Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
LAP_5/LAP29
Victor de LAPRADE
POÈMES ÉVANGÉLIQUES
1852
DÉDICACE
À MA MÈRE
Il est à vous ce livre issu de la prière : 6+6 a
Qu’il garde votre nom et vous soit consacré ; 6+6 b
Ce livre où j’ai souffert, ce livre où j’ai, pleuré, 6+6 b
Ainsi que tout mon cœur, il est à vous, ma Mère ! 6+6 a
5 J’y mets tout ce que j’ai d’espérance et de foi, 6+6 a
Ma plus ferme raison, mes ardeurs les plus hautes, 6+6 b
Mon âme entière... hormis ses erreurs et ses fautes ; 6+6 b
L’œuvre en est donc à vous, ma Mère, plus qu’à moi. 6+6 a
Car, dans moi, rien n’est bon qui ne vous appartienne, 6+6 a
10 A vous, cœur simple et fort, d’où l’orgueil est absent, 6+6 b
Ma Mère ! et vous m’avez donné de votre sang 6+6 b
Plus qu’un enfant jamais n’en reçut de la sienne. 6+6 a
Ma vie est toute en vous : le tronc et les rameaux 6+6 a
Ne sont pas mieux soudés que mon cœur et le vôtre ; 6+6 b
15 Et chaque coup de vent qui fait pleuvoir les maux, 6+6 a
S’il frappe un de nous deux, nous courbe l’un et l’autre. 6+6 b
Nous sommes, en deux parts, une seule âme encor. 6+6 a
J’ai de vous, ô ma Mère ! avec trop de mélange, 6+6 b
Ce que l’homme tombé peut conserver de l’ange : 6+6 b
20 Dieu mit le même sceau sur mon cuivre et votre or. 6+6 a
Ah ! puissé-je en garder l’empreinte ineffacée 6+6 a
Et le peu qui m’échut de votre pur métal ! 6+6 b
Vous êtes ma prière et ma bonne pensée, 6+6 a
La voix qui m’avertit sur le penchant du mal. 6+6 b
25 Si, même avant cette heure où la grâce me touche, 6+6 a
Je sentais, dans ma nuit, Dieu présent et vainqueur, 6+6 b
Si j’invoquai toujours son vrai nom dans mon cœur, 6+6 b
C’est que j’avais appris ce nom de votre bouche. 6+6 a
Né dans un temps rebelle à prononcer : Je crois ! 6+6 a
30 J’ai payé le tribut à ses erreurs funèbres ; 6+6 b
Mais, pour me retrouver, du fond de ses ténèbres, 6+6 b
Je vous voyais marchant au chemin de la croix. 6+6 a
Du savoir orgueilleux j’ai trop subi le charme. 6+6 a
De la seule raison acceptant le secours, 6+6 b
35 Je demandai ma force aux sages de nos jours ; 6+6 b
Leur sagesse a laissé mon cœur faible et sans arme. 6+6 a
Si, pourtant, j’évitai l’écueil le plus fatal, 6+6 a
Ces chutes où périt même la conscience ; 6+6 b
Si je discerne encor et déteste le mal, 6+6 a
40 Ah ! ce n’est pas un don de l’humaine science ! 6+6 b
Des périlleux sentiers si je sors triomphant, 6+6 a
C’est que mon cœur, toujours docile à vos prières, 6+6 b
Laisse en vos douces mains et chérit ses lisières, 6+6 b
O ma Mère ! et qu’enfin je reste votre enfant. 6+6 a
45 Oui, lorsqu’au fond du mal tombe une âme asservie, 6+6 a
Sans retour vers l’honneur quand un homme se perd, 6+6 b
Cherchons à son foyer méprisable, ou désert... 6+6 b
Une mère chrétienne a manqué dans sa vie. 6+6 a
Merci, mon Dieu, merci, vous frappez en aimant ! 6+6 a
50 Vous n’avez à mon âme épargné nulle épreuve, 6+6 b
Vous mélangez de fiel toute onde où je m’abreuve, 6+6 b
Vous m’avez fait un cœur qui saigne à tout moment. 6+6 a
Tout mon être est en soi trouble et tristesse amère ; 6+6 a
Je marche sans espoir et sans force, ô Seigneur ! 6+6 b
55 Mais j’ai reçu de vous bien plus que le bonheur ; 6+6 b
Vous m’avez donné tout en me donnant ma Mère. 6+6 a
Si j’eus, dans l’erreur même, un culte ardent du bien, 6+6 a
Dès que je l’entrevois si le vrai beau m’enflamme, 6+6 b
Poëte, tout mon feu s’est allumé du sien : 6+6 a
60 L’éclat est sur mon front, le brasier dans son âme. 6+6 b
L’humble paix des vertus et des devoirs obscurs 6+6 a
A gardé votre cœur ignorant de lui-même ; 6+6 b
Ange vu dé nous seuls, ce foyer et ces murs 6+6 a
Sont à jamais restés votre horizon suprême. 6+6 b
65 Vos jours pleins de travail, austères, soucieux, 6+6 a
Hors l’amour de nous trois, n’ont jamais vu de fête ; 6+6 b
Mais vous aurez aussi, ma mère, je le veux, 6+6 a
Du soleil et des fleurs autour de votre tête ! 6+6 b
Sur ce lit de douleurs où, le cœur résigné, 6+6 a
70 Vous souffrez vaillamment pour que Dieu nous pardonne. 6+6 b
Avant le prix céleste au martyre assigné, 6+6 a
Mère, je veux aussi vous mettre une couronne. 6+6 b
Voici ma poésie : elle sème, en pleurant, 6+6 a
Ses fleurs sur votre front ceint du bandeau d’épines ; 6+6 b
75 Il ne m’appartient pas ce don que je vous rends : 6+6 a
Éclose en moi, la fleur a chez vous ses racines. 6+6 b
Mais l’instant du soleil pour vous-même est venu ; 6+6 a
Il faut qu’à votre nom j’attache une auréole. 6+6 b
Dieu voudra que ton feu, dans l’ombre contenu, 6+6 a
80 Grande âme de ma mère, éclate en ma parole ! 6+6 b
Peut-être, à mon foyer, de ce culte immortel 6+6 a
Je devais le secret qu’à ces rimes je livre ; 6+6 b
Sans doute, pour le nom que j’inscris sur ce livre, 6+6 b
Mon cœur silencieux est un plus digne autel. 6+6 a
85 J’ai tort de le graver sur quelques feuilles vaines 6+6 a
Qui vont tourbillonner dans l’ouragan humain, 6+6 b
Et que le vent d’oubli doit emporter demain ; 6+6 b
C’est jeter dans les flots le pur sang de mes veines. 6+6 a
C’est que votre pensée est en moi comme un feu ; 6+6 a
90 Je ne puis enchaîner cette âme de ma vie ; 6+6 b
Elle déborde en moi lorsque je chante ou prie, 6+6 b
Et votre nom s’échappe avec celui de Dieu. 6+6 a
Parfois, d’ailleurs, trompé sur ces chants éphémères 6+6 a
Que je dis, tout en pleurs, assise vos genoux, 6+6 b
95 Mon esprit croit trouver l’accord digne de vous, 6+6 b
L’hymne de tous les fils fait pour toutes les mères ! 6+6 a
Ah ! meure, avec le don à mon repos fatal, 6+6 a
Le labeur de ma vie. et mon nom et mon livre, 6+6 b
Si Dieu veut que j’écrive un mot qui puisse vivre 6+6 b
100 Comme l’écho sacré de l’amour filial ! 6+6 a
Si l’homme droit et pur qui lira cette page 6+6 a
Essuie, en la tournant, une larme à ses yeux ; 6+6 b
S’il trouve là son cœur de fils, et s’il sent mieux 6+6 b
Ce qu’il doit à sa mère et l’aime davantage : 6+6 a
105 J’aurai vécu ! ma vie aura porté son fruit ; 6+6 a
Je ne me plaindrai plus de la flamme qui m’use, 6+6 b
Des biens communs à tous que le ciel me refuse ; 6+6 b
Je saurai le secret de mon repos détruit. 6+6 a
Et le monde lui-même à tout poëte hostile, 6+6 a
110 Et Dieu, qui mit pourtant cette fièvre à mon front, 6+6 b
En faveur de ce chant, peut-être m’absoudront 6+6 b
De tout mon sang usé dans une œuvre inutile. 6+6 a
Va donc, ô poésie, et porte-lui mes pleurs ! 6+6 a
Porte-lui tout mon cœur saignant de son martyre. 6+6 b
115 Elle en sait de ce cœur plus que tu n’en peux dire ; 6+6 b
Va, pourtant, lui parler sur son lit de douleurs. 6+6 a
Au miroir de tes vers que son âme se voie 6+6 a
Telle que Dieu l’a faite, avec tous ses trésors ; 6+6 b
Et qu’oubliant le mal qui déchire son corps, 6+6 b
120 Elle doive à son fils un quart d’heure de joie ! 6+6 a
Puis, qu’elle prie et jette au ciel ce cri sacré, 6+6 a
Plus fort, ô Dieu clément, que toutes vos colères, 6+6 b
Ce cri qui rend le ciel obéissant aux mères, 6+6 b
Qui des bras de la mort, malgré vous, m’a tiré, 6+6 a
125 Afin qu’à votre esprit, Seigneur, je sois fidèle, 6+6 a
Que je demeure en lui ferme et pur ici-bas ; 6+6 b
Et pour que je sois digne, après tous nos combats, 6+6 b
D’aller, au sein du Christ, me reposer près d’elle. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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