Mais qui boira de l’eau que je lui donnerai, 6+6 b
Qui du bord de mon urne approchera sa lèvre, 6+6 c
Jamais plus de la soif ne connaîtra la fièvre : 6+6 c
De cette eau, dans son cœur, sitôt qu’il a goûté, 6+6 b
70 Une source y jaillit et pour l’éternité. 6+6 a
LA SAMARITAINE
Donnez-moi de cette eau pour que ma soif s’apaise, 6+6 a
Seigneur ! et qu’aux ardeurs de ce soleil qui pèse, 6+6 a
Il ne me faille plus, pour ce rude besoin, 6+6 a
Venir, deux fois le jour, à ce puits, de si loin. 6+6 a
JÉSUS
75 Appelle ton époux, viens et m’ouvre ton âme. 6+6 a
LA SAMARITAINE
Mais je suis sans époux, Seigneur.
JÉSUS
Tu dis vrai, femme, 6+6 a
Et tu n’as point d’époux ; car, de ce nom béni, 6+6 a
De cinq qui t’approchaient nul ne te fut uni ; 6+6 a
Et, maintenant encor, l’homme qui leur succède, 6+6 a
80 Sans être ton époux, ô femme, te possède. 6+6 a
LA SAMARITAINE
Je connais un prophète, ô Maître, à tes discours ; 6+6 a
Apprends-moi donc pourquoi, depuis les anciens jours, 6+6 a
Tandis que sur les monts où s’assemblaient nos pères 6+6 a
Nous venons après eux pour faire nos prières, 6+6 a
85 Vous dites qu’ici-bas Sion est le seul lieu 6+6 a
Où, sans idolâtrie, on puisse adorer Dieu. 6+6 a
JÉSUS
L’heure approche ; et bientôt, femme, tu peux m’en croire. 6+6 a
Ce n’est plus sur ce mont qu’à Dieu vous rendrez gloire, 6+6 a
Ni dans Jérusalem que vous sacrifîrez. 6+6 a
90 Vous ne savez encor ce que vous adorez ; 6+6 b
Le Dieu de notre culte à nous s’est fait connaître, 6+6 c
Car c’est d’entre Judas que le salut doit naître : 6+6 c
Il est né ! l’homme pur et droit de volonté 6+6 b
Adore dans l’esprit et dans la vérité ; 6+6 a
95 Le père nous veut tels, et, pour tout sacrifice, 6+6 a
Demande que notre œuvre à son œuvre s’unisse. 6+6 a
Dieu est esprit ; il faut, lui-même nous l’apprit, 6+6 a
Ainsi qu’en vérité l’adorer en esprit. 6+6 a
LA SAMARITAINE
Le Christ nous est promis ; je crois à sa venue ; 6+6 a
100 La vérité, par lui, de tous sera connue. 6+6 a
JÉSUS
Ce Christ, moi qui te parle, ô femme, je le suis. 6+6 a
Revenus de la ville et debout près du puits, 6+6 a
Les Douze s’étonnaient, sans rien faire paraître, 6+6 a
De voir, près d’une femme et lui parlant, le Maître ! 6+6 a
II
105 Or, laissant là son urne et la source en oubli 6+6 a
Et de l’onde éternelle ayant le cœur rempli, 6+6 a
Elle court vers la ville ; à grands flots, par la route, 6+6 a
Répandant sur le peuple, ébranlé dans son doute, 6+6 a
Les transports inconnus de son sein débordant, 6+6 a
110 Elle allait et disait dans un langage ardent : 6+6 a
« Quittez champs et maisons, enfants de Samarie ; 6+6 a
Venez tous et voyez ; cet homme est le Messie ! » 6+6 a
Et, frappés de sa voix, venaient de toutes parts, 6+6 a
De la vigne et des blés, les travailleurs épars, 6+6 a
115 Et les vieillards assis aux portes de la ville, 6+6 a
fit les femmes filant près du foyer tranquille, 6+6 a
Et les enfants tenant des rameaux à la main, 6+6 a
Du vieux puits de Jacob tous prenaient le chemin ; 6+6 a
Et vers Jésus bientôt un peuple entier se presse. 6+6 a
120 Tels, au désert, le soir d’un jour de sécheresse, 6+6 a
Les brebis et les bœufs serrés près du pasteur, 6+6 a
Tandis que du grand puits l’eau monte avec lenteur, 6+6 a
Attendent, haletants et chargés de poussière, 6+6 a
Le flot qui va jaillir dans les auges de pierre. 6+6 a
125 Et de la source vive, où nul ne boit en vain, 6+6 a
Le pasteur à leur soif versait le flot divin. 6+6 a
III
Or, l’humble femme avant tout ce peuple abreuvée, 6+6 a
Celle par qui la source avait été trouvée, 6+6 a
Ramenait sur ses pas, ô pasteur jusqu’à vous, 6+6 a
130 L’homme qu’elle n’osa nommer du nom d’époux ; 6+6 a
Mais tous deux, consultant la voix intérieure, 6+6 a
Pouvaient du nom d’époux se parer à cette heure, 6+6 a
Et d’un chaste lien faisant le fier aveu, 6+6 a
Affronter les regains des hommes et de Dieu. 6+6 a
135 Car dès lors en leur âme avait coulé cette onde, 6+6 a
Mystérieux torrent qui lave et qui féconde, 6+6 a
Qui ravive le cœur dans l’homme rajeuni, 6+6 a
Et peut seul étancher notre soif d’infini. 6+6 a
C’est l’eau qui, jaillissant à travers l’Évangile, 6+6 a
140 En des vases d’or pur change les cœurs d’argile, 6+6 a
Et qu’au monde appauvri, pour tout renouveler, 6+6 a
L’esprit promis de Dieu va faire encor couler ; 6+6 a
Eau du puits de Jacob, dont tout homme qui passe 6+6 a
A droit de s’abreuver, quelle que soit sa race, 6+6 a
145 Vaste océan où tous se plongeront un jour, 6+6 a
Sur terre comme au ciel ton vrai nom c’est : Amour ! 6+6 a
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