Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAP_5/LAP36
Victor de LAPRADE
POÈMES ÉVANGÉLIQUES
1852
L’ÉVANGILE DES CHAMPS
I
Or, fuyant Israël,terre ingrate et jalouse, 6+6 a
Souvent, dans le désert,Jésus avec les Douze 6+6 a
Sachant que, selon Dieu,son jour n’est pas venu, 6+6 b
Cherchait la paix, ce bienaux cités inconnu ; 6+6 b
5 Cette paix du désertpleine d’austères fêtes, 6+6 c
, d’eux-mêmes, souvent,s’exilent les prophètes. 6+6 c
Sans que la foule encors’excite à les haïr, 6+6 a
Loin de son vain tumulteils ont besoin de fuir. 6+6 a
Car ce n’est qu’au désert,au jour de la nature, 6+6 a
10 Que la parole en nousluit plus vive et plus pure. 6+6 a
Dans le silence, alors,du monde et de tout bruit 6+6 b
L’intime symphonieen nos cœurs se construit ; 6+6 b
L’âme, ayant écartéce que l’homme interpose, 6+6 a
Entend la voix de Dieusortir de toute chose ; 6+6 a
15 Puise au flot infinidu rocher débordant, 6+6 b
Et parle à Jéhovahdans le buisson ardent. 6+6 b
Là, le Mtre des sienspeut mieux se faire entendre ; 6+6 a
Il y trouve leur cœurplus ouvert et plus tendre. 6+6 a
Là, par mille tableauxet par mille chansons 6+6 b
20 La nature, ô Jésus,aidait à vos leçons, 6+6 b
Et prêtait, y mêlantde radieux symboles, 6+6 c
La vie et la couleuraux mystiques paroles. 6+6 c
Montrant partout l’exemple,il dit : les soins touchants 6+6 a
Que le Père célestea pour la fleur des champs ; 6+6 a
25 Le lis, en sa blancheur,plus qu’un roi magnifique, 6+6 b
Quoiqu’il n’ait point filésa splendide tunique ; 6+6 b
L’oiseau nourri de grainsans qu’il songe à semer, 6+6 a
Contents l’un de chanteret l’autre d’embaumer ; 6+6 a
Les bourgeons du figuier,plus sages que les sages, 6+6 b
30 Du printemps et des fleursinfaillibles présages ; 6+6 b
Le royaume de Dieu,lentement élevé, 6+6 a
Comme l’arbre sortidu grain de sénevé ; 6+6 a
Le froment dévorépar l’ivraie et le sable 6+6 b
A la sainte paroleen nos âmes semblable. 6+6 b
35 Ici, le blé du ciel,l’espoir du pain nouveau. 6+6 a
Meurt faute d’une larmeet d’une goutte d’eau ; 6+6 a
Ici, le grain germa,l’épi déjà s’annonce, 6+6 b
La passion bientôtl’étouffé sous la ronce, 6+6 b
, trop voisins du monde,hélas ! les blés naissants 6+6 a
40 Sont foulés sous les piedsde mille impurs passants. 6+6 a
Il enseignait ainsi :montrant dans la nature 6+6 a
Le sens mystérieuxcaché sous la figure ; 6+6 a
Traduisant les forêts,les fleuves et les vents ; 6+6 b
Parlant comme son pèreavec des mots vivants. 6+6 b
45 Car, pour tout homme instruità la divine école, 6+6 c
L’univers tout entiern’est qu’une parabole. 6+6 c
La nature, ô mon Dieu,pleine de votre esprit, 6+6 a
Porte aussi sur son frontun Évangile écrit ; 6+6 a
Et, nous faisant aimervos lois qu’elle proclame, 6+6 b
50 Le poëte y sait lireavec les yeux de l’âme. 6+6 b
II
Oui, ton livre, ô Nature,à l’impie est fermé : 6+6 a
  La foi seule y pénètre ; 6 b
Pour guider le regardsur ce texte animé, 6+6 a
  Il faut le doigt du Mtre. 6 b
55 Plus s’exalte l’orgueilsondant les vastes cieux, 6+6 a
  Plus la nuit se fait noire. 6 b
Nul ne voit dans l’espritet plus loin que les yeux, 6+6 a
  Sans aimer et sans croire. 6 b
Plaignons l’homme charnel !il passe aveugle et sourd, 6+6 a
60   Niant chaque merveille ; 6 b
Dans l’épaisseur des sensil dort d’un sommeil lourd ; 6+6 a
  Le désir seul l’éveille. 6 b
Au poids de ses besoins,souvent de ses ennuis, 6+6 a
  Il pèse toutes choses ; 6 b
65 Sans aller plus avantque la saveur des fruits, 6+6 a
  Que le parfum des roses. 6 b
Il demande au soleilde faciles moissons ; 6+6 a
  Puis, la faim satisfaite, 6 b
Il glane des plaisirs,mais jamais des leçons, 6+6 a
70   Dans la nature en fête. 6 b
Aux doux bruits du feuillageil s’est bercé parfois, 6+6 a
  En ses loisirs frivoles ; 6 b
Jamais il n’a cueilli,dans le secret des bois, 6+6 a
  La fleur des paraboles. 6 b
75 S’il vante le savoirqui décrit les soleils 6+6 a
  Et l’orgueil de l’étude, 6 b
Il fuit sa conscienceet les graves conseils 6+6 a
  Nés de la solitude. 6 b
Il y trouverait Dieuqui remplit les déserts, 6+6 a
80   Dieu que tout être nomme ! 6 b
Là, chênes et roseaux,sables ou gazons verts, 6+6 a
  Tout le révèle à l’homme. 6 b
Tout nous peint l’invisibleet raconte le ciel : 6+6 a
  Ce lis qui vient d’éclore 6 b
85 Nous offre une leçonplus douce que son miel ; 6+6 a
  Mais le méchant l’ignore. 6 b
Pour lui tout est obscur,tout est muet pour lui ; 6+6 a
  Dieu frappe en vain sa porte, 6 b
En vain l’Océan grondeou l’arc-en-ciel a lui, 6+6 a
90   Il dit toujours : qu’importe ! 6 b
Jamais son œil, des cieuxsondant l’infinité, 6+6 a
  Dans l’azur ne s’élance ; 6 b
L’oreille de son cœurn’a jamais écouté 6+6 a
  Les accords du silence. 6 b
95 Des purs foyers d’amour,il n’approche jamais, 6+6 a
  Jamais il n’y prend flamme ; 6 b
La foudre peut demainfrapper son crâne épais 6+6 a
  Sans éclairer son âme. 6 b
III
C’est qu’il faut, ô mon Dieu,loin du monde moqueur, 6+6 a
100 Regarder la Natureavec les yeux du cœur. 6+6 a
Vous seul et votre Espritapprenez aux plus dignes 6+6 b
A conntre, au désert,à traduire vos signes, 6+6 b
A saisir le symboleen son intime loi, 6+6 c
A voir en actionl’espoir, l’amour, la foi. 6+6 c
IV
105   Puisque l’univers est un livre 8 a
  Écrit pour les yeux innocents, 8 b
  Seigneur, quand son attrait m’enivre, 8 a
  Rends plus purs mon âme et mes sens. 8 b
  Puisqu’au trésor des paraboles 8 a
110   La foi trouve un accès permis, 8 b
  Donne-moi, devant’ tes symboles, 8 a
  Le cœur simple et l’esprit soumis. 8 b
  La nature sera plus belle 8 a
  Et me parlera sans détour, 8 b
115   Si, pour toi, je deviens comme elle, 8 a
  Obéissant et plein d’amour. 8 b
  O mon Dieu ! fais-moi donc largesse 8 a
  De douceur et d’humilité, 8 b
  Pour que j’apprenne ta sagesse 8 a
120   Écrite dans l’immensité. 8 b
  Fais-moi lire, au front des nuages, 8 a
  L’alphabet d’or et de vermeil 8 b
  Dont l’azur déroule les pages 8 a
  Sous les doigts ardents du soleil ; 8 b
125   Et les contours des monts austères, 8 a
  Et, sur les gazons diaprés, 8 b
  Le sens des mille caractères 8 a
  Que les fleurs tracent dans les prés ; 8 b
  Les réseaux tremblants sur la mousse 8 a
130   Qu’à l’ombre du feuillage noir 8 b
  La lune, avec sa blancheur douce, 8 a
  Tresse au pied des chênes le soir. 8 b
  Fais que je sache mieux entendre 8 a
  L’esprit caché dans cette voix 8 b
135   Qui parle au cœur plaintif et tendre, 8 a
  Quand le vent gémit dans les bois. 8 b
  Je veux recueillir sur les cimes 8 a
  Des accords l’innombrable essaim, 8 b
  Pour exprimer ces voix intimes 8 a
140   Qui me tourmentent dans mon sein. 8 b
  Toi, nature, qui me pourvoies 8 a
  De mélodie et de couleurs, 8 b
  Riche écho de toutes mes joies, 8 a
  Tu l’es surtout de mes douleurs ! 8 b
145   Hélas ! les grandes harmonies, 8 a
  Le vent, les mers et les forêts 8 b
  Ne sont que larmes infinies, 8 a
  Ou des craintes, ou des regrets. 8 b
  Mon Dieu ! votre amour la tourmente ; 8 a
150   C’est le secret qu’elle m’a dit ; 8 b
  Car si toute voix se lamente, 8 a
  Pas une voix ne vous maudit. 8 b
  Seigneur, pour peindre l’invisible, 8 a
  Si vous avez choisi mes mains, 8 b
155   Si ma langue a le don terrible 8 a
  De vous nommer chez les humains, 8 b
  A mon esprit, qui s’épouvante 8 a
  Des choses qu’il doit révéler, 8 b
  Prêtez la parole vivante 8 a
160   Que la nature sait parler. 8 b
  Donnez-moi ses couleurs de flamme, 8 a
  Donnez-moi ses accords puissants ; 8 b
  Que je sache éveiller une âme 8 a
  Chez l’homme endormi dans ses sens. 8 b
165   Loin de moi toute vaine image 8 a
  Faite pour le plaisir des yeux ; 8 b
  Que chaque fleur, dans mon langage. 8 a
  Cache un parfum mystérieux. 8 b
  Telle est, ô mon Dieu, la nature, 8 a
170   Que je vous serve en l’imitant ; 8 b
  Que toute chair, dans ma peinture, 8 a
  Trahisse un esprit palpitant. 8 b
  Afin que l’homme qui blasphème 8 a
  Sente, au vif éclat de mes vers, 8 b
175   Tout ce que j’ai senti moi-même 8 a
  En feuilletant votre univers. 8 b
  Qu’il entende une plainte immense 8 a
  Expirant aux pieds de la croix, 8 b
  Et, qu’averti de sa démence, 8 a
180   Il répète à son tour : Je crois. 8 b
  Parfois, dans un matin prospère, 8 a
  Au milieu des nids et des fleurs, 8 b
  Qu’il distingue ce mot : J’espère ! 8 a
  Et sourie à travers ses pleurs, 8 b
185   Qu’en tout son être, alors s’élève 8 a
  Un cri sublime et débordant, 8 b
  Étouffant les bruits de la grève, 8 a
  Tel que la mer haute et grondant, 8 b
  Sanglots, chants railleurs, voix impures, 8 a
190   Ce cri les domine en tout lieu, 8 b
  C’est, au fond de tous nos murmures, 8 a
  La voix de votre amour, mon Dieu ! 8 b
mètre profils métriques : 6, 8, 6+6
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