Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAP_5/LAP34
Victor de LAPRADE
POÈMES ÉVANGÉLIQUES
1852
LA TENTATION
I
Esprits immaculésd’amour et de lumière, 6+6 a
Astres vêtus encorde la candeur première, 6+6 a
Séraphins dans l’extaseà jamais absorbés, 6+6 b
Vous qui ne luttez paset n’êtes pas tombés, 6+6 b
5 Sphères ne crt pasl’arbre de la science, 6+6 a
Votre bonheur, là-haut,n’est qu’une longue enfance ! 6+6 a
Mais, aujourd’hui, troublantvotre sérénité, 6+6 b
D’ici-bas jusqu’à vousquel nuage est monté ? 6+6 b
Est-ce bien que la terre,objet d’inquiétudes, 6+6 a
10 Doux astres, vous distraitde vos béatitudes ? 6+6 a
Vos habitants, rêveurscomme sont les humains, 6+6 b
Laissent la harpe d’orlanguir entre leurs mains, 6+6 b
Et, du haut des soleilsque l’azur nous dérobe, 6+6 a
Curieux et craintifsse penchent vers ce globe. 6+6 a
15 Tels, du sommet des tours,dans les plaines, là-bas, 6+6 b
Les enfants des guerriersregardent les combats, 6+6 b
Et, devant la mêléeà leur âge interdite, 6+6 a
Sentent confusémentque leur destin s’agite. 6+6 a
Ainsi l’aspect de l’hommeet ce monde orageux 6+6 b
20 Vous détournent souventde vos célestes jeux. 6+6 b
Or, jamais plus émus,plus tremblants qu’à cette heure, 6+6 a
Vous n’avez contempléla terrestre demeure. 6+6 a
Tant d’étoiles jamaisdans leur rayonnement, 6+6 b
Jamais tant de regardstombés du firmament, 6+6 b
25 Depuis les jours d’Adamet des premières larmes, 6+6 a
N’ont cherché notre terreavec autant d’alarmes ; 6+6 a
Moins nombreux et moins vifs,ces feux dont l’éther luit 6+6 b
Scintillent dans l’azurde la plus belle nuit. 6+6 b
II
C’est sur un bourg obscurque ces rayons affluent, 6+6 a
30 C’est un seuil indigentque les anges saluent, 6+6 a
C’est Nazareth, le toitd’un humble charpentier. 6+6 b
Un cep de ses rameauxl’embrasse tout entier, 6+6 b
Et l’ombre d’un figuiersoir et matin dépasse 6+6 a
Le mur qui du jardinenclôt l’étroit espace. 6+6 a
35 Là, se parlent, assissur le banc des aïeux, 6+6 b
Une femme et son filsqu’elle implore des yeux. 6+6 b
Recevant dans son cœurce que le cœur adresse, 6+6 a
Grave et beau, le jeune hommeécoute avec tendresse : 6+6 a
« Rien ne me sera plusquand vous aurez quitté 6+6 b
40 L’abri de votre mèreet notre obscurité. 6+6 b
Mon cœur saigne déjàdu sang dont vous inonde 6+6 a
Le combat du désert,surtout celui du monde ; 6+6 a
Et la voix qui vous dit :Va, fais l’œuvre de Dieu ! 6+6 b
Je la sens dans mon seincomme un glaive de feu. 6+6 b
45 « Laissez-moi regrettervotre enfance éphémère ! 6+6 a
Que la gloire du filsest pesante à la mère, 6+6 a
Et combien doit tremblercelle à qui Gabriel 6+6 b
Annonce qu’elle engendreun envoyé du ciel ! 6+6 b
Le sang qu’elle lui donneest tout promis au glaive, 6+6 a
50 Elle nourrit l’agneaupour qu’un boucher l’enlève. 6+6 a
O mon fils ! pardonnezla faiblesse aux adieux, 6+6 b
Je vous aurais voulumoins grand et plus heureux ! 6+6 b
Je voudrais vous garder,toujours à cette place, 6+6 a
Sous notre pauvre toitqu’éclaire votre face. 6+6 a
55 Vous qu’attend Israëlpour sauveur et pour roi, 6+6 b
Je voudrais, tout entier,vous retenir en moi. 6+6 b
Car vous êtes ma vie,ô mon fils ; il me semble 6+6 a
Qu’en ce paisible enclosnous grandîmes ensemble, 6+6 a
Que toujours je vous eusm’aimant et m’écoutant, 6+6 b
60 Et que j’ai commencéde vivre en vous portant. 6+6 b
Oui, Dieu, me visitantdans mon obéissance, 6+6 a
Mit la maternitési près de mon enfance, 6+6 a
Qu’avant l’heure son fruitdans mon sein t germé, 6+6 b
Avant vous, ô mon fils,je n’avais pas aimé, 6+6 b
65 Et qu’à votre berceauj’offris, tendre et jalouse, 6+6 a
Tout le cœur d’une mèreet celui d’une épouse. 6+6 a
« Jésus ! depuis qu’un ange,éveillant mon émoi, 6+6 b
M’eut dit que c’était vousqui palpitiez en moi, 6+6 b
En vous seul et par vousje m’attriste ou m’égaie ; 6+6 a
70 Et, dès l’heure le filstend ses bras et bégaie, 6+6 a
Enfant dans vos baisers,jeune homme en vos discours, 6+6 b
Vous m’avez été bonet consolant toujours. 6+6 b
Votre cœur me parladès que vos yeux s’ouvrirent ; 6+6 a
Par vous des jours mauvaisles instants me sourirent, 6+6 a
75 Lorsqu’enfant, dans la vieentrant par un exil, 6+6 b
L’ange vos emportavers les roseaux du Nil. 6+6 b
Vous sentiez mes douleursavant de les comprendre ; 6+6 a
Par un mot caressantvous saviez tout me rendre, 6+6 a
Les pays, les autelspleurés par l’étranger. 6+6 b
80 Des plus secrets ennuisprompt à vous affliger, 6+6 b
Je vous parlais, déjàsérieuse et tout comme 6+6 a
Si vous portiez conseilet si vous étiez homme. 6+6 a
Mon esprit bien souvents’en trouva affermi ; 6+6 b
Tout enfant, votre mèreeut en vous un ami. 6+6 b
85 Et lorsqu’en Israël,à la fin nous entrâmes, 6+6 a
En vous donnant la main,heureuse entre les femmes, 6+6 a
Je passais, vous étiezentre ceux du hameau 6+6 b
Si grand déjà, si pleinde sagesse et si beau ! 6+6 b
« Jamais d’un mot, d’un gesteappelant les reproches, 6+6 a
90 Vous n’avez affligévotre père et vos proches. 6+6 a
Un jour, ― mais que de joiea payé ce tourment ! ― 6+6 b
Nous avons accusévotre enfance un moment. 6+6 b
La faute était à moi,mère sans vigilance ! 6+6 a
Ce souvenir encorm’est comme un coup de lance ! 6+6 a
95 Pour la Pâque, à Sion,dans la foule arrêtés, 6+6 b
Nous vous avions perdudans les solennités. 6+6 b
Je sais déjà, mon fils,ce que l’absence cte ! 6+6 a
Trois fois en vous cherchantnous refaisons la route ; 6+6 a
Ce n’est qu’après trois joursde soucis bien pesants, 6+6 b
100 Que nous vous retrouvons,vous, enfant de douze ans, 6+6 b
Enseignant dans le templeet, droit sous le portique, 6+6 a
Ébranlant les docteursdans leur sagesse antique ; 6+6 a
Et tous vous écoulaient,étonnés et ravis. 6+6 b
Je pleurais, et bientôtvous nous avez suivis. 6+6 b
105 Or, mon cœur conservaitce qu’il venait d’entendre. 6+6 a
« Dès lors, auprès de nous,toujours soumis et tendre, 6+6 a
Vous vivez en bon fils,Seigneur, et partagez 6+6 b
L’humble abri de ce toitqu’en un ciel vous changez ; 6+6 b
Votre amour souriantsur nos douleurs y brille ; 6+6 a
110 Vous gagnez de vos mainsle pain de la famille ; 6+6 a
Par vos travaux constantsson sort est adouci ; 6+6 b
Depuis trente ans, Seigneur,nous vous gardons ainsi. 6+6 b
Pour son œuvre aujourd’huique l’esprit vous réclame, 6+6 a
Tout mon bonheur de mèreéchappe de mon âme ; 6+6 a
115 Car d’un monde ennemije sens déjà les coups : 6+6 b
Au calice de fielje m’abreuve avant vous. 6+6 b
Malheur aux flancs choisispour porter un prophète ! 6+6 a
La volonté de Dieu,cependant, sera faite ; 6+6 a
Allez, quoique mon sang,hélas ! puisse en crier, 6+6 b
120 Faire l’œuvre du mtreen fidèle ouvrier ; 6+6 b
Mais pour rendre, en partant,ma douleur moins amère, 6+6 a
Mon fils et mon Seigneur,bénissez votre mère. » 6+6 a
L’homme que la colombe,aux yeux de Jean charmé, 6+6 b
Baptisait dans l’éclairdu nom de bien-aimé, 6+6 b
125 Courba son front puissantque ceindront les épines, 6+6 a
Prit les mains de Marieentre ses mains divines, 6+6 a
Lui parla longuementd’un retour éternel, 6+6 b
Et partit revêtudu baiser maternel. 6+6 b
O famille ! ô foyer !temple cher à Dieu même ! 6+6 a
130 O filial amour,religion suprême, 6+6 a
Doux asservissementqui fait les hommes forts, 6+6 b
Paix qui prépare l’âmeaux combats du dehors, 6+6 b
Loi dont les plus grands cœurssuivent le mieux les règles, 6+6 a
Humble nid s’accrtl’envergure des aigles, 6+6 a
135 Joug aimé des plus fierset des plus triomphants, 6+6 b
Qu’un regard materneltrouve toujours enfants ! 6+6 b
III
Or, poussé par l’Espritdans ses austères voies, 6+6 a
Jésus fuit ce que l’hommea de plus saintes joies, 6+6 a
Sa mère et ses amis,la paix de son foyer, 6+6 b
140 Ses fleurs, son banc de pierreà l’ombre du figuier, 6+6 b
Et les rêves d’été,les sommeils sur la mousse, 6+6 a
Et du toit des aïeuxl’obscurité si douce ; 6+6 a
Tous ces biens que la foulea le droit de gter, 6+6 b
Mais qu’aux élus le cielmontre pour les tenter, 6+6 b
145 Ces chastes biens à quitout prophète renonce 6+6 a
Pour suivre un dur sentierde cailloux et de ronce. 6+6 a
Au voyage sanglantle fils de l’homme est prêt ; 6+6 b
Et, marchant au désert,traverse Nazareth 6+6 b
A l’heure , saluantl’aube qui la ravive, 6+6 a
150 S’éveille la citéplus frche et plus active. 6+6 a
Les joyeux artisans,par le coq avertis, 6+6 b
Entonnent leurs chansonsau bruit de leurs outils ; 6+6 b
Les voisins, s’abordantde paroles amies, 6+6 a
S’égayent à frapperaux maisons endormies. 6+6 a
155 Sur la place déjàles marchands étrangers 6+6 b
Abreuvent les chameauxde leurs faix déchargés. 6+6 b
La serpe en mains, plusieursvont voir, de l’œil du mtre, 6+6 a
Leur vigne et leur fromentqu’il faut cueillir peut-être ; 6+6 a
D’autres, se disputantsur leurs droits indécis, 6+6 b
160 Font parler les vieillardsprès de la porte assis ; 6+6 b
Deux longs flots de passantsse croisent sous son arche : 6+6 a
Le gain ou le plaisiraiguillonne leur marche. 6+6 a
Or, cherchant la douleur,son but et son devoir, 6+6 b
Jésus ceignit ses reinset sortit sans les voir. 6+6 b
165 Le matin, colorantles gazons qu’il arrose, 6+6 a
Faisait tout verdoyerdans une vapeur rose. 6+6 a
Nul vent lourd et poudreuxne ternissait encor 6+6 b
Les bois tout d’émeraudeet les froments tout d’or. 6+6 b
L’air se peuplait d’oiseaux.Frche, embaumée et tendre, 6+6 a
170 La campagne invitaitle cœur à s’y répandre. 6+6 a
C’était la fenaison ;et du labeur commun 6+6 b
Le fardeau partagés’allégeait pour chacun. 6+6 b
Mille fleurs, qu’avec l’herbeabattent les faucilles, 6+6 a
Se nouaient en couronneau front des jeunes filles ; 6+6 a
175 Les faucheurs excitésredoublaient à leurs chants. 6+6 b
Tout transforme en plaisirle saint travail des champs, 6+6 b
l’invisible nœuddes douces sympathies 6+6 a
Lie en gerbes, souvent,les âmes assorties. 6+6 a
Pour l’heure un gai repas,à l’ombre du hallier, 6+6 b
180 Rassemble des faneursle cercle irrégulier, 6+6 b
Et, dans leur joyeux groupe,ils offrent une place 6+6 a
Au voyageur aiméqui leur sourit et passe ; 6+6 a
Et c’est à chaque instantquelque tableau pareil 6+6 b
l’homme a mis sa joie, Dieu met le soleil, 6+6 b
185 Dans un vallon plus fraisque les rosiers parfument, 6+6 a
Sur la pente opposéeau bourg les toits fument, 6+6 a
Près des eaux soupirantleurs bruits doux et confus, 6+6 b
Un palais s’abritaitsous les cèdres touffus ; 6+6 b
Un palais écartédont le plaisir est l’hôte, 6+6 a
190 Et dont chaque ornementest le prix d’une faute. 6+6 a
Éteignant ses splendeursdans l’aurore aux flots d’or, 6+6 b
La fête de la nuits’y prolongeait encor. 6+6 b
Les conviés cherchaientla frcheur hors des salles. 6+6 a
Baignant leurs fronts fiévreuxaux brises matinales, 6+6 a
195 Des couples nonchalantserrent au bord des eaux. 6+6 b
Accoudée au milieudes hôtes les plus beaux, 6+6 b
Madeleine, au balconouvert sur les prairies, 6+6 a
Sourit, sans les entendre,aux molles flatteries. 6+6 a
Belle à faire oublierl’aube qui se levait, 6+6 b
200 Les yeux vers l’horizon,sans voix, elle rêvait. 6+6 b
Alors l’Adam nouveauqui consentit à ntre 6+6 a
Pour être aussi tenté,mais comme un Dieu peut l’être, 6+6 a
Lance un regard sévère pourtant est caché 6+6 b
Le pardon du pécheursous l’horreur du péché ; 6+6 b
205 Et, dans le cœur déchuque cet instant relève, 6+6 a
Le douloureux reprocheest entré comme un glaive. 6+6 a
Magdalum aux plaisirsfut fermé dès ce jour, 6+6 b
Des austères devoirsil devint le séjour ; 6+6 b
Un baptême de pleursen lava les souillures ; 6+6 a
210 Le pauvre toucha l’ordes coupables parures : 6+6 a
Et, dans un souvenirplongée avec ferveur, 6+6 b
La pécheresse eut foila première au Sauveur. 6+6 b
Or, longeant à grands pasla moisson déjà blonde, 6+6 a
Jésus suit le cheminqui l’éloigne du monde. 6+6 a
215 Derrière la montagneaux sinueux contours 6+6 b
Disparaissent déjàNazareth et ses tours ; 6+6 b
Les bornes sur le soldéjà sont plus distantes ; 6+6 a
Plus rares, les maisonsdéjà font place aux tentes. 6+6 a
C’est, au lieu des faneurs,la tribu des bergers. 6+6 b
220 Plus de grasse valléeet de flancs ombragés ; 6+6 b
Dans les maigres sillonsdéjà percent les roches ; 6+6 a
Tout de la terre inculteannonce les approches. 6+6 a
Un dernier champ d’épiscôtoyant le sentier, 6+6 b
Autour de quelques cepsun buisson d’églantier, 6+6 b
225 L’herbe autour d’un vieux puitsplus épaisse et plus verte, 6+6 a
Près d’une humble maisonde platanes couverte 6+6 a
Quelques fleurs, un vergerorné d’arbres choisis, 6+6 b
Font, au bord du désert,une extrême oasis, 6+6 b
Tout est propre et charmantdans cet étroit domaine ; 6+6 a
230 Les chars plus élégantsque le bouvier ramène, 6+6 a
Les arbres mieux taillés,la blancheur du bétail, 6+6 b
Tout montre en ce logisla joie et le travail. 6+6 b
Dès qu’en son vert enclosparut la blanche ferme, 6+6 a
Le pèlerin distraitmarcha d’un pied moins ferme, 6+6 a
235 Son bâton sur le rocsonna moins rudement, 6+6 b
Son front de plis rêveursse rida vaguement. 6+6 b
Ses regards hésitantscherchaient cette demeure ; 6+6 a
Il semblait ne souffrirqu’à partir de cette heure, 6+6 a
Cet intime combatdont le ciel est l’enjeu, 6+6 b
240 Et que soutient en luil’homme appuyé du dieu. 6+6 b
Il a connu ce toit tant de paix se cache, 6+6 a
Un lien hospitalierdès longtemps l’y rattache, 6+6 a
Au retour du désertà ce foyer admis, 6+6 b
Il y trouvait toujoursdes visages amis. 6+6 b
245 Car il allait souvent,comme tous les prophètes, 6+6 a
De la nature au loingter les saintes fêtes ; 6+6 a
C’est là que par son pèreil était visité : 6+6 b
Là qu’il se souvenaitde sa divinité. 6+6 b
Puis, quand il descendaitpour rentrer chez les hommes 6+6 a
250 Et se sentir encoreêtre ce que nous sommes, 6+6 a
C’était à ce foyerqu’il se disait comment 6+6 b
Le bonheur peut nous luireici-bas un moment. 6+6 b
Dans l’heureux champ, qui sembleaimer aussi ses mtres, 6+6 a
Un vieillard vénérévit comme ses ancêtres. 6+6 a
255 Quelle paix, quelle joieoffre cette maison 6+6 b
Au cœur dont son enclosferait tout l’horizon, 6+6 b
Au mortel investid’un humble ministère, 6+6 a
A qui restent permisles amours de la terre ; 6+6 a
Qui, n’ayant à porterque sa part de douleur 6+6 b
260 Ignore encor le poidsde l’esprit du Seigneur ! 6+6 b
Heureux l’homme inconnu,sans mission jalouse, 6+6 a
Qui prendrait sous ce toitsa sœur et son épouse, 6+6 a
Et recevant du cieldes rejetons nombreux 6+6 b
D’un sort pareil au siense flatterait pour eux ! 6+6 b
265 Mais Dieu donne au prophèteune loi plus sévère 6+6 a
Et lui défend les fleursqui bordent son calvaire. 6+6 a
Quand l’homme avec sa croixporte les croix d’autrui, 6+6 b
Ce qui fait nos vertusest un piège pour lui. 6+6 b
L’amour, qui purifieet soutient nos cœurs frêles, 6+6 a
270 Souille un cœur de léviteet fait tomber ses ailes. 6+6 a
Or, Jésus approchait,à tous les yeux caché 6+6 b
Par le buisson en fleurssur le chemin penché ; 6+6 b
Au travers il peut voirla cour hospitalière 6+6 a
parle en ce momentune voix familière. 6+6 a
275 Près du char des faneursployant sous l’heureux faix, 6+6 b
Le vieillard déliaitses taureaux satisfaits ; 6+6 b
Ah ! si l’hôte adorése détourne et se montre 6+6 a
Comme ces cœurs joyeuxiront à sa rencontre ! 6+6 a
Comme ce mot : toujours !dit par lui sur le seuil 6+6 b
280 Du bonheur des éluspayera leur accueil ! 6+6 b
Il le sait, et près d’eux,il sent bien en lui-même 6+6 a
Qu’on peut se faire un cielde la terre l’on aime. 6+6 a
Plus loin c’est un combatlibrement entrepris, 6+6 b
Ici c’est le reposentre des bras chéris. 6+6 b
285 Ah ! va-t-il s’arrêterpour respirer cette âme ? 6+6 a
Va-t-il se souvenirqu’il est né d’une femme ? 6+6 a
L’arbre qui sur le mondeun jour doit dominer, 6+6 b
Dans cet étroit jardinva-t-il s’enraciner, 6+6 b
Et, n’offrant son appuiqu’à cette jeune vigne, 6+6 a
290 Le chêne est-il perdupour un fardeau plus digne ? 6+6 a
Si c’est le cœur humainqui dans vous a battu, 6+6 b
Si c’est bien notre chairqui vous a revêtu, 6+6 b
Et si tout fils d’Adam,né du même lignage, 6+6 a
O mtre, a droit de voiren vous sa propre image ; 6+6 a
295 Ce n’est ni le désert,ni la tour de Sion 6+6 b
Qui vous ont vu tremblerdans la tentation, 6+6 b
Ni le bois d’oliviersqui, le jour du supplice, 6+6 a
Vous a vu repousserle plus amer calice ! 6+6 a
Voici, dans cette lutte son cœur se brisait, 6+6 b
300 A l'esprit du Seigneurce que l'homme disait : 6+6 b
« O Verbe, dont la flammehabite dans ma cendre, 6+6 a
Chez un autre que moine pouviez-vous descendre, 6+6 a
Et donner à porterà des pieds moins tremblants 6+6 b
Ce Sauveur retardédepuis quatre mille ans ? 6+6 b
305 Oh ! terrible uniond’une double nature, 6+6 a
Du Verbe créateuravec la créature ! 6+6 a
Oh ! brisement du seinqui contient l’infini ! 6+6 b
A la chair d’un mortelpourquoi vous être uni ; 6+6 b
Ou pourquoi votre esprit,touchant notre matière, 6+6 a
310 Ne la peut-il, Seigneur,consumer tout entière ? 6+6 a
Comment de l’homme en vousest-il assez resté 6+6 b
Pour trembler et souffrirdans la divinité ? 6+6 b
Tout mortel à me voirme prendrait pour un frère, 6+6 a
Et s’il m’appelle ainsisa bouche est téméraire ; 6+6 a
315 Lorsqu’au-devant de moije sens son cœur venir, 6+6 b
Je voudrais l’embrasser,et je dois le bénir ! 6+6 b
Mon front doit se voilerdevant un regard tendre. 6+6 a
L’amour qui m’est offertc’est à Dieu de le rendre. 6+6 a
Je ne puis me donnerselon mes doux penchants, 6+6 b
320 Car j’appartiens à touset surtout aux méchants ! 6+6 b
Et ceux qui m’ont aiméde l’amour la plus forte 6+6 a
N’ont fait qu’unir leur croixà celle que je porte. » 6+6 a
Il passa : la prièreabrégea le combat ; 6+6 b
Et les Anges ont ditqu’une larme tomba. 6+6 b
325 Larme attestant l’effort,mais que Jésus avoue ; 6+6 a
L’urne des séraphinsla reçut de sa joue, 6+6 a
Et des pauvres humainspar un amour brisés 6+6 b
Les cœurs faibles et douxy seront baptisés. 6+6 b
Or, il marchait, remplide cette ardeur plus prompte 6+6 a
330 Que puise dans la lutteune âme qui se dompte, 6+6 a
Prêt à tous les périlsque Dieu dans ses desseins 6+6 b
Suscite à chaque passur la route des saints. 6+6 b
IV
Il atteignait déjàcette âpre solitude 6+6 a
Que l’âme des plus fortstrouve souvent trop rude ; 6+6 a
335 Ce royaume du vide l’air même tarit ; 6+6 b
l’homme ne vit passi Dieu ne l’y nourrit. 6+6 b
Il s’offrait aux périlsde ces luttes secrètes 6+6 a
Que cachent le désertet les longues retraites. 6+6 a
Seul avec l’Esprit-Saint,il vécut dans ces lieux 6+6 b
340 Pleins d’étranges terreurs,d’ennemis merveilleux, 6+6 b
Dont la nature aux yeuxde l’homme qu’elle entrne, 6+6 a
S’entoure pour le vaincreet rester souveraine. 6+6 a
Durant quarante jours,sur les sommets ardus 6+6 b
Qu’interdit le vertigeaux voyants éperdus, 6+6 b
345 Il habita, jnantde toute nourriture 6+6 a
Par l’homme préparéeou prise à la nature ; 6+6 a
Sevrant surtout son âme,attentif à bannir 6+6 b
Tout terrestre alimentet jusqu’au souvenir ; 6+6 b
Faisant place au Seigneur,rendant son cœur semblable 6+6 a
350 A la virginitéde la neige et du sable ; 6+6 a
Et, pour garder au Verbeun vase sans levain, 6+6 b
N’admettant rien en soisi ce n’est le divin. 6+6 b
Les oasis, tendantsous ses pas leurs embûches, 6+6 a
Étalaient devant luileurs sources et leurs ruches, 6+6 a
355 Trésors plus séduisants,car ils sont plus cachés 6+6 b
Par des vagues de sableou des murs de rochers. 6+6 b
Le gazon, près des puits,semé de fleurs sans nombre, 6+6 a
Formait pour la mollesseun lit tout baigné d’ombre ; 6+6 a
Mille arbres y versaientleur frcheur et leurs fruits. 6+6 b
360 L’air au sein des rameauxéveillait ces doux bruits, 6+6 b
Ces souffles qui, passantsur des âmes lassées, 6+6 a
En rêves fugitifseffeuillent les pensées, 6+6 a
Et, comme une poussière,en leur vol énervant, 6+6 b
Emportent nos vouloirsdissipés à tout vent. 6+6 b
365 Pour l’enivrer de loinet l’avoir par surprise, 6+6 a
Les jardins lui jetaientleurs senteurs dans la brise ; 6+6 a
Afin qu’à son insule charme amollissant 6+6 b
Avec l’air aspiré,pénétrât dans son sang. 6+6 b
Sur un fond sablé d’orl’eau, qui brille et fascine, 6+6 a
370 Creusait là, pour le bain,une frche piscine, 6+6 a
Dans l’herbe et dans les fleurss’encadrait en miroir ; 6+6 b
Onde flatteuse l’hommea plaisir de se voir, 6+6 b
Et qui tient, l’entourantd’azur et de nuage, 6+6 a
Le rêveur jusqu’au soirpenché sur son image. 6+6 a
375 Sur les branches bercésentre les pommes d’or, 6+6 b
Les oiseaux l’invitaientà cueillir ce trésor. 6+6 b
De leur plus frais carminles rosiers voulaient luire. 6+6 a
Les lis s’étaient parésafin de le séduire 6+6 a
Et d’avoir pour eux seulsles regards de ses yeux 6+6 b
380 Distraits des fleurs de l’âmeet détournés des cieux. 6+6 b
Ainsi, pour l’arracherà sa vision pure 6+6 a
Et pour ôter son cœuraux hommes, la nature, 6+6 a
Les arbres, les fruits d’or,les brises qui chantaient, 6+6 b
Les sources, les oiseauxet les fleurs le tentaient. 6+6 b
385 Ailleurs, n’espérant plusle vaincre par ses charmes, 6+6 a
Contre lui la natureessayait d’autres armes ; 6+6 a
Aux yeux du solitaireactive à s’entourer 6+6 b
Des sauvages grandeursqui la font adorer, 6+6 b
Et tiennent sous son joug,enchnés par la crainte, 6+6 a
390 Ceux dont l’âme secoueune plus molle étreinte. 6+6 a
Les cratères éteintsse rouvraient tout à coup ; 6+6 b
Des reptiles fangeuxsifflaient, dressant le cou ; 6+6 b
De livides éclairset des oiseaux funèbres 6+6 a
Sur le front de Jésusglissaient dans les ténèbres. 6+6 a
395 Furieux de subirun étrange ascendant, 6+6 b
Les tigres contre luis’élançaient cependant. 6+6 b
Les rochers, les débrisdes cèdres centenaires 6+6 a
Croulaient sur son cheminlancés par les tonnerres ; 6+6 a
L’orage, enfin, tâchait,en ébranlant son corps, 6+6 b
400 D’occuper sa grande âmeaux choses du dehors. 6+6 b
Mais lui s’arme en priantd’une force paisible, 6+6 a
Il tient son cœur tournévers le père invisible, 6+6 a
Et, l’homme intérieurdominant ce concert, 6+6 b
L’esprit parle en son seinplus haut que le désert. 6+6 b
405 Nuit et jour il entendsa parole profonde, 6+6 a
Nuit et jour il répond,n’écoutant rien du monde ; 6+6 a
Sans ouïr les serpentspas plus que les oiseaux, 6+6 b
Ou l’invitationdes arbres et des eaux. 6+6 b
Sa pensée est ailleurs ;et, peant tous les voiles, 6+6 a
410 Monte sans s’arrêtermême autour des étoiles, 6+6 a
Et parcourt sans effroices lieux éblouissants 6+6 b
l’homme n’entreraque dépouillé des sens. 6+6 b
Ainsi, pour voir le Dieufermant les yeux au temple, 6+6 a
Père ! c’est bien vous seulqu’il cherche et qu’il contemple, 6+6 a
415 A genoux sur le sableaux brûlantes lueurs, 6+6 b
Sur les gazons baignésde sang et de sueurs. 6+6 b
C’est là qu’abolissanttoute humaine doctrine, 6+6 a
Tout aiguillon charnelbrisé dans sa poitrine, 6+6 a
Mieux qu’entre les docteursde Thèbe ou de Sion, 6+6 b
420 De la lumière vraieil eut la vision, 6+6 b
Et connut, sans terreurni mouvement superbe, 6+6 a
Qu’en toute plénitudeil possédait le Verbe. 6+6 a
Divine régionqui confine le ciel, 6+6 b
Solitude granditl’homme immatériel, 6+6 b
425 Il est bon de cherchersur ta lointaine grève 6+6 a
Ce sol vierge de pas crt la fleur du rêve, 6+6 a
, comme deux épouxque nul n’y vient troubler, 6+6 b
Notre âme et le Seigneuraiment à se parler. 6+6 b
Il est bon pour le cœur,quand la chair le gouverne, 6+6 a
430 De vêtir le ciliceau fond de la caverne, 6+6 a
Aux impurs souvenirsd’y creuser des tombeaux, 6+6 b
Et de manger le painqu’apportent les corbeaux. 6+6 b
Cependant, ô désertde Moïse et d’Élie, 6+6 a
sous l’ardent charbonla langue se délie, 6+6 a
435 Cime circule un airenivrant et subtil, 6+6 b
Même pour les élustu n’es pas sans péril ! 6+6 b
Nul homme impunément,sur tes rocs téméraires, 6+6 a
N’aborde une hauteurinconnue à ses frères, 6+6 a
Et ne se croit, un jour,dans la splendeur du lieu, 6+6 b
440 Plus distant des mortelsqu’il n’est distant de Dieu. 6+6 b
Le plus rude ennemipour le cœur d’un apôtre, 6+6 a
Ce n’est pas le plaisirqui triomphe du nôtre : 6+6 a
Jusqu’aux neiges sans finplus d’un sage est monté, 6+6 b
Qui tombera du hautde son austérité. 6+6 b
445 C’est quand les sens vaincusmeurent de leur défaite 6+6 a
Que Satan, plus hardi,visite le prophète, 6+6 a
Et parfois, du ciel mêmeenvahissant le seuil, 6+6 b
Creuse entre l’âme et Dieul’abîme de l’orgueil. 6+6 b
V
Qui n’entrevit Satan ?mais qui peut le décrire ? 6+6 a
450 Quel homme, ayant vécu,n’entendit pas son rire, 6+6 a
Ce rire de l’abîmeà l’heure nous tombons ? 6+6 b
Nous l’avons connu tous,hélas ! même les bons. 6+6 b
Pourtant, lorsqu’il méditeune attaque nouvelle, 6+6 a
Nul ne devine plusen lui l’Ange rebelle, 6+6 a
455 Tant il sait sous le fard,sous l’éclat déployé, 6+6 b
Effacer les sillonsde son front foudroyé ; 6+6 b
Tant son or empruntéluit sur ses ailes sombres, 6+6 a
Tant il s’orne à proposde lumières ou d’ombres. 6+6 a
A voir ses yeux d’azur,ses cheveux blonds et fins, 6+6 b
460 Qui ne l’a pris souventpour un des Séraphins ? 6+6 b
Dans les lieux les plus pursil nous cache ses piéges, 6+6 a
Ses feux infects couvéssous les plus blanches neiges. 6+6 a
Nul ne peut dénombrerles formes qu’il revêt. 6+6 b
L’innocence, en dormant,l’entend sur son chevet. 6+6 b
465 Il surgit de la lampeet des piliers du temple, 6+6 a
De l’austère cellule le sage contemple. 6+6 a
Il se sert contre nousde nos meilleurs penchants ; 6+6 b
Il force à nous tentermême les fleurs des champs, 6+6 b
La colombe, le lis,créatures fidèles, 6+6 a
470 Et dont rien n’a ternile calice et les ailes. 6+6 a
Mais le cœur est son lieu,c’est là qu’il vit toujours ; 6+6 b
Vaincu même, il s’y cacheen de secrets détours. 6+6 b
Il sait le faible endroitde l’âme la plus forte : 6+6 a
Dans toute régionl’homme avec soi l’emporte. 6+6 a
475 Dans la nature même,elle que Dieu conduit, 6+6 b
Le noir esprit du malsur nos pas s’introduit. 6+6 b
Il suit la libertési loin qu’elle pénètre ; 6+6 a
Avec elle il sortitdes mystères de l’être : 6+6 a
Il est né de ce jour, créant le désir, 6+6 b
480 Dieu fit don à l’espritdu pouvoir de choisir. 6+6 b
Or le rusé démon,dans ses métamorphoses, 6+6 a
Dispose en souverainde la forme des choses. 6+6 a
Contre l’être inconnuqui met le doute en lui, 6+6 b
D’horreur ou de beautés’arme-t-il aujourd’hui ? 6+6 b
485 Quel sphinx ou quel serpent,quel ange au front mystique 6+6 a
Cache à l’Adam nouveaule séducteur antique ? 6+6 a
Et qui le peindra telqu’aidé de tout son art, 6+6 b
Il osa de Jésusaffronter le regard ? 6+6 b
Il vient par le désertqu’il a rendu complice ; 6+6 a
490 Il roule sur le roc,ou sur les fleurs il glisse ; 6+6 a
Il s’allonge et granditcomme un nuage errant, 6+6 b
Autour de l’ennemitourne en le resserrant ; 6+6 b
Il décrit lentementses spirales infâmes 6+6 a
Le vautour infernalqui s’abat sur les âmes ; 6+6 a
495 Il arrive sans bruitet de chaque horizon, 6+6 b
Et forme autour du cœurune adroite prison. 6+6 b
Mais Jésus s’est munidu jne et du silence, 6+6 a
Et l’Esprit garde en luitoute sa vigilance. 6+6 a
Il avait vu de loinpoindre cet ennemi 6+6 b
500 Qui nous cherche dans l’ombreet prend l’homme endormi ; 6+6 b
Et pour la lutte, arméd’une ardente prière, 6+6 a
Il veillait et pleurait,à genoux sur la pierre. 6+6 a
« Mon père, disait-il,ma force est toute en vous ; 6+6 b
Vous seul accomplissezl’œuvre que je résous ; 6+6 b
505 Malgré ce nom de fils,dont votre amour me nomme, 6+6 a
Je suis faible et craintif,du jour je suis homme, 6+6 a
Et si votre vertum’abandonne aujourd’hui, 6+6 b
En moi le sang d’Adamfaillira comme en lui. 6+6 b
Car, tout nous vient de vous :de votre sein auguste, 6+6 a
510 La lumière de l’astreet la candeur du juste. 6+6 a
Et tout s’éclipserait,l’âme et le firmament, 6+6 b
Si le flot créateurtarissait un moment. 6+6 b
Ce qui n’est pas de vous,dans l’âme et la nature, 6+6 a
N’est que mal ou néantet menteuse figure. 6+6 a
515 Tous les cœurs séparésde vous et qui croiront 6+6 b
Trouver en eux leur vieet leur vertu, mourront ; 6+6 b
Ils sont pareils au fleuve,orgueilleux de sa course, 6+6 a
Qui refuserait l’eaujaillissant de la source. 6+6 a
L’humilité reçoit,à genoux sur le seuil, 6+6 b
520 Ce flot vivifiantrejeté par l’orgueil. 6+6 b
Sur l’homme humble et contritvos présents se répandent ; 6+6 a
Car vous ne vous donnezqu’à ceux qui vous demandent. 6+6 a
Il suffit, en pleurant,de dire un de vos noms, 6+6 b
Et tout ce qui nous manquealors nous l’obtenons. 6+6 b
525 Autour de nous rôdant,l’Esprit de mort épie 6+6 a
L’heure vous délaissezla maison de l’impie. 6+6 a
Telle, au soir, sur un montd’abord clair et vermeil, 6+6 b
L’ombre envahit le flancquitté par le soleil ; 6+6 b
Ainsi le morne enferoccupe chaque place 6+6 a
530 Des cœurs dont, à pas lents,se retire la grâce. 6+6 a
Versez-moi donc à flotsce rayon bienfaisant, 6+6 b
O mon père ! et dans moisoyez toujours présent. 6+6 b
Que le Verbe éternelvotre fils et vous-même, 6+6 a
Ce fils que vous aimez,Seigneur, et qui vous aime, 6+6 a
535 Ne délaisse jamaismon cœur qu’il a fait sien : 6+6 b
Hors ce qu’il peut en moi,mon âme ne peut rien ; 6+6 b
Oui, je le sens, mon Dieu,cette chair qui le porte 6+6 a
Reçut, étant si faible,une tâche trop forte. 6+6 a
Soufflez-moi, chaque jour,votre haleine de feu, 6+6 b
540 Car l’homme tremble en moide faillir sous le Dieu. 6+6 b
Vous soutiendrez mon cœur,l’ayant fait votre vase. 6+6 a
Votre main, qui posal’univers sur sa base, 6+6 a
Sur sa tige affermitla pauvre fleur des champs. 6+6 b
L’âme, ici-bas livréeaux aquilons méchants, 6+6 b
545 Ne mûrit pas de grainspour la moisson divine, 6+6 a
Si dans votre amour seulelle n’a pris racine. 6+6 a
O Verbe, dont chacunporte un rayon dans soi, 6+6 b
Puisque vous m’habitez,Seigneur, protégez-moi, 6+6 b
Et défendez mon cœurdu démon qui l’effraie 6+6 a
550 Comme vous défendezle froment de l’ivraie, 6+6 a
L’étoile du nuageet de l’obscurité, 6+6 b
En abondant chez euxde sève et de clarté. 6+6 b
Je suis prêt au combat,mon père, et vous supplie ; 6+6 a
L’homme a fait ce qu’il peut,il pleure et s’humilie, 6+6 a
555 C’est à vous d’enchnerle tentateur fatal, 6+6 b
O vous, souverain bien,délivrez-nous du mal ! » 6+6 b
Or, l’Esprit saint, à quil’humilité commande, 6+6 a
A qui toute prièreouvre l’âme plus grande, 6+6 a
Vient dans le fils de l’hommeemplir dès ce moment, 6+6 b
560 La place faite à Dieupar le renoncement. 6+6 b
Mais, observant de loinque Jésus se prosterne, 6+6 a
Déjà l’Esprit d’orgueilgte un triomphe interne ; 6+6 a
En son aveuglement,Satan s’est écrié : 6+6 b
« S’il était plus qu’un homme,il n’aurait pas prié ! » 6+6 b
565 Et préparant son dard,l’infernale couleuvre, 6+6 a
Dont le venin, jadis,du Mtre a souillé l’œuvre, 6+6 a
Voyant ce corps maigripar le jne et défait, 6+6 b
Des besoins de la chairtenta d’abord l’effet. 6+6 b
Car le premier conseildu prince de l’abîme 6+6 a
570 Prend avec art la voixd’un désir légitime. 6+6 a
« Es-tu le fils de Dieu,commande, et dans tes mains 6+6 b
Ces pierres, lui dit-il,vont devenir des pains. » 6+6 b
Et Jésus répliqua :« L’homme, a dit le saint livre, 6+6 a
Ne vit pas seulementde pain, mais il doit vivre 6+6 a
575 De tout verbe qui sortde la bouche de Dieu. » 6+6 b
Alors Satan le prendet le porte au milieu 6+6 b
De la sainte cité,sur le fte du Temple ; 6+6 a
Et, citant l’Écritureà son tour en exemple : 6+6 a
« Es-tu le fils de Dieu,ce Christ que l’on attend, 6+6 b
580 Tu peux nous le prouveren te précipitant ; 6+6 b
Car il est dit que Dieu,qui d’en haut te regarde, 6+6 a
Aux anges a prescritde t’avoir sous leur garde, 6+6 a
Et qu’ils empêcheront,te portant dans leurs mains, 6+6 b
Que ton pied ne se heurteaux pierres des chemins. » 6+6 b
585 Satan voulait sonder,en sa vieille imposture, 6+6 a
L’âme du solitaireet sa double nature. 6+6 a
A défaut de l’orgueil,il cherche incessamment 6+6 b
A souffler aux élusl’esprit d’abattement ; 6+6 b
Il les pousse à douter,à se trouver indignes 6+6 a
590 Et, pour se rassurer,à demander des signes. 6+6 a
Or le saint doit trembler,et Dieu n’a pas voulu 6+6 b
Dès ce monde annoncerla victoire à l’élu ; 6+6 b
Dieu commande l’espoir,mais il maintient l’obstacle 6+6 a
Et craint l’oisivetéqui peut suivre un miracle. 6+6 a
595 Jésus repartit donc :« Il est encore écrit : 6+6 b
Tu ne tenteras pointton Dieu. »
Le noir Esprit 6+6 b
L’emporta de nouveausur un mont solitaire 6+6 a
Et, d’en haut, lui montrales choses de la terre, 6+6 a
Les royaumes du mondeet toutes leurs splendeurs, 6+6 b
600 Tout ce que l’homme enfinpoursuit de ses ardeurs. 6+6 b
Et Satan lui disait :« Vaut-il mieux, examine, 6+6 a
Être celui qui sert,ou celui qui domine ? 6+6 a
Vois ce qu’on fait là-basde tout lâche rêveur 6+6 b
Qui se dévoue au nomde saint et de sauveur. 6+6 b
605 Choisis, ou de régnerou de souffrir chez l’homme. 6+6 a
Promène tes regardsde Babylone à Rome ; 6+6 a
Vois, dans la pourpre et l’oret dans les voluptés, 6+6 b
Trôner sur les mortelsles princes des cités. 6+6 b
Les peuples à genouxadorent leurs fantômes ; 6+6 a
610 Les tours de leurs maisonsdes dieux cachent les dômes ; 6+6 a
Leurs gloires sont à moi :trônes, trésors, palais, 6+6 b
Je les donne à tous ceuxen qui je me complais. 6+6 b
Je te les donne à toi,pouvoir, titres sonores, 6+6 a
Si, t’étant prosternédevant moi, tu m’adores. » 6+6 a
615 Paisible et patient,comme il convient aux forts, 6+6 b
Jésus au Tentateurrépondait jusqu’alors ; 6+6 b
Mais à voir le démonrevendiquer un culte 6+6 a
Plein du zèle de Dieuvers qui monte l’insulte : 6+6 a
« Retire-toi, Satan,dit-il, retire-toi ! 6+6 b
620 N’adorer, ne servirque Dieu, telle est la loi ! » 6+6 b
Or, Satan le quittasans l’avoir pu conntre. 6+6 a
« D’ vient, se disait-il,cet humble et puissant être ? 6+6 a
De la terre ou du ciel ?Homme, il serait tenté ; 6+6 b
Ange, il t devant moimontré plus de fierté. » 6+6 b
625 Car Satan lit au fonddes âmes qu’il abuse ; 6+6 a
C’est à juger les cœursqu’il met d’abord sa ruse : 6+6 a
Habile à préparerà chacun son écueil, 6+6 b
Dans l’homme il comprend tout...hors l’absence d’orgueil. 6+6 b
VI
Tous les anges au ciel,par instants soucieux, 6+6 a
630 Sur l’astre des douleursjettent d’en haut les yeux ; 6+6 a
Le trône de Dieu mêmeet ses vivantes flammes 6+6 b
Ne leur font oublierce calvaire des âmes. 6+6 b
Oui, chaque être avec nousse relève ou s’abat ; 6+6 a
Le prix dépend pour tousde celui qui combat. 6+6 a
635 Oui, l’œuvre de salutici-bas se consomme ; 6+6 b
Le sort même du ciels’attache au Fils de l’homme ; 6+6 b
L’homme seul a reçu,pour être ici tenté, 6+6 a
Le fardeau de la croixet de la liberté ; 6+6 a
L’homme est le seul espritqui souffre et qui mérite. 6+6 b
640 Des soleils habitésla douleur est proscrite : 6+6 b
Notre globe, expiantpour les globes heureux, 6+6 a
Est tombé, se relèveet triomphe pour eux. 6+6 a
Tout l’univers se laveà nos larmes fécondes : 6+6 b
Le sang des fils d’Adamcoule pour tous les mondes, 6+6 b
645 Et Jésus, effaçantle sombre arrêt du dam, 6+6 a
Jésus saigne et combatpour tous les fils d’Adam. 6+6 a
Mais, du démon vaincurépandant la nouvelle, 6+6 b
Des messagers divinsl’hosanna la révèle. 6+6 b
Le peuple des Esprits,tous les purs habitants 6+6 a
650 De ces soleils règneun éternel printemps ; 6+6 a
Le radieux essaimdes oiseaux de l’Aurore 6+6 b
Qui ne peut plus tomber,mais peut monter encore ; 6+6 b
Tous ceux dont notre chuteattristait le bonheur ; 6+6 a
Les séraphins vivantde l’amour du Seigneur, 6+6 a
655 Et ceux que voit le ciel,en un moins doux partage, 6+6 b
Aimer moins ardemmentet savoir davantage ; 6+6 b
Et tous les fils d’Adamqui vers ce jour si beau, 6+6 a
Aspiraient, enchnésdans la nuit du tombeau, 6+6 a
Et qui, lutteurs aussi,vont, couronnés de nimbes, 6+6 b
660 Après ce grand combatsortir brillants des limbes ; 6+6 b
Tout être enfin sentant,quoique faible et puni, 6+6 a
Qu’un invincible espoirlui promet l’infini ; 6+6 a
Tout coin de l’universque la pensée habite, 6+6 b
le désir de vieen un germe palpite, 6+6 b
665 Tout connut ce triomphe...excepté les humains ; 6+6 a
Car le glaive, toujours,doit veiller dans leurs mains. 6+6 a
Du repos énervantque pour l’âme il redoute, 6+6 b
Dieu veut nous préserverpar la crainte et le doute, 6+6 b
Et, de peur de l’orgueil,il ne nous fait savoir 6+6 a
670 Qu’assez de nos grandeurspour engendrer l’espoir. 6+6 a
Or tous ceux des Espritsqu’en leurs sphères lointaines 6+6 b
Le poids d’un corps trop lourdne tient pas dans les chnes, 6+6 b
Et qui, pour s’élancerdans les champs infinis, 6+6 a
Comme de grands oiseauxpeuvent quitter leurs nids ; 6+6 a
675 Tous ceux dont les destinssont attachés aux nôtres, 6+6 b
Et pour qui notre globeest le centre des autres, 6+6 b
Partis de leurs soleils,rapides messagers, 6+6 a
Remplissaient l’air, pareilsà des flocons légers. 6+6 a
Ils volaient vers la terre,innombrable cortége ; 6+6 b
680 Ils teignaient les sommetsd’une blancheur de neige, 6+6 b
Et, passant tour à tour,adoraient, à genoux, 6+6 a
Celui qui triomphapour eux comme pour nous. 6+6 a
VII
Les anges le servaientcomme ils servait son père, 6+6 b
Moins timides pourtantet tels qu’auprès d’un frère : 6+6 b
685 Tels qu’auprès d’eux, jadis,ces divins voyageurs 6+6 a
Ont vu, l’urne à la main,accourir les pasteurs. 6+6 a
Autour du fils nérentré de la bataille, 6+6 b
Tel s’empresse, admirantson armure et sa taille, 6+6 b
L’essaim joyeux et fierdes plus jeunes enfants, 6+6 a
690 Prenant son bouclierdans leurs bras triomphants, 6+6 a
Lui présentant le pain,et vers la table, en groupe, 6+6 b
Portant la lourde amphoreet remplissant la coupe. 6+6 b
Chacun d’eux, à l’envi,pour apaiser sa faim, 6+6 a
S’employait de son mieux,Archange ou Séraphin, 6+6 a
695 Et remplaçait le painqu’en sa ruse grossière 6+6 b
L’Esprit d’orgueil prétendsusciter de la pierre. 6+6 b
Chacun lui préparaitdes aliments divers ; 6+6 a
Les célestes grenierspour eux étaient ouverts. 6+6 a
Chaque Ange, parcourantla sphère qu’il cultive, 6+6 b
700 Moissonnait pour Jésusd’une main attentive ; 6+6 b
Choisissant les épiset les fruits les plus beaux, 6+6 a
La manne et la roséeet les plus frches eaux, 6+6 a
Et du cœur des palmiersla moelle nourrissante, 6+6 b
Et la sève de toutsous leurs doigts jaillissante. 6+6 b
705 Ils s’envolaient ainsi,des mondes étrangers, 6+6 a
En un rapide essor,dépeuplant les vergers ; 6+6 a
Et, pour former un mielde toutes leurs merveilles, 6+6 b
Allaient et revenaientainsi que des abeilles. 6+6 b
Mais un plus doux tributpar eux était offert 6+6 a
710 Au lutteur fatiguédes combats du désert ; 6+6 a
A ses yeux, consoléspar de riants prodiges 6+6 b
Ils venaient de Sataneffacer les vestiges : 6+6 b
Et les noirs souvenirsque, même à son vainqueur, 6+6 a
Le sombre Esprit du mallaisse toujours au cœur. 6+6 a
715 Ils montraient à Jésus,en leur divin langage 6+6 b
l’action vivanteunit au son l’image, 6+6 b
Tout le bien qu’opéraitsur terre, en ce moment 6+6 a
Chaque juste avec luiconcourant librement. 6+6 a
Des secrètes vertuslui déroulant le drame, 6+6 b
720 Ils faisaient, devant lui,passer toute belle âme. 6+6 b
Ce qu’il verrait lui-même,en son propre horizon, 6+6 a
S’il n’t d’un corps humainaccepté la prison, 6+6 a
A cette heure il le vitdans les discours des Anges, 6+6 b
Et sa chair frissonnade ces clartés étranges. 6+6 b
725 Il voyait, des soleilsharmonisant l’essor, 6+6 a
Se croiser dans l’azurleurs mille rênes d’or, 6+6 a
Et courir par les airsles germes impalpables 6+6 b
Des mondes à venirplus nombreux que les sables, 6+6 b
Et l’immense natureen son ordre éternel, 6+6 a
730 Suivre un chemin tracépar le doigt paternel ; 6+6 a
Et l’ordre plus parfaitqu’établit en soi-même 6+6 b
L’âme qui suit sa loilibrement et qui l’aime ; 6+6 b
Tout ce qu’en naissant hommeil renonçait à voir, 6+6 a
Tout ce qu’il sauverade l’infernal pouvoir. 6+6 a
735 Dans l’âme humaine, ainsi,quand tout orgueil s’abdique, 6+6 b
Dieu lui prête souventun regard fatidique, 6+6 b
Et fait voir de son cielles vives profondeurs 6+6 a
A qui ferme les yeuxaux mortelles splendeurs. 6+6 a
Tel, ayant écartél’orgueilleuse vipère, 6+6 b
740 Jésus rentre un momentdans le sein de son père, 6+6 b
Et le Verbe, dans l’hommeétant seul écouté, 6+6 a
Reprend possessionde son éternité. 6+6 a
Il habite d’avanceen la cité qu’il fonde 6+6 b
Et dans les temps meilleursqu’il vient donner au monde. 6+6 b
745 Au lieu de ces palaisde pierre et de limon 6+6 a
Et des trésors impursofferts par le démon, 6+6 a
Dieu fait part, en son sein,du céleste royaume 6+6 b
Au fils du charpentierné sous un toit de chaume. 6+6 b
Oui, Seigneur, au milieude leurs tentations, 6+6 a
750 Vous donnez à vos filsde telles visions ; 6+6 a
Montrant à l’ouvrierla splendide muraille 6+6 b
De la sainte citépour laquelle il travaille. 6+6 b
Car le présent est rude ;et, pour nous soutenir, 6+6 a
Ce n’est pas trop, Seigneur,de voir dans l’avenir. 6+6 a
755 Il vit donc, sur le montd’ Satan prit la fuite, 6+6 b
Cette Jérusalemnouvellement construite, 6+6 b
Aux murs de jaspe et d’or,aux douze fondements 6+6 a
Faits de douze couleurs,de douze diamants ; 6+6 a
jamais n’est entrérien de tout ce qui rampe, 6+6 b
760 l’esprit est le temple, l’amour est la lampe, 6+6 b
Et qui porte en son ciel,toujours pur et vermeil, 6+6 a
La gloire du Seigneurpour lune et pour soleil. 6+6 a
Tout, donc, lui fut montrédans cette courte extase ; 6+6 b
Mais lui-même à sa lèvrearrachant le doux vase, 6+6 b
765 Et quittant le festinpar les anges servi, 6+6 a
Il reprit le sentierprécédemment suivi, 6+6 a
L’âpre et l’étroit sentierqui bientôt le ramène 6+6 b
Aux labeurs acceptésde l’existence humaine. 6+6 b
Il rentre sous le toitde l’artisan obscur ; 6+6 a
770 Il reprend les outilsqui tapissent le mur, 6+6 a
Et rompt le pain grossierqui l’attend sur la table 6+6 b
Entre le plat d’argileet la coupe d’érable. 6+6 b
VIII
Nul ne veut de ton jougque le Christ a porté 6+6 a
Et chacun te blasphème,ô sainte pauvreté ! 6+6 a
775 Le sage même, éprisdes luttes qu’il surmonte, 6+6 b
T’appelle une douleuret le riche une honte. 6+6 b
Eh bien ! moi, je te nommeun vrai présent du ciel : 6+6 a
Non, la haine en ton seinne cuve pas son fiel, 6+6 a
O mère des grands cœurs,nourrice aux flancs robustes, 6+6 b
780 Dieu te donne à formerles voyants et les justes, 6+6 b
Et tu leur fais gter,dans l’ombre tu te plais, 6+6 a
Ces fortes voluptésqui n’énervent jamais. 6+6 a
Salut, rustiques mursqu’on revoit avec larmes, 6+6 b
pendent des aïeuxles outils et les armes ! 6+6 b
785 Pain noir que la fatiguea rendu savoureux, 6+6 a
Et que les fils gmentse partagent entre eux ! 6+6 a
Compagne du travailjusqu’à l’aube prochaine, 6+6 b
Lampe de fer veillantsur la table de chêne ! 6+6 b
Simple vase de terre reste frais longtemps 6+6 a
790 Le rameau de lilas,premier don du printemps ! 6+6 a
Livres jaunis rangésen ordre sur la planche ! 6+6 b
Antique cheminée le soir on s’épanche, 6+6 b
Place le fils rassure,en lui prenant la main, 6+6 a
La mère, hélas ! qui songeau pain du lendemain ! 6+6 a
795 Ah ! souvent, quels festinsapportés par les Anges, 6+6 b
Entre l’homme et le ciel !quels radieux échanges, 6+6 b
Quel royaume inconnudes princes et des rois 6+6 a
L’esprit d’en haut nous faitentre ces murs étroits ! 6+6 a
Humble renoncementfertile en pures joies, 6+6 b
800 Nul n’arrive au reposqu’en marchant sur tes voies ; 6+6 b
Par toi seul le désir,conservant tout son feu, 6+6 a
Vole à travers ce mondeet va droit jusqu’à Dieu. 6+6 a
Ta main seule du cœurtend la plus noble fibre ; 6+6 b
Qui refuse ton jougne veut pas être libre, 6+6 b
805 Et nul n’aime son frèreen toute charité 6+6 a
S’il ne te chérit pas,divine pauvreté ! 6+6 a
Heureux qui te choisitpour mtresse et pour guide ; 6+6 b
Tu réserves son cœurau seul trésor solide. 6+6 b
Le riche, en ses ennuislanguissamment couché, 6+6 a
810 N’est qu’un pâle captifà son or attaché. 6+6 a
Mais l’âme de tes fils,plus ardente et plus tendre, 6+6 b
Sur les ailes de toutest prompte à se répandre ; 6+6 b
Elle s’en va flottersur les soleils levants, 6+6 a
Sous les chênes sacrésfait ses palais vivants, 6+6 a
815 Et, s’enivrant d’air puret de fleurs sans culture, 6+6 b
A pour luxe éternell’amour de la nature. 6+6 b
Dieu te donne aux chanteurspour ange gardien ; 6+6 a
Tu tailles dans le houxleur rustique soutien ; 6+6 a
Sous ta cape de laineils vont de ville en ville ; 6+6 b
820 Par toi leur lyre est d’orsi leur coupe est d’argile. 6+6 b
Bienheureux entre tousces aveugles divins 6+6 a
Qui mangent ton pain noirsur le bord des ravins ! 6+6 a
Le monde, après mille ans,et sans que rien l’en sèvre, 6+6 b
S’abreuve encor du mieléchappé de leur lèvre. 6+6 b
825 Qui ne voudrait t’aimeret te suivre à ce prix ! 6+6 a
Ne t’éloigne donc plus ;à ceux que tu chéris 6+6 a
N’épargne pas la faim,les maux de toute sorte, 6+6 b
Ange, mais au désert l’esprit les emporte, 6+6 b
Devant le vrai royaumeentr’ouvert à leurs yeux, 6+6 a
830 Fais-leur gter parfoisle pain venu des cieux. 6+6 a
Montre-leur un momentle laurier que Dieu donne, 6+6 b
Mets en eux le méprisde toute autre couronne, 6+6 b
Pour qu’au fort des douleursdu jne et de l’oubli, 6+6 a
Quand le démon viendra,jugeant l’homme affaibli, 6+6 a
835 Les tenter à l’écartavec un pain immonde 6+6 b
Et leur offrir la pourpreet les trônes du monde, 6+6 b
L’esprit du Mtre en euxse relève à l’instant, 6+6 a
Et qu’ils disent aussi :Retire-toi, Satan ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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