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F = "e" féminin
| = césure
LAP_5/LAP35
Victor de LAPRADE
POÈMES ÉVANGÉLIQUES
1852
LES ŒUVRES DE LA FOI
I
Jésus, fertilisant | de ses sueurs divines 6+6 a
L’héritage où mûrit | sa couronne d’épines, 6+6 a
Fait l’œuvre de son père ; | et, comme il est écrit, 6+6 a
Passe dans Israël | sans asile et proscrit ; 6+6 a
5 Travaillant dans les pleurs : | des miracles qu’il sème, 6+6 a
Des bénédictions | payé par l’anathème ; 6+6 a
Se lassant à guérir, | dans le flot baptismal, 6+6 a
Les péchés de la terre | infatigable au mal. 6+6 a
Des hommes le suivaient | que la douleur amène. 6+6 a
10 À chaque pas, un cri | de la misère humaine 6+6 a
Dominant mille cris, | voix d’un cœur plus aimant, 6+6 a
Vient au cœur de Jésus | frapper plus fortement. 6+6 a
Et la foi sait ravir, | forçant Dieu, s’il hésite, 6+6 a
Le don miraculeux | que l’amour sollicite. 6+6 a
15 C’est la Chananéenne | et son cœur obstiné, 6+6 a
Et l’espoir maternel | jamais déraciné ; 6+6 a
L’Idolâtre, en sa nuit | tout à coup éclaircie, 6+6 a
A force de vouloir | a connu le Messie, 6+6 a
Le Dieu venu pour tous, | mais qui se tient caché 6+6 a
20 Et dont l’esprit ne luit | qu’à ceux qui l’ont cherché. 6+6 a
Or les disciples, las | du bruit de sa prière, 6+6 a
De leurs mains sans pitié | la poussaient en arrière ; 6+6 a
Mais elle, aux pieds du Christ | se traînant à genoux, 6+6 a
Criait : « Fils de David, | ayez pitié de nous ! 6+6 a
25 « Délivrez mon enfant | que le démon tourmente. » 6+6 a
Et Jésus, retenant | sa parole clémente, 6+6 a
Gardait un dur silence, | et, prêt à s’émouvoir 6+6 a
Devant ces pleurs sacrés, | semblait ne pas les voir ; 6+6 a
Même, pour l’éprouver | et donner aux fidèles 6+6 a
30 De la foi des Gentils | d’invincibles modèles, 6+6 a
Il laissa, — lui Jésus ! | — tomber ce mot cruel : 6+6 a
« Je ne suis envoyé | qu’aux brebis d’Israël. » 6+6 a
Toujours elle priait. | Lui, comme sans l’entendre : 6+6 a
« Pour le jeter aux chiens, | il n’est pas bon de prendre 6+6 a
« Le pain des fils de Dieu. | »
35 — « Seigneur ! » — d’un ton soumis, 6+6 a
Dit-elle ; — « aux petits chiens | du moins il est permis 6+6 a
« De manger à vos pieds | les miettes de la table. » 6+6 a
Et Jésus, reprenant | son dessein véritable : 6+6 a
« Femme, votre foi donne | un grand exemple ; allez ! 6+6 a
40 « Que Dieu fasse pour vous | ainsi que vous voulez. » 6+6 a
Et la mère trouva | la joie en sa famille, 6+6 a
Car le démon sur l’heure | avait quitté sa fille. 6+6 a
II
Autre part — mais toujours | ailleurs que dans Sion, — 6+6 a
Aussi ferme en sa foi, | c’est le Centurion ; 6+6 a
45 Au baptême de feu | la charité le lave, 6+6 a
Car il vient, — lui soldat, | — prier pour son esclave. 6+6 a
« Maître, un mal inconnu | consume avec lenteur 6+6 a
« Et torture en son lit | mon pauvre serviteur ! » 6+6 a
« J’irai, — lui dit Jésus, | l’encourageant d’un signe, — 6+6 a
« Je le soulagerai. |
50 — « Non, je ne suis pas digne, » 6+6 a
Reprit l’humble étranger, | — « pour cette guérison, 6+6 a
« De vous voir, ô Seigneur, | entrer dans ma maison ; 6+6 a
« Mais dites seulement ! | du mal qui nous désole, 6+6 a
« Vous guérirez cette âme | avec une parole ! » 6+6 a
55 Et Jésus se tournant | vers les groupes nombreux 6+6 a
S’étonne et parle ainsi : | « Parmi tous les Hébreux 6+6 a
« Jamais je n’ai trouvé | tant de foi qu’en cet homme ! 6+6 a
« Sors et qu’il te soit fait, | — dit-il au fils de Rome, 6+6 a
« Selon que tu le crois ! | »
Le serviteur chéri 6+6 a
60 Au retour de son maître | était déjà guéri. 6+6 a
III
Heureuse dans sa foi | l’âme vaillante et ferme, 6+6 a
De tous les dons du ciel | elle a reçu le germe ; 6+6 a
A ses nuits de douleur | présageant guérison, 6+6 a
Un rayon vif et pur | réchauffe sa prison. 6+6 a
65 Heureux le cœur soumis | au mal expiatoire 6+6 a
Qui, même sans guérir, | ne cesse pas de croire ; 6+6 a
Sa souffrance est moins lourde | à porter ici-bas 6+6 a
Que les plaisirs du monde | au cœur qui ne croit pas. 6+6 a
L’ennui suffit chez l’un | pour souffler le blasphème ; 6+6 a
70 Plus l’autre est torturé, | mon Dieu ! plus il vous aime ; 6+6 a
Plus il voit resplendir, | adorant vos desseins, 6+6 a
Le trône qui l’attend | là-haut, parmi les saints ; 6+6 a
Plus ardent il perçoit, | dans sa douleur charnelle, 6+6 a
L’intime vision | de la gloire éternelle. 6+6 a
75 Oui, tandis que l’impie, | épris des voluptés, 6+6 a
Ne croit plus aux plaisirs | dès qu’il les a goûtés, 6+6 a
L’homme en qui la foi forte | a dissipé toute ombre, 6+6 a
Voit au fond des douleurs | des voluptés sans nombre ; 6+6 a
Car lui seul, en souffrant, | libre de tout remord, 6+6 a
80 Comme une guérison | peut embrasser la mort. 6+6 a
IV
Mon Dieu ! seul de vos créatures, 8 a
Pourquoi l’homme peut-il douter ? 8 b
Lui né pour vos splendeurs futures 8 a
Que nulle autre ne doit goûter. 8 b
85 Tout vous annonce et vous adore : 8 a
La nuit sombre croit à l’aurore, 8 a
L’hiver croit au printemps vermeil. 8 a
L’homme seul hésite, examine ; 8 b
Lui que votre verbe illumine, 8 b
90 Il nie en face du soleil ! 8 a
La foi, la foi seule est féconde ; 8 a
La foi nous apprit à semer. 8 b
C’est la foi qui peuple le monde ; 8 a
Il faut croire pour bien aimer. 8 b
95 Sur la branche humide qui ploie, 8 a
Avant que nul fruit ne s’y voie, 8 a
C’est la foi qui bâtit les nids. 8 a
Montrant des régions plus belles, 8 b
La foi porte les hirondelles 8 b
100 Dans les espaces infinis. 8 a
Dans l’azur, sans savoir leur route, 8 a
Comme des troupeaux familiers, 8 b
Les soleils, sans frayeur ni doute, 8 a
Marchent, devant Dieu, par milliers. 8 b
105 La foi guide l’œil du prophète ; 8 a
Elle fait entendre au poëte 8 a
Les bruits qui deviendront des vers. 8 a
Au chercheur ardent qui découvre 8 b
Par la foi l’horizon qui s’ouvre 8 b
110 Fait voir les nouveaux univers. 8 a
La foi, bien mieux que la boussole, 8 a
Conduit les cœurs et les vaisseaux. 8 b
Le martyr que la foi console 8 a
Des lions brave les assauts. 8 b
115 Chaque astre, sur la foi du maître, 8 a
Vole à son but, sans le connaître, 8 a
Et Dieu te le révèle à toi ! 8 a
Crois donc, ô raison trop altière ! 8 b
L’œuvre de la nature entière 8 b
120 N’est qu’un immense acte de foi. 8 a
V
Et moi, Seigneur, aussi, | je fus rebelle à croire ! 6+6 a
Le doute, en ses déserts, | m’a longtemps égaré : 6+6 b
Loin du puits de Jacob, | où les âmes vont boire ; 6+6 a
Indocile au pasteur, | j’ai vécu séparé. 6+6 b
125 Je tentai l’inconnu | dans mon orgueil avide. 6+6 a
Je voulais une source | à l’écart du troupeau, 6+6 b
J’ai marché dans la nuit, | j’ai sondé dans le vide. 6+6 a
Et l’orgueil m’a partout | creusé des puits sans eau. 6+6 b
Un mirage m’appelle | à des sources lointaines ; 6+6 a
130 Mais l’onde, au loin, recule | ou tarit devant moi. 6+6 b
De tout humain savoir, | j’ai goûté les fontaines, 6+6 a
Et j’en ai rapporté | la soif de votre foi. 6+6 b
Mon esprit altéré | me devient un supplice ; 6+6 a
Faites pleuvoir en lui | quelques larmes du ciel. 6+6 b
135 Rendez à mes désirs, | rendez votre calice, 6+6 a
J’y veux boire, ô mon Dieu, | même avec tout son fiel ! 6+6 b
J’ai dans ma fièvre encor, | j’ai des rêves funèbres ; 6+6 a
Cette langue qui prie | est prête à blasphémer. 6+6 b
Éclairez ma raison, | je connais mes ténèbres, 6+6 a
140 Faites-moi croire, ô Dieu, | je me charge d’aimer ! 6+6 b
Seigneur, vous écoutez | la plus humble prière, 6+6 a
Et le cri de l’insecte | et celui de l’oiseau, 6+6 b
Et cet agneau perdu | qui demande sa mère, 6+6 a
Et cette herbe séchée | à qui manque un peu d’eau. 6+6 b
145 Votre nom prononcé | rafraîchit la pensée ; 6+6 a
Il rayonne dans l’ombre | où je m’enveloppais. 6+6 b
Toute larme pieuse, | à vos genoux versée, 6+6 a
Est, pour un cœur souffrant, | le baume de la paix. 6+6 b
Vous m’entendrez, Seigneur, | car je pleure et j’espère ! 6+6 a
150 J’élève à vous mon cœur | par le monde abattu. 6+6 b
J’espère ! et votre loi, | tendre comme une mère, 6+6 a
De la douce espérance | a fait une vertu. 6+6 b
Redonnez-moi, Seigneur, | la vie et le courage ; 6+6 a
Que j’aille en vous servant | jusqu’à la fin du jour ; 6+6 b
155 Dissipez des erreurs | le stérile nuage 6+6 a
Au rayon de la foi | rallumé par l’amour. 6+6 b
L’orgueil ferme le cœur | aux innocentes joies 6+6 a
Et tient la porte ouverte | à l’ennui triomphant. 6+6 b
Donnez-moi, pour marcher | humblement dans vos voies, 6+6 a
160 La raison du vieillard | et la foi de l’enfant. 6+6 b
Alors, Seigneur, alors, | mon âme calme et forte 6+6 a
Souffrira, sans colère | et sans fougueux transports, 6+6 b
Le mal que chaque jour | et chaque nuit apporte 6+6 a
À cette argile de mon corps. 8 b
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