Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAP_5/LAP37
Victor de LAPRADE
POÈMES ÉVANGÉLIQUES
1852
LA TEMPÊTE
I
Le navire est immense,un peuple entier l’habite ; 6+6 a
D’après un plan divinsa charpente est construite ; 6+6 a
L’homme en a pris le boisaux plus divers climats ; 6+6 b
Cent ans n’ont pas suffipour en dresser les mâts. 6+6 b
5 Nul ne connt son port,son vrai nom, ni son âge. 6+6 a
Ses hôtes les plus vieuxsont nés dans le voyage. 6+6 a
Pourtant un récit vagueà leurs fils garde encor 6+6 b
Les regrets et l’espoird’un ciel, d’un pays d’or ; 6+6 b
Et, montrant quel chemindoit les y reconduire, 6+6 a
10 Des signes sont écritspartout sur le navire. 6+6 a
Mais, plutôt que de lireà ce livre sacré, 6+6 b
Chacun se fait un port,une route à son gré. 6+6 b
La nef est bien pourvue,on peut gment y vivre ; 6+6 a
Jamais le flot, battantses flancs doublés de cuivre, 6+6 a
15 N’entama jusqu’icile vaisseau paternel, 6+6 b
Et, comme il est antique,il semble être éternel. 6+6 b
Donc, sans souci des eauxet des vents qui font trêve, 6+6 a
Chacun poursuit à partson calcul ou son rêve ; 6+6 a
Chacun prend pour seul dieusoi-même et son penchant : 6+6 b
20 Le matelot s’enivreou danse ; le marchand 6+6 b
Compte le gain futur ;et là, comme en nos villes, 6+6 a
Grondent, sous les plaisirs,les discordes civiles. 6+6 a
Les chefs, aveuglémentsur la pourpre accoudés, 6+6 b
Boivent leur vin dans l’oret font courir les dés ; 6+6 b
25 Ils n’interrogent plusla marche des étoiles. 6+6 a
Le navire est robusteet vogue à pleines voiles ; 6+6 a
On ne consulte guèreun ciel toujours serein : 6+6 b
Ils ont pris leur orgueilpour livre souverain. 6+6 b
De l’infaillible carte,ainsi, germant les pages, 6+6 a
30 Les plus vains, du timon,éloignent les plus sages. 6+6 a
Or, le seul vrai piloteest assis à l’écart : 6+6 b
La discorde et l’orgieattristaient son regard ; 6+6 b
De son manteau d’azurvoilant sa tête blonde, 6+6 a
Il demande au sommeilde lui cacher ce monde ; 6+6 a
35 Il songe, et, par-delànotre étroit horizon 6+6 b
De son père il revoitla céleste maison. 6+6 b
Et nul ne s’apeoit,dans ce peuple en délire, 6+6 a
Que le Seigneur absentmanque à l’humain navire ; 6+6 a
Et tous ont oublié,comme s’il était mort, 6+6 b
40 Celui qui sait la routeet tient les clefs du port. 6+6 b
Nous laissons tous, hélas !jusqu’au péril extrême, 6+6 a
Le guide intérieurdormir en nous de même. 6+6 a
Quand souffle un heureux vent,quand le monde est ami, 6+6 b
Nul ne songe au patronsur la barque endormi ; 6+6 b
45 Et souvent une mainfaible, inhabile, infâme, 6+6 a
Tient au jour du dangerle gouvernail de l’âme. 6+6 a
II
Voici l’écueil ! l’assautdes flots inattendus 6+6 b
Dont les cieux consultésnous auraient défendus ! 6+6 b
Voici le grand orgueilqu’aucun orgueil ne dompte, 6+6 a
50 L’Océan qui rugit,la mer, la mer qui monte ! 6+6 a
Qui pourra l’abaisser,la superbe des eaux ? 6+6 b
Homme ! un autre que toiguide au port les vaisseaux. 6+6 b
Toi, tu sais, dans le chêneou l’or que tu découpes, 6+6 a
Tu sais tailler leurs flancset festonner leurs poupes ; 6+6 a
55 Tu sais tisser la voileet nouer les agrès ; 6+6 b
De l’aimant conducteurtu connais les secrets ; 6+6 b
A des coursiers d’airaindonnant leur cœur de flamme, 6+6 a
Tu sembles prendre au cielle don de faire une âme ; 6+6 a
Tu ne lui prendras pasles clefs du gouffre amer : 6+6 b
60 Tu tiens la barque, et Dieutient le vent et la mer. 6+6 b
Le vent, la mer ! tous deuxrassemblent leur colère : 6+6 a
L’immensité rugitsous la nef séculaire ; 6+6 a
Le noir bélier d’autandu front vient s’y heurter. 6+6 b
L’abîme aux flancs rétifsest las de nous porter ; 6+6 b
65 Et, sur nos fronts, le ciel,vte livide et basse, 6+6 a
Part prêt à croulerquand l’éclair le crevasse. 6+6 a
Là bas, à l’horizon,plongeant et surnageant, 6+6 b
La vague, mont noirâtreà la crête d’argent, 6+6 b
Roule vers le navireainsi qu’un mur immense. 6+6 a
70 Mais, ô mer, ton courrouxn’est pas notre démence ! 6+6 a
La nature a toujourssa lente majesté. 6+6 b
Le flot le plus fougueux,en cadence apporté, 6+6 b
Ne se tord qu’en frappantl’obstacle né des hommes. 6+6 a
Le seul désordre est là,sur la nef nous sommes. 6+6 a
75 Un craquement affreuxau coup du flot répond ; 6+6 b
Les mâts déracinésont fracassé le pont ; 6+6 b
Le gouvernail, funesteà la main la plus forte, 6+6 a
La renverse en cédantà la mer qui l’emporte. 6+6 a
Dès le premier éclair,dès le ciel nuageux, 6+6 b
80 La peur folle a chasséle fol entrain des jeux. 6+6 b
A menacer les chefschacun met son courage ; 6+6 a
La haine gronde à bordaussi haut que l’orage ; 6+6 a
La hache fratricidey court dans chaque rang, 6+6 b
Et, quand la vague en sort,elle est teinte de sang. 6+6 b
III
85 Mais, ô divin pilote !en ce lâche tumulte 6+6 a
Quelques hommes encorte conservaient leur culte, 6+6 a
Et, malgré ton sommeil,tu leur étais présent. 6+6 b
Ils savent la vertude ton nom bienfaisant, 6+6 b
Ce nom qui, prononcédans l’horreur du naufrage, 6+6 a
90 Te rappelle au timonet conjure l’orage. 6+6 a
O mtre, éveille-toi !c’est l’heure le danger 6+6 b
Consterne le marincomme le passager. 6+6 b
Mtre, aurais-tu quittéce navire tout tremble ? 6+6 a
Ah ! c’est presque à la mortque ton sommeil ressemble ! 6+6 a
95 Éveille-toi, pilote,et viens chasser l’orgueil, 6+6 b
Cet impur nautonierqui nous mène à l’écueil. 6+6 b
Sous le vent des erreurs,des songes faux ou vagues, 6+6 a
Jamais les passionsn’ont tant gonflé leurs vagues ; 6+6 a
Jamais, chez les humains,des appétits plus vils 6+6 b
100 N’ont soulevé les flotsdes orages civils. 6+6 b
Ce n’est plus la tempêteet les combats de l’âme ! 6+6 a
L’esprit dort : c’est la chairqui gronde et qui réclame, 6+6 a
La chair qui veut aussison jour de plein pouvoir, 6+6 b
Et tient son bon plaisirpour règle du devoir. 6+6 b
105 L’austère libertén’est plus le bien qu’on prise ; 6+6 a
Aujourd’hui, ce qu’un peupleenvie aux rois qu’il brise, 6+6 a
Oh ! ce n’est pas leur droit,leur honneur, hochet vain ! 6+6 b
C’est leur verre plus grandet plein d’un meilleur vin ; 6+6 b
C’est la table et le lit,dans sa molle parure, 6+6 a
110 se vautre à loisirl’opulente luxure ; 6+6 a
Ce qu’il veut, c’est jouir,avec ses reins de fer, 6+6 b
Des vices somptueuxqu’il abhorrait hier. 6+6 b
La chair est l’antre impurd’ sortent ces tempêtes, 6+6 a
Ces ouragans souffléspar tant de faux prophètes ! 6+6 a
115 Pilote, Esprit divin,ne te cache donc plus ! 6+6 b
Reviens de ton sommeilà la voix des élus ; 6+6 b
Que ton regard nous luiseen sa douceur austère, 6+6 a
Et du port inconnuperce enfin le mystère ! 6+6 a
Seigneur, nous périssons !nos rêves décevants 6+6 b
120 Se sont fait sur la merles complices des vents. 6+6 b
L’espoir qui nous portaits’use à chaque méprise, 6+6 a
Nous allons renoncerà la terre promise. 6+6 a
Notre orgueil est à bout :le peuple harassé 6+6 b
Demande à revenirdans les eaux du passé, 6+6 b
125 Tout prêt à jeter l’ancreen ce port du vieux monde 6+6 a
l’arche pourrissaittant la vase est immonde. 6+6 a
IV
Or, Jésus, que la foudreavait laissé dormir, 6+6 b
Entend dans son sommeilsupplier et gémir ; 6+6 b
Il se lève ; la paixsur sa face est empreinte : 6+6 a
130 « Ayez foi, nous dit-il,et vous serez sans crainte. » 6+6 a
Puis il commande aux flots ;le geste de sa main 6+6 b
Calme et fait obéirl’onde et le cœur humain. 6+6 b
Et l’arche du pécheur,qui porte un peuple en elle, 6+6 a
Voit poindre à l’Occidentune terre nouvelle. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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